mercredi 21 avril 2021

GRAUZONE "S/T" (WRWTFWW Records) – 26 mars 2021


 

Le label Suisse WRWTFWW Records (quel nom !) réédite l’unique album de Grauzone pour célébrer son 40ème anniversaire. Pour cette fête, le label édite deux versions. La première version en double vinyle ou CD contient l’album original remastérisé à partir des masters originaux, le tout supervisé par Stephan Eicher, avec en bonus les morceaux des 4 EP’s, ainsi que des notes précieuses écrite par Lurker Grand. La deuxième version est un box, avec le même double vinyle remastérisé, sauf la pochette, ici en noir et blanc, un vinyle avec un live enregistré le 12 avril 1980 au centre de jeunesse, le Gaskessel à Berne, un fanzine de 80 pages format A4 noir et blanc écrit par Lurker Grand. Il y raconte la courte carrière (1980-1982) de Grauzone, le tout avec de nombreuses photos dans une mise en page esprit punk DIY en photocopie. Pour finir de remplir le box, on y trouve un poster agrandi a partir d'un flyer, le tout, la mise en forme, conception des visuels en noir et blanc est réalisé par Stephan Eicher.

 


 

Pour le néophyte, qui n’a jamais entendu parler du groupe Grauzone, il doit se demander : "Mais que vient faire Stephan Eicher dans cette histoire, certes Suisse ?". Et bien, avant de commencer une carrière à succès, Stephan Eicher va publier en 1980 un EP avec un tirage confidentiel sous le nom Spield Noise Boys (1), et avec son frère Martin (voix, guitare, synthé), Marco Repetto (batterie), Claudine Chirac (saxophone) et Christian G.T. Trussel (basse), il va créer le groupe Grauzone

 


Grauzone va publier un album et trois EP’s, dont le titre Eisbär va avoir un petit succès dans le milieu underground. Grauzone compose une musique minimale, expérimentale, électronique qui mélange after punk, cold wave, indus et synth pop, le tout avec un chant en allemand. Quelque part entre DAF, Suicide, Giorgio Moroder, Einsturzende Neubauten, Cabaret Voltaire, Warsaw/Joy Division, NEU !, la musique rythmique de Grauzone est intense, excitante, parsemé de surprises, idées sonores. Avec le groupe Kleenex/Liliput, Grauzone fait partie des groupes Suisses les plus novateurs du début des années 80.  Ainsi pas étonnant qu’au fil du temps, ce groupe c’est retrouvé sur des compilations de musiques new wave et électronique, régulièrement cité par des jeunes artistes qui viennent de les découvrir à travers une compilation, faisant de Grauzone un groupe CULTE.

 

https://wrwtfww.com/album/grauzone

https://wrwtfww.com/album/limited-edition-40-years-anniversary-box-set

https://www.facebook.com/WRWTFWW/


En 2010, le label parisien Born Bad édite l’album Stephan Eicher Spield Noise Boys (BB024) qui contient l’intégralité d’une K7 qui ne fut publié en 1980 qu'à seulement 25 exemplaires et l’unique EP 5 titres. Lors de cette sortie, j’ai écrit un texte pour le fanzine Abus Dangereux pour parler de l’avant solo de Stephan Eicher. L’article a été publié dans Abus Dangereux face 114 été 2010. Ci-dessous la retranscription du texte.

 

 

Avant de devenir le chanteur "à chanson" que l'on connaît, Stephan Eicher a gouté à l'avant garde de l'électro avec Grauzone et Noise Boys.


J’ai découverts Stephan Eicher en 1985 avec son tube Two People In A Room. J’avais gagné le maxi "remix" (avec le petit autocollant bleu “Échantillon Gratuit”) je ne sais plus comment, mais la face B "instrumental" a pas mal tournée sur ma petite platine disque couleur orange. A cette époque j’habitais en Bretagne, région où Stephan Eicher avait une certaine notoriété. Il était passé en 1984 aux Transmusicales de Rennes (période où sur scène il était seul avec une guitare, une boite à rythme et un ordi), ainsi que dans l’émission Décibels présenté FR3 Bretagne par Jean-Loup Janeir.


 

Ma deuxième rencontre avec Stephan Eicher remonte à 1986 quand j’allais danser dans la boite new-wave Le Coatelan (2) à coter de Morlaix. Dans la playlist du DJ il y avait ce titre Eisbaer par Grauzone, duo composé de Stephan et son frère Martin. Ce titre de 1981, réédité en 1986 sur PIAS, est une bombe d’électro froid style DAF/Kraftwerk/Suicide. Sur la piste de danse, impossible d’y résister, notamment avec le son de saxophone (jouée par Claudine Chirac) style Tuxedomoon qui achève le morceau et celui qui l'écoute. Ont étaient nombreux à entrer en transe sur Eisbär, à bouger dans un style libre mais couleur new-wave: soit les corps désarticulés, les bras qui s’entrecroisent avec les jambes élastiques et la tête qui tourne pour donner le tournis. Cela faisait un mélange de pogo avec des déplacements façon robot métallique sous piles électriques. Oui ce morceau avait de la gueule ! Quelques années plus tard (en 1989), devenu parisien, je trouve dans la boutique d’occas Parallèles le seul 33t de Grauzone (sorti en 1981, donc épuisée avant la première réédition en 1991) pour 25 francs (3.50 euros). C’est un pressage anglais édité sur la major EMI, avec comme inscription « Not for sale », soit un album promo destiné aux journalistes. Depuis il est sous haute protection dans ma collections de disques. Cet album au son électro, froid et minimal au carrefour de l’indus et de l’expérimental est une merveille pour tous les amateurs du son « cold » des années 80. Certes aujourd’hui l’album sonne un peu daté, car le son des instruments est si dépouillé et tellement marqué par l’époque 80. Mais c’est clair qu’il a marqué (et marquera encore) de nombreux jeunes passionnés de musique électronique.


Enfin ma troisième rencontre avec Stephan Eicher, remonte à… février 2010. Je passe faire un tour à la boutique de disques Born Bad, et j’entends en fond sonore une musique qui me plait. Je demande à Mark le vendeur de quoi il s’agi et il me dit: "C’est le petit dernier du label Born Bad, c’est Stephan Eicher spielt Noise Boys". Mes oreilles prennent une claque, car j’adore ce son minimal et froid. Une fois à l'appart, le disque tourne en boucle sur mon lecteur CD pour bien m'imprégner de ses 7 titres (avec la reprise presque pop "Sweet Jane" de Lou Reed) dont j'ignorais l'existence. Et bien je reste scotché! Efficace au possible, les mélodies "bip-bip" binaires, voire pauvres, sont tout simplement magiques. Si vous êtes fan de Cabaret Voltaire et de Suicide, c'est à écouter! La voix d’Eicher est aussi assez étonnante, notamment pour ce coté hésitant et martial, bien loin de son style en solo, qui le fera tourner dans les grandes salles d'Europe, mais ceci est une autre histoire.

Je ne vais pas vous raconter toute l'histoire de ce disque (le livret qui est glissé dans le CD ou le vinyle donne toute les infos), mais à l'époque en 1980, ces morceaux (enregistrés sur un dictaphone et sur du matériel "volé") ont été édités sur une K7 à seulement 25 exemplaires distribués principalement aux amis de l'artiste. Autant dire une musique invisible. 30 ans plus tard, JB le boss du label Born Bad récupère chez Stephan Eicher une copie des morceaux, et avec son accord, les 17 minutes sont aujourd'hui disponible au format CD et vinyle. Oh joie, cette injustice envers cette K7 est enfin réparée. Après l'écoute de Noise Boys, vous n'entendrez plus de la même façon le gitan Eicher chanter.

(2) Le Coatelan était également une salle concert où j’ai pu voir à l’époque, Gun Club, Christian Death, Kas Product, Minimal Compact, Noir Désir

https://www.bornbadrecords.net/releases/stephan-eicher-spielt-noise-boys/




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