lundi 26 avril 2021

MADE TO MEASURE Vol. 1 (Crammed Discs/L’Autre Distribution/PIAS) – 30 avril 2021


En 2021, le label indépendant Crammed Discs a 40 ans. Créé à Bruxelles en 1981 par le musicien et producteur Marc Hollander (Aksak Maboul, The Honeymoon Killers), Crammed Discs va devenir un label de référence, tant leurs publications soignées, ouvertes, pointues à la croisée du rock, du jazz, de la musique contemporaine, expérimentale et world imposent le respect. Parmi les plus de 350 albums et plus de 250 singles/EPs parus à ce jour, notons des disques tous formats de Minimal Compact, Tuxedomoon, Aksak Maboul, Karl Biscuit, Blaine L. Raininger, Zazou Bikaye, John Lurie, Colin Newman, Sonoko, Bel Canto, Yasuaki Shimizu, Konono N°1, Dominic Sonic

En 1984, Crammed Discs lance une nouvelle série sous l’identité Made To Measure. Ces albums, soit compilés avec plusieurs artistes, soit avec juste un artiste proposent des compositions destinés à être des bandes sonores pour les besoins d’autres médias, tels que le cinéma, la danse contemporaine, le théâtre, l’art contemporain/installation vidéo, les défilés de modes... Certaines bandes-son vont trouver preneur dans le cinéma, le plus connues étant la collaboration entre John Lurie et le cinéaste new yorkais Jim Jarmusch pour les BO de Stranger Than Paradise (Vol. 7) et Down By Law (Vol. 14), et d’autres resteront dans le registre imaginaire, sans rien perdre de leur magie et sensualité musicale. De 1984 avec au menu du Vol. 1, les artistes « maison » Minimal Compact, Tuxedomoon, Benjamin Lew, Aksak Maboul à 1993 avec Le Parfum du Raky de  Benjamin Lew il y a eu 35 volumes Made To Measure, puis quelques Vol. avec des sorties plus espacées. Les Vol. sont reconnaissable à leurs pochettes, illustrées par un peintre célèbre, qu’on peut parfois admirer dans les musés. Sur le Vol. 1, la peinture titrée Les Boxeurs est de Fernand Steven.

Après avoir réédité en 2017 le Vol. 12, Music For Commercials de Yasuaki Shimizu, voici la réédition remasterisée du Vol.1 sortie en 1984 en 33t vinyle, avec au menu Pieces For Nothing de Minimal Compact, A la recherche de B. de Benjamin Lew, Un Chien… d’Aksak Maboul et Verdun de Tuxedomoon.


Originaire de Tel Aviv, installé à Amsterdam, le groupe Minimal Compact publie son premier disque S/T en 1981 sur le label Belge Crammed Discs, faisant ainsi du groupe, l’un des fers de lance du rock/new wave européen avec Marquis de Sade, Mecano, Simple Minds (du début). En 1984, le groupe a deux albums et bientôt un troisième sur Crammed Discs, soit une valeur sûre pour démarrer la série des volumes. Idem pour les new yorkais Tuxedomoon, venus s’installer à Bruxelles. En 1982 le groupe publie l’album Desire sur le label voisin Les Disques du Crépuscule et à partir de 1985, Tuxedomoon et ses membres en solo seront publiés sur MTM, avec comme mise en bouche les trois morceaux de la série Verdun présent sur le Vol. 1. L’artiste multi casquette Benjamin Lew (poète, photographe, illustrateur sonore) a déjà un pied dans la maison Crammed, il a réalisé en 1982 un album instrumental avec Steven Brown (Tuxedomoon). Cet album, Douzième Journée : Le verbe, La parure, L’amour à l’atmosphère arty donne déjà une couleur sonore de ce que sera la série des volumes. Quand à Aksak Maboul, groupe de Marc Hollander, boss de Crammed Disc, première référence du label avec l’album Un Peu de l’Ame des Bandits (1980), normal qu’on le trouve présent sur ce premier volume.

Quatre artistes, quatre univers à la fois différents, mais qui se recoupent. Déjà de part les musiciens qui se connaissent entres eux pour certains pour avoir travaillé ensemble. Sur les quatre pièces de Minimal Compact, il y a la présence des membres de Tuxedomoon avec Steven Brown (saxophone, clarinette) Peter Principle (1954-2017), chanteur et musicien, mais ici à la production avec son ami Gilles Martin. Les quatre morceaux de Pieces For Nothing ont été composés pour le chorégraphe Pierre Droulers. On retrouve évidemment le style new wave/post punk de Minimal Compact avec en plus une touche musique contemporaine. Sur le titre Animal Killers, le chant nous évoque les albums La Folie/Feline des Stranglers et l’album solo Euroman Cometh de J.J. Burnel. L’ensemble a très bien vieilli ! L’usure du temps n’a pas eu lieu, ouf.

Le morceau A la recherche de B. de Benjamin Lew est une illustration sonore pour l’expo de mode Huit jeunes stylistes limbourgeois. De par son utilisation, on est bien dans le style « illustration sonore » (Library Music en VO), avec ses petits sons cosmiques et son atmosphère mystérieuse, digne d’un film de SF.

Pour ce Vol. 1, Aksak Maboul a composé deux pièces sonores, Scratch Holiday et Un Chien… . Le premier est la bande son d’un film de vacances des Honeymoon Killers et la deuxième pièce en six morceaux Un Chien mérite une mort de chien a été conçu pour une pièce de théâtre de Michel Gheude. Dans le titre du premier morceau il y a le mot Scratch, justement le morceau a pris vie avec une platine et le 45t d’une musique pop des années 60.  Pour Le Chien…, le style est dans la musique contemporaine/minimaliste/répétitive esprit Philip Glass, Steve Reich. Les six morceaux de cette pièce sonore sont magnifiques et très agréable à écouter. Cette pièce illustrerait idéalement la bande son d’un film muet d’expressionniste allemand. A (re)découvrir sans plus attendre !


Le Vol. 1 fini avec Verdun de Tuxedomoon,  qui contient trois pièces écrites et enregistrées pour la bande-son du film Het Veld Van Eer réalisé par le cinéaste néerlandais Bob Visser. Il y a de l’atmosphère, de l’étrange, du sombre, ce qui est normal, vu le titre Verdun, triste célèbre champs de bataille, lors de la première guerre mondiale avec 700 000 morts/blessés/disparus en comptabilisant les soldats français et allemands. L’ambiance du deuil, sans être mortifère est présente, avec un peu de lumière dans la mélodie de Driving To Verdun qui clôture l’album.

Bref, cette réédition nous a permis de réécouter cet album, qui était resté rangé depuis des années parmi les autres vinyles. D’autres remasterations de la série Made To Measure Vol. sont prévues prochainement, ainsi que des nouveaux volumes, dont le Vol. 45 avec le duo Nova Materia pour une oeuvre immersive de 40 minutes titrée Xpujil. Sortie prévue le 25 juin 2021. Donc à suivre !

https://mtmseries.bandcamp.com/

http://www.crammed.be/index.php?id=37&rel_id=514




 

Je profite de cette réédition pour remettre en ligne la chronique que j’ai écrite sur Music For Commercials MTM Vol. 12 de Yasuaki Shimizu, sortie initialement en 1987 et réédité en 2017 sur Crammed Discs.


Yasuaki Shimizu est un compositeur et saxophoniste japonais. Il a publié son premier album solo en 1978. De 1979 à 1983 il a fait partie du groupe Mariah. Depuis le début des années 80, il a publié de nombreux albums tout en multipliant des collaborations avec des artistes comme David Cunningham, Wasis Diop ainsi que pour le cinéma et la télévision.

Music For Commercials est une compilation de musiques que Yasuaki Shimizu a composé pour des publicités destinées à la TV japonaise. La majorité des titres sont très courts, à peine plus d’une minute. Malgré tout, en seulement une minute, Yasuaki Shimuzu arrive à mettre beaucoup d’éléments sonores. Sur ce sujet, Yasuaki Shimizu écrit dans la note figurant sur la pochette du disque : « La nécessaire contrainte temporelle m’a permis d’affiner mes pouvoirs intuitifs ». Sa musique, malgré l’aspect minimaliste est très riche en son, en harmonie et nous fait facilement voyager, du moins mentalement, grâce à ses boucles entêtantes parfois zen. Ces vignettes musicales ont une certaine légèreté qui est très agréable à écouter. Pas étonnant que ce disque soit devenu culte et très recherché, car les 24 morceaux de l’album ont une force intemporelle qui lui donne une certaine forme de noblesse. Musicalement on est dans l’esprit de groupes tels que Yellow Magic Orchestra/Ryuichi Sakamoto, David Sylvian/Japan et le compositeur Michael Nyman. Bref un bel album sonore à (re)découvrir.


https://yasuakishimizu.bandcamp.com/


1 commentaire:

  1. Il faut réhabiliter l'album Deadly weapon et l'abrasif "Next one is real", et évidemment leur premier EP et le hit "Statik dancing". À quand un spécial Minimal Compact cher Tonton Larsen ?

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