Après la musique symphonique aux visions psychédélique de l’album L’Odyssée (2018), Fred Pallem & Le Sacre du Tympan changent de sujet avec un nouvel album qui (ra)conte Les Fables de La Fontaine. Si le style musicale reste inchangé, mélange de jazz, BO de films, librairie music, à la sauce J.J. Vannier/M. Colombier/S. Gainsbourg/A. Goraguer et une fois de plus la pochette est signé Elzo Dust (en interview ici : https://paskallarsen.blogspot.com/2020/09/parade-st-lollipop-records.html ), le fait que le chant soit sous la forme du conte donne un nouveau parfum, surtout quand la voix est féminine. C’est ainsi qu’on découvre qu’en plus d’être un musicien aguerri, Fred Pallen est aussi un « amoureux des mots ». Dans la bio, Fred Pallem nous en dit plus sur l’origine de ce projet : « Tout d’abord j’avais envie de composer de la musique autour d’une voix parlée, m’imprégner du rythme des mots et de leurs sons, ressentir le tempo de la diction, puis écrire de la musique à partir de cela. Nous avons donc enregistré les voix en premier et les musiques ensuite (…). Alors j’ai cherché dans les œuvres classiques de la poésie française et La Fontaine m’est apparu comme une évidence. Je me suis retrouvé avec des milliers de chefs d’œuvre d’écriture à disposition. Un premier choix a été effectué, puis les conteurs et conteuses ont fait des suggestions. Pour gagner en fluidité, simplicité et sérénité, j’ai travaillé avec des ami(e)s et des connaissances que j’apprécie depuis longtemps. »
Hasard de l’actualité, il y a 3 semaines, j’ai acheté l’album Marie Mathématique composé et interprété par Serge Gainsbourg. Ce 33t (qui n’existe qu’en version pirate) est la BO d’une minisérie de 6 épisodes de 5 minutes, mi en image animé par Jean-Claude Forest (Barbarella), qui est passée dans l’émission TV Dim Dam Dom entre 1965 et 1966. La voix parlée de Serge Gainsbourg m’évoque un peu Les Fables de la Fontaine revu (mais pas corrigé) par Fred Pallem et sa bande. Le Piccolo, Saxo et Compagnie d'André Popp est aussi dans l'esprit du disque. Parmi les 240 fables publiées par Jean de La Fontaine entre 1668 et 1994, notre nouveau conteur -par procuration- avec ses musiciens et interprètes ont choisi 14 fables, dont Le Héron, Le Loup et l’Agneau, L’Enfant et le Maitre d’Ecole, La Grenouille qui se veut faire aussi grosse que le Bœuf, Les Deux Mulets, Le Rat des Villes. Pour nous raconter les fables sélectionnés, il y a : Dom Farkas, Nicole Ferroni, Thomas De Pourquery, Rebecca Manzoni, Lucien Jean-Baptiste, Marcel Kanche, Barbara Carlotti, Arnaud Aymard, Elise Caron, Erico Vanzetta, Thomas Scimeca, Sandra Nkake et Guillaume Mendelson, soit un interprète différent par fable. En 2017, Fred Pallem & Le Sacre du Tympan avait déjà composé l’album Cartoons, où l’on trouvait réuni ensemble, Spiderman, Inspecteur Gadget, Scooby Doo, Goldorak, The Simpsons, soit des personnages liés à l’enfance, tout comme Les Fables de La Fontaine, qui vont au fil du temps nous suivre et nous faire réfléchir. Sur l’album L’Odyssée, il y avait vingtaine de musiciens, pour les fables, la formation du Tympan est en formule réduite : Vincent Taeger (batterie, percussions), Ludovic Bruni (guitare), Thomas De Pourquery (Saxophone), Rémi Sciuto (flûte) et aux synthétiseurs et à la basse Fred Pallem.
Pour clore cette chronique, les textes des fables (libres de droits) sont retranscrits dans le livret (CD) ou l’insert (vinyle). J’en profite pour vous donner la conclusion, la morale de la fable La grenouille qui veut se faire aussi grosse que le Bœuf : « On est bien comme on est, il faut prendre confiance en soi et rester soi-même car nous sommes tous différents. Il faut profiter de la vie et pas passer son temps à essayer de ressembler à une personne qu'on ne pourra jamais être; que chacun a sa personnalité. Il faut simplement être soi-même. »
Photo © Sylvain Gripoix
https://fredpallemlesacredutympan.bandcamp.com/album/racontent-les-fables-de-la-fontaine
https://www.facebook.com/FredPallemLeSacreDuTympan/
Je profite de la sortie de ce nouvel album pour sortir de mes archives une interview de Fred Pallem que j’avais réalisé en septembre 2015 pour le fanzine Abus Dangereux, parue dans la face 137 de janvier 2016. L’interview a été également mise en ligne sur foutraque.com
Photo © Sylvain Gripoix
Fred Pallem est multi instrumentiste,
compositeur, arrangeur et chef d’orchestre. Avec Le Sacre du Tympan, il
réalise depuis 1998 des musiques "hommage" pour des BO de films
imaginaires qui n’ont pas besoin de projections pour vous faire voyager dans de
belles histoires. A l’occasion de la sortie du cinquième album consacré à François
de Roubaix, petite discussion avec le maestro Pallem.
Pour quelqu’un qui ne vous connait pas, comment présenteriez-vous le projet
"Fred Pallem & Le Sacre du Tympan"?
Le Sacre du Tympan est mon terrain de jeu, mon auberge espagnole, un
territoire forcément très vaste, sans frontière, et toujours avec beaucoup de
musiciens. J’y festoie tout au long de l’année avec différents invités, autour
de mets divers et variés qui me tiennent à cœur. Des programmes avec mes
compositions originales et d’autres avec des thématiques centrées sur des
compositeurs (d’André Popp à Neil Young ou François de Roubaix).
Le "Sacre" c’est mon projet de musique orchestrale, où j’aime
partager mes idées, mes amours musicales. Ce que j’adore c’est mettre du
"savant" dans le "populaire" et vice-versa.
Quel est votre parcours musical ?
Je suis rentré au CNSM de Paris en 1996, sans savoir que c’était le haut du
panier de l’enseignement musical en France. J’ai obtenu mon prix de classe de
jazz en juin 2000, et le premier prix de composition et d’orchestre au concours
International de Jazz de la Défense le même jour. Grosse journée. Avant ça
j’étais autodidacte complet, sauf deux ans de Fac de musicologie (ou tu
découvres que tu es complètement livré à toi-même) avant mon entrée au grand
conservatoire. Auparavant, je bossais dans ma chambre, solfège, harmonie, guitare
et basse, et multipliais les groupes, tous styles confondus. Mon parcours
initial me destinait plutôt aux arts graphiques. J’ai fait l’école Boulle, ma
mère bossait dans la mode, mon oncle est designer. C’était un peu tout tracé.
J’ai voulu prendre un virage à 180 degrés. J’étais un peu le seul à y croire
d’ailleurs.
Présenter nous les musiciens du Sacre du Tympan.
Depuis 1998, date du premier enregistrement au CNSM, la formation a beaucoup
évolué. Le Sacre c’est une sorte de famille de musiciens. Et la famille,
ça évolue, ça s’éparpille. Certains se barrent, d’autres reviennent. Les plus
anciens sont Rémi Sciuto et Vincent Taeger avec qui je jouais en
trio avant le Sacre. C’est un peu le noyau dur. Puis les fidèles, Frédéric
Gastard, Ludovic Bruni, Daniel Zimmermann, Vincent Taurelle, Fabrice Martinez,
Lionel Segui, Frédéric Couderc. Il y a eu les rencontres comme Christophe
Monniot ou Médéric Collignon, qui naturellement se sont envolés vers
leurs carrières solos, puis les nouvelles recrues comme Guillaume Magne,
Emiliano Turi, Joce Mienniel, Guillaume Lantonnet, Abraham Mansfaroll.
J’apprends beaucoup à leurs côtés, que ce soit en concert ou en studio, c’est
une chance pour moi, j’ai un peu l’impression de bosser avec des super-héros
Marvel.
L’Odyssée du Sacre Du Tympan © Sylvain Gripoix
Dans votre
discographie, chaque album comporte une couleur musicale particulière. Comment
abordez-vous la construction d’un nouvel album? C’est le hasard des rencontres
qui vous entraine vers un style ?
Un nouvel album c’est un instantané sur ma vie, mon humeur du moment. La
construction d’un album est pour moi très classique : soit je pars d’un concept
et j’écris les titres en fonction, soit je compile mes compositions les plus
récentes pour faire un album. Idéalement il faudrait un album tous les six mois
pour avoir une vue très précise de l’évolution du Sacre.
Malheureusement, vivant dans une époque où la musique n’a plus aucune valeur
commerciale, et reste toujours aussi chère à fabriquer (surtout en grand
orchestre), c’est impossible. Je fais donc des albums à mon rythme, n’ayant
aucune contrainte de planning. Je n’aime pas faire deux fois la même chose,
donc, chaque album est différent. Le premier est très centré sur les cuivres,
le second est très fifties, le troisième c’est de la pop, le quatrième s’est construit
autour de la rythmique et les synthés. A chaque fois la forme est différente,
mais le fond reste le même, à savoir, provoquer des images dans l’esprit de
l’auditeur, pour qu’il se fasse son film. Je fais rarement de la musique
complètement abstraite. J’aime laisser des pistes d’accroche, des directions
d’écoute. Après chacun se construit son histoire.
Chaque disque est un hommage aux musiques du passé (easy, soul
70/blaxploitation, jazz...). On sent chez vous l’attrait envers les musiques de
films. Parlez-nous de votre appétit pour ce style musical.
J’ai toujours aimé la B.O. et la chanson. Ce sont les premiers styles musicaux
auxquels j’ai été confronté enfant, via François de Roubaix, Isaac Hayes et
Nino Rota, et pour la chanson, Gainsbourg, Eddy Mitchell, Ferré.
Pour moi, c’est un style à part entière, contrairement à ce qu’en pensent
certains. J’aime l’aspect romanesque des musiques de films, le côté planant,
qui transporte dans une autre dimension. Des éléments que j’ai retrouvés chez Tangerine
Dream et Pink Floyd plus tard. Mais pour moi une bonne musique de
film doit fonctionner sans l’image. Et une fois superposée à l’image, elle
apporte une sorte de quatrième dimension.
Votre nouvel album est
un hommage à François de Roubaix (NDLR:
Pour rappelle l'interview est réalisée en 2015). Depuis l'enfance, vous
aimez ce compositeur. Racontez-nous de la mise en place de ce disque face à la
pression intérieure pour ne pas décevoir votre « idole/mentor » ?
Très sincèrement, je n’ai aucun mentor. On est souvent très déçu lorsque l’on
rencontre ses idoles. Le seul modèle, auquel je me réfère souvent dans sa façon
de concevoir la musique et la vie qui va autour, est mon ami André Popp
qui nous a quittés l’an dernier. C’était un peu mon troisième grand-père. Quand
je conçois un album, je dois avant tout ne pas décevoir les musiciens qui
participent au projet. Le tracklisting de "François de Roubaix" a été
conçu dans cet esprit. Nous n’avons pas cherché à élaborer un best of, mais
plutôt un terrain de jeu où l’on se sent bien pour improviser, groover et
surtout apporter un nouvel éclairage. Ce set a été créé en 2008, suite à une
commande de Jazz à la Villette.
L’année 2015 correspond aux quarante ans de la disparition du génial
compositeur. C’était le moment de
sortir le disque.
Comment s’est passé la réalisation de ce disque, le choix des titres dans un
catalogue aussi vaste ? Parlez-nous du medley de L’Homme Orchestre ?
Le disque a été enregistré en trois jours, comme un disque de jazz. Contraintes
économiques obligent. Le répertoire avait été rodé de nombreuses fois
auparavant sur scène. Les titres ont été choisis en fonction de ce que l’on
arrive à en faire en concert à savoir "qu’est ce que l’on peut apporter de
plus ?". Pour l’Homme Orchestre, difficile de choisir un passage
tellement la partition du film est riche. Seule solution pour moi, le medley,
avec quelques overdubs de cuivres et un solo d’ocarina ébouriffant de Rémi
Sciuto.
Dans l’album il y a de nombreux chanteurs (Barbara Carlotti, Alice Lewis,
Philippe Katerine, Juliette Paquereau). Comment c’est passé le choix, à la fois
pour le titre et l’interprète ?
J’ai choisi des gens que je fréquente, que j’apprécie, et avec qui je savais
par avance qu’il n’y aurait aucun problème. Tout s’est déroulé avec une grande
fluidité.
Quand en live vous jouez un titre tel que La Scoumoune, quel est votre état d’esprit ? Le « fantôme »
François de Roubaix ne vous fait pas trop de pression ?
Lors de la première en 2008, le fantôme de François de Roubaix était
très présent. Normal pour une première en même temps. Maintenant non. On est là
pour s’amuser un maximum avec sa musique, la faire partager. Voilà l’essentiel.
Que représente pour vous François de Roubaix ? Votre première rencontre avec
sa musique, les films. Le générique de Chapi
Chapo est t-il le point de départ ?
Cela va vous paraître banal, mais, François de Roubaix pour moi c’est
l’invitation au voyage, la liberté. Sa musique est aussi très ludique, proche
de l’enfance. Elle m’est parvenue très jeune grâce aux cassettes que mon père
avait dans la voiture. On écoutait ces musiques quand on partait en vacances : La
Scoumoune (que je me fredonnais dans mon lit pour repousser les mauvais
rêves), Où est passé Tom, Jeff, Les Amis... J’adorais Chapi Chapo
étant gosse mais je ne savais pas que c’était du De Roubaix. Le fait que
ce soit un grand blond, beau gosse, vivant rue de Courcelles (à Paris) avec ses
synthés vintage, m’est complètement passé à côté contrairement à d’autres qui
parfois s’identifient au personnage charismatique, car je n’avais pas les
pochettes des albums ! Ce n’est que très longtemps après que j’ai découvert que
nous avions quelques passions communes, à savoir : la Corse et la plongée sous
marine.
Pochette du 45t éditée en 1974 par Philips
Qu’elle a été la première musique de film que vous avez achetée ?
J’empruntais beaucoup de disques à mon parrain quand j’avais douze ou treize ans. Les premières musiques de films qui m’ont scotché furent Shaft d’Isaac Hayes et Casanova de Nino Rota. Je m’étais fait une cassette, elle est longtemps restée une des favorites de mon walkman. Mon père avait fait une copie cassette des meilleures musiques de films de François de Roubaix chez Barclay en trois volumes, que je lui ai souvent empruntée. Après j’ai eu une grosse période Floyd vers treize/quatorze ans avec les B.O. de More et Obscured By Clouds, puis celle de Thief de Tangerine Dream.
Vous êtes également un groupe de scène. Parlez-nous de votre rapport à la
scène pour mettre en place vos musiques « hommages » de vos ciné-concerts ?
Dans l’avenir, quel film aimeriez-vous illustrer ?
Comme pour le « de Roubaix », chaque programme que je construis est MON best
of. Il n’y a pas forcément les grands tubes. Il faut que les titres aillent
bien aux musiciens, qu’ils se sentent bien dedans comme dans un nouveau costume
sur mesure. Le set doit être homogène. J’aime bien faire partager des raretés
aussi. C’est une des vocations de l’orchestre de faire découvrir d’autres
musiques, d’autres compositeurs que moi-même, un peu comme un orchestre
symphonique, qui tout au long des saisons joue Mozart puis passe à Ligeti.
A l’avenir je vais me consacrer à mes compositions personnelles. Nous ne
faisons pas de ciné concert, même si c’est très à la mode en effet, mais cela
m’intéresse. J’ai un projet dans ce sens autour de Russ Meyer, mais ce
n’est pas pour tout de suite.
L’Odyssée en live © Sylvain Gripoix
Dans quelles salles (pour le lieu et l’acoustique) aimeriez-vous jouer avec
votre orchestre ?
Toutes les salles me conviennent ! Ceci dit, j’aimerais beaucoup rejouer au
Festival de Jazz de Montréal.
Dans le style orchestre, grand concert, qui avez-vous vu comme artistes ? Et
que vous ont procurés ces moments live ?
Mon dernier choc orchestral est le Philharmonique de Berlin qui joue les «
cartes postales » d’Alban Berg. A chialer de beauté. Je n’ai pas trop le
temps d’aller aux concerts le reste du temps, enfin beaucoup moins qu’avant. Je
suis membre fondateur de l’association Grands Formats qui depuis vingt
ans prône la musique en grand orchestre. Dès que j’ai du temps je cours écouter
les collègues en priorité. C’est toujours très formateur.
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