Pour la 9ème
édition du festival Levitation France,
le public est convié à venir non pas à deux jours, mais à trois jours pour
écouter de la bonne musique psyché indie rock et autre garage band sous
champignon électrique. L’affiche
donne le tournis: Brian Jonestown
Massacre, Kim Gordon, Kevin Morby, Kikagaku Moyo, Dry
Cleaning, Pond, Death Valley Girls, Frankie & The
Witch Fingers, Gustaf, Lumer, Automatic, Unschooling,
You Said Strange, Crack Cloud… Petit nota, le groupe Sweeping Promises n'est plus à l'affiche, ils ont annulé leur tournée européenne.
Bref, vous
avez quelques jours de repos pour vous préparer à vivre dans la bonne humeur
(et sans bobos) ses trois jours marathon de pogo/bière/rock sans
limitation de dose prescrite et d'abus de décibel toléré.
Des
compositeurs français de library music, Janko
Nilovic est peut-être le moins connu, à l’inverse de Jean-Jacques Perrey, Roger
Roger, André Pop et Bernard Estardy. Dans les années 70, Janko
Nilovic a composé une flopée d’albums à thème sur le label Éditions
Montparnasse 2000. Ces albums, une soixantaine, souvent samplés, notamment
dans le milieu hip-hop, avec Jay-Z sur le morceau D.O.A. (Death of Autotune)et
recherchés par les DJ et diggers collectionneurs de pépites rares et insolites
ont pour titres : Psyc Impressions (1969), Pop’ Impressions
(1972), Supra Pop Impressions (1973), Rythmes Contemporains
(1974), Percussions dans l’espace (1975), Soul Impressions
(1976), Super America (1976), Un Homme dans l’univers (1978).
Quelques-uns de ses albums ont été réédités dans les années 2000 par les labels
Dare-Dare, Underdogs Records et Broc Recordz. Les
originaux sont vendus à des prix déraisonnables. A noter qu’il a publié de nombreux
disques sous divers noms : Andy
Loore, Abra K Dabra, Alan Blackwell, Ennio Morandi, Johnny
Montevideo, E. Orti.
Janko Nilovic en 1972
Janko Nilovic est né en Turquie à Istanbul
le 20 mai 1941, d’une mère grecque et d’un père monténégrin. Son père Prenca, a travaillé pendant 35 ans à
l’ambassade de France à Istanbul et à Ankara. Dans les années 50, Janko pratique la danse, notamment les
claquettes. Mais ce ne sera pas cette voie artistique qu’il va suivre, ce sera
la musique. Après avoir étudié le piano, le hautbois et les percussions au
Conservatoire d’Istanbul, il quitte la Turquie à l’âge de 19 ans et vient
habiter en France à Paris, nous sommes en 1960. Depuis, avec sa femme Yohana - artiste peintre, elle a fait
quelques pochettes de disques pour Janko, ainsi qu'un 45 tours en 1968 en tant que chanteuse-, qui a partagée toute sa vie avec Janko (elle est décédée en décembre 2020)-,
iln’a pas bougé de Paris. Installé à la
capitale, il se perfectionne dans la musique, en allant aux cours du professeur
Julien Falk, pour y apprendre
l’écriture musicale, l’harmonie, le contrepoint, la fugues, l’analyse et la
composition. On peut dire qu’il en a tiré bon partie, vue la qualité des
compositions qu’il va produire dans les années qui vont suivre, notamment dans
les années 70. Avant, il joue dans le groupe Les Players (de 1963 à 1966), mais pour gagner sa vie, il joue dans
des clubs de jazz et devient arrangeur et orchestrateur pour des musiciens pop et des chanteurs de variété (Gérard Lenorman, Michel Jonasz pour les plus connus).
C’est en tant que musicien de studio à la fin des années 60, avec la
composition de musiques destinées à l’illustration sonore (cinéma, TV, radio,
publicité…) que Janko Nilovic va "produire" beaucoup de musique jusqu’aux années 80. A noter qu’il a
également participé à la version française de la comédie musicale rock Hair
avec Julien Clerc qui en sera la
révélation. Tous les soirs, il y jouait de l’orgue Hammond et des percussions,
c’était en 1969. La musique de Hair se voulant psychédélique, cela a
donné l’idée à Janko Nilovic de
composer un album avec ce style de musique, ce sera son album titré Psyc
Impressions qui a eu en prime beaucoup de succès. Pour les ÉditionsMontparnasse
2000, où Janko Nilovic est
totalement libre dans le choix de ses compositions, notre artisan va composer
un florilège de morceaux stylés et de grande qualité, où l’on trouve les
styles psyché, pop, funk, soul, bossa, latino jazz, lounge, cosmic music.S’il donne tout son cœur pour composer ses
musiques pop, sa reste pour lui malgré tout alimentaire, car les styles de
musique qu’il aime, sont le classique et le jazz. C’est ce qu’il va faire à
partir des années 80 avec son Big Band
Jazz et la création du label Symphonie Land. A noter qu’en 1968, Janko avait déjà créé avec Eddy Barclay et Davy Jones le label Ju Ju Records qui n’a survécu que deux
années et publié qu’une dizaine de références en 45 tours. Les 45 tours du label (sous les noms Bobby Cannon, Spiritus M, Tinka Bell, Killer Steen...) sont composés par Janko Nilovic et Davy Jones. A noter que tous les singles édités sur Ju Ju Records sont réunis sur la compilation The Definitive Ju Ju Records Collections (1968-1969) publié en 2018 sur le label Broc Recordz. La couleur sonore de la compilation est soul music.
Janko Nilovic
A la fin
des années 90, un nouveau public découvre les perles de Janko Nilovic, grâce notamment à des compilations d’easy listening
et de sélection qui groove : les compilations La Guêpe publiées par
Dare-Dare avec une sélection de library music française, Orchestral
Party act 1… chez St-Germain des Prés Records, Sexopolis chez
Fantômas Records, bref les chineurs vont pouvoir se lever de bon matin dans
l’espoir de trouver une rondelle du maestro.
The Soul Surfers
A partir
des années 2000, un nouvel outil va encore rapprocher le public vers les
musiques et découvertes à la vitesse grand V, c’est Internet et ses réseaux
sociaux. D’année en année, les infos et les musiques vont être de plus en plus postées
sur le net, ainsi plus de frontière, c’est la sono mondiale sans temps
d’attente. Une fois qu’on a un nom, on le tape sur le clavier et rapidement on
peut écouter sa musique. C’est ce qui a du se passer pour le groupe russe The Soul Surfers, pour découvrir la
musique de Janko Nilovic. Formé en
2011, de nombreux 45 tours, un album, des collaborations, jusqu’à réaliser en
2020, l’album Maze Of Sounds avec Janko
Nilovic, alors âgé de 80 ans. On peut dire que les quatre membres de The Soul Surfers ont fait fort, jusqu’à
ramener avec eux, le maitre au célèbre studio CBE, situé dans le 18ème
arrondissement de Paris. Pour rappel ce studio a été créé en 1966 par le géant Bernard Estardy (1939-2006) et Georges Chatelain. Dans ces grandes
heures, ce studio a vu défiler toute la pop et variété/chanson française, mais
également étrangère des années 60 aux années 80. Autant dire, que niveau SON
analogique, CBE en est le fleuron. Janko
Nilovic affirme que les huit morceaux de l’album Maze Of Sounds ont
été créés en deux demi-journées. C’est bluffant, car en compagnie des quatre
musiciens russes, notre compositeur a fait des miracles, en revenant au style
musical des années 60 et 70, avec ce mélange de jazz downtempo, de B.O. de film
imaginaire, de pop velouté pour trinquer avec des flutes à champagne, de funk
feutré, relevé par une basse qui fait bouger des fesses (sur le morceau Interlude).
L’instrumentation est chatoyante à l’oreille, on est direct dans un palace au
décor sixties et non pas un squat miteux du Bronx. Percussions et synthétiseurs
vintage, guitares électrique et basse non avare en clin d’œil à la grande
époque des compilations de library music, sont ici mi sur leur 31, pour le
plaisir des oreilles exigeantes. Que du bonheur musical, jusqu’à la magnifique
pochette psyché réalisée par Karan Singh
qui reflète bien ce que l’on va écouter. Merci au groupe The Soul Surfers d’avoir fait entrer Janko Nilovic en studio pour composer la musique au parfum sixties
qu’on aime tant, car indémodable. Si vous êtes fan de Air, Calibro 35, Dungen, John Carroll Kirby, Sven Wunder, La
Batteria et les russes Diasonics,
ce disque est pour vous.
Janko Nilovic et The Soul Surfers au studio CBE en 2020
Nota: Pour
écrire cette chronique, j’ai récolté des infos dans les interviews publiées
sur les blogs/sites It’s Psychedelic Baby Magazine et Passions Of The
Weiss :