jeudi 23 septembre 2021

MIKADO : Le duo du soleil


Actuellement je suis en train de lire le livre French New Wave, 1978-1988, une jeunesse moderne écrit par Jean-Emmanuel Deluxe, publié aux éditions Fantask. Prochainement une chronique sur le blog. Même si le groupe Mikado n’a pas son chapitre/chronique dans ce livre, pour moi Mikado représente à merveille l’appellation French New Wave. Ce duo avec Grégori Czerkinsky (composition, instruments) et Pascale Borel (texte, chant) est né dans les années 80. Ils chantent en Français, ils ont du style, le genre musical est electro-synth-pop, les pochettes ont été réalisés par Pierre et Gilles, ils ont publié en 1982, leur premier 45 tours Pas Hazard sur le label arty Les Disques du Crépuscule, ils ont eu un succès avec le single La Fille du Soleil, leurs clips sont ancrés dans le visuel « platine 45 » des années 80, et en prime ils ont eu du succès au Japon.

En 2017, lors de l’édition d’une compilation éditée sur le label Les Disques du Crépuscule, j’ai fait une interview par mail de Grégori Czerkinsky. Je l’avais rencontré avec Pascale Borel lors du Marché des Labels Indépendants au stand Factory Benelux à La Halle des Blancs Manteaux à Paris. L’interview a été publié dans le fanzine Abus Dangereux face 146 avril/juin 2018. Je vous propose ci-dessous l’intégralité de l’interview.

 


Le label Les Disques du Crépuscule vient d’éditer "Forever" une  compilation  qui reprend presque l’intégralité de la discographie du duo pop Mikado. C’est le bon moment de faire un retour vers les années 80, époque qui permettait d’acheter un billet de train avec le Minitel.

Mikado est un duo (Pascale Borel et Grégori Czerkinsky) électro-pop français qui a parfumé notre vie entre 1982 et 1987, soit le siècle dernier. Ils ont fait un magnifique album et de nombreux tubes, dont La Fille du Soleil. Leurs visuels, très appréciés par le public japonais, ont été mis en image par Pierre et Gilles. Grégori Czerkinsky répond sans langue de bois à nos questions.

 

 

Les Disques du Crépuscule vient de rééditer une compilation qui reprend l’intégralité de votre discographie. Cela vous a fait quel effet de vous replonger dans le passé de Mikado ?

Pas beaucoup d’effet. Après tout ce temps, j’entends cette musique comme si quelqu’un d’autre l’avait faite, j’y aime certaines choses et d’autres un peu moins. Le catalogue Crépuscule des années 80 a été repris par James Nice, un passionné, fan et expert de toute cette mouvance genre Factory, Les Disques du Crépuscule etc.… et donc quand il a voulu rééditer Mikado j’ai évidemment accepté tout de suite.

Par rapport à la version du disque sorti en 1998 chez Le Village Vert (donc bien après la séparation de Mikado), quelles sont les modifications que vous avez apportées à cette nouvelle édition ? Et que pensiez-vous à l’époque de cette compilation ?

Rien à voir. La version Crépuscule est vraiment l’édition officielle, définitive, complète, fignolée, un vrai bel objet (photos, graphismes) et quasiment l’intégrale, double CD et double vinyle. L’édition de 1998 était bâclée, faite par des gens qui n’aimaient pas Mikado mais qui pouvaient ainsi se faire du blé à peu de frais.

Parmi les titres inédits, on trouve le morceau du film La nuit du chasseur. Vous pouvez nous parler de ce magnifique titre qui était resté dans les cartons ?

J’avais toujours adoré ce film, comme beaucoup de gens, et cette petite berceuse un peu angoissante me paraissait et me parait toujours absolument irrésistible. Donc j’ai voulu la faire avec Mikado et je ne suis toujours pas déçu du résultat.

Il reste encore des trésors cachés à publier ?

Non, à part des maquettes, des essais impubliables.

 

 

Votre premier EP "Par Hasard" était sortie sur Les Disques du Crépuscule. L’aventure ne s’est pas poursuivie. La raison ? Ce retour sur le label des premiers pas est-il un retour aux sources des plus purificateurs ?

La raison était d’ordre financier. Quand le label ne respecte pas un contrat signé, personnellement j’estime la collaboration terminée. Ce retour est lié à la personne de James Nice (NDLR : Boss depuis 2012 de Factory Benelux/Les Disques du Crépuscule), plus qu’au nom du label, mais le hasard de ce retour aux « sources » ne me déplait pas.

Pour nos jeunes lecteurs qui ne vous connaissent pas, on va faire un bond de 25 ans dans le passé. Dans quel contexte s’est formé votre duo, comment et où vous êtes-vous rencontrés ?

J’ai commencé à faire tout seul des morceaux en bricolant avec un 4 pistes, dont ceux qui allaient devenir du Mikado (pas d’ordinateur à l’époque évidemment). Et comme mon amie à l’époque, Pascale Borel, avait une très jolie voix, je lui ai proposé d’enregistrer ces chansons. Le résultat était réussi, donc on a continué comme ça jusqu’à « une certaine lassitude ». Tout lasse, tout passe.

 


Votre carrière discographique est un peu en dents de scie. Cinq 45 t sur des labels différents, avant un album sur la major Vogue, puis le 45t de votre tube La Fille du Soleil chez Epic. Ensuite plus rien jusqu’à la compilation en 1998. Quelles en sont les raisons ?

Je n’ai jamais arrêté de composer, écrire, chanter mais quant à sortir des disques, c’est du domaine du bon vouloir des maisons de disques. Entre 90 et 97, j’ai enregistré plein de démos et fait plein de concerts « confidentiels », « underground » avec ce qui était Czerkinsky, c’est à dire mon travail solo.

Mikado avait la particularité d’avoir un son très personnel. La voix fragile et pop sucrée de Pascale et le son du synthé donnaient une couleur acidulée assez étonnante. Vous pouvez nous parler du travail sur le son ?

Ça je ne peux pas le dire. On fait avec ce qu’on a sous la main que ce soit un 4 pistes, un ordinateur, un groupe de rock ou une fanfare et on verra bien ce que ça donne. J’ai toujours pensé et agi de cette manière. Quant au matos, j’avais un orgue Welson Condor, un petit piano électrique Pianotone, une boite à rythme Farfisa et quelques percussions (xylophone, glockenspiel, bongos, maracas) et sur la fin j’ai eu un petit Moog monophonique, je crois que c’était un Micro-Moog. Quant au micro c’était un shure M57, le plus courant du marché.

 


 


Chacun avait un rôle bien précis ? Pascale au texte et Grégori à la musique, où c’était selon le morceau ?

Non pas exactement. J’ai toujours écrit, composé et produit. Mais Pascale m’a proposé des paroles qui sonnaient bien, alors je les ai prises. Disons qu’elle écrivait des paroles et chantait et que moi j’écrivais aussi des paroles et après je m’occupais de tout ce qui était musique, production, mixage etc. Et vers la fin j’ai aussi chanté quelques duos avec elle.

Le choix de chanter en français était-il une évidence pour vous ?

Étant Français, vivant à Paris, on n’allait pas chanter en suédois.

En 1987, votre titre La fille du Soleil est un tube qu’en entend à la radio et à la TV. Quelles ont été les retombées suite à ce succès populaire ? Pas trop de stress dans le couple ?

Non pas du tout. Ça a fait un peu d’argent et c’est toujours bon à prendre.

Les pochettes de vos disques, ainsi que les clips Un naufrage en hiver et La Fille du Soleil sont réalisés par Pierre et Gilles. Comment s’est passée la rencontre, qui a fait le premier pas ?

Vers 1978, j’avais vu pour la première fois leurs images dans le magazine Façade disparu depuis et j’avais beaucoup aimé, donc dès que j’ai eu du budget vers 1985, on les a contactés et ils ont dit OK.

 


Leurs visuels sont très marqués, voir kitsch pour certaines personnes, est-ce que c’est le visuel qui collait le mieux pour illustrer votre musique ? Leurs visuels ne vous ont pas « trop » vampirisés ?

Aucune idée. Et si c’était notre musique qui avait vampirisé leurs images ?

Vous avez eu du succès au Japon. Vous y avez fait des tournées. Vous pouvez nous éclairer sur ce qu’était la « Mikado mania » au Japon ?

Ça n’était pas une « mania », il ne faut pas exagérer quand même. C’était un succès un peu plus qu’underground. C’est juste un bon hasard, les gens du groupe Yellow Magic Orchestra qui étaient des super stars au Japon étaient tombés sur notre premier maxi sorti sur Les Disques du Crépuscule et ils avaient beaucoup aimé. Comme ils avaient une émission de radio très populaire à l’époque, ils ont beaucoup passé le morceau Par Hasard qui est devenu un hit au Japon. Alors on nous a proposé de venir faire des concerts et le contact avec les gens et le public a été merveilleux, donc on y est retourné plusieurs fois. Haruomi Hosono, un des membres de YMO, venait de créer le label Non-Standard et il nous a proposé de produire un album. Comme nous en avions terminé avec Crépuscule, l’occasion était parfaite.

Par-contre en France, vous avez fait peu de concerts. La raison ?

Il faut demander aux tourneurs.

Pour quelle(s) raison(s) Mikado s’est séparée(s) ?

Tout lasse, tout passe…

Vous êtes arrivés dans une période faste de la musique indépendante française, quels rapports avez-vous entretenu avec toute cette scène (Mathématiques Modernes, Marie et les Garçons…) ?  D’ailleurs vous n’apparaissez pas dans la compilation « Frenchy But Chic » sortie sur Virgin de 1994. Comment est-ce possible ?

Ça il faudrait le demander à Virgin. Je n’avais pratiquement aucun rapport avec cette scène. J’ai croisé Daniel Darc et Mirwais (Taxi-Girl) des années plus tard, mais nous n’avons jamais été proche. Je n’avais jamais rencontré Jacno, Elli, Lio, ect. De toute manière, je me suis éloigné des "mouvements", "écoles". 

 


J’imagine qu’à l’époque on vous a souvent comparé à Elli & Jacno, de par le style de musique et le fait que vous soyez un duo. En 1999 vous avez fait avec Elli le 45t Tout Baigne !. Quelle était votre relation avec eux ? 

Je n’ai jamais connu Jacno. On m’a proposé Elli pour un duo sur cette chanson que j’avais écrite pour un film. Je ne la connaissais pas avant et après je ne l’ai jamais revue, donc je ne peux pas en dire grand-chose. Quant à l’idée de duo je préfère de loin Laurel & Hardy.

Après la fin de Mikado, comment avez-vous géré la suite ?

Comme d’habitude, juste faire de la musique, écrire et enregistrer des chansons et chercher à les sortir. Mikado était une bonne idée, mais après il faut en avoir d’autres.

 


 

Dans votre premier (remarquable) album solo "Czerkinsky", on y trouve Bertrand Burgalat, le compagnon de jeu idéal ?

Je me rappelle que je voulais un bassiste sur la chanson  Les anges (Ne pleurez pas), je l’ai croisé dans un studio et il a enregistré cette piste de basse. Mais à part ça je ne le connais pas du tout.

Pour ma part ce premier album est une synthèse parfaite de Serge Gainsbourg, de Lee Hazlewood et de Jacno, comment s’est déroulée la genèse de ce disque ?

Merci pour ces références et je les prends pour un compliment. Ça s’est fait un peu comme Mikado, sauf que c’est moi qui chantait. Ah si, au lieu d’un 4 pistes, j’avais un 8 pistes !


https://lesdisquesducrepuscule.com/mikado.html




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