dimanche 13 mars 2022

MARK FRY "Dreaming With Alice" (Now-Again Reserve Records) – Avril 2021

Au mois d’avril 2021, le label américain Now-Again Records a réédité l’album Dreaming With Alice de l’anglais Mark Fry sorti initialement en 1972 sur IT, l’antenne RCA en Italie. Dans le paysage bucolique de la musique acid folk, l’album Dreaming With Alice a été pendant très longtemps, du moins pendant 30 ans, un album mystère, un Graal impossible à posséder, car l’édition de 1972 était depuis bien longtemps épuisée. Il a fallu attendre 2000 pour qu’un label le réédite. Depuis, Dreaming With Alice est régulièrement réédité sur divers labels jusqu’à celui de 2021, avec en prime six morceaux bonus. 

Pour tous les amateurs et groupes (Current 93, Nurse With Wound) du style acid folk, l’album Dreaming With Alice est le genre de trésor qu’on ne dévoile qu’à ses très bons amis et proches qui partagent notre vie intime ou autre. Déjà le titre de l’album est une pastille musicale (composée sous LSD selon Mark) qui va venir à huit reprises s’intercaler entre les morceaux, donnant à l’album une continuité de langage originale et unique. La voix posée, fragile de Mark Fry est par moment proche de Leonard Cohen, Paul Simon et Donovan. A l’époque Mark écoutait l’album Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band des Beatles. Le trip sous LSD de cet album culte sorti en 1967, va donner ici la couleur psychédélique présente tout au long du disque. La guitare lo-fi de Mark est la force singulière de l’album. On entend ses doigts gratter dessus, comme s’il était juste à côté de nous, donnant ainsi une proximité intemporelle, comme un polaroid retrouvé au fond d’un tiroir.  Sa voix et sa guitare sont mises à l’épreuve des ritournelles liées aux alias des rêves éveillés de Mark parti sur les chemins de Lewis Carroll, de l’image d’Ophélie du peintre John Everett Millais daté de 1851, de La Dame de Shalott du peintre John William Waterhouse daté de 1888. Inutile d’en rajouter, la fragilité des compositions, des mélodies de Mark Fry sont une bénédiction tombée du ciel, à laquelle nos oreilles ne peuvent que s’incliner. N’hésitez pas à sortir les bougies pour renforcer l’ambiance intimiste et chaleureuse de ce rêve avec Alice (le prénom peut être changé selon la personne qu’on désire).

Un peu d’histoire pour mieux connaitre notre artiste. Cet album est une curiosité, car entre ce disque sorti en 1972 et le suivant sorti en 2008, il y a eu 35 ans de rendez-vous raté avec le public. Actionnons, la machine à remonter le temps. Mark Lewis Fry est né le 4 novembre 1952 à Epping dans l’Est de l’Angleterre. Ses parents sont des artistes. Son père Anthony (1927-2016) était peintre. Mark fait ses études à l’école Dartington Hall, composé de bâtiments médiévaux. En 1969, il quitte l’Angleterre pour l’Italie à Florence où il fait des études à l’école d’art (Accademia di belle arti). Mais il ne va y rester que quelque mois. Il y a souvent des grèves dans l’école, ça le perturbe et préfère mettre de côter l’art plastique pour se consacrer à la musique. A Florence, Mark loge chez une famille amie de son père. Dans cette famille il y a la jeune Laura Papi qui aime la musique de Mark. Elle le met en relation avec le label RCA. Banco, ça plait aux pontes de la major, illico ils lui proposent un contrat de 10 ans avec leur filiale italienne IT Dischi. A seulement 19 ans, Mark Fry a une carrière qui s’ouvre à lui. N’ayant aucune expérience en studio d’enregistrement, le début est laborieux. Le label lui présente des musiciens écossais, alors installés à Rome. Ils ont un petit studio dans un sous-sol, c’est là avec ses musiciens que Mark Fry va composer et enregistrer en deux semaines l’album Dreaming With Alice sur des magnétophones Revox 4 pistes. Dans l’interview publiée sur le site Psychedelic baby mag (1), Mark Fry pense que les musiciens qui l’on accompagné sont des membres du groupe pop à succès Middle Of The Road, dont le tube Soley Soley a inondé les Hit-Parades en 1972. A l’inverse de ce groupe pop, l’album de Mark Fry ne va pas avoir de succès. Le label ne l’a pas soutenu, pas ou peu de promo, après quelques dates de concerts en Italie, alors que l’album n’est pas encore sorti, Mark Fry retourne en Angleterre. Quelques mois plus tard, il reçoit du label quelques exemplaires vinyles de l’album. Ce sera son dernier contact avec la filiale italienne de RCA et bye bye le contrat de 10 ans. 

A partir de 1973, avec Ben, un ami d’école, il forme un nouveau groupe. Il va aussi jouer avec le batteur Peter Thomas qui sera à partir de 1977 dans le groupe The Attractions qui accompagne Elvis Costello. Il n’y aura aucun disque de ses travaux. A partir de 1975, Mark Fry va surtout voyager, avec la guitare sous le bras. Cela permet de faire des connaissances. Ainsi notre globe-trotteur va sillonner le Canada, les États-Unis, notamment la Californie et l’Afrique. Pendant ses voyages, il continue de composer des morceaux, de les enregistrer sur des cassettes, mais comme il n’a pas de label, il n’y a aucune publication. En 1977, il se remet à la peinture, et c’est finalement dans ce domaine qu’il va poursuivre son travail artistique, reprenant ainsi le chemin de son père artiste peintre. Mais il faudra attendre 1993, pour qu’il expose régulièrement dans des galeries londoniennes. C’est d’ailleurs depuis le début des années 90 qu’il s’est installé en France, en Normandie où il a son atelier. Il a surement exposé dans cette région. Ainsi des français, fans de musique psychédélique et acid folk ne savent pas qu’il y a un bel artiste non loin de chez eux. Son style de peinture est plutôt abstrait. Cela fait un peu penser à du Kandinsky, mais en plus épuré.

Pochette de l’édition 2000 publiée par Akarma

Comme son unique album a été réédité en 2000 sur le label italien Akarma, avec une autre pochette qui reprend les visuels de l’album Barabajagal de Donovan et surtout en 2007 sur le label anglais Sunbeam Records, qui reprend la pochette originale, une nouvelle génération découvre Mark Fry. Sollicité ici et là, il fait quelques concerts et en 2008 il publie son deuxième album Shooting The Moon. En 2011 avec le groupe The A. Lord il publie l’album I Lived In Tree et en 2014 avec de nombreux musiciens il publie le magnifique album South Wind, Clear Sky. On peut noter une constante, tous ses albums sont publiés en catimini. Pas de promo, pas de buzz, tel un sage qui suit sa route en toute quiétude Mark Fry a une « carrière » bien singulière qui continu de semer sa petite graine folk. Maintenant vous êtes au parfum pour suivre les aventures musicales et picturales de Mark Fry.


Les photos d’archives qui illustrent la chronique proviennent su site internet de Mark Fry.

(1) Nota : L’interview de Mark Fry parue le 17 octobre 2016 sur le site Psychedelic Baby Mag m’a permis de rédiger cette chronique.   https://www.psychedelicbabymag.com/2016/10/mark-fry-interview-dreaming-with-alice.html

https://www.markfry.co.uk/

https://www.facebook.com/markfrymusic/

https://markfry.bandcamp.com/





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