Horse Temple est le projet solo de Guillaume Collet (Rome Buyce Night, Dernière
Transmission) et tête pensante derrière le label Zéro égal petit intérieur. Ainsi pas étonnant de le voir parfois à
la technique, au mastering des albums d'artistes édités sur le label. Après
avoir publié en 2014 l’album Ghosts/Tracks,
voici l’album Arh Abrabh, titre à
tiroir et écriture inversé du prénom Barbara selon Guillaume Collet.
La figure de la chanteuse Barbara (1930-1997) qui chantait L’Aigle Noir, colle bien à l’imaginaire pour
illustrer ce recueil de 10 nouvelles sombres, comme la pochette couleur noir
avec une gravure que Gustave Doré a réalisé en 1866. Ainsi,
« atmosphère, atmosphère », il y en a tout au long de ce 2ème
album qui raconte 10 histoires du point de vue de plusieurs
protagonistes : victime, témoin, prédicateur, criminel et autres
figurants. Pour la première fois, Guillaume Collet chante en anglais sur
ses morceaux. Comme c’est nouveau, on ne va pas chipoter sur le phraser,
parfois hésitant, limite novice, sur l’accent, car sa musique, construite autour du
chant permet de mettre en valeur les petites imperfections vocales. Donnant
ainsi une fragilité qui donne aux compos une belle patine sonore.
Ici le style
est un mélange de dark folk, de blues caverneux, poisseux, écorché, d’indie
rock du bayou, de chamanisme sous l’emprise alcoolisé d’un whisky frelaté, soit
un mix entre Sixteen Horsepower/David Eugene Edwards, Jeffrey
Lee Pierce, Nick Cave, Hugo Race, PJ Harvey pour l’esprit
de l’album et The Black Angels/The Brian Jonestown Massacre sur le morceau
titre.Enfin un passage du film La
Nuit du Chasseur de Charles Laughton (1955) et une ballade en
compagnie de Jim Jarmusch à travers le film Dead Man (1995) entrent dans nos visions en noir et blanc. Guillaume a composé, joué (guitares, percussions,
flûte), enregistré seul son album, sans oublier la conception de la pochette. L’album
est sombre, tourmenté mais pas déprimant. Ici l’album en SOLO prend tout son
sens. Certes la banlieue parisienne, notamment le 92 n’a pas le même paysage
que ceux du « rêve » américain, par exemple autours du Mississippi et
de Tucson. Malgré tout, comme Paris est (était ?) une ville d’accueil pour
les musiciens/écorchés américains de blues, de jazz, il doit surement rester des
vibrations dans l’air, qui sont allés jusqu’à la demeure de Guillaume Collet,
qui a su attraper au vol l’esprit du blues. C’est du moins l’impression que
donne son album solo.
Des livres sur le groupe Pink Floyd, il y en a eu à la pelle, et il y en aura encore, vu le
talent novateur des membres du groupe et la longue carrière remplit de succès. Après
avoir publié en 2018 Which One’s
Pink ? (Le Mot et le Reste),
Alexandre Higounet poursuit sa
lecture du groupe Pink Floyd, et
plus particulièrement sur la personnalité de ses membres à faire évoluer la
musique du groupe au fil du temps et des albums, avec La
Croisée des Destins qui se concentre sur la relation de Syd Barrett (1946-2006) avec Roger Waters, Rick Wright (1943-2008), Nick
Mason et David Gilmour. Le livre
nous conte la naissance du groupe Pink
Floyd, créé en 1965 par deux amis d’enfance Roger Waters et Syd Barrett.
Ils se connaissent depuis l’âge de six ans. Ils sont voisins, habitent à
Cambridge, leurs parents se connaissent bien, notamment la mère de RogerWaters, institutrice qui a dans sa classe l’élève Roger Keith Barrett. Les deux Roger sont dans la
même école, le Cambridge Hight School for
Boys, ainsi que David Gilmour. La
suite est racontée dans le chapitre Pink
Floyd, une histoire d’enfance.
Arthur
Max Barrett meurt du cancer, alors que Syd
n’a seulement que 16 ans. Il se retrouve choyé par sa mère Winifred Barrett. Son rôle de « mère poule » aura une
importance sur le destin de Syd.
Depuis 1963, Roger Waters (guitariste) et ses amis musiciens Rick Wight (clavier) et Nick Mason (batterie) jouent ensemble
sous divers noms (The Abdabs, Sigma 6, The Meggadeaths, The Tea Set).
En 1965 avec l’arrivé de Syd Barrett
qui va, déjà dans un premier temps trouver le nom Pink Floyd (en référence aux musiciens de blues Pink Anderson et Floyd Council) et donner la couleur musical au groupe, en
mélangeant expérimentation, jazz et pop. Syd
Barrett est un fan de Bo Diddley
et du groupe londonien de jazz d’avant-garde, musique improvisé, AMM. Avec Syd au sein du groupe, notamment à la composition des morceaux, qui
vont éclore sur scène et sortir en 45t à partir de 1967, le premier étant Arnold Lane qui entre dans le TOP 20
anglais, puisSee Emily Play, suivit de l’album The Piper At The Gates Of Dawn. Toujours en 1967, l’année s’achève
avec le 45tApples and Oranges. A noter que les morceaux de ses trois 45t ne
figurent pas sur l’album. Pendant cette période très féconde en matière de
création, Syd Barrett consomme de
plus en plus de drogue, notamment du LSD, alors que les autres membres du
groupe, malgré le style de musique, nommé psychédélique, sont nettement plus raisonnable,
voir abstinence sur la quantité des stupéfiants. L’abus de drogue va rendre Syd
irritable, et au fil du temps de plus en plus imprévisible. Pour assurer les
concerts, Roger Waters fait appel au pote d’enfance, David Gilmour pour seconder Syd à la guitare électrique. Nous sommes
en janvier 1968, et seulement deux mois plus tard, Syd Barrett se fait expulser du groupe, car devenue trop instable.
Pendant toute la carrière de Pink Floyd (toujours en activité), ce mois de mars 1968 avec l’abandon de
Syd Barrett, l'ami d’enfance,
restera comme un fardeau, un poids face à leur succès qui deviendra à partir
de Dark Side on The Moon (1973)
mondiale. A noter que sur l’album suivant, Wish
You Were Here (1975), il y a le morceau Shine On You Crazy Diamond qui évoque Syd. Sans oublier The Wall (1979), où l'on peut voir apparaitre le fantôme de Syd.
L’auteur nous explique la complexité relationnelle
entre un musicien/compositeur de génie sous l’emprise du LSD et des musiciens
plus classique qui font le nécessaire pour que le groupe puisse avoir du succès
en faisant beaucoup de concerts et de la promo (télé, radio, presse). Avoir un
minimum de professionnalisme (venir aux répétitions, aux enregistrements télé,
ne pas arriver en retard aux concerts, répondre aux questions des journalistes)
et consommer à forte dose le LSD, ne fait pas bon ménage. Il est clair que la
drogue fait perdre le contrôle face à la réalité du quotidien. Certes dans un
premier temps, pour un artiste qui créé, d’autant plus quand c’est de la musique
psychédélique avec en concert des projections stroboscopiques, avoir des visions
hallucinogènes peut donner de la matière pour remplir la feuille blanche, non
pas de poudre, mais de notes de musiques et de textes de chansons. C’est le cas
de Syd Barrett. Entre 1966 et 1968
il est sous l’emprise de la drogue et sous une divinité créative qui vont aboutir
aux singles (Arnold Layne, See Emily Play) et surtout au premier album du Floyd, le majestueux The
Piper at the Gates of Dawn, enregistré aux studios Abbey Road. Cet album devenu dès sa sortie le 5 août 1967 un
classique du rock psychédélique contient que des chefs d’œuvres, dont Lucifer Sam et Interstellar Overdrive.
Entre la sortie de l’album ( 5 août 1967) et le renvoi du groupe (le 26 janvier 1968), il
n'y a seulement que quelque mois. C’est le début de la descente dans l’ombre de Syd Barrett qui finira sa vie chez sa
mère. Entre temps il aura réussi à faire trois albums solos (The Madcap Laughts, Barrett et Opel) avec une
petite aide de David Gilmour et Roger Waters pour les finaliser.
Le texte contient de nombreuses citations des membres
et proches du groupe puisées dans divers ouvrages, articles et documentaires.
Ces citations permettent de donner du sens aux réflexions et analyses d’Alexandre Higounet au sujet du renvoi de
Syd Barrett par les membres du
groupe pour pouvoir continuer une carrière plus sereine. Mais Syd Barrett étant un amis d’enfance de Roger Waters et David Gilmour, ce renvoie restera toujours une zone sensible dans
la mémoire du groupe, et une fragilité quand il s’agit de se remémorer les
morceaux du premier album entièrement composé par Syd Barrett. Comme écrit dans le résumé en dos de couverture :
« Ce livre analyse en détail les ressorts de leur relation et montre
comment le destin tragique du premier a déterminé l’évolution artistique du
second. »
Pour clore la chronique, une petite remarque pour le
lecteur et l’auteur. Le livre contient beaucoup de « notes de bas de
page », qui font parfois une demi-page de texte. Ces notes de bas de page
sont certes instructives, il y a beaucoup d’infos, mais je trouve, de pars le
nombre très importants de ces notes, que ça casse le rythme de la lecture. Car
évidemment il est tentent de lire ses notes au fil du récit, avec le risque de
perdre le fil de l’histoire. Dommage que l’auteur n’est pas trouvé un système
pour incorporer ses longues notes dans le cœur du récit. Ceci étant dit, bonne
lecture face à ses deux destins, Syd
Barrett l’écorché et Pink Floyd la
machine "écho responsable".