mercredi 23 juin 2021

CERAMIC DOG "Hope" (Yellowbird/L’Autre Distribution) – 25 juin 2021


En mars 2020, un nouveau virus appelé Covid-19 va chambouler le cours de la vie des humains sur la totalité du globe. Si tous le monde est touché par la mise en place des gouvernements pour stopper le virus, avec le port du masque, les gestes barrières, ses confinements, ses couvres feu, certaines villes vont en pâtir plus que d’autres. Par exemple New-York avec sa densité importante de population et un président américain incompétent, Donald Trump qui pense que c’est une fake-news, puis cherche un responsable, désigné avec le terme « le virus chinois ». Si tous les métiers sont également touchés par ce nouveau mode de vie pour ne pas chopper ce virus très contagieux, celui d’artiste à la double peine, car il fait partie des métiers non essentiels. Si en ce mois de juin 2021, la vie « normale » reprend du poil de la bête (suffit de voir les rassemblements lors de la fête de la musique du 21 juin 2021), il est clair que ces 15 mois sous cloche vont laisser des traces. Tous les problèmes de société, (injustice, discrimination, écologie, réchauffement de la planète, incompétence des politiques, disfonctionnement du système économique capitalisme) sont du pain bénis pour la création artistique, du moins pour les artistes qui veulent exprimer leur mécontentement, leur vision du monde par leur art. Le Covid-19, comme l’a été la date du 11 septembre 2001, va petit à petit se retrouver dans les sujets de l’art. Le nouvel album du new yorkais Marc Ribot avec son groupe Ceramic Dog est justement une création qui découle ce cette étrange époque liée à l’actualité du Covid-19.


Au mois de mai 2020, Marc Ribot commence à trouver qu’être déprimé devient déprimant. Pour échapper à la déprime, il appelle ses potes de Ceramic Dog, le bassiste et multi instrumentiste Shahzad Ismaily et le batteur Ches Smith pour jouer ensemble en suivant le protocole des gestes barrières, se laver les mains (1).  Ils se retrouvent au studio Figure 8, et le fait de jouer ensemble en respectant les gestes barrière va donner naissance aux neuf morceaux (dont la reprise Wear Your Love Like Heaven de Donovan) de ce nouvel album titré Hope (Espoir en VF). Nos trois musiciens ont créé en 2008 le trio Ceramic Dog. Hope est leur 5ème album, autant dire qu’ils se connaissent bien et cela se ressent dès les premières notes de B-Flat Ontology qui ouvre les festivités. L’énergie, la classe, le sens des ambiances, tout au long de l’album on se sent en très bonne compagnie, tant ses musiciens sont bourrés de talent. La tonalité de l’album est urbaine et enragé. Le fameux son NYC downtown. Leur musique pulse et fait chaud au cœur. On y entend du rock, du jazz, du blues, du groove, du reggae dub root, de la noise, de la No-Wave, le tout dans une harmonie totale qui en fait une unité de ton qui permet de voyager d’un style à l’autre sans aucun bobo. C’est dément ! Quelque part entre Herbie Hancock 73, Pink Floyd 68, Lou Reed, Mike Patton, John Zorn, Pere Ubu, James Chance, The Ex, une BO imaginaire de Wim Wenders, les morceaux confinés dans Hope donnent le tournis, et c’est juste génial ! Par exemple comment ne pas être captivé par le morceau slam The Activist, qui donne envie de se retrousser les manches, du moins si on ne porte pas un T-shirt. La guitare de Marc Ribot fait des merveilles. Il peut tout jouer avec style. Notre virtuose est porté au sommet avec ses deux acolytes et parfois quelques invités, comme le saxophoniste Darius Jones sur les morceaux free no-wave They Met In The Middle et The Long Goodbye. C’est une évidence, cet album est une merveille sonore qui sera dans le peloton de tête des disques de l’année 2021. Au moins, il n’y a pas que du négatif dans les effets pervers du Covid-19, parfois sa peut donner des merveilles comme Hope, un album qui donne envie de reprendre contact avec les rues et la vie nocturne new-yorkaise, soit l’anti-confinement. Et que l’on ne nous parle plus de métiers essentiels et non essentiels, car comment imaginer une vie sans musique et sans contact avec les artistes ? Un doute, écouter Hope. Enfin pour clore cette chronique, notons la photo de la pochette qui montre la terre toute petite dans l’univers.

Photo @ Ebru Yildiz

(1): Ci-dessous la traduction du texte de Marc Ribot reproduit sur la pochette intérieure de l’album et sur sa page Bandcamp. Ce texte écrit en novembre 2020 nous donne des explications sur la naissance et la création de Hope.

« Lorsque ces séances d’enregistrement ont commencé la dernière semaine de mai 2020, je n’avais pas quitté ma maison pour aller ailleurs qu’à l’épicerie depuis plus de deux mois. Je n’avais pas pris de taxi ni de métro. J’avais perdu plusieurs amis à cause de la COVID-19 et j’avais peur de perdre encore plus grâce à la non-réponse de notre dictateur ou de notre « président », dont l’adoption délibérée de la contrevérité a nourri des dizaines de milliers de vies à la pandémie et a également réduit le peu d’espoir qui restait pour éviter la catastrophe du réchauffement climatique.

Je n’avais pas vu mon partenaire depuis février (nos plans d’aller dans les pays de l’autre ont été arrêtés) et ce serait en juillet avant que nous nous retrouvions enfin. Nos difficultés n’étaient rien comparées aux autres. Quand moi et les autres Ceramic Dogs, Ches et Shahzad avons trouvé un moyen d’enregistrer, nous sommes entrés dans le studio séparément, assis dans des pièces séparées et isolées d’où nous ne pouvions pas nous voir, communiquant à travers des micros et des écouteurs. On a fait attention de se laver les mains : l’un de nous a des problèmes respiratoires, donc les conneries auraient pu être mauvaises. Nous nous sommes retrouvés avec deux disques, certains sortis sur Bandcamp en octobre sur l’EP What I Did sur My Long Vacation, et la majorité de la musique ici sur ce CD complet.

Si quand les gens se remémorent ces temps, peut-être qu’ils sembleront irréels... étrangers, extraterrestres : la façon dont j’ai, enfant dans les années 1960, regardé les images fanées des années 1930 comme incroyablement anciennes, même si les membres de la famille qui avaient survécu à ces actualités étaient assis à côté de moi au petit déjeuner. En fait, mon moi de 9 ans était plus proche de l’incendie du Reichstag que nous sommes maintenant à la libération de Jamais.

Quoi qu’il en soit, lorsque nous sommes entrés dans le studio, j’ai pensé que nous trouverions quelque chose qui parlait à notre époque, un message dans une bouteille à nos auditeurs naufragés (imaginaires). Mais une fois que nous avons commencé, c’était tellement amusant de jouer que nous avons oublié les désastres à l’extérieur. Donc, nous nous sommes « parlés ». Et à d’autres moments que nous ne pouvions pas encore voir : comme le jour, 5 mois plus tard, où les gens partout dans Brooklyn dansaient dans les rues pour la joie. On est presque en décembre. Les choses s’arrêtent encore une fois, et je suis en quarantaine en Europe où je rédige des notes de voyage pour un enregistrement qui sera publié au cours de la nouvelle année — encore une fois, je parlerai à une autre occasion… peut-être un futur ? »


Photo @ Ebru Yildiz

https://marcribot.bandcamp.com/album/hope

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