Le compositeur François Merlin vient de publier son deuxième album titré Les Magnifiques, titre tout approprié, car le résultat musical est justement magnifique. J’en parle ici (1). Sa musique est tellement belle et tellement cinématographique, que j’ai voulu en savoir plus sur ses goûts musicaux. Résultat ci-dessous, avec ses commentaires sur le choix, qu’on imagine très difficile.
Ton morceau intemporel ?
Là, tout de
suite, je pense à Roads (Dummy, -Go-Beat-2017) de Portishead.
La voix de Beth Gibbons est
indescriptible, la simplicité du tire déconcertante, les vagues de guitare et
de Rhodes hypnotiques, les cordes, les paroles… bref.
Ton album culte de tous les temps ?
Aujourd’hui, disons Grace (Columbia-1994) de Jeff Buckley.
Seul disque de son vivant et… un chef d’œuvre absolu qui donne envie de tout et son contraire : crier, susurrer, sortir la disto, la ranger pour un jeu de guitare tout en subtilité. Puis, les reprises qui deviennent plus Jeff Buckley que les compositions… c’est très fort.
Ton single parfait de tous les temps ?
Méga Méga
tube : Hey Jude (Odeon-EMI-1968), les Beatles (Revolution en Face B, rien que ça). Du genre des
titres que l’on connait tellement qu’on en oublie la version d’origine.
La fin me rend fou (avec les plus célèbres paroles au monde : « Na na na
nanana »). Loin de l’ambiance de célébration festive des fins de concert
de P. McCartney et autres chants de
stades, se joue quelque chose de plus subtil lorsque l’arrangement magistral de
George Martin entre : cuivres majestueux
dans le registre grave (très très grave…), puis cordes, quelques bois et,
progressivement, une ouverture dans les aigus… Plus complexe, en lutte, ambigu
et même rageur, je ne me lasse pas de ce final.
Tes deux LP's sont comme des concepts album. Ton concept album de référence ?
Laissons de côté les grands (et très beaux) classiques, avec néanmoins une petite mention de L’enfant assassin des mouches (1972) de Jean-Claude Vannier, puisqu’il y a un clin d’œil direct à ce disque dans la plaquette vinyle des Magnifiques : un petit conte écrit d’après la musique.
Parlons plutôt de Aus Der Reihe Derrick (Eine imaginäre musikballade in 10 Liedern) de Tempomat (Viro Major-2022) qui compose sans moquerie aucune une nouvelle bande originale imaginaire à la mythique série Derrick. Résultat : des titres au rythme effréné d’une moyenne de deux minutes trente où le Korg MS 10 est roi.
Tempomat c’est, au départ, Jonathan Lieffroy (qui joue sur quelques titres des Magnifiques) rejoint sur scène par Nicus et Fred Campo (de Frustration) pour un ciné-concert actuellement en tournée. A ne pas manquer.
L’album/single d’un artiste/groupe français qui t’émerveille ?
Me viennent en vrac : MDTG (2019) d’Inigo Montoya, Amor Infini de Manuel Adnot (2020, sublime…) et Aux solitudes (2008) de Jean-Philippe Goude !!
Toutefois, j’arrête mon choix sur Paix (Philips-1972) de Catherine Ribeiro + Alpes pour la grande liberté d’écriture et d’interprétations des textes pour l’époque, et pour le génie de créatif de lutherie par l’invention de nouveaux instruments mécaniques totalement magiques de Patrice Moullet.
Ta musique évoque les B.O. de film, musique pour spectacle. Ta BOF ou musique pour spectacle préféré ?
Paradoxalement, j’écoute peu de B.O. Plus que la composition musicale, ce qui me semble compter, c’est l’utilisation qui en est faite : la répétition du thème principal et du traitement à l’image de In the Mood for Love (2000, Wong Kar-wai) est une masterclass dans le genre. Je pense aux B.O. du cinéma muet bien sûr qui laisse une place première à la musique (tout Chaplin, c’est formidable).
S’il ne faut en garder qu’une pour la sélection, je choisis la riche BO de Wojciech Kilar (et J. Kosma et J. Prévert pour les chansons) du Le Roi et l’oiseau (WEA-1980). La fusion son et image est totale, ce film est un ovni.
Ta musique est principalement instrumentale, avec de nombreux instruments, digne d’un orchestre, mais avec aussi des collages sonores. Ton album instrumental, sonore préféré ?
Mary Casio : Journey To Cassiopeia de Hannah Peel (My Own Pleasure-2017) où les sons électroniques dialoguent avec des cuivres et percussions classiques. Tout se mélange et se nourrit, c’est très beau.
Et sinon, dans le désordre je pense à Never Were the Way She Was (2015) de Colin Stetson & Sarah Neufeld, Island Songs (2016) d’Ólafur Arnalds, Naphtaline (2007) d’Ez3kiel, Riceboy Sleeps (2009) de Jonsi & Alex et The Honey Bear (2018) de Hamsphire and Foat…
La pochette de disque la plus classieuse ?
Ones and Sixes (Sub Pop-2015), Low.
Une pochette inséparable de son contenu musical : c’est simple, épuré. La texture de l’arbre est tellement subtile qu’elle met fin au début physique vs. numérique. Cette pochette résonne tellement avec la musique. Parce Mimi Parker (NDLR : elle vient de nous quitter, le 6 novembre dernier à seulement 54 ans), aussi.
J’aime beaucoup les pochettes, alors : le Velvet Underground, la trilogie Revolver / Pepper / Album blanc des Beatles (une pochette, un style, une révolution stylistique), les énigmes de Blackstar de Bowie (indissociable de son contexte de parution), The Much Much How How and I de Cosmo Sheldrake et Racines de C’mon Tigre.
Tu travails à radio France. Le vinyle le plus top, le plus précieux que tu as eu entre les mains ?
La
collection est absolument folle, et indescriptible en peu de mots.
J’ai travaillé sur le fameux 45t Octopus / Golden Hair de Syd Barrett mais il y a des choses bien
plus magiques encore : la collection de 78t, des pressages d’origines de
grandes collections (Blue Note, Folkways, Collection Prospective 21e siècle, etc.), des
choses improbables (Sonorama, Barbie
California des Beach Boys, des
Picture-disc kitch au possible, etc.).
Dans ma
collection personnelle, je suis très heureux d’avoir le magnifique LP Wake
Up Calls (Tardigrade-2020) de Cosmo
Sheldrake (pressage limité et maintenant assez difficile à trouver). Un
disque intégralement composé de chants d’oiseaux (en voie de disparition) samplés.
Je ne connais pas une personne à qui j’aie recommandé ce disque qui n’a pas
aimé.
L’album parfait pour passer un agréable moment avec la personne qu’on chérie le plus ?
Rodrigo Amarante, Drama (Polyvinyl-2021). Un
disque absolument « tout-terrain » : comme ambiance musicale, pour
une écoute attentive, pour chanter ensemble, danser, il supporte tout. Il y a
également une lettre (en portugais) et un petit livre avec les crédits dans le
vinyle. Um Milhao est un titre que je suis capable d’écouter en boucle
sans me lasser.
Question bonus, le disque que tu n’es pas fier d’aimer, du moins vis-à-vis des autres, mais que tu adores malgré les ricanements ?
Richard Gotainer, Vive la Gaule (Virgin-1987).
Le contre-exemple : daté, d’un goût douteux…Aucune excuse. Tout simplement un disque d’enfance. Je le place sur la platine uniquement lorsque je suis seul (minium une fois par an) pour une écoute religieuse.
(1): Chronique de l’album Les Magnifiques ici : https://paskallarsen.blogspot.com/2022/11/francois-merlin-les-magnifiques-araki.html
https://francoismerlin.bandcamp.com/album/les-magnifiques
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https://www.instagram.com/franz_merlin/
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