Le film d’animation Fritz The Cat réalisé en 1972 par Ralph
Bakshi est un des fleurons de la contre-culture américaine. Créé en 1959 par
le dessinateur Robert Crumb, Fred
The Cat devient en 1965 Fritz The Cat.
Il est à noter que Robert Crumb a rejeté l’adaptation au cinéma de 1972
librement adapté de ses dessins. Il fera en réaction au film, un épisode où Fritz The Cat finira mort suite à un coup
de pic de glace dans le dos. Pourtant ce Fritz
est une petite perle du film d’animation, avec ici un graphisme dynamique et
coloré qui vire aux effets psychédélique. En prime la B.O est réussi, car elle
compile avec brio les musiques, soul funk jazz (Charles Earland), jazz (Cal
Tjader, Billy Holiday), blues, gospel (Bo Diddley, The
Watson Sisters) et divers (rock, ballade, funk, R&B) avec les
compositeurs Ed Bogas et Ray Shanklin.
Pochette du 33 tours vinyle de la B.O. (Fantasy) -
1972
Affiche française du film Fritz The Cat
Le film sort sur les écrans
français le 30 novembre 1972. Il est interdit au moins de 18 ans de par le
propos (Fritz est à la recherche du
plaisir sexuel) ici explicite à l’écran. Aux Etats-Unis, le film est classée X.
On y voit des scènes de partouse, de fornication, l’ami Fritz n’est pas un chaud lapin, mais un chat tout chaud bouillant,
qui aime la bonne chair, toutes religions, races comprises. La drogue est également
très présente, ce qui nous permet d’avoir des séquences avec des images bien
acid et psychédélique. Le ghetto noir avec ses macs est aussi au menu, pour notamment
dénoncer le pouvoir des blancs sur celui des noirs représentés par des corbeaux.
Fritz déambule dans le New-York malfamé
où les tripots, squats sont abondant. L’histoire se passant au milieu des
années 60 (époque très mouvement aux Etats Unis), il n’y voit pas encore les
graffitis, n’y de ghetto-blaster. A noter que les voix de la version française sont
au top, car c’est l’habitué à l’exercice du doublage, Roger Carel qui a
le rôle de Fritz. Dans les
personnages secondaires, c’est Jacques Balutin qui donne la voix
française au policier Sammy qui a ici
l’apparence d’un cochon (sic), Gérard Hernandez pour le rabbin et Serge
Sauvion (la voix de Peter Falk-Columbo)
pour le personnage du corbeau Duke au
costume trois pièces et gros cigare au bec.
La sortie en DVD, est un
petit évènement, car à ce jour Fritz The
Cat n’avait pas eu d’édition française, n’y en DVD, n’y en VHS. La version éditée
par Films sans frontières en restauré
en haute définition, ce qui permet de profiter des couleurs électriques et
groovy, ainsi que de la bande son bien funky.Par contre pas de bonus en rab.
Après la publication en
juillet 2022 du film Mais ne nous
délivrez pas du mal en Blu-ray par les Editions
Montparnasse (1), c’est au tour de Studio Canal de publier en Blu-ray le film Charlie
et ses deux nénettes. Ces deux longs métrages de Joël Séria ont été
pendant très longtemps difficile à voir en vidéo. Sur le marché français il
n’existait que le coffret 4 DVD avec ses deux films couplés avec … Comme la lune (disponible à l’unité chez René Château vidéo) et le classique des
classiques Les Galettes de Pont-Aven,
lui facilement trouvable en DVD et Blu-ray.
Ainsi (re)découvrir ce
deuxième film réalisé en 1973 par Joël Séria en format Blu-ray, est un
petit évènement qui ne se refuse pas. Dans les rôles principaux, on retrouve la
future femme de Joël Séria, tant à la ville que sur l’écran, Jeanne
Goupil. Dans un rôle secondaire, mais inoubliable, on trouve pour la
première fois chez ce réalisateur, un acteur qui va devenir un fer de lance de
ses films, le GRAND et unique Jean-Pierre Marielle (1932-2019), ici dans
le rôle d’un vendeur de cathédrale de Chartres en miniature sur le marché. Cela
ne s’invente pas, inutile de dire que c’est juste un rôle de composition pour
l’un des acteurs les plus connus du cinéma français. Par la suite, Jean-Pierre
Marielle aura le rôle principal dans trois films réalisés par Joël
Séria (Les Galettes de Pont-Aven,
…Comme la lune et Les deux crocodiles en duo avec Jean
Carmet -film à ce jour publié qu’en VHS, autant dire qu’un Blu-ray serait
le bienvenu).
Synopsis :
"Charlie (Serge Sauvion), un quadragénaire
à la recherche d'un travail, rencontre deux filles de vingt ans, Ghislaine-coiffeuse
(Jeanne Goupil) et Josiane-vendeuse (Nathalie Drivet), également au chômage.
Elles sont cousines, elles ne se quittent jamais. Tous trois décident de faire
les marchés (le métier de Charlie) et partent sur les routes afin de vendre de
la toile cirée La bonne entente règne au sein du groupe jusqu'à l'arrivée de
Tony (Jean-Pierre Marielle), un vendeur de cathédrales miniatures, dont Josyane
tombe amoureuse. Elle s'enfuit avec Tony, laissant ses deux amis continuer
seuls."
Après le subversif, Ne nous délivrez pas du mal (1) qui a eu
des problèmes avec la censure (film interdit au moins de 16 ans), Joël Séria
a décidé de réaliser une comédie tendre, une tranche de vie avec Charlie et ses deux nénettes, dont
l’histoire se passe sur les marchés de province, domaine que le réalisateur
connait, pour l’avoir exercé dans les années 60 entre deux tournages en tant
qu’acteur pour arrondir ses fin de mois. C’est d’ailleurs en tant qu’acteur
qu’il rencontre en 1962 sur le tournage du film Le dernier quart d’heure (réalisé par Roger Saltel) Serge
Sauvion (1929-2010) qui aura ici le rôle principal de Charlie entouré de ses drôles, non pas de dames, mais deux nénettes
interprétées par Jeanne Goupil et Nathalie Drivet. Si Serge
Sauvion a joué des seconds rôles dans de nombreux films (Ne nous fâchons pas, Le Pacha, Un homme de trop), il est surtout connu pour sa voix. Il est
doubleur, notamment pour les acteurs américains Burt Reynolds, Jim
Brown et surtout la voix française de Peter Falk (1927-2011), tant pour le
cinéma que pour la télévision avec son célèbre rôle de l’inspecteur Columbo. Si au départ, pour tenir le
rôle de Charlie, c’est Jean-Paul
Belmondo (1933-2021), puis Marcel Bozzuffi (1929-1988) qui ont été proposé par le
producteur, c’est finalement Serge Sauvion qui a plu à Joël Séria,
car il trouvait qu’il avait un look plus adapté pour être un vendeur sur les
marchés. A noter que Jean-Paul Belmondo (qui a aimé Charlie et les deux nénettes) donnera une aide précieuse à Joël
Séria pour pouvoir réaliser le film Les
Galettes de Pont-Aven, en le mettant en contact (grâce à son pote Charles
Gérard) avec les patrons d’UGC, les frères Edeline. Ils mettront la
main à la poche pour le financement du film. En guise de remerciement, on trouve au script,
Patricia Belmondo (1953-1993), fille de l’acteur.
Charlie et ses deux nénettes est une sorte de road movie,
tranche de vie qui permet de montrer la province française des années 70 :
les petites villes avec le bal du samedi soir avec l’orchestre qui reprend les
succès du moment, la fête foraine et ses auto-tamponneuses, les petits loubards
qui se la pette, les cigarettes Gauloises brunes sans filtre qu’on fume au lit,
dans la voiture, dans le troquet en buvant une mousse ou un p’tit rouge, les
vêtements Prisunic avec les pulls col roulé, pantalons et chemises aux
couleurs pop. L’ambiance du marché, qu’importe le temps, le réveil matinal est également bien montré. La
relation amicale, chaleureuse, fraternelle entre Charlie avec Ghislaine et Josyane est
étonnante, d’autant qu’il y a 20 ans d’âge entre Charlie et les deux jeunes
filles. Sans chichi, ils partent à l’aventure, ont des projets, des envies plein
la tête. Idem quand Josyane part avec
Tony sans se poser de question,
d’autant que Tony pourrait être le père de Josyane. Nous sommes dans les années 70 et
non pas les années 2020. Malgré tout à l’époque, 1973, un an avant la sortie du
film Les Valseuses de Bertrand
Blier, une relation entre un adulte de 40 ans et une fille de 20 ans, cela devait
faire jazzer. Regarder en 2023, Charlie
et ses deux nénettes, c’est un voyage dans le temps, autre époque, autre
meurs. C’est également le plaisir d’entendre une nouvelle fois, la gouaille de Jean-Pierre
Marielle, dont le rôle de vendeur ambulant va lui coller à la peau: vendeur
de parapluies dans Les Galettes de
Pont-Aven, vendeur d’encyclopédies médicales dans le caustique L’Entourloupe de Gérard Pirès.
Le film a été produit par Albina
du Boisrouvray, qui avait à l’époque déjà produit Les Zozos, premier film de Pascal Thomas, autre grand
réalisateur sous la France de Valéry Giscard d’Estaing. Quant à la musique,
elle est composée par Philippe Sarde.
Le Blu-ray contient en bonus,
une petite présentation du film par Jérôme Wybon, un document d’époque
avec un reportage pour l’émission TV Cinéma
en herbe. L’interview de Joël Séria et l’opérateur, cadreur Marcel
Combes se passe à l’heure du diner dans un restaurant. Enfin, la bande
annonce du film inédite d’époque, introuvable pour l’instant sur le net. Bonne séance
sur les routes de France l'an 1973 !