Créé en 2011 par Laurent Lafarge et Cyril
Durand-Roger, Music Box Records est un label indépendant français,
spécialisé dans l’édition et la réédition de bandes originales de films et de séries TV. Les
B.O. sont publiés au format CD et contiennent de nombreux bonus et un livret (écrit
en français et en anglais) qui donne des informations pertinentes. En bientôt 10
ans d’activité, le label est à sa 184ème référence avec la B.O. de la série TV Romance
composé par Eric Demarsan.
Laurent Lafarge répond à nos questions.
Laurent Lafarge répond à nos questions.
Pouvez-vous nous raconter la création du label ? C’était en quelle
année, par quel biais vous êtes-vous rencontrés, petite présentation des
personnes qui dirigent le label ? Ce qui vous a motivé à vous lancer dans cette
aventure ? Et pourquoi le nom Music Box ?
Cyril
Durand-Roger et moi nous
nous connaissons depuis un certain temps. Nous avions participé dans les années
1990 à un fanzine toulousain qui s'appelait justement Music Box créé par Patrick
Garza, un de nos amis. Ce fut notre première incursion dans le milieu de la
musique de film. Nous rédigions des critiques de B.O. ou des dossiers
thématiques. Nous avons également pu rencontrer des compositeurs et des réalisateurs
pour des interviews. Mais nous étions loin d'imaginer que vingt ans plus tard,
nous déciderions de quitter nos emplois respectifs (Cyril travaillait dans une agence web consacrée au cinéma et moi
dans le domaine scolaire) pour monter un label de musiques de films.
Vous vous rappelez depuis quand vous aimez les B.O. de films ? Quel a été le déclic (la B.O. cruciale) pour vous passionner pour ce genre musical ? Vos B.O. de chevet et pourquoi ? Quel est votre Graal en B.O. ?
J'ai toujours été attiré par le cinéma. J'ai passé mon
enfance et mon adolescence à aller au cinéma et surtout à regarder des films en
VHS (on était dans les années 80!). Je regardais aussi de nombreuses séries
télévisées qui m'ont également aidé à forger ma culture musicale. Sinon, mes
deux premiers souvenirs musicaux ont été la musique du film E.T. de John Williams (mes parents m'avait
offert à l'époque le vinyle picture disc) et celle des Dieux sont tombés sur
la tête de Johnny Boshoff. On ne
peut pas faire plus opposé. Je pense les avoir énormément usés sur ma platine.
Je n'ai pas spécialement de B.O. de chevet ni de Graal
car je ne pourrai jamais choisir un seul titre en particulier... j'en suis
incapable !
Avant d’être amateur de B.O., êtes-vous avant tout cinéphile ?
Absolument, et même cinéphage car je n'aime pas
m'enfermer dans un style ou un genre de film précis. Mais au fil des années, je
me suis davantage intéressé à la musique seule car je peux écouter la musique
d'un film que je n'ai jamais vu ou que je n'apprécie pas particulièrement.
Seule la musique compte.
La première référence de Music Box est la B.O. de L’incorrigible,
musique de Georges Delerue. Pourquoi
cette B.O. pour lancer le label ?
Tout d'abord Georges
Delerue fait partie de nos compositeurs préférés. Ensuite nous voulions
commencer avec une B.O. d'un film qui nous avait marqué tous les deux. Ce film
fait partie de nos souvenirs d'enfance : Belmondo, les dialogues d'Audiard,
la fantaisie de De Broca et bien sur
le thème énergique de Delerue. De
plus, comme cette B.O. n'avait jamais été éditée en CD, il fallait absolument
faire quelque chose. Et puis, commencer avec le tandem Delerue / De Broca,
c'était une belle entrée dans le milieu de l'édition discographique.
La 2ème est un CD qui regroupe 3 B.O. très méconnues de
François de Roubaix. Pouvez-vous nous dire quelques mots sur ce CD et ce que
représente François de Roubaix pour vous ?
Je pense que François
de Roubaix correspond à des souvenirs marquants pour notre génération qui
est née dans les années 70. À l'époque de Chapi Chapo, nous étions trop
jeunes pour connaître son nom mais on pouvait déjà reconnaître « sa
pâte ». Et puis, grâce notamment à la fameuse compilation Les Plus
Belles Musiques De François De Roubaix sortie en plusieurs volumes chez Hortensia à la fin des années 70, j'ai
pu (re)découvrir les musiques des films Les Aventuriers, Le Samouraï,
La Scoumoune, L'Homme orchestre... Il est donc important qu'il y
ait une trace de la musique sur support physique. Sans cela, elle n'existe pas
vraiment. Pour en revenir à notre CD regroupant les B.O. de trois films de Jean-Claude Roy, nous avions contacté Gilles Loison (biographe et le plus
grand connaisseur de De Roubaix) qui
nous avait proposé ce projet. Nous avons bien évidemment sauté sur l'occasion pour
permettre à ces 3 musiques de De Roubaix
d'exister en tant que telles et pour la toute première fois.
Parmi le nombre de vos sorties CD, on trouve des grands noms de la
B.O. : Ennio Morricone, Bernard Herrmann, Lalo Schifrin, Nino Rota, Michel
Legrand, François de Roubaix, Michel Magne, Francis Lai, Vladimir Cosma…
Comment faites-vous pour avoir les droits de diffusion entre les droits du film
(souvent avec des acteurs connus – Delon qui est très présent dans vos sorties
CD), et du compositeur ? La B.O. la plus compliquée à sortir ? Quelques
anecdotes sur vos périples pour avoir les droits ?
Nous devons
d'abord savoir qui a les droits de la musique. Il y a différentes manières
d'obtenir ces informations afin de localiser le propriétaire du master :
auprès des précédents éditeurs, de la Sacem, du producteur du film, des
compositeurs ou des ayant-droits. Chaque projet est différent en soi. C'est
souvent plus compliqué pour une musique inédite qui n'est pas encore sortie.
Mais il ne faut jamais baisser les bras et surtout être persévérant. Certains
projets peuvent durer des années avant de pouvoir se réaliser. Il y a eu de
nombreux projets compliqués (et il y en a encore). Celui qui a été le plus
problématique à nos débuts concernait la B.O. du film L'Imprécateur
(1977) (musique de Richard Rodney
Bennett) car il impliquait deux producteurs. Et nous n'arrivions jamais à avoir
la confirmation de l'un des deux. Je me souviens que nous avons passé des mois
à le relancer sans arrêt à attendre sa réponse. Cela peut vite devenir un
cauchemar.
Le plus laborieux dans ce travail de recherche de
droits est d'obtenir une réponse claire et définitive de la part du producteur.
Et l'on peut perdre des mois voire des années pour avoir son accord. Il reste
ensuite le problème lié au matériel (bandes master, DAT etc.), mais c'est
encore une autre étape à franchir.
Cyril Durand-Roger, Serge Franklin, Laurent Lafarge
Parmi tous les compositeurs que vous avez rencontrés pour éditer une
B.O., souvent jamais sortie à l’époque sous format CD ou vinyle et K7, avec
lequel (ou lesquels) avez-vous une relation, une complicité qui s’est installée
avec le temps ? Quelques anecdotes à nous faire partager ?
Au fil du
temps, nous sommes devenus complices avec Colette
Delerue, qui a été la première à nous faire confiance (pour la sortie de L'incorrigible).
Ensuite, ce sont de belles rencontres comme celle avec Serge Franklin que nous avions connu par l'intermédiaire de Gérard Dastugue (qui avait conçu
l'album L'enfant des loups pour Lympia
Records). Avec Serge Franklin,
tout paraît si simple. Son enthousiasme et sa gentillesse nous ont permis de
concrétiser de nombreux projets. Nous entretenons aussi un rapport privilégié
avec David Bolling, le fils de Claude, qui apprécie beaucoup le
travail que nous faisons autour des rééditions des musiques de son père. Nous
avons également consolidé nos relations avec Philippe Rombi, Gabriel
Yared, Philippe Sarde, et même
avec la nouvelle génération comme Rob,
Alexeï Aïgui et Olivier Cussac.
Pour rester dans les anecdotes/chemins pour aboutir à éditer une B.O.,
j’aimerais que vous nous racontiez celui de Tenue de Soirée écrite par
Serge Gainsbourg, car cette B.O. est inédite. À l’époque de la sortie du film,
il n’y a pas eu de disque dans le commerce ?
Si, la B.O.
avait bien été éditée en vinyle et K7 à l'époque de la sortie du film et une
réédition italienne en CD avait suivi en 1992. Quand nous l'avons rééditée en
2014, le producteur de la musique avait pu retrouver les bandes des sessions
d'enregistrement au studio Ferber
(dans lequel Serge Gainsbourg avait
enregistré la musique). Grâce à cette trouvaille providentielle, nous avons pu
inclure quelques morceaux inédits. De quoi ravir les fans les plus complétistes
de Gainsbarre. Grâce à ce projet, nous avons pu rencontrer
le réalisateur Bertrand Blier avec
lequel nous avons passé un moment inoubliable à parler de cinéma et surtout de
musiques.
Parmi vos nombreuses sorties, j’aime notamment la B.O. du film de Brian
de Palma Obsession, que vous avez éditée à deux reprises. C’est (pour
moi) étonnant qu’un label français puisse avoir accès à ce style de film culte
avec un compositeur aussi renommé que Bernard Herrmann. Comment avez-vous
fait ?
Beaucoup se sont étonnés que notre label ait pu
rééditer l'intégrale de ce chef d'œuvre de Bernard
Herrmann, et surtout se sont demandés comment nous avions fait. En même
temps, nous étions nous-même étonnés qu'aucun label américain n'ait réussi à le
faire. Certes, il y avait eu l'édition vinyle en 1976, les rééditions CD en
1989 sur le label Masters Film Music et
en 1994 sur Unicorn. Pas évident de
vous résumer en quelques mots cette épopée mais je pense que nous avons eu de
la chance et que nous avons frappé aux bonnes portes au bon moment.
Pour les droits master, nous avions réussi à localiser
le propriétaire de la musique qui n'était autre que le producteur du film. Il a
accepté notre offre et nous avons signé le contrat avec lui.
En ce qui concerne la musique, nous avions noté qu'une
édition vidéo du film était sortie en version remasterisée (aussi bien l'image
que le son). Lors du visionnage du film, au vu de la qualité sonore de la bande
son, nous en avons déduit que nous pourrions essayer de localiser les DME
(c'est le format de mixage audio permettant de mélanger ou séparer chaque
élément du son : dialogue, musique et effets sonores) qui avaient été
remixés par Chace Audio. Il ne
restait plus qu'à reconstituer l'intégralité de la musique de Herrmann à partir des bandes master de
l'album d'origine (qui ne contenait pas tous les morceaux entendus dans le
film) et des fichiers audio provenant de la piste son du film. Cela n'aurait
pas pu être possible sans le savoir faire de Christophe Hénault, notre ingénieur du son chez Art & Son Studio. Cela a été un
travail à la fois minutieux, épuisant et passionnant mais cela en valait la
peine. Et à ce jour, c'est notre plus grand succès.
Car justement, vous n’éditez pas que des B.O. de films français, il y a aussi de nombreuses B.O. de films internationaux. Le travail est-il le même ?
Dans le fond c'est le même travail mais avec un côté
plus « simple » avec les américains. L'avantage de travailler avec
les studios américains, c'est qu'ils centralisent tout : le matériel
(musique, photos, affiches) et les droits. Cependant, il faut bien avouer que
le coût de production est beaucoup plus élevé que pour un projet français.
Quand on subit un échec commercial, cela peut faire très mal... comme cela nous
est déjà arrivé.
Sachant que cela demande beaucoup de travail pour chaque projet,
comment faites-vous pour le choix de la B.O. sur laquelle vous allez
plancher ? Et le travail pour trouver des inédits, car tous vos CD ont des
titres bonus.
Nous choisissons avant tout les projets qui nous
stimulent et nous plaisent. Nous ne pourrions pas passer trois ou quatre mois
(ou plus) sur une réédition d'une musique qui ne nous intéresse pas. Nous
sélectionnons instinctivement les musiques que nous aimons et même si certains
films ne sont pas des chefs-d'œuvre, cela ne nous empêche pas d'apprécier leurs
musiques. En fonction du matériel mis à notre disposition, nous pouvons
intégrer ou pas des titres bonus, souvent mis de côté lors des précédentes
éditions. C'est aussi un
choix éditorial.
Vous prenez aussi beaucoup de risques, car vous n’éditez pas que des
compositeurs connus avec des films à succès. Il y a aussi des compositeurs
moins connus (comme Rob) avec des films récents limite inconnus du public.
Parlez-nous de ce travail de défricheur ?
C'est aussi notre travail. Faire découvrir des
compositeurs qui nous plaisent, en espérant que cela plaise aussi à notre
public.
Nous avons tout de suite accrochés aux musiques de Rob, et dès que nous en avons eu
l'opportunité, nous avons édité ses musiques en CD. Il y a une belle entente
entre nous et il a un vrai petit public de fans.
Pour nous, le plus important, c'est de trouver
l'équilibre entre se faire plaisir et faire en sorte qu'un projet soit rentable, même pour un
pressage limité à 300 exemplaires. C'est l'avantage d'être un véritable éditeur
indépendant. Nous ne recevons aucune aide financière de quelque organisme que
ce soit, contrairement à certaine majors, qui en ont pourtant moins besoin que
nous. En même temps, c'est l'avantage d'être indépendant, nous n'avons de
comptes à ne rendre à personne et sommes totalement libres dans nos choix
artistiques et éditoriaux.
Autres
risques, ce sont les coffrets. Dans la série Les B.O. introuvables
il y a deux coffrets. Quelques mots sur ce travail qui doit, je pense prendre
beaucoup de temps et demander de la patience ?
Au début quand nous avons lancé la collection Les
B.O. Introuvables, nous ne pensions pas que ce serait un joli succès.
L'idée de proposer des B.O. de films inconnus ou mal aimés par des compositeurs
parfois méconnus ou oubliés, semblait assez risquée. Et je pense que le concept
a plu dès le premier volume qui a été épuisé très rapidement. Cela nous a
encouragé à continuer cette collection, qui va bientôt compter un troisième et
même un quatrième coffret.
Ce genre de projet demande un peu plus de travail au
niveau de la conception au vu du nombre de B.O. par coffret.
Notre but, avec cette collection, est de proposer aux
béophiles une diversité musicale. Nous avons toujours eu cette conception en
tête dès les débuts du label : mélanger les genres, nous adorons cela. Nous
n'avons pas d'à priori sur l'éclectisme dans la musique de film contrairement à
certains fans de B.O. (d'après ce que l'on peut lire sur Internet) qui ont bien
trop souvent des idées arrêtées. Pour ma part, je prends autant de plaisir à
écouter un orchestre symphonique, qu'une B.O. plus intimiste ou jazzy. C'est ce
que nous adorons dans la musique de film – la pluralité des genres et de
styles. Cela nous ennuierait d'écouter toujours le même style de musique, comme
regarder le même genre de films.
Parmi vos sorties CD il y a aussi de
nombreuses BO de séries françaises actuelles (près d'une vingtaine). Quelques
mots sur le choix, votre démarche sur les séries, domaine plutôt en vogue
depuis quelques années. Le public est au rendez-vous ?
Nous avons commencé à rééditer des musiques de séries
télévisées depuis quelques années, notamment du Georges Delerue (Les Visiteurs, Les Chevaux du soleil...)
et du Serge Franklin (The Saint,
Princesse Alexandra...). Les séries les plus récentes concernent essentiellement
celles mises en musique par Rob (Le
Bureau des légendes, Les Sauvages). Effectivement, il y a un public
pour cela. C'est pour cette raison que nous avons lancé cette nouvelle
collection Les Grandes Musiques du Petit Écran qui va se consacrer essentiellement
au patrimoine de la télévision française. Pour le premier volume, nous avons
commencé avec deux très belles musiques de Raymond
Alessandrini (Les Colonnes du ciel, Félicien Grevêche, deux
séries des années 80). Nous avons déjà trois autres volumes qui sont prévus
dans les mois à venir. J'espère que cette nouvelle collection suscitera
l'intérêt des collectionneurs car il y aura beaucoup d'autres B.O. à sortir si
le succès des premiers volumes est au rendez-vous.
À ce jour vous n’avez édité qu’une B.O. en vinyle, Madly (1970) de Francis Lai. Un
premier essai concluant (vente, retombée auprès du public) ? Comment va se
développer ce format vinyle au sein du label ?
Malheureusement, notre premier essai en vinyle a été
décevant. Bien que le film soit produit et interprété par Alain Delon, Madly n'est pas très connu mais nous pensions
que la notoriété de Francis Lai et
la période du film (les années 70) allaient attirer davantage de curieux. La
musique est pourtant superbe. De plus nous avions misé sur une pochette
originale très réussie signée David
Marques alias Dr. Papier, notre
fidèle graphiste. C'est un bel objet, mais les ventes n'ont pas été au
rendez-vous, alors que lorsque nous avions sorti cette même B.O. en CD, cela
avait été un succès.
Nous ne comprenons pas trop l'engouement du vinyle
aujourd'hui et le culte qui s'est créé ces dernières années autour de ce
support. J'ai vraiment l'impression que c'est davantage du marketing lié à
l'opportunisme des majors, un effet de mode. Je ne dis pas que le vinyle est
mauvais en soi (même s'il y a à redire sur les avis dithyrambiques et parfois
mensongers concernant le son) puisque j'ai moi aussi une collection de 33
tours, et pour la plupart des pressages originaux.
J'ai plutôt grandi avec le CD ou même les cassettes
audio. D'accord, le vinyle est un objet plutôt sympa (le grand format met en
valeur les visuels des pochettes) mais le CD (avec lequel on peut également
faire de très beaux objets), est tellement plus pratique pour l'écoute d'une
musique. Et je ne suis pas persuadé que le son des vinyles d'aujourd'hui soit
meilleur que le CD, comme on l'entend trop souvent dans les médias et chez
certains collectionneurs : la plupart des vinyles de ces dernières années sont
faits à partir de sources numériques (comme pour le CD et le digital, bien
évidemment). Alors qu'à l'époque, tout se faisait à partir de bande analogique
et là je veux bien croire que le son soit différent et plus « chaud »,
l'adjectif qui revient le plus souvent dans la bouche des audiophiles. Ensuite,
la qualité des vinyles dépend de nombreux paramètres (prise de son, mixage,
mastering et bien sûr le pressage) qui ne sont pas vraiment respectés lors de
la création de la matrice qui va permettre la reproduction des disques. Bref,
nous sommes assez mitigés quant au retour de ce format, mais c'est la
tendance du moment.
Ceci étant dit, je trouve dommage aujourd'hui qu'on
oppose les 3 principaux formats : CD, vinyle et digital, comme s'il
fallait que le CD disparaisse au profit du vinyle. Chaque format à son public.
Et les « vrais » collectionneurs de B.O. restent très attachés au
CD.
Quelle est la meilleure vente du label ? Et votre déception côté
CD qui n’a pas trouvé son public ?
Comme évoqué précédemment, Obsession a été
notre plus grand succès avec plus de 3000 exemplaires vendus. Ce titre
répondait vraiment à une demande. Ensuite, nous avons connu beaucoup de
déception car malheureusement, une grande majorité des béophiles n'écoutent
qu'un certain genre de B.O. (pour faire court, la musique orchestrale
hollywoodienne). Donc dès que vous sortez de ce genre-là, vous prenez des
risques.
Par exemple, pour la B.O. de A Fish Called Wanda (1988),
nous avions investi beaucoup d'argent dans le remixage car le compositeur
voulait refaire le mix de l'époque qu'il trouvait trop années 80. Au final, le
CD est superbe avec un son fabuleux et des morceaux inédits (dont une chanson
inédite interprété par John Cleese).
Mais malgré la notoriété du film et la qualité de la musique de John Du Prez, le projet n'a pas été
rentabilisé. Cela confirme que les musiques de comédies ne sont malheureusement
pas assez populaires auprès de ce public.
En plus d’éditer des B.O., vous avez aussi un catalogue en ligne pour vendre des B.O. de vos confrères. Pour avoir acheté sur votre site des CD, je peux dire que vous faites un travail efficace pour l’envoi du CD. Ce travail de distribution est-il venu avant la création du label ? Ce travail n’est-il pas contraignant avec celui du label ?
C'est à partir de mai 2014 que nous avons commencé à proposer d'autres
labels de B.O. sur notre boutique en ligne, donc trois ans après la création de
Music Box Records. Il fallait d'abord maitriser l'édition discographique
qui nous demandait beaucoup de travail. On sentait qu'il manquait une vraie
plateforme indépendante en France pour la vente de CD des labels indépendants
étrangers (La-La Land Records, Intrada, Varèse Sarabande, Quartet
Records, Beat, GDM, Digitmovies...). La boutique
parisienne Ciné Musique venait de fermer définitivement ses portes et
nous avons pris, en quelque sorte, le relais auprès des collectionneurs. Le
pari n'était pas gagné car il a fallu fidéliser de nouveaux clients qui
n'achetaient pas forcément les CD que nous produisions.
Maintenant que vous avez un peu de bouteille, 10 ans ça commence à
compter. Qu’est-ce qui a changé en 10 ans dans le milieu de l’édition de la
B.O. ? Pour un jeune qui désire se lancer, quel conseil lui
donneriez-vous, et ce qu’il ne faudrait pas faire ?
Pourtant, dix ans, c'est assez jeune. Beaucoup de
choses ont changé en dix ans, et rarement en bien. Le marché est encore plus
fragile qu'il y a dix ans. Pour vous donner un exemple, un CD que l'on a pressé
à l'époque à 1000 exemplaires, serait pressé aujourd'hui à 500 ou 750
exemplaires maximum. Entre le téléchargement illégal et l'offre en streaming,
la rentabilité des projets devient plus difficile, le public du CD se restreint
d'année en année. C'est d'autant plus regrettable que les événements et les
festivals autour de la musique de film n'ont jamais été aussi nombreux.
Pour notre label, c'est un combat au quotidien pour
faire vivre la musique de film. Il est difficile de convaincre certains
éditeurs de la nécessité de rééditer toutes ces B.O. qui « dorment »
dans des cartons.
Si je devais
donner des conseils à quelqu'un qui souhaiterait se lancer dans l'édition
discographique, je lui conseillerais surtout de faire autre chose !
Que pensez-vous des éditeurs tels que Death Waltz Recording, Mondo qui sortent certes de beaux vinyles couleurs, mais à des prix très élevés (50 euros), idem La-La Land Records et ses coffrets CD à 70 euros ?
Je pense qu'il faut faire la différence entre ce que
font Mondo et Death Waltz avec leurs vinyles et La-La Land avec leurs coffrets CD. Ce n'est pas du tout destiné au
même public.
Pour les coffrets LLL, comme pour leur CD simples, il
y a un vrai travail éditorial (avec des livrets passionnants, une restauration
et un mastering de qualité). Ils font un travail de préservation exceptionnel
(de la même manière que nos confrères Intrada,
Quartet Records et autres labels
italiens). Cela a un coût qui ne me paraît pas excessif compte tenu de
l'ampleur du projet.
Oui, c'est vrai que l'achat de leurs vinyles peut
devenir assez onéreux ; leurs prix sont plus élevés que ceux d'un CD, ce
qui est normal puisqu'un vinyle coûte plus cher à produire et à fabriquer.
En ce qui concerne les vinyles de Mondo par exemple, ce sont de très beaux objets, mais pour moi, ça
s'arrête là. En plus, ils sortent des B.O. qui ont déjà été éditées en CD avec
davantage de contenus (aussi bien éditorial que musical). Le vinyle se destine
davantage aux amoureux des « beaux objets » qu'aux amoureux de la
musique. Un vinyle Mondo s'encadre
alors qu'un CD de La-La Land
s'écoute !
Dans le domaine de la B.O., il y a aussi un marché très fourni sur la
B.O. de films italiens, notamment le film de genre (je pense entre autres au
label italien Beat). Dans votre catalogue, le film de genre (giallo, thriller,
western, érotique, horreur) est peu représenté. Pourquoi ?
Il est vrai
que ce sont des genres que nous avons peu exploités, sauf peut-être l'érotisme
(Emmanuelle 4, Histoire d'O 1 et 2...). Pour rappel, 90 % de
notre catalogue est volontairement consacré aux musiques de films français. Et
puis les labels italiens font cela très bien.
Quels sont les projets de sorties pour 2020-21 ?
Sans dévoiler les titres à venir, nous préparons quelques surprises
pour nos dix ans que nous allons célébrer en 2021. Ce
qui est sûr, c'est qu'il y aura le troisième volume des B.O. Introuvables
à la rentrée. Un coffret qui fera de grands écarts esthétiques et
musicaux ! Tout ce que nous aimons. D'autres volumes de notre dernière collection Les
Grandes Musiques du Petit Écran verront le jour.
Un message, une demande à faire passer à nos lecteurs c’est ici !
Continuez à soutenir les vrais labels indépendants en
achetant des CD ou des vinyles car sans cela, l'édition ou la réédition de B.O.
deviendra impossible.
Enfin, un mot sur la disparition d'Ennio
Morricone ?
C'était un véritable génie de la musique, un monstre
sacré de la musique de film et une référence incontournable pour tous les
cinéphiles ! Ce qui est fascinant chez Morricone,
c'est qu'il a abordé tous les genres musicaux avec une aisance incroyable. Sa
disparition est forcément une grande tristesse mais il nous laisse tant de
chefs d'œuvre à réécouter.
Poursuivez votre lecture BO de films avec une
interview de Stéphane Lerouge, que j’ai
réalisé il y a quelques années : https://paskallarsen.blogspot.com/2020/06/stephane-lerouge-restaurateur-de-bandes.html
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