samedi 31 octobre 2020

IKE YARD "A Fact A Second" (Superior Viaduct) – Mai 2020


Au mois de mai dernier, le label américain Superior Viaduct a réédité le premier album du groupe Ike Yard sorti initialement en 1982. Autant dire que la première édition n’est pas à un prix convenable. En 2012 le label parisien Desire Records (label dirigé par Jérôme Mestre, ex vendeur à Danceteria et Rough Trade Paris), avait déjà réédité cet album culte, du moins pour l’amateur de musique post punk et indus, esprit Cabaret Voltaire, Suicide et Swans.

A l’occasion de cette réédition, j’avais écrit une chronique de l’album pour le fanzine Abus Dangereux. Voici ce que j’en disais en septembre 2012 :

"Desire est un label parisien spécialisé dans les groupes aux sonorités cold « dark » et post punk. Ce label est dirigé par Jérôme Mestre ex disquaire « les bons tuyaux » (avec Stéphane) chez Danceteria puis chez Rough Trade Paris. J’en profite pour remercier Jérome et Stéphane de toutes les bonnes nouveautés qu’ils m’ont fait découvrir à l’époque (les années 90’s), notamment en noise, grunge et shoegaze.
Entre les rééditions et les nouveautés, Desire édite des beaux disques vinyles à tirage limité. Dans le catalogue de Desire on trouve entre autre, Projet : Komakino, GHXST, Crossover.
Parmi les rééditions, Desire a eu l’heureuse idée de se pencher sur le 1er album des new-yorkais de Ike yard, qui avait sorti l’album A Fact A Second en 1982 sur le label Factory US. Quand on est fan de DAF, Cabaret Voltaire, Suicide et de Joy Division, ce disque est une petite merveille à écouter. Le son est froid, répétitif et minimal, le tout sur un rythme dub. On s’imagine à l’automne en pleine grisaille dans une ville industrielle, quelque part entre Detroit, Manchester, Berlin, Le Havre et Sheffield. Le gris du plastique vinyle colle bien à l’atmosphère de la musique de Ike Yard. Le son d’A Fact A Second sonne comme un manifeste Dada. On dit pour Ike Yard : « J’écoute et je suis Ike Yard ». Avec le retour du son cold des années 80 avec en tête de peloton, KVB et Soft Moon, la musique cold de Ike Yard n’a jamais été aussi moderne qu’aujourd’hui. Au final ne vous fiez pas au jaune pastel de la pochette, ici la couleur est grise, noire et blanche."


Et ci-dessous ma chronique de l’album Nord sorti en septembre 2010 sur le label Desire. Je l'avais publié dans Abus Dangereux et sur foutraque.com

Entre 1979 et 1983 le groupe Ike Yard a fait partie de la scène expérimentale indus/noise/no-wave New-Yorkaise. Beaucoup de concerts performances, mais une discographie toute riquiqui. En 1981, un EP sur le label belge Les Disques du Crépuscule (qui serons aussi la branche belge du célèbre label mancunien Factory Records), en 1982 un album A Fact A Second (FA2) sur la branche américaine de Factory Records et en 2006 (soit 23 ans après le split du groupe) une compilation de morceaux composés entre 1980 et 1982. Après la séparation du groupe, le membre fondateur Stuart Argabright part vivre à Berlin où il va jouer avec les groupes Malaria !, DAF et Liaisons Dangereuses. Soit 3 groupes allemands post punk indus majeurs. 26 ans plus tard, reformation de Ike Yard avec 3 des 4 membres originaux et « enfin » un deuxième album du nom de Nord. Influencé par les voyages en Europe et au Japon, cet album est une petite merveille sonore. Beaucoup d’ambiances à l’image cinématographique viennent percuter notre mental. Tel un carnet de voyages soniques où viennent se mélanger, se greffer des mondes étranges, comme peuplés de fantômes (Citiessglit) ou de machines métalliques (Robot Steppes). Les voix (parfois proches de celle de Marc Almond) ont un côté mélancolique, (la fin du voyage ?) et la musique, mélange d’électronique et d’indus fait penser à Coil, Cabaret Voltaire et Biosphère. On n’est pas dans le speed de l’after punk ni dans le rythme glacial de la cold-wave, mais bien dans l’électronique ambiant peuplé de mondes et d’images à la fois obscures et lumineuses. Si vous êtes amateurs des musiques indus, vous allez trouver la lumière dans ce paysage nordique. Par contre espérons qu’il ne faudra pas attendre encore 26 ans pour entendre le 3ème album, car sinon d’ici là on sera peut-être sourd !

Nota 2020 : En 2018, le groupe a sorti un 3ème album nommé Rejoy.

https://www.facebook.com/superiorviaduct/

https://www.superiorviaduct.com/collections/catalogue/products/ike-yard-s-t-lp





LAIBACH "Bremenmarch Live at Schlachthof 12.10.1987" (MIG-Music/Radio B) – 18 septembre 2020


C’est rare qu’un groupe de rock sorte officiellement un album live (c’est plutôt du domaine du bootleg), de plus pour un concert qui date de plus de 30 ans. C’est pourtant ce que vient de faire le groupe Laibach, avec la publication du disque vinyle (avec en bonus le CD), d’un concert à Brême daté du 12 octobre 1987. L’explication de cette sortie est racontée au dos du vinyle. Voici en partie la traduction : « L’enregistrement actuel du concert de Laibach à Brême le 12 octobre 1987 doit être placé dans un contexte plus large afin de comprendre l’importance de ce document historique. 1987 a été l’une des années les plus intenses pour Laibach dans la première décennie de son existence. Cette année-là, après une interdiction de près de cinq ans en Yougoslavie – pendant laquelle elle devait opérer illégalement – le groupe a été légalisé à nouveau, et en février, ils ont d’abord donné un « concert de retour » à guichets fermés à Ljubljana, et peu après ont fait une tournée européenne avec 40 concerts, dont un concert à Brême dans la seconde moitié de la tournée. »

La tournée européenne d’où est extrait ce concert, couvre la sortie de l’album Opus Dei, avec la célèbre reprise Life Is Life d’Opus. Soit la belle époque martiale et indus de Laibach, qu’on retrouve bien illustré sur la pochette et surtout avec la musique. Depuis quelques années, la musique de Laibach est moins industrielle. Elle frôle même par instant le kitsch du concours de l'Eurovision, du moins avec l'apport de la voix féminine. En 1987, la voix était exclusivement grave et masculine et les rythmes étaient proche de la marche militaire en rang serré. Par contre ce qui n'a pas changé, est le soin du groupe pour les représentations live, qui sont toujours intenses, très visuels, proche de la performance et du spectacle vivant.

Au début de ma chronique je signale qu’il est rare pour un groupe d’éditer un live dans sa discographie, mais pour Laibach, cela c’est déjà produit de nombreuses fois, avec Through The Occupied Netherlands, M.B. December 21, 1984, The Occupied Europe Tour 1985, Occupied Europe Nato Tour 1994-95 et dans le luxueux coffret Geramtkunstwerk Dokument 81-86.

Quand on dit enregistrement d’un concert, on a toujours peur du résultat final gravé sur le support. Avec Laibach, habitué à l’exercice, vu le nombre de live qu’ils ont publiés, on peut dire que le rendu sonore de ce concert est une réussite. Pas de souffle, pas de baisse de son, il y a eu un bon travail de restauration pour retrouver l’intensité des concerts de cette période du groupe. Le vinyle contient 9 morceaux et le CD 14 morceaux. Bref un live indispensable pour les fans du groupe, notamment dans l’attente d’un nouvel album, le précédent The Sound Of Music date de 2018.

http://www.laibach.org/

https://www.facebook.com/laibachwtcshop/

https://www.discogs.com/fr/Laibach-Bremenmarsch-Live-At-Schlachthof-12101987/release/15949453




 

Je profite de cette sortie, pour republier ma chronique du précédent album Sound Of Music sortie le 23 novembre 2018.


Depuis le début de sa carrière en 1980, le groupe indus Laibach a la particularité de reprendre à son compte des thèmes et tubes de la culture pop. Ainsi après Live is Life (Opus) en 1987, Let It Be (The Beatles), Sympathy For The Devil (The Rolling Stones) en 1988, Macbeth (Shakespeare) en 1990, Final Countdown (Europe) et Alle Gegen Alle (DAF) en 1994, les hymnes nationaux sur Volk en 2006, pour clore l’année 2018, Laibach propose une relecture personnelle de la comédie musicale américaine The Sound Of Music (La mélodie du Bonheur en France). Lors de leur tournée en 2015, Laibach a joué à deux reprises l’album en Corée du Nord. La pochette du vinyle et le livret du CD donne un aperçu graphique de l’influence de la Corée du Nord pour ce projet atypique qui a fait son buzz en 2015. Si dans le mix: son électro dark indus de Laibach mélangé au kitsch de The Sound Of Music, il y a en commun les longs chants de pâturages (l’histoire se passe en Autriche et Laibach vient de la Slovénie, pays voisin), la réappropriation de la musique de film "désuet" et "familiale" est assez étonnant. Mais venant de la part de ce groupe hors norme qui aime un peu la provoc, ce n’est pas étonnant. Si l’album risque de dérouter les fans de la comédie musicale, par contre du coté fans de Laibach, pas de détachement. On retrouve bien le style indus sombre et flamboyant, notamment grâce à la voix grave de Milan Fras, avec malgré tout une touche de kitch dans les voix des invités, mais ce style qui frôle l’esprit de l’Eurovision et la variété fait depuis ces dernières années partie du son Laibach. Bref grandeur, lyrisme et martialité sont au programme de The Sound Of Music version Laibach en visite en Corée du Nord. Esprit trop sérieux, s’abstenir !