Voici une compilation qui sent le bootleg des pieds.
Malgré qu’il y a une adresse, ce label américain a choisi un nom qui mène à
rien, Mc Donad’s Records, franchement ?
A l’intérieur de la pochette il ni a aucune info sur les groupes sélectionnés.
Il y a juste le nom du groupe (avec parfois une faute,
The Odss au lieu de The Odds !),
le titre du morceau, l’année et le pays. La compilation contient 18 groupes
obscurs de style punk rock/after punk/new wave, principalement américain.
Voici les noms.
Côté américain : BOB, VOM, Teenage Popeye, The Delinquents, A.D.S., Hated, Last (4) Four Digits, Art Object, The Testors, VS., S.O.S.1., Rough Cut, The Odds.
Le reste du monde avec les danois Gatecrashers, les philippins Third
Worlkd Chaos et les canadiensElectric Vomit, Low Life.
The Delinquents
A part le groupe BOB
que j’ai découverts en 2020 grâce à la compilation éditée par le label Rerun Records (1), tous les autres sont
inconnus dans ma zone de radar. Ce n’est pas étonnant, car en allant chercher
des infos sur Discogs, si certains ont réussi à publier, un, deux albums, la
majorité des groupes n’ont publiés qu’un ou deux 45t, et d’autres à peine un
morceau sur une compilation. Cette sélection, c’est du pur obscur. Dommage
que ce label (?) n’est pas glissé une petite feuille avec quelques lignes sur
les groupes. D’ailleurs pourquoi la sélection n’est pas exclusivement
américaine, que vient faire un groupe philippin et un autre danois dans la
sélection ? C’est clair, ici on n’est pas dans l’esprit soigneux érudite de
Claude Picard, boss du label Pantinois Cameleon Records avec ses
compilations pointues nommés Thesaurus.
Bon, après ce point négatif, venons-en au positif. A
commencer par le son qui est correct, le choix des groupes qui tient la route.
Les compos datent de la période 1977-1984, surtout 79-81. Le son punk rock électrique,
basique, mais sans tomber dans le « bourrin » domine la sélection.
DIY à fond, en 1977 les jeunes « mélomanes » ont compris qu’il n’était
pas utile de savoir jouer pour créer un groupe. Il suffit juste d’avoir un
instrument (offert en cadeau par les parents), au choix une guitare, une basse,
une batterie et parfois un petit synthétiseur pour gratter ou taper quelques
notes instinctives. Un peu comme à l’époque préhistorique, quand l’homme découvre
le feu. Mais surtout avoir de l’énergie, trouver les bonnes personnes motivés
pour venir aux répétitions et hop, après avoir trouvé un nom de groupe qui
sonne bien, c’est partie pour affronter, d’abord les copains, petites copines
et après le public. Au début, on fait des reprises des Stooges, MC5, Sonics, Seeds, ensuite on compose ses propres morceaux. Coté paroles, il n’est
pas besoin d’être un poète, un littéraire, juste raconter sa life, sa haine, voir
ce qui se passe autour de soi et tourner les mots, voir le mot, les phrases,
soit avec agression ou avec humour. Avec un peu de chance, le groupe va pouvoir
enregistrer, publier au minimum un single qu’il vendra après les concerts. Et
qui sait, peut-être que 40 ans plus tard, un homo sapiens sortira à l’arrache
une compilation avec un de vos titres, sans évidemment demander votre avis. Même,
peut-être que dans la précipitation, cet homo sapiens fera une faute au nom de
votre groupe. Mais comme vous êtes un punk, ceci n’est qu’un petit détail, très
facile à oublier.
VS. Verso de la pochette du 45t (Monkey Records) 1980
"Le film afro-américain le plus
important produit depuis Sweet Sweetback’s Baadasssss Song." Telle est l’accroche qui est écrit
sur la jaquette du combo Blu-ray/DVD édité par Capricci. C’est une surprise de voir le film Ganja & Hess réalisé en 1973 par Bill Gunn (1934-1989) sortir aujourd’hui au rayon vidéo, car là on
touche au film de « niche », totalement obscur du grand public. En
France ce film n’est pas sorti en salle, mais par contre il a fait partie de la
sélection Semaine de la critique au Festival de Cannes édition 1973, mais l’accueil des critiques fut mitigé, par contre Joséphine Baker était présente dans la salle, elle a beaucoup appréciée le film. A noter que Ganja & Hess est le seul film américain de la sélection. Par
la suite ce film n’a même pas été publié en vidéo par chez nous que cela soit
en VHS ou en DVD. Ainsi la sortie de ce combo issu d’une restauration MOMA/Film
Foundation est en quelque sorte une belle exclusivité.
En allant faire un petit tour sur le site internet de Capricci, on constate que la maison
édite des livres sur le cinéma, dont la collection Capricci Story avec ses livres format poche (10.5 x 19cm) consacrés
aux acteurs de cinéma (Robert Mitchum,
Joan Crowford, Bruce Lee, Marlon Brando,
Mel Gibson, Bill Murray, Marlène
Dietrich). J’ai eu de bons retours sur la qualité d’écriture de ses mini
biographies. Du côté DVD, les films édités sont dans le style cinéma d’auteur,
d’art et d’essai. Ainsi, il n’est pas étonnant de voir Ganja & Hess rejoindre les publications de Capricci, car ce film hybride est un mélange de blaxploitation,
d’horreur, d’expérimental psychédélique mystique, une approche visuelle de la nouvelle
vague à la J.L. Godard et du film
d’auteur indépendant stylé Ingmar
Bergman. Si vous ne recherchez que de l’horreur qui tache, que de la
blaxploitation d’action funky, vous risquez d’être sur votre faim, par contre
côté cinéma d’auteur expérimental sous trip hallucinogène et mystique, vous ne
serez pas déçu de l’expérience visuelle et sensorielle de ce film unique en son
genre. La comparaison de l’accroche avec le film culte de Melvin Van Peebles est
valable, car il y a entre ces deux films, le côté immersion envers les
personnages porté par leurs démons.
En 1973, cela fait
déjà depuis deux ans que le cinéma stylé Blaxploitation fait un carton au fox
office. Juste quelques titres de films à succès : Sweet Sweetback’s Baadasssss Song, Shaft, Les nuits rouges de Harlem, Les
nouveaux exploits de Shaft, Shaft in Africa, Meurtre dans la 110ème
rue, Le Casse de l’Oncle Tom, Black Caesar, le parrain de Harlem, Super Fly, Black
Gun, Trouble Man, Coffy la panthère noire de Harlem, Dynamite Jones, Blacula.
Dans ce contexte, le réalisateur noir Bill Gunn qui a réalisé pour la major
Warner le film Stop (il ne sortira
pas en salle, car il est classé X) est approché par le distributeur Kelly-Jordan Enterprises qui veut son
carton black au box-office en surfant sur le succès du film à petit budget Blacula. Bill Gunn accepte le deal de réaliser un film de vampire, mais au
lieu de faire un film avec les codes du genre, il va faire un film avec ses
codes à lui.Bill Gunn étant dramaturge,
acteur, scénariste, écrivain, il a notamment écrit plus de 29 pièces de théâtre
et des romans, il est clair (sic) que Bill
Gunn est plus un auteur intellectuel, qu’un réalisateur de film de genre
destiné au grand public. Ainsi, malgré la présence de l’acteur Duane Jones (dans le rôle principal d’Hess) qui a joué dans le film La Nuit des morts-vivants réalisé en
1968 par George A. Romero, Bill Gunn réalise un film d’auteur plutôt
perché qui demande de l’attention, sinon c’est la perte de contrôle. L’image
est granuleuse, la narration n’est pas fluide, certaines séquences sont brutes,
abstraites, comme si la pellicule se mettait à tourner dans le vide. La musique
composée par Sam Waymon (il est le
frère de Nina Simone) accentue
l’effet d’abandons sous trip avec ses sons et mélodies qui mélangent
illumination cosmique façon Sun Ra,
avec des chants gospels, soul et des rythmes vaudou (1). Avec un tel mix, il
est clair que le distributeur n’est pas satisfait. A noter que Sam Waymon joue aussi dans le film, il a le rôle du pasteur bien en prise avec Dieu et Jésus-Christ.
Le film sort dans
une salle à New York, mais vu l’accueil des critiques, il est rapidement retiré
de l’affiche. Les producteurs, Heritage
Enterprises, qui veulent récupérer leurs gains, vont réaliser un, puis deux
montages sous les titres Blood Couple et Double Possessionpour surfer sur les deux films à succès du moment, Blacula de William Clain
et L’Exorciste de William Friedkin. Ces versions sont
amputées de 20 minutes avec des rajouts de scènes non validés par Bill Gunn. Ces scènes permettaient de
mieux comprendre l’histoire/la narration, faisant ainsi un film nettement moins
expérimental, mais avec plus de sexe et d’horreur. Bill Gunn a fait supprimer son nom au générique sur ces deux
versions qui ont circulé pendants de nombreuses années. De son côté ila gardé sa version qu’il a déposé au
MOMA de New York. Cette version est présenté dans le combo
Blu-ray/DVD.
Synopsie du
film :"Alors qu’il fait des
recherches sur un peuple africain antique, l’anthropologue Dr Hess est frappé
d’un coup de dague cérémoniale par son assistant qui se suicide peu après. Hess
se découvre alors une addiction au sang humain. Lorsque Ganja, la femme de
l’assistant, arrive chez lui, elle trouve le corps et entame avec le Dr Hess
une étrange relation de mort, de sang et de douceur lascive."
Il suffit juste de
lire la synopsie pour deviner le potentiel « hallucinogène » du film.
Les acteurs Duane Jones -Dr Hess-
(1936-1988) et Marlene Clark (Ganja)
sont parfais pour interpréter leur rôle qui demande de l’énergie et de la folie.
Leurs jeux seraient top à voir sur une scène de théâtre pour un spectacle de
danse dans la ligné de Bill T. Jones.
Quant au rôle de l’assistant, c’est Bill
Gunn qui interprète ce personnage. Voilà, vous avez les éléments en mains
pour regarder ce faux film blaxploitation et vrai film d’art et essai.
En 2014, Spike Lee réalise un remake nommé Da Sweet Blood of Jesus. Je n’ai pas vu
le film, mais dans les bonus du combo, le journaliste Jean-Baptiste Thoret n’en dit pas du bien, c’est pour lui un film
raté.
Justement coté
bonus, Capricci nous a gâté avec un
documentaire enregistré en 2006 lors d’une diffusion du film au Posteritati à NYC. Ce documentaire
contient une interview du producteur Chiz
Schultz et du monteur Victor
Kanefsky. Ensuite une interview d’une heure avec Jean-Baptiste Thoret (boss de la collection Make My Day !) qui revient sur le contexte du film et porte
plusieurs pistes de lectures pour comprendre le film, notamment l’ordre du nom
des personnages dans le titre. Il est d’ailleurs intéressant de revoir le film
après avoir écouté sa critique. Le 3ème bonus est un commentaire de Joseph Ghosn (ex journaliste des Inrocks, a écrit un livre sur Sun Ra et La
Monte Young édités chez Le Mot et le
Reste) sur la BO du film composé par Sam
Waymon. Enfin un livret de 16 pages avec des documents d’archives, dont une
tribune écrite par Bill Gunn suite à
l’accueil mitigé de son film au Festival de Cannes. La tribune a été publié
dans le New York Times daté du 13 mai
1973 sous le titre "Etre un artiste noir".
(1) La BO a été publiée
en vinyle lors du Disquaire Day en 2018 par le label Strange Disc Records distribué par Light In The Attic, et en CD avec huit titres en bonus et un livret sur le label
Howlin’ Wolf Records.