En 2020, lors de l’apparition de la pandémie, le gouvernement en place avait décréter que la musique ne faisait pas parti des « produits » de première nécessité. Si en effet manger est inévitable, à moins de faire la grève de la fin, écouter de la musique est également vital pour tenir debout dans notre quotidien pas toujours rose. Et quand on peut la vivre en live, c’est encore mieux. La preuve avec la programmation du festival Magic Barbès consacrée aux héritières de la chanteuse de raï Cheikha Rimitti (1923-2006) présente sur la belle affiche pop couleur rose et verte réalisée par les Soeurs Chevalme (1). Le choix de cette grande figure du raï n’est pas un hasard, car le festival se déroule dans le quartier de la Goutte-d’Or (Paris 18ème) où se trouve la place Cheikha Rimitti inaugurée le 17 juin 2021.
Ainsi les femmes sont à l’honneur dans la programmation éclectique avec des concerts, DJ set, stand up, exposition, table ronde, visite guidé, atelier, cinéma, parcours artistiques. Pour cette chronique, on va s’arrêter sur le concert du vendredi 1er octobre, avec en ouverture, la réunionnaise Christine Salem suivi du groupe d’origine turc installé à Hambourg, Derya Yıldırım & Grup Şimşek, un de nos coup de cœur de l’année avec la sortie du 2ème album Dost 1 (2) sur le label suisse Bongo Joe.
DJ Mel Woods © Paskal Larsen
Au arrivant à 20h au FGO Barbara, on assiste à l’étage à la fin du set #GrlPwr consacré aux jeunes artistes rap féminin du quartier. Vu l’énergie du DJ set, la qualité de la sélection musicale de DJ Mel Woods et de l’énergie du public qui danse avec frénésie, il est clair que la soirée va être joyeuse et conviviale.
Christine Salem © Paskal Larsen
Christine Salem © Véronique Antoine
La partie concert en salle, commence avec Christine Salem, dont on ne connaissait ni le nom, ni la voix ni la musique. Portant avec élégance et fierté la coupe afro style, la militante -ex Black Panther- Angela Davis, Christine Salem met dès son entrée sur scène le public dans sa poche, tant sa prestance et son franc parler font plaisir à voir et à entendre. Sa voix grave étonne un peu, d’autant qu’elle chante en créole, donnant une rugosité au chant. Mais on s’y habitue très vite, car sa musique mélange tant de sources sonores (maloya, blues, rock...) qu’on est instantanément capté par son énergie et celui de ses musiciens disparates qui l’accompagnent. Le violoniste ressemble à Étienne Daho, Seb Martel -et son faux air Bertrand Cantat- aux guitares, apporte une touche rock, juste à côté il y a un rasta à la cool aux percussions et une batteuse. Avec ses quatre musiciens Christine Salem va faire péter l’ambiance, telle les retrouvailles avec le public après une trop longue absence. Elle joue de nombreux instruments, raconte des petites anecdotes liées aux femmes, aux hommes, aux humains de toutes religions et convictions ou pas. Elle donne aussi quelques précisions sur certaines traditions de l’ile de la Réunion. Bref, c’est à la fois le concert spectacle, bien vivant et le concert instructif qui met de bonne humeur.
Derya Yıldırım © Paskal Larsen
Derya Yıldırım & Grup Şimşek © Véronique Antoine
Après une petite pose, changement de style musical pour le son de l’orient mélangé aux groove psychédélique, avec Derya Yıldırım et son groupe Grup Şimşek, avec Antonin Voyant aux guitares et flûte, Graham Mushnik aux synthétiseurs et Greta Eacoff à la batterie. Derya Yıldırım est au chant et au baglama (luth turc). Idem qu’avec Christine Salem, dès le premier morceau on est sous le charme de la magnifique voix de Derya qui nous fait instantanément voyager vers l’Afrique du nord. De plus, elle joue divinement bien au baglama, en y ajoutant quelques effets magiques, grâce à ses nombreuses pédales d’effets. Sa voix mélancolique touche direct le cœur du public et son instrument de musique au son cristallin oriental donnent des frissons d’émotion forte. Les trois musiciens apportent le coté psychédélique et groove 70 du meilleur effet. Mention spéciale à la batteuse Greta qui a une force de frappe à la fois technique et puissante. Le groupe étant très soudé, il n’y a aucun temps mort, les morceaux s’enchainent pour nous gâter d’une musique qui mélange avec finesse, tradition folk d’Anatolie et culture pop de l’occident passé par l’espace-temps du psyché krautrock des années 70. Leurs énergies est si communicative que l’interaction avec le public est immédiat, et ne lâchera pas un seul instant pendant les 90 minutes du concert. Derya Yıldırım a beaucoup de grâce. Sur scène sa prestance, sa féminité donne une touche glamour irrésistible. Autre atout qui a permis cette fusion entre les artistes et le public, c’est l’acoustique exemplaire de la salle du FGO Barbara. On y ajoute l’espace convivial de la salle à taille humaine, qui permet un meilleur contact entre l’artiste et le public, un jeu de lumière subtile et toutes les conditions sont réunis pour passer une inoubliable soirée. Chapeau au staff du Magic Barbès qui porte bien son nom.
Dédicace de Derya Yıldırım au merchandising © Paskal Larsen
(1) : Retrouver le travail des Sœurs Chevalme ici : https://lessoeurschevalme.ultra-book.com/
(2) : Chronique de l’album Dost 1 de Derya Yıldırım & Grup Şimşek ici : https://paskallarsen.blogspot.com/2021/06/derya-yildirim-grup-simsek-dost-1-les.html
https://deryayildirimandgrupsimsek.bandcamp.com/album/dost-1
https://www.christinesalem.com/
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