Le groupe suédois Dungen
vient de mettre en ligne deux morceaux extraits du prochain album titré En Är För Mycket och Tusen
Aldrig Nog (vous me répéterez ce titre 5 fois sans prendre
une pose !). Depuis Häxan leur
précédent album studio sortie en 2016, Dungen a publié en 2018, le magnifique album Myths 003 avec les Woods, en 2020 un live pour les fans et
surtout produit et composé deux albums lunaires, Bon Voyage (2018) et Emotional
Eternal (2022) pour la magnifique voix de Melody’s Echo Chamber.
Les nouveaux titres Nattens Sista Strimma Ljus et Om Det
Finns Något Som Du Vill Fråga Mig (je souhaite du courage aux animateurs
radios de France pour énoncer ses titres), évoquent les Beatles période
Sgt. Pepper’s et les Beach Boys
époque Pet Sounds, pour le style pop
baroque à la fois flamboyant et mélodique, avec un joli solo de guitare psyché
pour achever Nattens Sista Strimma Ljus et nous faire encore plus avoir envie d’en écouter plus. Les textes sont toujours écrits en suédois, soit un bon point pour ne pas entrer dans la norme anglo-saxonne en ce qui concerne la musique psyché rock. L'album, publié sur le label américain Mexican Summer, sera disponible à partir du 7 octobre 2022 avec neuf nouveaux morceaux à la clef.
Une fois de plus, le label italien Four Flies Records fait des
miracles en retrouvant les bandes originales du film érotique La Novizia,
composées, arrangées et dirigées par Berto
Pisano (1928-2002). B.O.F. longtemps considérée comme perdue, le travail
d’archiviste d’unité public de Four Flies permet de mettre en lumière
cette œuvre dans des conditions optimales, car le label a restauré et
remastérisé les compos à partir des masters originaux. Pour les amateurs d’easy
listening, de livrary music, de jazz lounge et feutré (pour rappel, cette B.O.
est destinée à illustrer un film érotique), La Novizia est une petite
perle. D’autant que dans les guests, il y a la voix d’Edda Dell’Orso (qui a beaucoup travaillé avec Ennio Morricone dans les années 60 et 70) et le célèbre compositeur
Alessandro Alessandroni (qui a
également travaillé avec le maestro Morricone),
connu aussi pour ses dons de siffleur, notamment pour les westerns de Sergio Leone. C’est justement en tant
que siffleur, qu’on trouve ici la présence d’Alessandro Alessandroni.
Synopsis :
"Vittorio (Gino
Milli), un beau jeune homme, retourne dans sa Sicile natale à cause de la
mauvaise santé de son oncle Don Ninì (Lionel Stander). Il pense le trouver mourant, mais finalement
son état n'est pas bien grave. Don Ninì
convainc Vittorio de se montrer
décontracté avec tous les habitants du village, en particulier entreprenant
avec les femmes, afin de démontrer le prestige et la virilité du nom de
famille." (Sic !)
Le film La Novizia réalisé par Pier Giorgio Ferretti (1925-1998), est sorti dans les salles
italiennes le 5 décembre 1975, soit deux semaines avant de fêter noël en
famille et dans les (la ?) salle(s) française(s) le… 7 janvier 1981 sous
le titre La novice se dévoile, soit quelques mois avant l’élection de
François Mitterrand, avec pour la première fois la gauche au commandement de
l’état. Le réalisateur Pier Giorgio
Ferretti,qui fut assistant de Joseph Losey et Roberto Rossellini, n’a réalisé qu’une dizaine de films dans le
style de la comédie, parfois érotique. L’actrice et chanteuse (elle a fait
quelques singles. Par contre elle est absence de la B.O., son style
chanson/variété italienne n’a pas dut convaincre Berto Pisano) Italienne Gloria
Guida tient le rôle principal de Sœur Immacolata. On a (re)découvert
cette actrice lors de la sortie du combo Blu-ray/DVD (Artus Films) du film Avoir
Vingt ans (Avere Vent’anni) de Fernando
Di Leo. Dans ce magnifique film choc, Gloria
Guida tient avec l’actrice Lilli
Carati un rôle qui restera dans les mémoires (1). A ces côtés il y a
l’acteur américain Lionel Stander
(1908-1994), qu’on connait en France pour son rôle du domestique Max
dans la série TV Pour l’amour du risque. Comme je n’ai pas vu le film La
Novizia, impossible de me faire une idée, mais le synopsis ne présage pas
le chef-d’œuvre !
En France,
on sait peu de chose sur le compositeur Berto
Pisano. Malgré la cinquantaine de partitions pour le cinéma et la
télévision, pas de B.O. de films connu dans son œuvre, ce qui explique qu’il ne
soit pas dans le top des maestros italiens. Avec son frère Franco, il a commencé comme musicien de jazz en jouant de la contrebasse (son
instrument) d’abord dans le Quintetto
Aster puis dans le groupe Asternovas,
qui accompagnait Fred Buscaglione.
Mais l’élément qui va le plus retenir notre attention, il a été auteur et
arrangeur pour les chansons d’Edda Dell’Orso,
la voix en or pour les B.O. de films italiens. Ce n’est pas compliqué, même sur
une compo faible, l’apparition d’Edda
Dell’Orso est une divinité auditive à faire tomber tout ce qu’il y a de
vivant sur cette terre de plus en plus maltraité par l’homme. Parmi les
compositions de Berto Pisano, notons le morceau A Blue
Shadow pour Romolo Grano inclus sur
la B.O. du téléfilm italien Ho Incontrato
Un'ombra (1974), qui a eu du succès au hit- parade italien.
Si le film La Novizia est invisible
des écrans (pas d’éditions vidéo en France), nous avons grâce à Four Flies Records la chance de pouvoir
écouter sa B.O. Si la version vinyle permet d’apprécier la belle pochette et le
son vinyle pour les puristes audiophiles, la version CD permet de son coter, d’écouter
21 morceaux (avec 9 variantes des compos) au lieu de 12 morceaux gravés sur la
galette noire. Comme je l’écris plus haut, cette B.O. est un petit joyau pour l’amateur
de musique easy listening teinté de jazz, mais aussi de psyché pop avec le
magnifique Night Blues joué à l’orgue
Hammond par Antonello Vannucchi et porté par la trompette de Oscar
Valdambruni et le trombone de Dino Piasa. Si vous êtes un amateur
des musiques sixties de Quincy Jones, vous allez fondre par ce morceau
100% groove, idéale pour réussir vos apéros entres-ami(e)s. L’ambiance sonore
est évidemment sexy et feutré, tout un gardant un pied humide pour se balader sur
la plage, si possible en charmante compagnie. Le sifflement d’Alessandro Alessandroni et la voixde velours d’Edda Dell’Orso ne font que rendre la partition de Berto Pisano, -avec l’image de Gloria Guida en nonne- encore plus
belle. A écouter sans modération !
MES
DISQUES A EMPORTER SUR UNE ILE DÉSERTE: Chronique n°27
Le film Bullitt réalisé en 1968 par Peter Yates est sorti en France sur les écrans de cinéma le 10 mars
1969. Comme de nombreux gamins des années 70, j’ai découverts ce film à la
télévision, surement sur FR3, avec en guise de générique pour annoncer la séance
de cinéma, les yeux des acteurs et actrices qui défilent sur la musique Les
étoiles du cinéma de Francis Lai
(1975). Bullitt est devenu un classique du cinéma américain, grâce à la
performance de Steve McQueen qui
joue le rôle du lieutenant Frank Bullitt avec une classe qui va marquer
les sixties pour toujours. Son look (reprit régulièrement dans les pubs des marques
de luxe) et sa voiture, une Ford Mustang GT Fastback de 1968 de couleur verte, sont entrées dans l’histoire de la pop culture, au même titre que la Ford Torino
rouge de 1975 de la série Starsky et Hutch ou les voitures de la
franchise James Bond l’agent 007.
Autre élément qui a rendu célèbre le film Bullitt, c’est la B.O.
réalisée par le compositeur Argentin Lalo
Schifrin. La scène de course poursuite dans les rues vallonnés de San
Francisco est entré dans l’histoire de la mise en scène, d’autant que la
musique est présente juste avant cette scène devenu culte, et absente pendant
toute de poursuite des voitures, alors que dans la tête du spectateur, on a l’impression
qu’elle est présente. Lalo Schifrin
se plait à le raconter : "Le morceau Shifting Gears correspond à la
séquence de la filature, mais pas à la course-poursuite qui lui succède et qui
finit par le crash de la voiture noire dans la station-service. Selon moi,
c’était inutile car il allait y avoir beaucoup d’effets sonores, des bruits
concrets comme ceux des moteurs de la Mustang et de la Dodge. J’ai écrit la
musique de la filature dans un tempo lent favorisant l’expression du suspense.
La tension monte, monte… Quand Steve
McQueen enclenche la vitesse, après s’être retrouvé derrière la voiture
qu’il filait, la poursuite commence. C’est là que j’ai choisi d’interrompre la
musique" (1). Ou encore mieux: "Il est courant que les gens
me félicitent pour la musique qui accompagne la poursuite en voiture dans les
rues de San Francisco. Je n’ai rien fait !". Choix judicieux de la part du compositeur, qui a réussi à imposer
sa vision au réalisateur Peter Yates
qui avait prévu une musique avec un orchestre.
J’ai découverts l’intégralité de B.O. de Bullitt sur un CD
acheté dans les années 90. Mais j’ai redécouverts ce classique en 2017, lors de
la réédition en vinyle sur le label allemand Spearkers Corner Records,
spécialisé dans la réédition d’album de jazz en qualité de luxe. Leurs pressages
vinyles est de haute qualité, ce qui permet d’entendre chaque son, chaque subtilité des
compositions. C’est plaisant de savoir que cette B.O. fait aussi partie de la
musique jazz. Il ne faut pas oublier qu’avant d’être compositeur de musiques de
films, Lalo Schifrin, muni d’un
bagage en musique classique, est un
pianiste, compositeur de jazz qui a débuté à Paris dans les années 50 pour le label d’Eddy Barclay, puis RCA France, puis à partir de 1960, pianiste
de Dizzy Gillespie, avec notamment
l’album Gillespiana (1960) avec Candido
aux congas, devenue un classique du jazz, avec une touche lounge et latino.
Ambiance feutrée et film noir garantie !
La particularité de la B.O. de Bullitt est le mélange des styles
en pleine harmonie, soit un mariage heureux entre le jazz, la musique bossa, la
pop music, le funk, le tout avec des rythmes groove au velours sonore très
soigné. Le morceau Hotel Daniels, dans l’esprit des compos sixties de
Quincy Jones, est à ce titre une totale réussite. Ce titre pulse à chaud, à
donner envie de partir en route pour profiter de la vie, bien loin du travail dans
un bureau. Juste après, le morceau The Altermath of love est une pure
douceur easy listening qui nous ramène au son velouté des sixties. Inutile de
passer tous les morceaux en revue, tant l’enchainement des 12morceaux est parfait et nous permet de passer
d’une ambiance à une autre avec une facilité déroutante. Du point de vue
instrumentation, cette partition est très riche, on est ici dans la forme
orchestre qui rencontre un groupe pop, sous la lumière psychédélique d’un club
de jazz. Les cuivres et cordes se marient à merveille, avec le rythme de la
basse funky et de la flûte en liberté. Il n’est pas étonnant qu’avec une telle
maitrise du tempo, que cette B.O. passe les décennies avec une facilité
déconcertante et fait partie des meilleurs B.O. de films, tout style confondu.
Après avoir découverts le film Bullitt à la télévision, revu en DVD, j’ai enfin vu Bullitt au cinéma dans des conditions trois
étoiles. Cela s’est passé le mercredi 9 novembre 2017 à Paris, à la Cinémathèque
française, lors de la rétrospective Lalo Schifrin, un homme-orchestre. La
projection de Bullitt s’est passée dans la grande salle, suivie d’un
dialogue musical avec Lalo Schifrin,
animé par Stéphane Lerouge et Bernard Benoliel. Bullitt
sur grand écran, c’est quand même quelque chose. Avant cette belle soirée qui c'est achevé avec quelques morceaux célèbres du maestro au piano, Lalo Schifrin c’est prêté au rituel des
dédicaces, notamment pour la sortie du coffret CD The Sound of Lalo Schifrin
(Universal Music). Bon il est temps de sortir ma Ford Mustang de 1968... format jouet !
Séance de dédicaces à la librairie de La Cinémathèque
le 9 novembre 2017 @ Véronique A.
Interview avec Stéphane Lerouge et Bernard Benoliel @ Véronique
A.
Lalo Schifrin au piano à La Cinémathèque Française le
9 novembre 2017 @ Véronique A.
(1): Propos de Lalo Schifrin,
page 98, extrait du livre Lalo Schifrin, entretiens avec Georges Michel aux
éditions Rouge Profond (2005).