Photo @ Raw Journey
Nous sommes le 12 juin 2021. C’est le rendez-vous des passionnés du vinyle avec le Disquaire Day, l’occasion de rendre visite à son disquaire et d’aller aux rencontres des labels indépendants, comme ici à Paris au Point Éphémère. Comme il n’y a pas que les sorties Disquaire Day dans la vie, c’est aussi l’occasion d’acheter des vinyles qui sont édités sur justement des labels indés comme ce premier album couleur soleil (1) du duo parisien À trois sur la plage. En cette journée ensoleillé du 12 juin, quoi de mieux que d’écouter la musique synth wave et électro pop composée par Liza Liza et Sophie Massa. Au lieu d’aller à la plage à trois, elles ont répondu par mail à mes questions, et je les remercie de tout mon cœur !
Vous pouvez en quelques mots présenter votre parcourt musical avant la création d’À trois sur la plage ?
Sophie : Avant le groupe, j’ai surtout beaucoup écouté de musique et organisé des concerts. J’ai assez peu utilisé ma guitare électrique au final ! Nous avons formé le groupe Der Baum avec une très bonne amie mais n’étions pas assez assidues et expérimentées, il faudrait recommencer !
Liza : Je fais de la musique depuis 15 ans environ. J'ai toujours été au chant dans mes précédents projets et j'avais une très forte envie de faire la musique aussi, c'est comme ça qu'À trois sur la plage a commencé !
Par quel biais, quelle circonstance vous vous êtes rencontrées ?
Sophie : Nous nous sommes rencontrées au Garage Mu (NDLR : Paris 18ème) à l’anniversaire d’une amie commune.
Liza : J'ai fait un petit malaise et Sophie est venue me secourir en m'apportant des bonbons et des chips ! On a ensuite passé toute la soirée à discuter musique, j'ai proposé ensuite à Sophie d'essayer de faire de la musique ensemble. Ca me plaisait de faire un groupe sans garçon dans ce milieu très masculin.
K7 4 titres publié en 2019 sur Gone With The Weed
Qu’est-ce qui vous a motivé, l’élément déclencheur qui vous a donné envie de créer À trois sur la plage ? D’ailleurs pourquoi ce nom ?
Sophie : L’élément déclencheur est sans doute le fait qu’on a rapidement senti une motivation individuelle réciproque donc on s’est dit que ce serait bien d’essayer !
Ce nom est l’idée de Liza, mais elle n’était pas trop sûre au départ, j’étais plus enthousiaste je crois. Après avoir cherché pendant assez longtemps d’autres noms, on est revenu à celui-là qui synthétisait ce qu’on voulait fùaire, quelque chose de simple, enjoué, joli, rêveur...
Liza : Comme je viens de le dire, j'étais arrivée à un moment où j'avais envie de me mettre aux instruments, ça me travaillait depuis pas mal de temps et c'est pour cette raison que j'ai décidé de monter un nouveau projet. Ce nom, il tournait dans ma tête depuis longtemps. C'est certainement une association inconsciente entre À trois dans les WC, groupe français des années 80 et la plage, l'endroit où je me sens bien.
Dès le départ vous avez senti que ce projet devait avoir la forme d’un duo ? Ou c’est parce que vous n’avez pas trouvé d’autres musiciens ?
Sophie : Oui il me semble, plus parce que le fait d’être deux simplifie beaucoup de choses pour les décisions et la synchro des emplois du temps ! On voulait être efficace et avancer rapidement. On a eu quelques propositions mais pour le moment, on aime bien la liberté que permet cette formule.
Liza : On se comprend bien toutes les deux, c'est fluide et ça va donc de soi ! Et on accepte les contraintes que ça impose techniquement, c'est plutôt stimulant en fait !
Photo @ Titouan Massé
Vous venez de publier votre 1er album. Vous pouvez nous raconter comment c’est passé la création des compos et la mise en forme de l’album ? Avant d’entrer en studio, les morceaux étaient écris, où bien les morceaux sont apparu suite à des improvisations ?
Sophie : Au départ, l’album devait reprendre les 4 titres de la cassette publié en 2019 sur Gone With The Weed et les nouveaux morceaux que nous avions composés pour le live. Avec le Covid, tout a été décalé, nous avons écrit de nouveaux morceaux, Behind, L’Éclipse, Détraqués, donc nous n’avons finalement laissé que Le Soleil qui était sur l’EP.
Les morceaux étaient assez écrits et plus finalisés que ceux de la cassette avant l’enregistrement. Il y a eu des changements lors des enregistrements avec Alexis Lumière qui a arrangé les boîtes à rythmes et rajouté des synthés comme le MS 10 dans Play. Et bien sûr ensuite le travail de Maxime Smadja qui a une vision plus globale des morceaux et qui sait les bonifier en ajoutant quelques notes de synthé ou guitare, en assurant la justesse parfaite des voix, en enregistrant les guitares avec un micro dans une salle de bain pour donner un effet.
Comment se passe en général la composition d’un morceau ? Le rôle de chacune dans le duo ?
Sophie : La composition a évolué. Au départ, l’une commençait à écrire sa partie et l’autre rajoutait son instrument bien que Liza avait déjà quelques morceaux quasi aboutis. Je faisais plus de morceaux à la guitare aussi et Liza faisaient les boîtes à rythme. Maintenant et notamment avec le Covid, on a plus tendance à faire des structures de morceaux complètes, puis à les arranger ensemble.
Liza : Oui on travaille chacune de notre côté, on se fait écouter ce qu'on a fait, souvent dans des versions déjà assez abouties et on arrange les morceaux ensemble ensuite. On finit par répéter les morceaux ensemble, cette étape intervient à la toute fin du processus. C'est d'ailleurs la première fois que je fonctionne comme ça dans un projet et ça me plait plutôt bien !
Le son new wave synthé des années 80 est très présent dans votre musique. Vous utilisez quoi comme synthétiseurs ? Que représente pour vous le son des années 80 ? Vos artistes préférés de cette époque ?
Sophie : J’ai commencé avec un VL-Tone qu’on entend sur Le Soleil et Liza aussi en avait un qu’elle utilise sur Robe Noire. J’ai maintenant un Casio Casiotone MT 65 qui a une douzaine de sons et quelques effets. Liza a un minilogue Korg qui a beaucoup de sons et de modulations différentes. Le son des années 80 pour moi, c’est beaucoup d’une énergie punk finalement, minimaliste mais moins perdue qu’aujourd’hui, il y avait beaucoup plus d’espoir, ça me paraît plus vivant, plus riche.
Liza : J'utilise du matériel actuel: un minilogue et une MPC live. La MPC c'est un peu la révolution pour moi. J'ai commencé avec une drumtracks, puis une TR 707 puis une DX et pour enfin m'arrêter sur la MPC. Ça me permet d'utiliser tous les sons des autres boîtes à rythmes en les samplant et d'utiliser aussi des synthés de la MPC.
Le son des années 80, c'est le son de mon enfance, c'est avec ce son que mon oreille s'est formée. Ma grande sœur écoutait les Cure, Tears for Fears, Depeche Mode et à la maison on aimait aussi tout ce qui passait au top 50 avec un gros faible pour les Rita Mitsouko, Madonna, Nina Hagen, Klaus Nomi, B 52's... j'ai baigné là-dedans et j'ai aimé ça ! Des années après, j'ai découvert d'autres artistes des années 80 que j'ai beaucoup écoutés: Jacno, Deux, Mathématiques Modernes, Cha cha Guitri... ce qu'on a appelé Les jeunes gens modernes.
Pochette de l’album "Michael et Miranda" de The Passions (1980- Fiction records)
Vous avez d’ailleurs reprit le morceau Pedal Fury du groupe new/cold wave The Passions. Pourquoi ce titre et ce groupe ?
Sophie : J’aime beaucoup ce groupe pas si connu, cet album Michael and Miranda (2) et l’énergie de ce morceau particulièrement tout simplement ! Je l’ai proposé à Liza qui a accepté. Plus tard, nous avons demandé au groupe leur accord pour le faire figurer sur l’album.
Liza : Super découverte, j'ai été tout de suite conquise !
Pochette de l’album publié en 2021 sur Gone With The Weed
La pochette de l’album est épurée à l’extrême. Pourquoi ce choix, que je trouve un peu casse gueule pour un premier album.
Sophie : Ahahah ! C’est difficile une pochette, tout est casse gueule... il y en a tellement ! Comme faire un groupe d’ailleurs. On avait envie de quelque chose de simple et efficace et surtout qui nous plaisait à nous. Mais quand même avec un nom lisible car on l’aime bien et personne ne le connaît ! L’idée de cette pochette vient d’un paquet de cigarettes allemandes Sport vintage retrouvé dans les décombres d’un appartement. Une belle police sur une belle couleur, le paquet est exposé chez Liza, on voulait un visuel qui fonctionne seul.
Liza : Ce paquet de cigarettes, il nous a toujours accrochés l'œil à Sophie et à moi. Je me suis imaginé qu'il avait appartenu à une vieille dame. Je l'imaginais seule, pleine de spleen, se remémorant sa vie en fumant ses cigarettes. Toute cette histoire collait bien à l'ambiance de notre album.
L’album est publié sur le label Gone With The Weed. Quelques mots sur le choix du label. Vous avez carte blanche, une liberté totale ? Le label vous fait des subjections (visuel, producteur, remix…) ?
Sophie : Gone With The Weed est le label qui nous paraissait le plus proche de notre musique donc au départ, on leur a envoyé les enregistrements de l’EP et on s’était dit qu’on enverrait à d’autres s’ils n’étaient pas intéressés. Nous avons une liberté totale. J’espère qu’ils nous auraient dit s’ils avaient trouvé des choses à améliorer mais j’en doute ahahah. Je crois que c’est important pour eux de laisser cette liberté à tous les artistes du label.
Liza : Big up GWTW!
Photo @ Jenny Jenn Lysiane
Qui sont les artistes qui vous ont donné envie de créer de la musique ? Quels sont les artistes que vous écoutez actuellement ?
Sophie : Tous ceux que j’ai écoutés et aimés assidument : Sonic Youth, Coil, The Fall, Can, Beat Happening, The Suburban Homes, Ela Orleans, Téléphérique, Pierre et Bastien, The Feeling Of Love... Mais finalement, l’artiste qui m’a vraiment donné envie c’est Liza !! Parce que je ne pensais pas que j’en étais capable.
Actuellement j’écoute beaucoup le dernier album de La Femme, que je trouve vraiment excellent ainsi que Datblygu, Paris Banlieue, Pierre et Bastien. Je regarde les disques mis en avant sur les réseaux sociaux par les boutiques Pop Culture ou Born Bad et je découvre toujours beaucoup de groupes que je ne connais pas.
Liza : Je ne pense pas que des artistes que je pouvais beaucoup aimé m'aient donné en tant que telle l'idée de faire de la musique. Pour avoir envie de créer de la musique, il faut s'autoriser à y penser, se sentir légitime et/ou faire les bonnes rencontres qui vont créer un possible. Si on ne m'avait pas proposé de chanter dans un groupe, je pense que je n'en aurais jamais pris l'initiative.
Actuellement j'écoute pas mal d'artistes francophones comme Musique Chienne, KCIDY, Lispector, Mathilde Fernandez... du hip-hop un peu old school aussi et pas mal de dance/house/new beat des années 90, de la musique éthiopienne aussi et plein d'autres trucs encore !
Lors de la pandémie, il est apparu le terme de « commerces essentiels » et « commerces NON essentiels », dont la culture fait partie. Quel est votre avis sur cette discrimination, à savoir si l’on fait un travail essentiel ou non essentiel ?
Sophie : Finalement, les libraires et disquaires sont devenus essentiels, c’est déjà ça. Pour que les gens puissent compenser chez eux et ça permettait de rattraper cette indélicatesse. Par ailleurs, il faut distinguer la normalité de la crise que nous venons de traverser avec un objectif de protéger les gens les plus à risque et les soignants. Bien sûr, une vie sans interactions sociales, sans cafés, sans restaurants, sans cinéma, sans concerts n’a plus de sens... mais c’était exceptionnel.
La coupure franche a permis aussi à chacun de se recentrer. Je pense aux parisiens dont je fais partie sans cesse dans le mouvement d’une sortie, de rencontres. Il faut trouver un équilibre entre les choses, c’est ça qui me paraît essentiel. Mais la direction dans laquelle on va est inquiétante car en effet, les enseignants, les soignants, les fonctions essentielles d’une société ne sont plus reconnues à leur juste valeur. C’est tout un service public qui se déconstruit et le politique avec.
Liza : J'aurais beaucoup à dire sur la politique de nos gouvernants depuis la crise et même bien avant la crise. Je crois surtout que tout a été fait à la va-vite, écrit sur le coin d'une table et en fonction des forces en présence, pour le dire plus clairement, en fonction des lobbies qui avaient le pouvoir et l'entre-gens suffisant pour défendre leur secteur et demander à ce qu'il soit maintenu ouvert. Mais ce n'est qu'une intuition, certainement pas complètement juste .Et je rejoins Sophie sur le fait que les professions les plus indispensables sont toujours les moins reconnues, les moins rémunérées. C'est un non-sens total.
S’il y un message à faire passer à nos lecteurs c’est ici !
Liza: Se dire que le champs des possibles est ouvert (au moins s'en persuader même si ça n'est pas toujours complètement le cas), que si on a envie de faire quelque chose, il faut se lancer, ne pas avoir peur d'y aller, la vie est trop courte et rien ne sert de regretter !
(1) Chronique de l’album ici : https://paskallarsen.blogspot.com/2021/05/a-trois-sur-la-plage-st-gone-with-weed.html
(2) A noter que cet album ainsi que les deux premiers 45t sont publiés sur le label Fiction Records, créé en 1978 par Chris Parry, alors directeur artistique chez Polydor, dans le but de publier les disques de The Cure. C'est ce que fera Fiction Records de 1979 avec le 45t Killing In Arab (Fics 1) à 2001 avec l'album Bloodflowers. Le 2ème album de The Passions sera sur Polydor avec le tube cold I'm In Love A German Film Star.
https://gonewiththeweed.bandcamp.com/album/trois-sur-la-plage-2
https://www.facebook.com/atroissurlaplage/
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