mercredi 5 mai 2021

"BELLEVILLE 1965" de Patrick Marsaud (Editions Michel Lagarde/Les Belles Lettres) – 6 mai 2021


« En 1965, un peu plus de cent années s’étaient écoulées depuis le rattachement de Belleville à Paris. Pressentant peut-être les bouleversements à venir, c’est cette année-là qu’un bellevillois a voulu prendre quelques photos de son quartier. Dessinateur industriel, il habitait au 31 du boulevard de la Villette. Sa femme était relieuse dans une imprimerie au numéro 56. Leur fils venait de naître. Sans doute pour marquer l’évènement, Jean-Baptiste de Baudouin (c’est le nom du photographe) fit l’acquisition de plusieurs pellicules couleurs. À l’exception de quelques photos de Henri Guérard ou de Willy Ronis, les clichés de Belleville en couleurs étaient extrêmement rares à cette époque. C’est ainsi que Jean-Baptiste de Baudouin, au gré de ses promenades entre Belleville et République, put saisir les premiers immeubles que l’on murait, les ruelles qui allaient disparaitre, et une vie de quartier qui touchait à sa fin. » (Patrick Marsaud)


C’est avec cette introduction que l’auteur et agent immobilier Patrick Marsaud présente ce livre de photos, auquel il a écrit l’introduction et les légendes. Patrick Marsaud est amateur de l’histoire de Paris, et plus particulièrement de Paris via la photographie. Tous les dimanches il met en ligne sur Facebook un document lié à la vie de quartier à Paris à travers le temps. Il rencontre fin 2020, l’éditeur Michel Lagarde autour de la découverte d’une collection de photos prises en 1965 à Belleville par le photographe amateur Jean-Baptiste de Baudouin (1932-2003), dessinateur industriel de métier. Belleville 1965 est un recueil de ses photos couleurs.


L’attrait de ce livre est évidemment le témoignage d’une époque avec l’urbanisme des grandes villes et la classe populaire qui n’a pas le choix que d’aller vivre en banlieue car le logement est neuf et moins cher. Ce qui rend ce livre attachant, c’est la proximité avec le regard du photographe amateur. Ici la photo n’est pas spécialement bien cadrer, plusieurs clichés sont limite « quelconque » et non pas artistique. Pas de jeu d’ombre, jeu de lumière, de poses et situations insolites ou romantique. Non juste le quotidien des rues passantes ou pas, des ruelles sombres (qui ont depuis été rasés), des vendeurs de quatre saisons, les embouteillages, des cinémas de quartiers avec à l’affiche les films Mata Hari Agent H21 de Jean-Louis Richard (1964) au Palais des Glaces, Le Mystère du Temple Hindou de Mario Camerini (1963) au Ciné Bellevue, Pas de Laurier pour les Tueurs de Mark Robson (1963) et L’Affaire du Cheval sans tête de Don Chaffey (1963) au Folies Belleville, ancien café-concert et music-hall qui a vu chanter Édith Piaf, Maurice Chevalier, Charles Aznavour, Line Renaud, Gilbert Bécaud. Après le music-hall, les Folies Belleville organisent des matchs de boxe et en 1949 jusqu’à 1975, ce sera une salle de cinéma de 980 places.


 

La patine des photos prise en pellicules couleurs donne un grain vintage, digne des films français de cette époque entre la nouvelle vague et le tandem Georges Lautner/Michel Audiard sans oublier Le Ballon Rouge d'Albert Lamorisse (1956). Les rues sont en pavés, de nombreux immeubles sont murés, il y a des espaces en friches, les enfants jouent dans la rue, car les appartements sont trop petits. Ce Belleville de 1965 (soit il y a 56 ans) n’a pas complètement disparue. Il reste quelques bouts de rues en pavés, il y a toujours des petits commerces et bars de quartiers, quelques bâtiments qui tiennent debout comme par magie, d’autres murés, par contre il n’y a plus de cinémas. Le dernier, nommé Le Berry est devenue Le Berry Zèbre, soit la plus petite piste de cirque de Paris, qui s’est ouvert au cabaret burlesque. Coté salle de spectacles, il ne reste juste que La Java, ancien dancing créé en 1923 qui a vu passer dans ses murs Django Reinhardt, Jean Gabin, Fréhel, Édith Piaf et Maurice Chevalier, et devenue depuis une quinzaine d’années un club de musique latino, puis électro.


Pas besoin d’être parisien pour apprécier ce livre. Les photos parlent d’elle-même, elles sont universelles, et comme dans l’art brut, la passion du geste, de l’autodidacte est souvent plus touchante, avec une forme d’innocence, que celui de l’intellectuelle, celui qui a appris le métier. En photographie, seul le regard compte, pas les artifices, n'y la technique.

 

Format : 16x20 cm, 112 pages couverture cartonnée avec jaquette 

Prix éditeur : 20 euros


http://www.michellagarde.fr/livre/3340/belleville-1965.html

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