C’est dans le nouveau numéro du magazine Artension (n°178 mars-avril 2023), rubrique agenda que je découvre qu’il y a une exposition consacrée à l’artiste algérienne Baya (1931-1998) à l’Institut du Monde Arabe à Paris. Je ne peux que vous recommander de vous précipiter de voir cette belle exposition, qui regroupe de nombreuses peintures tous formats et des sculptures, ainsi que des documents d’archives, comme trois lettres écrites par Jean Dubuffet admiratif du talent singulier de Baya. Son style graphique est coloré, le trait naïf en 2D illumine la vue, tant son expression artistique est pleine de vie. Dans ses toiles, les femmes sont très belles. Elles ont de l’allure ! Leurs vêtements sont colorés, leurs visages sur fond blanc sont représentés avec un simple trait de crayon. Sur son art, Baya nous dit : "Je peins ce que je sens. (…) Je suis née artiste. C’est un don que Dieu m’a fait."
Ci-dessous le texte de présentation de l’exposition extrait du site internet de l’Institut du Monde Arabe.
"Baya n’a pas souffert, comme d’autres femmes artistes, d’un manque de visibilité : elle avait 16 ans lors de la première grande exposition de ses œuvres, organisée à Paris en 1947 par le galeriste Aimé Maeght. Son travail, qualifié à tort « d’art naïf » ou « d'art brut », a exercé une influence majeure, particulièrement en Algérie où elle fut beaucoup imitée par les générations formées après l’Indépendance, pour sa singularité, son raffinement et sa dimension spirituelle.
Les œuvres de Baya conservées au musée de l’Institut du monde arabe, augmentées de la donation Claude et France Lemand, forment un ensemble documentant toutes ses périodes d’activité, de 1947 à sa mort en 1998. Elles viennent compléter le fabuleux trésor des Archives nationales d'Outre-Mer d'Aix-en-Provence et d'autres prêts. L'ensemble permet de saisir l’évolution de sa peinture – avec notamment l’introduction du thème de la musique à partir des années 1960 –, jusqu’aux émouvantes œuvres de 1998, les dernières réalisées par l’artiste.
« Baya. Femmes en leur Jardin » apportera aussi, dans une perspective d’études coloniales et décoloniales, un éclairage inédit sur le « cas Baya », étayé par l’exploration de ses archives, en particulier sa correspondance avec sa mère adoptive Marguerite Caminat. Comment cette jeune fille non scolarisée (comme 98% des filles « indigènes » de sa génération), qui a connu souffrance et violence, devint-elle, à la fin de la période coloniale, cette Baya maîtrisant le langage des formes et des couleurs et créant un style bien identifiable, propulsée dès l’âge de 16 ans au sommet de la notoriété, éblouissant les amateurs d'art parisiens et faisant l'objet d'une double page (écrite par Edmonde Charles-Roux) dans le magazine Vogue ?"
"Orpheline de père à 6 ans, de mère à 9 ans, Fatma Haddad (1931-1998) – elle se choisira très tôt elle-même le nom d'artiste de Baya –, est remarquée à l’âge de onze ans par Marguerite Caminat, une femme venue en Algérie en 1940 pour fuir la France occupée. Celle-ci prend l’enfant sous son aile, embauche une institutrice qui lui apprend à lire et à écrire – tout en l'encourageant à conserver et à développer son patrimoine culturel algérien auprès de familles musulmanes de ses amis –, et c’est chez elle, avec ses pinceaux et couleurs, que Baya se met à peindre. Le galeriste Aimé Maeght, qui avait découvert son talent au cours d’un voyage à Alger, lui organise une première grande exposition à Paris dès 1947 : Baya éblouit les amateurs d’art et entre de plain-pied sur la scène artistique, légitimée par de grands personnages tutélaires dont André Breton – non sans ambivalence, entre curiosité pour une artiste en devenir et paternalisme, en une approche de l’altérité empreinte d’orientalisme. Dès l'été 1948, Baya revient en France pour réaliser des sculptures ; sa créativité dans le travail de l’argile est remarquée par Picasso, dans l’atelier de céramique Madoura de Vallauris.
Grâce à sa mère adoptive et à d’autres soutiens influents dont le poète Jean Sénac, Baya demeure sur la scène artistique jusqu’à la période de la guerre d’Indépendance (1954-1962). Mariée en 1953 au musicien El Hadj Mahfoud Mahieddine, elle s’arrête de peindre pour se consacrer à sa vie familiale (elle aura six enfants). En 1962, et c’est sans doute le plus remarquable après ce « retour à l’ordre », elle trouvera la force de reprendre son travail artistique, avec l’aide primordiale du peintre Jean de Maisonseul, nouveau directeur du musée national des Beaux-Arts d’Alger, qui expose ses œuvres dès 1963 et en acquiert certaines qui font encore la fierté de ce musée.
Malgré sa personnalité discrète, contrastant avec une scène artistique tumultueuse qui opposait à Alger différents courants et leurs représentants, Baya fraya son propre chemin, en participant à des expositions collectives et en bénéficiant de nombreuses expositions personnelles, principalement dans la capitale, où elle montra ses œuvres presque tous les ans. Elle fut en 1967 de l’aventure du groupe Aouchem (Tatouages), fondé par Choukri Mesli et Denis Martinez, qui entendait connecter l’art contemporain aux sources de l’art africain et au répertoire formel transmis par les arts populaires du Maghreb. Consacrée comme l’une des pionnières de l’art algérien, elle obtint en 1969 le Grand Prix de peinture de la ville d’Alger. Baya continua de travailler en faisant évoluer sa peinture, et sa production prolifique fut appréciée à l’international."
© Anissa Bouayed pour le texte Baya, vie et œuvre
Photos @ Paskal Larsen
https://www.imarabe.org/fr/expositions/baya-icone-de-la-peinture-algerienne
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