Au début des années 80, en
Angleterre il y a eu une vague de duosaffamés de synthétiseurs de poche. Juste quelques noms pour se rendre
compte de l’étendue du ravage : Orchestral Manœuvres in the Dark (OMD),
Soft Cell, Yazoo, Blancmange, Tears For Fears,Eurythmics, The Buggles, Chris
& Cosey, Pet Shop Boys. La France avait aussi ses duos : Elli
& Jacno, Chagrin d’Amour, Kas Product, Mathématiques
Modernes, Mikado. En Allemagne il y a le duo DAF, en Suisse
le duo Yello. Une grande partie de ses duos ont comme père de son, le
groupe allemand Kraftwerk, qui a apporté les mélodies pop dans le son
froid des synthétiseurs. Dans ce sens, l’album Man Machine (1978) et son tube The
Model, en est un modèle, tout comme plus tard le single Techno Pop extrait de l’album Electric Cafe (1986). Georgio Moroder
et sa diva Donna Summer ont quant à eux apportés chez la nouvelle
génération de musiciens, la touche club, disque Maxi-45 tours, remix.
N’oublions pas de mentionner les duos américains Suicide qui sera aussi
une influence pour les générations futur, notamment la scène electro du début
des années 2000 et The Sparks qui aura en France en 1980, en plein air
synth-pop du succès avec le single When I’m With You.
1982, Yazoo, nouveau projet de Vince Clarke après son départ de Depeche Mode. Il est accompagné de Alison Moyet au chant et synthé.
Au début des années 80, le
synthétiseur est devenu abordable, et va permettre à des musiciens en herbe
de composer dans leur chambre, des petites mélodies synthétique que l’on nommera de
synth-pop ou electropop. Le terme de synth-wave apparaitra début 2000. Au son
des synthés, nos duos y rajoutent des boîtes à rythmes (la Roland TR-808) et
des séquenceurs. La formule duo avec comme instruments des synthés de poche, permet
des avantages, notamment de partir des tournée, pour jouer autant dans des
clubs que dans des salles.
Voici une petite sélection
de titres synth-pop incontournable exécuté en formation duo. Pour ne pas trop
s’étaler, on va rester qu’en Angleterre, où ce mouvement a été très
populaire, grâce notamment aux nombreux passages à l’émission Top of the Pops (diffusée toutes les
semaines sur la BBC One de 1964 à 2006). Pour rappel, les groupes qui passaient
dans cette émission, jouaient en playback. Le style synth-pop se prête mieux à
cet exercice (certes pas très reluisant) que pour un groupe de rock à guitare ou un groupe funk avec des cuivres.
Orchestral
Manœuvres in the Dark -
Electricity (1979)
Yazoo - Don’t Go (1982)
Blancmange - Fell Me (1982) et Don’t Tell Me (1984)
Tears For
Fears - Mad World (1982)
Eurythmics - Sweet Dreams (Are Made Of This) – (1982)
Il aura fallu non
pas 7, mais 6 ans de réflexion au groupe rennais The Soap Opera, pour
donner une suite au premier album Ready
To Hatch sorti en 2017. Disque qui nous avait fait tourner la tête,
tellement leurs compos indie noisy pop, au son « ligne claire » très
anglais école NME C86 étaient et sont toujours, de haute qualité. The Soap
Opera est né en 2015, sur les cendres du groupe psyché Sudden Death Of
Stars, groupe également de qualité, dont les deux albums,Getting
Up, Going Down (2011) et All
Unrevealed Parts Of The Unknown (2014), sont chaudement recommandé. Les 10
morceaux de Back on Tracks poursuive la route pop « en
chantant », en gardant la couleur british 80’s (The Wolfhounds, The Weather Prophets, The Close
Lobsters, The Housemartins, The
Smith, The Monochrome Set, Felt), groupes au sommaire des
premiers numéros des Inrockuptibles, illustré par les belles photos en noir et
blanc de Renaud Monfourny. Nos quatre musiciens
étant très à l’aise dans ce style musical, ont bien raison de nous gâter avec
leurs mélodies et voix « ligne claire ». Il y a ici de la bonne
humeur, de la légèreté, l’envi de flâner dans les verts pâturages pour cueillir
des marguerites ou coquelicots. On laissera de coter les choux-fleurs et
artichauts, spécialités de la Bretagne. Back
on Tracks contient de nombreuses perles. A commencer par le mélancolique Clouds Are Laughing at me, une sucrerie
qui ne donne pas de carries. On peut en abuser, sans avoir besoin de prendre rendez-vous
chez le dentiste. Idem pour le morceau Spacin’
Out, aussi classieux qu’un morceau d’Echo and The Bunnymen-Ian
McCalloch, tant ici c’est de la haute couture mélodique. Les autres
morceaux, aux harmonies qui font mouche, sont des fruits de saisons (surtout en
été) qui se déguste avec gourmandise. Rien à jeter, tout est bon chez The
Soap Opera, artisan de la pop culture "label rouge". Chapeaux aux
compositeurs Bloody Bulga (voix, guitares) et Professor Zorrino (Voix,
guitares, piano, synthétiseurs).
Petite note de
fin, depuis la sortie de Ready To Hatch
en 2017, un nouvel artiste, lui aussi adepte de la pop sophistiquée, est venu
s’installer en Bretagne. Il s’agit de l’australien Maxwell Farrington.
Peut-être qu’un jour, la synchro des astres, fera se croiser The Soap Opera
et Maxwell pour nous faire un bon café sur disque ou sur scène.
En janvier 2018, lors de la sortie de l’album Ready To Hatch, j’ai fait une interview qui a été publié dans lefanzine
Abus Dangereux face 146 (avril-juin 2018).
Voici la version augmentée qui permet de faire connaissance avec The Soap
Opera.
The Soap Opera est un
jeune groupe rennais qui compose une musique noisy pop classieuse avec des
mélodies veloutées à fredonner dès le réveil.
Après avoir sorti en 2015 un
magnifique EP 8 titres (format 25 cm et K7), « Ready To Hatch », est leur
premier album avec 11 perles pop qui brillent de tous leurs éclats. Les
mélodies sont implacables, les voix et les riffs des instruments sonnent
divinement bien. Si vous êtes fan, non pas de « soap opera » mais de pop indé
style The Wake, The Chills, Close Lobsters, Joseph K, vous allez être
sous le charme de ce groupe rennais. Valentin aka Bloody Bulga (guitare/chant) aidé de Xavier aka Holden Brahms (batterie)
répondent à nos questions.
Vous pouvez nous raconter la genèse/création du groupe ? Comment vous
êtes-vous rencontré ? Vous vous connaissez depuis l’école ?
Valentin : On n'a pas grandi dans
les mêmes villes, donc si tu parles de l'école primaire c’est non. On ne se
connait pas depuis si longtemps. En fait, quitte à ne pas être très original,
on s'est rencontré comme à peu près tout le monde, par l'entremise d'amis
communs, en l'occurrence à l'époque où l'on faisait nos études à Rennes. Nous
ne suivions pas les mêmes cursus, mais le fait d'appartenir grosso modo à la
même tranche d'âge et d'avoir un mode de vie très similaire (écouter des
disques en bouffant des pizzas pendant la journée, aller voir des concerts en
buvant des bières le soir) voulait que nous étions fatalement amenés à nous
croiser un jour ou l'autre, puis à nous recroiser, jusqu'au moment où entamer
la conversation était devenue difficilement évitable, sans pour cela recourir à
des trésors de goujaterie. Et plutôt que de disserter sur le sens de la vie ou
le concept de concupiscence chez Saint-Augustin (des domaines où nous avons
encore quelques lacunes béantes), le plus simple et le plus pratique pour des
quiches comme nous était encore de parler des groupes qu'on aimait, et
éventuellement de ceux qu'on pouvait faire ensemble. Tous les quatre (et avec
d'autres gens aussi), on s'est donc amusé à monter des groupes en boucle
pendant plus ou moins dix ans, ce qui a donné à la ville de Rennes sa
réputation de vivier consanguin du rock. Mais je crois que c’est partout pareil
dans les villes de moins d’un million d’habitants. Certains de ces groupes se sont
doucement éteints sans esclandre, d'autres ont explosé en plein vol, d'autres
encore macèrent dans des eaux croupissantes imparfaitement localisées. Et
d'autres enfin peuvent toujours être aperçus dans des salles de concerts,
jouant crânant leur chance. The Soap Opera fait partie de cette dernière
catégorie (pour l'instant, mais bien sûr tout état est transitoire).
Avant The Soap Opera vous avez joué dans d’autres groupes ? Si oui, les
noms et styles musicaux de ces groupes ?
Alors oui, dans les plus anciens il
y avait Sudden Death Of Stars (qui lorgnait du côté du Brian Jonestown
Massacre et du Velvet, ce genre de trucs) et Betty Ford Clinic (plus
powerpop punk). Ce sont les deux groupes auxquels on est le plus souvent
associés encore aujourd'hui à cause de leur longévité et de leur discographie.
Mais entre-temps il nous est arrivé de faire d'autres trucs, de la blue-eyed
soul dans les Spadassins par exemple, ou bien de l'électro dans Splash
Wave ou Doctrine. Manifestement on a un peu de mal à se concentrer
sur un genre précis, on bouffe à tous les râteliers. Il faut croire que, comme
nous sommes à peu près dépourvus d'une formation musicale académique, il n'y a
aucun genre que l'on a appris à maîtriser à fond, et qui serait en quelque
sorte notre champ d'expertise, alors en conséquence on a décidé de faire un peu
de tout, mais n'importe comment, en apprenant sur le tas.
Quand on entend le style de votre musique, on pense aux groupes anglais
de la compilation culte NMEC86. Vous connaissez cette compile ?
Pochette de la cassette compilation du New Musical
Express, NME C86 (1986)
Pochette du vinyle NME C86 (1986)
Oui on la connait. Perso j’y suis
venu après avoir découvert le label Sarah Records, qui a commencé un peu
après la sortie de cette compile, donc je n’ai pas fait dans le bon ordre, mais
de toute façon c’était vers 2008/2010, donc on s’en moque puisque j’avais déjà
plus de 20 ans de « retard » ! Pour notre défense, le plus âgé d’entre nous
avait 6 ans lors de la sortie, et le plus jeune n’était pas encore né ! C’est
marrant, mais pour moi les deux groupes les plus importants de cette compile le
sont pour des type de rock un peu différents que la C86. Primal Scream
par exemple, si j’adore Velocity Girl (j’y retrouve le goût de Pierre-Marie
pour les formats très courts !) eh bien je suis bien plus marqué par les trucs
dance / baggy de Screamadelica et par Xtrmntr aussi. Et pour McCarthy,
c’est qu’il y a Stereolab derrière, j’ai d’abord découvert Stereolab,
via Broadcast que j’écoutais à fond, et c’est après qu’un pote m’a parlé
du boulot de Tim Gane avant et donc de McCarthy. C’est normal en
fait, tu écoutes des groupes déjà indés, pas connus de tout le monde, donc tu
ne peux pas tomber sur leurs débuts, qui sont par la force des choses encore
plus underground, de manière improvisée. C’est une sorte de recherche
constante, on lit des choses, on en écoute, des amis te passent des trucs,
avant c’était des K7, CD, maintenant c’est des liens YouTube.
Votre premier album a un magnifique son « ligne claire » et cristalline.
Au dos de la pochette, je constate qu’il a été composé chez vous « at home ».
C’est comment chez vous pour être aussi inspiré et cela s’est passé dans
quelle(s) pièce(s), pour que vous obteniez ce son pop aussi mélodique et
raffiné ?
On ne s'est jamais dit « Bon, pour
cet album il faut à tout prix qu'on réussisse à obtenir un son clair et
cristallin ». On a simplement joué les chansons comme on pensait qu'elles
devaient être jouées, et c'est les gens qui ensuite trouvent ça « cristallin »,
mais c'est simplement parce qu'ils trouvent ça davantage cristallin que
d'autres groupes qu'ils écoutent par ailleurs. D'ailleurs ce son clair vient
surtout de l'enregistrement et des effets utilisés, du réglage des amplis, des
micros, etc. Pas tellement de la façon de composer. Cela dit, à mon avis, enfin
je ne sais pas comment les autres groupes font pour écrire des chansons, mais
j'ai l'impression qu'ils s'aident plus volontiers de guitares électriques et de
trucs comme ça, pour avoir un gros son dès l'écriture. En gros ils veulent déjà
réunir les « conditions concert » dans lesquelles la future chanson va être
jouée. Ils cherchent des riffs qui tachent, ils ont déjà en tête une batterie
sous amphète pour soutenir tout ça, parce que c'est l'énergie qui est la
quintessence même et la raison d'être de la musique qu'ils veulent faire. Mais
de notre côté, comme on est un peu des chiffes molles, on ne peut pas trop se
reposer là-dessus, alors on essaie de faire en sorte que la chanson « marche »
même réduite à un squelette : une voix à poil accompagnée par une guitare en
bois jouée sur un lit, sans trop d'artifices ou d'effets de manche. Si cette
version fonctionne déjà, on sait que ça risque d'être encore mieux une fois
tout le groupe réuni et avec une bonne reverb pour lisser tout ça (sauf
exception, pour des trucs très calmes qui ont justement besoin d'un
dépouillement extrême). Mais on se souvient de cette première version sur le
lit, c'est pourquoi on essaie de ne pas trop l'étouffer sous une couche de guitares
surgonflées et complètement hors-de-propos pour ce genre de musique. Et puis en
général on aime utiliser des accords bien riches, avec plein de notes. Or pour
que ce genre de truc reste intelligible, il faut un son très clair, sinon ça
devient de la bouillie. L'overdrive c'est bien quand tu enchaînes les power
chords, mais c'est rare qu'on joue comme ça. On pourrait essayer pour voir,
remarque. Et en plus ça laisse plein de places pour remplir avec des chœurs et
des arrangements ensuite, ce qui est plus difficile quand les instruments de
base sont déjà ultra-denses et « bouffent » tout le spectre sonore. Pour ce qui
est du « raffinement » que tu dis avoir trouvé dans le disque, je suppose que
c'est plutôt une question d’idées de tempérament, et de remplissage des espaces
justement, puisqu'on n'a pas encore inventé de pédale d'effet pour ça !
Pochette de l'album "Realy to Hatch" (2017) – Howlin’ Banana
Records/Ample Play
Sur l’album, il y a le titre «
Humanatee », avec son riff exotica qui tranche avec les autres titres orientés
noisy pop. Vous pouvez nous raconter la naissance (sans douleur ?) de ce
morceau ? Vous aviez des influences en tête ? Il est notamment écrit par
Goulwen Ory de SDOS.
Il est complètement écrit par Goulwen
Ory, en fait. Ce qui fait qu'on n'aura pas grand-chose à raconter sur sa
naissance, mais on sait tout de même que ce morceau a semble-t-il été écrit
avant les séparations de Sudden Death of Stars, Goulwen le considérait
trop pop et « surfisant » pour le groupe alors il l’a proposé à des copains,
dont nous. Les autres l’ont refusé, ce qui nous a évidemment convaincu qu'il
était fait pour nous.
C’est quoi pour vous une chanson pop réussie ? Et une chanson pop ratée
et horrible ?
Une chanson pop réussie, en gros c'est un truc qu'on peut chanter sous la
douche, pour verser dans le cliché, ou, pour être plus exact en ce qui nous
concerne, qu'on peut chanter sur un vélo en rase campagne. Ça peut sembler très
bête, mais si vous pouvez recréer une chanson dans une salle de bain (et même
des fois sans en connaître les paroles) c'est qu'il s'y passe quelque chose de
bien : une « trouvaille » qui persiste alors qu'on a retiré à la chanson toutes
ses parures, toute son orchestration (ce qu'on appelle couramment sa « prod »).
Une bonne chanson pop c'est un truc qui est capable de séduire immédiatement et
pour longtemps. Souvent on entend des chansons qui s'acquittent de la première
moitié de l'équation, mais sans aller jusqu'à la seconde. Ça résume plus ou
moins toute la pop commerciale actuelle. Et même dans des styles qui auraient
un rayonnement plus confidentiel, il y a des groupes qui sont très forts en
enregistrement, qui ont un matos pas croyable et qui ont suffisamment
d'expérience ou de fric pour déployer une prod complètement ouf, avec un son
énorme qui charme immédiatement les oreilles, parce qu'on y retrouve des
instruments qu'on adore, des sonorités rétro qui nous parlent, etc. Sauf que
derrière c'est complètement vide, il n'y a aucun événement musical qu'on peut
abstraire de toutes ces ornementations, lesquelles servent justement à cacher
le néant sous des dorures. Et dans ces cas-là, pendant l'écoute, on est aux
anges évidemment, mais ensuite on peine à se rappeler ne serait-ce que la
mélodie de voix, ou même un riff qui nous aurait marqué.
Au début de leur carrière les Beatles
enregistraient n'importe comment : techniquement ça tient la route, mais bon
c'était fait en cinq minutes, il y avait zéro effort d'arrangement, mis à part
un ou deux solos de Harrison de temps à autres. Toujours est-il que
l'inventivité mélodique était déjà là. Ce petit truc magique et insaisissable,
ce tressaillement que l'on recherche encore aujourd'hui quand on pousse
quelques vocalises en grattouillant nos guitares au hasard et que tout à coup
on se dit « hey c'est pas mal, ça ». Un truc que l'on risque de chercher encore
longtemps, en vain le plus souvent (mais pas tout le temps non plus, j'espère).
La musique, c'est pas de la pâtisserie : vous aurez beau respecter les
proportions à la lettre en copiant ce qui a déjà été fait, ça sera quand même
dégueu si vous ne prenez pas le temps ni la peine de goûter vous-mêmes à chaque
étape, en essayant patiemment de trouver ce qui peut améliorer le goût pour
aboutir à quelque chose qui tient la route, au terme d'une longue série
d'expérimentations. Il faut donc être patient, comme nous, ou bien juste être
un génie comme Lennon et McCartney. C'est ce qui fait de leur
répertoire l'un les plus agréables et jouissifs à chanter, que ce soit sous la douche
ou bien sur scène, en dépit de l'exemple désastreux donné par les légions de
groupes « hommage » aux Beatles qui semblent n'avoir rien compris à leur
musique puisque précisément ils sont obsédés par le décorum et le matos du
groupe, jusqu'à arborer perruques et faux nez.
De quoi on parlait déjà ?
Ah oui. Et donc si, comme nous, vous
n'êtes pas un petit génie de la musique et que vous ne pouvez pas pondre un
tube d'un simple claquement de doigts (drôle de pondaison d'ailleurs, entre le
pouce et le majeur...) alors vous pouvez opter pour l'autre méthode, la nôtre :
laborieuse, à base d'obstination et de beaucoup de ratages. C'est moins sexy
que l'inspiration tombée du ciel, mais ça donne tout de même quelques résultats
intéressants. Alors ce n’est pas une science) exacte, certes, mais il y a
quelques petites formules à partir desquelles vous pouvez arriver à construire
une chanson pop parfaite en kit (en théorie). Mozart dit qu'il faut
toujours qu'un motif mélodique soit entendu au moins deux fois pour qu'il fasse
son petit effet, et qu'ensuite il faut introduire une variation à la troisième
répétition. Perso je suis encore plus intraitable, et pour que l'auditeur ne
soit jamais lassé, ces derniers temps je m'amuse à appliquer certains principes
mathématiques rigides, plus ou moins arbitraires et plus ou moins aléatoirement
établis pour faire en sorte qu'il y ait tout le temps une impression de
nouveauté, toujours un élément de surprise dans la façon dont le morceau
évolue. Par exemple, si la première phrase est composée de quatre notes, la
deuxième devrait en comporter moins de trois, ou bien plus de cinq (si
possible). Ou encore, si la première phrase de la mélodie intervient sur les
deux premiers temps de la première mesure, alors les deux premiers temps de la
deuxième mesure devront être laissés vides. Si la première phrase est très
monocorde, alors la deuxième devra au contraire être articulée autour
d'intervalles bien spacieux. Les combinaisons sont pratiquement infinies entre
ces différentes formules, le tout étant de casser la routine avant qu'elle ne
s'installe. Bon, évidemment, là, dit comme ça, j'ai l'air d'un gros maniaque
avec mes équations magiques (et d'ailleurs c'est plus ou moins ce que je suis),
mais évidemment je ne m'y fit pas aveuglément, puisqu'en fait la plupart du
temps elles ne fonctionnent pas vraiment. Mais toujours est-il que ce sont de
bons axes de réflexion quand on se demande quoi faire sur une chanson, des
contraintes qui aident à penser en quelque sorte, comme les jeux de l'OuLiPo.
Enfin bon, au risque de frapper de nullité tout ce que je viens de dire, il
faut préciser que cette méthode repose sur le fragile postulat que les gens
aiment bien entendre des choses qu'ils n'ont pas entendues précédemment, ce qui
reste entièrement à prouver.
The Soap Opera en 2017
Vu le son que vous avez, vous pouvez nous parler de vos instruments et du
matos que vous utilisez ? C’est du matos vintage trouvé chez Le Bon Coin ou
E-Bay ?
Xavier : Me concernant : batterie
vintage Beverley (Angleterre, milieu des années 60) un peu « rafistolée »,
achetée au batteur des Spadassins et un modèle très connu de synthé analogique
des année 80, (Roland Juno 106), acheté à un musicien rennais également (Aïwa,
groupe électro-dub / rap oriental). C’est vrai que mis à part les cordes et les
baguettes et peut-être des pédales du genre accordeur ou disto, on achète très
peu de matériel neuf en magasin, on n’est pas forcément fanatique de matériel
comme le sont certains copains rennais, notamment guitaristes, mais quand on
veut trouver quelque chose on a plus le réflexe d’aller regarder sur Le Bon
Coin que de visiter les rares boutiques de musiques à Rennes ou les sites
des gros magasins en ligne.
Valentin : Pour ma part je ne suis
pas un fanatique du matos donc j'en possède très peu. Dans ce groupe je joue
sur une guitare Calif (en fait une guitare d'usine « dégriffée » des années 60
sur laquelle les magasins de musique pouvaient rajouter la marque qu'ils
voulaient) que j'ai rachetée à un pote pour une bouchée de pain, et pour tout
dire c'est ce prix modique qui m'a séduit, presque autant que le son des
micros. Ce receleur l'avait d'ailleurs précédemment achetée à un autre camarade
musicien, qui lui-même l'avait trouvée quelques années plus tôt sur Le Bon
Coin, il me semble. J'ai attendu d'être en bout de chaîne pour l'avoir au
prix le plus bas, car fort heureusement ce n'est pas une guitare cotée dont le
prix s'envole au fur et à mesure, contrairement à la plupart des instruments
vintage.
Vous êtes sur le label français Howlin’ Banana, mais aussi sur le label
anglais Ample Play. Un petit mot sur ce deal ?
Valentin : En fait Tom de Howlin’
Banana avait sorti notre premier EP en K7, de manière très limitée (50
exemplaires), donc on était en contact avec lui depuis 2015/2016. Quand on a eu
des choses à faire écouter pour l’album on s’est donc adressé à lui directement
et il a tout de suite été emballé. Par contre il voulait un autre label en «
coprod », il aime faire pas mal de sorties, ne souhaitant pas trop attendre
entre deux disques. Mais pour assurer ce rythme, il lui faut trouver des
partenariats. On en a donc causé à Ample Play, le label londonien fondé
par deux musiciens de Cornershop et la compagne de l’un d’eux, qui avait
sorti le 2ème album de Sudden Death of Stars. Idem ils ont été partants
très vite, une fois les titres écoutés ! Quant au deal entre les deux labels,
on n’en sait pas grand-chose, on les laisse faire.
Il faut avoir en tête que c’est une économie minuscule, 300 ou 500 LP sont
pressé grand maximum. Les gens derrière ces labels n’en vivent pas, c’est une
passion, parfois plus couteuse que rétributrice ! Un peu comme nous en fait. On
les remercie donc pour le travail, l’engagement et la confiance qu’ils placent
dans notre musique. Nous pouvons aussi préciser au lecteur que nos labels ne
gèrent que la sortie vinyle de l’album, et sa distribution numérique sur les
sites du genre Spotify / Deezer. C’est déjà pas mal, mais en amont nous nous
sommes occupés seuls (et avons donc avancé les frais) de l’enregistrement, du
mix et du master. D’où la volonté d’enregistrer le plus possible à la maison, à
moindre frais.
Dernière question, la pomme à
l’intérieur de la rondelle du vinyle Ready To Hatch, c’est un
clin d’œil aux Beatles ?
Si vous voulez, oui. Mais ça marche
aussi comme rappel de certains éléments déjà présents sur la pochette. Et à
part ça, la pomme c'est aussi un fruit. On en voit de temps en temps tomber sur
la tête des physiciens anglais dans les BD de Gotlib par exemple. Et
encore, je ne fais qu'effleurer le sujet.
Pochette du premier EP éponyme, 25 cm (2015) – Howlin’ Banana
Records
The Soup Opera est actuellement en tournée, avec notamment deux "Release Party". Au Marquis de Sade à Rennes le 23 juin et au Supersonic à Paris le 24 juin 2023.