C’est le confinement, c’est la crise dans le secteur culturel, plus de spectacles, il faut montrer patte blanche muni de la feuille de sortie avec le RDV click & collect pour s’acheter un livre ou un DVD, car ces "produits" ne sont pas essentiels à la survit, à l’inverse d’une boite de ravioli. Malgré tout rien n’est perdu, l’homme arrive toujours à rebondir, l’instinct de survie, avant de devenir un zombie, à défaut d’être un mouton, serte nourri au bio. Coter rebondissement on peut dire que l’éditeur DVD Artus Films nous gâtes en cette triste période où les salles de cinéma sont fermés au public, avec les sorties des DVD des films Les cent cavaliers de Victtorio Cottafavi (1964), Le chevalier du château maudit de Mario Costa (1959). En décembre du lourd avec Operation K de Lucio Fulci (1977) et Société anonyme anti-crime de Stephano Vanzina (1972) et en janvier 2021 les DVD de Des fleurs pour un espion d’Umberto Lenzi (1966) et Opération re mida (Lucky l’intrépide) de Jess Franco (1967), soit quatre nouveautés qu’on est impatient de découvrir sur notre écran de télévision.
En 2015 j’ai réalisé une interview de Kévin Boissezon et Thierry Lopez les boss et chevaliers d’Artus Films. L’interview a été publiée dans le fanzine Abus Dangereux face 136 juillet 2015 et sur foutraque.com
Depuis 10 ans, Artus Films édite en DVD
des films de genre, des films bis. Entre les classiques du gothique italien (L’Effroyable
secret du docteur Hichcock-avec Barbara
Steele-, Des vierges pour le bourreau, Des filles pour un vampire,
Le château des morts-vivants -avec Christopher
Lee-), et espagnol (La mariée sanglante, Le bossu de la morgue),
le western européen (Bandidos, Killer Kid, Le jour de la haine),
le ciné fumetti (L’Espion qui venait du surgelé, Kriminal, Satanik,
Superargo contre Diabolikus), des nanars érotiques (Elsa Fraulein SS,
Les gardiennes du pénitencier), des films curieux (Réducteur de têtes,
Blanche Neige, le prince noir et les sept nains, Tourist Trap),
de la science-fiction (La planète des dinosaures, La planète des
vampires, La planète des hommes perdus), un spécial Jess Franco (La comtesse perverse,
Venus in furs), le catalogue d’Artus Films est très large. A ce
jour (on est en 2015) on se rapproche des 100 références. Si tous les films ne
sont pas des classiques du cinéma, il y a cependant 80% du catalogue à avoir
sur ses étagères. Pour rendre encore plus visible le choix des films, le visuel
des DVD est très soigné. Parfois il y a un livre richement illustré, mais il y
a toujours des bonus à visionner, et surtout, les films édités sont tous
introuvables en DVD. Digne enfants de Midi Minuit Fantastique, de Mad
Movies, Artus Films (comme Le Chat qui Fume et The Ecstasy
of Films) fait un travail admirable pour que nous puissions regarder entres
amis des films d’un passé où la création n’était pas qu’une affaire d’argent.
Après avoir lu cette interview, n’hésitez pas faire vos emplettes dans les
stores à DVD-Blu-ray. A Paris il y a les magasins Métaluna, 7 Rue Dante,
5ème arrt, Hors-Circuit, 4 rue de Nemours, 11ème arrt, Potemkine 30 rue Beaurepaire 10ème
arrt et Gibert Joseph 26 Bd St Michel 6ème arrt.
Quel a été le point de départ, la motivation qui vous a donné envi de créer Artus Films, de vous lancer dans la diffusion de films en DVD?
Kévin Boissezon : Tout simplement l’envie de pouvoir enfin voir des films inédits chez nous.
Thierry Lopez : Je rêvais de posséder des films rares sur mes étagères, et aucun éditeur ne semblait vouloir s’en charger.
Une petite présentation de l’équipe, qui est derrière Artus Films?
KB : On est deux avec Thierry et on se connait depuis la maternelle. On est originaires de Béziers. Pour ma part j’ai fait des études de sociologie et de philosophie à Montpellier.
TL : J’ai fait des études de cinéma, à Montpellier, et réalisé quelques courts-métrages. Cela ne me suffisait pas pour assouvir ma passion du cinéma fantastique.
Décrivez nous l’orientation de votre catalogue, les critères de choix des films, les thèmes, les collections ?
KB : C’est Thierry qui s’occupe de la ligne éditoriale.
TL : Les débuts d’Artus ont été un peu hasardeux, et c’est vrai que nous avons tapé bien fort avec des films vraiment méconnus que le public n’a pas vraiment plébiscités. Depuis 3 ou 4 ans, nous avons dirigé quasi exclusivement notre ligne éditoriale vers le cinéma Bis européen. Nos éditions sont déclinées en collections, comme le Gothique, le Western européen, la Science-Fiction etc. Nous espérons lancer suffisamment de collections pour couvrir l’ensemble des genres relevant du Bis. Le but, désormais, pour chaque année, est d’alimenter et d’enrichir ces collections.
Comment faites-vous pour trouver ses films obscurs à petits budgets ? D’où vous viennent ses titres ? Comment avez-vous connu ses films ? Avez-vous vu à l’époque ces films en salle ou dans des festivals ?
KB : En salle non, on est trop jeunes.
TL : De nos jours, c’est un peu facile de connaître la production cinématographique. Quelques festivals, pour certains titres, oui. Beaucoup de VHS également. Ma collection compte de nombreux livres et fanzines sur les sujets qui m’intéressent. J’avoue qu’il nous est déjà arrivé d’acheter un titre sans l’avoir vu. Mais, par exemple, concernant le Western, si, dans la distribution, figure Anthony Steffen ou Giuliano Gemma, c’est forcément bon.
Comment se passe la restauration des films ? Dans quel état trouvez-vous les
masters originaux ?
TL : On ne prend pas vraiment en charge la restauration image des films.
Nous demandons à l’ayant droit la qualité du master en sa possession. Si nous
la jugeons satisfaisante, nous lançons le projet. Si tel n’est pas le cas, nous
préférons attendre que l’ayant droit vende à une télé, par exemple, afin de lui
permettre de tirer un nouveau master. Nous éditons des petits films, et le
public est très mince. Il est hélas impossible d’engager des frais de
restauration. En revanche, nous devons, bien souvent, restaurer les pistes
sonores.
Vos DVD sont très soignés. Ils sont en dijipack, contiennent de nombreux
bonus et certains ont un livre. Vous pouvez nous parler de la réalisation des
bonus (interviews, doc), et plus particulièrement nous parler du travail du
journaliste Alain Petit.
TL : De nos jours, avec l’avenir fragile du support physique, et la
concurrence des télés et autres systèmes de VOD, nous nous devons d’offrir au
public un objet de qualité. Un objet que l’on a envie de posséder. Cela va
au-delà du simple fait de vouloir regarder le film. Donc, effectivement, il
faut soigner son packaging. Et offrir, de la même manière, des suppléments
originaux qui permettront d’en apprendre sur le film ou le sujet, et inciter à
aller plus loin. Les suppléments se tournent de manière tout à fait artisanale,
toujours les minces moyens.
Alain Petit, je vous laisse lire directement l’intéressé :
http://lefanzinophile.blogspot.fr/2015/04/entretien-avec-alain-petit.html?spref=fb
Quelles ont été vos plus belles rencontres depuis la sortie de vos DVD.
Quelques anecdotes sympathiques à nous raconter ?
KB : Il y aurait beaucoup à raconter surtout qu’on va fêter nos 10ans
d’existence. Peut-être un de nos premiers achats, Le boulanger de
l’empereur/L’empereur du boulanger. On est allé à Prague et on s’est
retrouvés dans un vieil appartement avec deux vieilles charmantes comme tout,
qui ont fait pêter le champagne et nous ont offerts deux bouteilles de Slivovice. Après on avait compris qu’on
avait payé un peu trop cher les droits ! Mais on débutait.
TL : Beaucoup de belles rencontres, en effet. La conception des
suppléments m’a permis de rencontrer, et souvent, de devenir ami, avec des
personnes remarquables. La liste serait longue, mais je pense à Eddy Moine,
Jean-Claude Missiaen, Pierre Dubois, Georges Ramaiolli. Et, bien entendu,
les vétérans de chez Artus : Alain Petit, Curd Ridel, David Didelot, Eric
Peretti.
Ce qui est marrant, c’est qu’aujourd’hui, une nouvelle génération de fans nous
dise merci. Plus jeune, je lisais tout ce qui touchait au fantastique, je
voyais tous les films de l’émission Cinéma de Quartier. Et, forcément,
je ne pouvais qu’être redevable avec les personnes qui me permettaient
d’accéder à tout cet univers. Aujourd’hui, j’ai quelques fois le sentiment
d’avoir grimpé au niveau de passeur de relais, et des jeunes gens me remercient
comme je pouvais le faire, à l’époque, envers la génération au-dessus.
Depuis 2005, vous éditez des DVD, qu’est ce qui a changé dans le monde
DVD/Blu-ray depuis 2005 ? Et comment voyez-vous l’avenir dans le support
DVD/Blu-ray ? Vos DVD se vendent bien ?
KB : La marché a certes un peu baissé et a beaucoup changé. Notamment
avec l’arrivée de la SVOD. Maintenant il faut faire plus attention à l’objet
lui-même, sinon les gens vont aller télécharger. Il semblerai que tous les
produits de moyenne zone, c'est-à-dire ce qui ne sont pas des blockbuster, ni
des films de patrimoine tendent à disparaitre au profit du téléchargement et
des chaines câblées. Peut-être que ça va laisser des places dans les rayonnages
?
TL : Beaucoup de choses ont changé, et, peut-être trop vite. Le DVD a
connu un gros impact sur le visionnage de films, possédant d’énormes qualités
par rapport à la VHS. Puis, la politique mal gérée des prix ou des offres a
entrainé la vidéo dans un immonde marché de consommation. Alors que le support
DVD aurait dû amener le Home Cinéma, plus ou moins, vers un acte de cinéphilie,
celui-là s’est mis à entériner le marasme consumériste de la VHS. On achète, on
loue, on pirate, on consomme, on jette.
Nous vendons relativement bien, du fait de la spécificité de nos films, et du
soin apporté à leur conception. Mais, ne nous leurrons pas, ces chiffres
seraient peut-être multipliés par 4 ou 5 si nous avions commencé quelques
années plus tôt. Et pour perdurer dans l’avenir, j’ai bien peur que cela
nécessitera un combat au quotidien.
Dans les vides greniers, on trouve beaucoup de films à partir de 1 euros,
donc moins chère qu’un café, qu’un quotidien. Que pensez-vous de cette chute de
prix ?
KB : C’est normal, les grosses boites ont tiré à des milliers
d’exemplaires. Il y en a eu trop. Pour nous, certains de nos dvd qui sont
épuisés vous ne les trouverez pas à 1euro.
TL : Ce sont les lois de la consommation, et de l’offre et de la
demande. Un petit morceau de plastique, avec un disque à l’intérieur, n’a
aucune valeur. Pour voir un film, il y a des tas d’autres moyens, désormais. Et
un tel objet, aussi basique, ne peut demeurer que sans valeur. Il y aura
peut-être une valeur nostalgie, mais pas avant une vingtaine d’année (voir les
VHS de collection). En revanche, si l’on propose un bel objet, habillage
carton, avec un joli fourreau bien illustré, un livret à l’intérieur… Là, on
rejoint davantage l’édition de livre, tout du moins, d’un objet qui peut avoir
de la valeur, dans le sens où l’on est satisfait de le posséder. Plus que pour
ce qu’il contient.
En 2010 Neo Publishing a arrêté l’aventure. Comme vous, ils avaient un
catalogue avec des films très pointu, obscur et comme vous leur DVD étaient
très soignés. A votre avis pourquoi cela n’a pas marché pour eux sur la durée ?
Les erreurs à ne pas faire pour pouvoir durer ?
KB : Neo avait une structure bien différente de nous. Nous travaillons
qu’à deux. Ils avaient des salariés et des charges plus importantes. Ils ont
peut-être aussi été victime de la baisse du DVD?
TL : Je pense que plusieurs facteurs sont liés à la fin de l’aventure
Néo. Nous, nous devons faire vraiment attention à tout et travailler à
l’économie. Et sortir un nombre minimum de titres. Le CNC nous aide, également,
depuis 3 ans. C’est uniquement grâce à ces trois aspects que nous pouvons
continuer.
Qui sont vos réalisateurs, comédiens et films de chevets ?
KB : Je n’ai pas de réalisateurs, ni de comédiens de chevet. Je préfère
m’attacher à l’œuvre. Je regarde que rarement un film plus d’une fois mais il y
en a certains que je ne peux pas m’empêcher re-regarder comme Requiem for a
dream, Kick ass, Suspiria… rien de bien original.
TL : Werner Herzog, Andrei Tarkovski, Serguei Paradjanov, Guy Maddin,
Wojcieh Has. Je regarde
toujours du Bis, bien sûr. Mais, peut-être qu’à force d’en éditer, j’ai
davantage envie de voir autre chose, ès lors qu’il s’agit de mon plaisir. Oups.
www.artusfilms.com/
fr-fr.facebook.com/pages/Artus-films/201979673851
Opération K - Film-annonce from Artus Films on Vimeo.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire