Déjà en bac le 5ème volet de la série Thesaurus, compilations pour défricher l’obscur/invisible en ce qui concerne l’underground rock made in France, des années 60 aux années 80. Chaque volume a son thème, pour ne pas que cela soit le bazar dans le choix des styles réunis dans les compilations. Première surprise avec ce volume 5, c'est la pochette, (réalisée cette fois-ci par Claude Picard, le boss passionné du label Cameleon Records, prêt à vendre/échanger père et mère pour dénicher une K7 unique oubliée dans le fond d’un tiroir et jamais publiée, même à 20/50 exemplaires et diffusé de la main à la main), qui tranche avec les visuels graphiques des 3 dernières compiles, la première (chronique ci-dessous) étant encore dans un autre style graphique. Ainsi pour présenter les 25 titres inédits des groupes punk, rock et cold français époque 1978-1986 (soit 8 années de rage et de décibels en mode DIY), on voit un jeune punk coller des affiches pour surement annoncer le concert de son groupe (en fait un des membres de Regal Zone en 1983, et on peut deviner que l’affiche au sol est celle de R.E.M.…).
Une fois de plus la sélection de Claude Picard est très pointue. A moins d’avoir lu tous les fanzines français de l’époque 78-86 (c’est encore possible à la Fanzinothèque de Poitiers et au Fanzinarium de Paris), ou d’avoir été pote et fait partie de la famille d’un des musiciens du groupe, il est à mon avis impossible de connaitre ces groupes. Et justement si Impossible… pas français (titre d’un film ridicule de Robert Lamoureux avec les acteurs Pierre Mondy, Jean Lefèvre, Pierre Tornade, Jacques Marin, Bernard Lavalette), « impossible » est un mot que Claude Picard ne connais pas dans la langue française. Et c’est tant mieux, car cela lui ouvre toute les portes pour nous trouver du lourd, de l’insolite et toujours du bon. Attention, ici il n’y a pas le petit groupe amateur qui sort ses instruments une fois dans l’année pour jouer dans un coin de rue et célébrer la Fête de la Musique. Non ici ce sont des groupes qui veulent en découdre avec la scène, si possible sortir une K7 ou un 45t. Les musiciens assument leurs looks, quitte à choquer le prof de math et de musique. A ce sujet je ne connais aucun groupe de rock qui utilise la flûte à bec. Mais à quoi servent les cours de musique ? A part faire des avions en papier et siffler "Le petit pont de bois" d'Yves Duteil. Bref, on est bien loin de notre époque où on veut imposer un dress code vestimentaire et républicain (?) aux jeunes filles génération tik-tok.
Alors au sommaire de cette double compilation vinyle remplie jusqu’à plus soif (tout liquide est autorisé, mais s’il vous plait, ne buvez pas cette bière immonde qu’est la 8°6 !), il y a Ravachol de Metz (punk rock un peu arty, avec une touche Dogs), Cockpit (rock garage en son mono qui sent l’humidité de la cave) avec des ex-Ravachol, Regal (novo arty, new wave, post punk à la Devo) et Surprise (new wave, post punk) de Lille qui ont des musiciens en communs, Strideur de la Côte d’Azur (rock d’ici de qualité), Tiers-Etat d’Orléans (le rock d’ici comme on l’aime = un son et une voix qui n’appartient qu’à notre culture), Alain Kan & Gasoline (qu’on ne présente plus, ce ne serait pas convenable), Les Acteurs de Paris (Cold Wave), Cérémonies de Rosny/Montreuil (rock gothique énervé qui parlent des Bouchers de Verdun), Clean Wisitors de Mulhouse et Strasbourg (novo zique sur les trace d’Alan Vega), Regal Zone de Paris (new/cold wave synth), Electrobus de Roanne (tout est dans le titre : Punk), Seaton de Marseille (cold wave), Nagaika Djinns de Paris avec des ex-Panoramas et Vox Dei (Post Punk, gothique) et justement Vox Dei, toujours de Paris (le titre Mutant Industrie n’est pas assez explicite pour deviner leur style ?, pour vous aider, ce n’est pas du reggae, ni du rockab). A noter que certains groupes ont plusieurs morceaux sur la compile. Pour plus de détails, lire les infos sur la pochette intérieure écrites sur chaque groupe par le taulier maison.
Bon, de par les sources diverses, le son n’est pas toujours au rendez-vous, mais attention rien de catastrophique, c’est de l’authentique qui a traversé le temps comme par magie, et surtout sans trop de bobos auditifs, à savoir un style qui a mal vieilli. Ici il n’en est rien, on a échappé au punk rock bourrin et à la new wave synthétique pouet pouet qui vit mal l’usure du temps à cause des synthétiseurs de l'époque devenue trop cheap.
Bref une fois de plus, saluons le travail de passionné de Claude Picard, qui fait un énorme boulot de mémoire pour réévaluer le rock en France (en non pas le « rock français », terme qui a toujours fait rire les groupes anglais) qui n’a pas toujours eu bonne presse. A ce titre il mériterait une médaille du mérite, sous la forme d’un vélo de rechange, car le boss aime beaucoup le cyclisme !
https://cameleonrecords.bandcamp.com/album/thesaurus-vol-5
A lire ici l’interview de Claude Picard, le boss du label Cameleon Records :
https://paskallarsen.blogspot.com/2020/07/cameleon-records-un-label-de-reedition.html
Je profite de la chronique du volume 5, pour ressortir de mes archives, ma chronique du volume 1 que j’avais publié dans Abus Dangereux et foutraque.com en avril 2017.
Attention la PERLE DU MOIS ! Avec en sous-titre «
Rares enregistrements de groupes français de 1964 à 1968 sur le label D.M.F. »,
ce Volume 1 (Cameleon Records) est une petite merveille qui va rejoindre
nos compiles Wizzz (Born Bad), Ils sont Fous Ces Gaulois (Disques
Ronnie), Swinging Mademoiselle (Sasha Monett Records), Gentlemen de
Paris (Anthology’s) et Got The Go !!! (La Classe Internationnale).
D.M.F. (Disque Microsillon Français) était un label de disques basé à Elbeuf en
Normandie, qui a été créé en 1963 par trois gérants et dix actionnaires. De
1963 à 1968, le label a édité 250 références qui vont de la publicité à la
poésie, leçons de gymnastiques et surtout des nouveaux groupes, dont des
groupes de rock. C’est parmi les groupes de rock que le label Cameleon
Records a choisi 28 morceaux, réunis sur ce double album vinyle. Sur ces 4
faces, on ne trouve que des petits trésors qui ont pour noms : Les Shazams,
Les Vikings, The Spirits, The Moody Stones, Les Fraises des Bois, The Bin’s,
Les Guitares Magiques et d’autres groupes magiques qui viennent de la
Normandie, d’Alsace, du Nord-Pas-De-Calais. Ces jeunes groupes qui n’ont existé
que le temps d’un ou deux 45t (édité à 500 exemplaires), jouent du pur rock
garage, yé-yé, twist, surf, beat du meilleur effet. Les titres des chansons,
c’est tout un programme : Brigitte, Oh Dis Eddy, Crazy Boys, Play With Fire,
Fou de Toi, Gin 4… Malgré ces bons morceaux (parfois des réadaptations de
tubes anglais), D.M.F. n’a pas obtenu de succès, pas suffisamment de ventes,
sera mis en liquidation judiciaire et arrêtera ses activités en 1968. Cette
belle compilation O.V.N.I. est la 47ème référence de Cameleon Records,
un label parisien spécialisé (comme le label espagnol Wah-Wah Records)
dans les rééditions de disques introuvables. Du punk au rock garage en passant
par le hard et la new wave, le Cameleon réédite de l’obscur de 300 à 500
exemplaires, histoire de redonner une seconde chance à ces groupes oubliés (Les
Lords, Teenage Head, Painhead, Gazoline, Ted Destroyer…). Enfin à noter la
très belle pochette pop avec à l’intérieur une petite présentation des groupes.
Bref du beau travail digne « des compagnons du devoir ».
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