Le label Yotanka ré édite le 8 octobre 2021 deux albums de Zenzile, Modus Vivendi sortie en 2005 sur Supersonic, et Living in Monochrome sortie en 2007 sur Uwe. A noter que Yotanka Records a publié les albums Electric Soul (2012), Berlin (2014), Elements (2017) et 5+1 Meets Jayree (2018).
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Je profite de cette news pour remettre en ligne l’interview de Zenzile que j’ai réalisé en janvier 2019, lors de la sortie de l’album 5+1Meet Jayree.
Zenzile meets JayRee @ Vincent Fribault
Après plus
de 20 ans d’activités, le groupe angevin Zenzile est revenu en 2018 à
ses fondations sur l’album « 5+1 Meets Jay Ree »: la musique dub et roots. Le
résultat est une belle réussite musicale qui nous a donné envie de leur poser
quelques questions. Le bassiste Matthieu Bablee a eu la gentillesse de
prendre du temps pour nous éclairer sur le remède de la longévité sans faille
de Zenzile.
Cela fait plus de 20 ans que le groupe existe. Respect ! C’est quoi le
secret de votre longévité ? Sachant que 20 ans c’est - pour moi - le plus bel
âge de notre passage terrestre.
J’aurai pour ma part un brin de nostalgie pour nos premières années parce que
le mot d’ordre de l’époque était l’insouciance. C’est une période à présent
révolue. Mais notre secret est qu’en même temps nous sommes restés les mêmes
(branleurs) : d’éternels ados qui aiment plus que tout, se retrouver et jouer
en live ou dubber derrière une console. Côté finance, notre méthode a toujours
été, de partager équitablement le fruit de notre travail quelques soit la place
de chacun dans le processus de création.
Si c’est possible en quelques phrases, quelles ont été les grandes étapes
décisives (positives et négatives) qui ont fait évoluer le groupe pendant ces
20 années ?
Les grandes étapes sont liées à la présence et au départ de certains membres du
groupe. Il y a eu les débuts avec Jaja, notre premier guitariste et
producteur (Dub Promozione, Sachem) puis l’arrivée de Scott pour
le remplacer à la guitare (Soundpatrol, 5+1 Jamika, Totem, 5+1 Jean) et
enfin Alex qui remplace Scott depuis Modus Vivendi. Ces
quelques changements ont influencé notre musique, nos rapports au sein du
groupe. Il y a toujours un temps d’adaptation ; surtout chez Zenzile ! Et puis
évidemment, la rencontre avec Jamika en 98 a été importante comme celle
de Guillaume Bourreau notre premier manager. C’est lui qui nous a poussés vers
une collaboration avec des musiciens maliens en 1999 ! Voyage à Bamako, etc.
Vous êtes un groupe d’Angers. Votre musique de base est le dub. Par quelle
magie, hasard de circonstance, un groupe du Maine et Loire se met à jouer du
dub ? Il y avait un bon réseau pour trouver de l’herbe entre les pieds de
vignes ?
A l’origine, Zenzile s’est formé autour de Jaja, Werner et
moi-même. Notre pedigree commun était le punk et le reggae, Clash, Ruts, Bad
Brains, Fugazi, Adrian Sherwood et son label On U Sound. Ces
références étaient partagées par beaucoup de groupes de la scène alternative : Mano
Negra, Ludwig von 88, Les Brigades, Nuclear Device. Sinon, on trouve de
tout entre les pieds de vignes !
Vous vous êtes rencontrés comment ? Quel était l’état du dub à Angers en
1996 ? Car la ville est plutôt orienté rock, avec le magasin et le label Black
& Noir, des groupes comme Les Thugs, Les Dirty Hands, le Casbah Club.
Le projet initial n’était pas de faire des concerts mais de produire des
instrumentaux à dubber en studio. On voulait jouer les apprentis sorciers, on
tripait sur Lee Perry et on voulait notre « Black Ark » à nous ! Puis Vince
(claviers) et Raggy (sax) nous ont rejoints. Ils venaient d’une autre
sphère musicale : hip hop, jazz, black music. Le groupe s’est fédéré autour
d’un bar, Le Louisiane, d’une salle et ses locaux de répétitions, Le Chabada
et d’un magasin de disques, Black & Noir. C’était notre sainte
Trinité ! Bières, Concerts et Vinyles ! Angers a été, est et restera une ville
rock et c’est très bien comme ça ! Le fait de croiser en ville Éric (des
Thugs) avec sa Gibson qui allait répéter en sortant du magasin (sans
passer par le bar !), en mode « peinard », ça m’a marqué et donné envie de
faire pareil (le bar en plus !).
Justement vos rapports avec la scène rock c’était « peace & love » ou «
love & hate » ? Sachant qu’en même temps, vous vous caractérisez aussi par
le son d’une basse souvent bien rock, dans la lignée des Clash.
Nous avions de très bons rapports avec la scène rock, pour la simple raison
qu’une bonne partie du groupe en faisait partie ! Perso, le suicide de Kurt
Cobain m’a vraiment navré (style : No Future pour les punks rockers malgré
ou à cause du succès) et j’ai décidé d’opter pour le côté plus fun et moins
obscur de la musique. Le dub correspondait bien à mes aspirations : groove,
danse mais aussi de la place pour des clins d’œil au rock et au punk. Tu peux
t’amuser à les chercher, y en a un paquet dans nos morceaux !
Quels sont les concerts dub et Sound system qui vous ont déchirés les
neurones et chargé votre esprit de bons souvenirs ? Des noms ?
Mad Professor & Lee Perry, Audioactive et la soirée On U Sound
des Transmusicales, Abashanti, Iration Steppas, Zion Train, Tikiman,
Yellowman, Israel Vibration et Roots Radics et Black Uhuru avec
Sly et Robbie entre autres.
Pendant ces 20 années, vous n’avez pas joué que du dub, vous avez exploré
des styles divers (post rock, B.O. de films, électro, trip hop), c’était
nécessaire pour la survie du groupe ou était-ce juste lié à l’envie
d’expérimenter de nouveaux sons ?
Nous sommes de grands fans de musiques avant tout. On achète beaucoup de
disques, vieux ou récents dans tous les styles. Cette curiosité influe sur
notre musique. Les changements de personnel affectent aussi le groupe. Alex
(actuel guitariste) est fan de rock (post punk, new wave, krautrock), et a
contribué à orienter notre son à certains moments. Mais je reconnaît que le Dub
« à la Zenzile » est le style qui nous va le mieux !
Vous avez illustré la bande son du film muet Berlin. Pourquoi le choix de ce film ? Que représente la thématique
de ce film pour vous ? D’autres projets de ciné concerts en vue ? Si oui, des
noms de films (hormis bien sûr Le cabinet
du docteur Caligari, votre toute première et belle expérience de
ciné-concert !) ?
Nos ciné-concerts se montés en association avec le festival Premiers Plans
d’Angers. Nous avions choisi Le cabinet du Dr Caligari parce que c’est un
chef d’œuvre esthétique, visuel et que le scénario est ultra moderne. Nous
avons enfoncé le clou côté expressionnisme allemand avec Berlin, symphonie
d’une grande ville. Perso, je suis fan de Berlin depuis longtemps mais à
l’époque du film, en 1927, c’était complètement différent. Berlin était
comparable à Paris (années folles). Il ressort du film, une dynamique lié au
rythme de la ville, à son urbanité. Du coup, ce fut assez simple de créer la
musique car la pulsation était déjà là, dans le rythme des images. On s’est
ensuite attaché à reproduire des ambiances liées au Zeitgeist berlinois :
kraut, prog, électro, dub, indus. Nous n’avons pas d’autres ciné-concerts en
préparation.
L’album Elements que vous avez sortie en 2017 est assez atypique dans
votre discographie, car il sonne plus commercial. Pourquoi ce virage, vous
groupe indé « intègre » ?
Je ne trouve pas qu’il sonne plus commercial, nous avons toujours mêlé
instrumentaux et morceaux chantés. Sur Elements, nous avons collaboré avec Zakia,
jeune chanteuse avec une très belle voix. Nous avons composé en fonction de
cela, mais Elements n’est pas si éloigné de Berlin musicalement. Quant
à notre intégrité, on la renforce plutôt en sortant ce genre de disque, en
prenant des risques à nouveau.
En 2018, vous revenez à vos fondamentaux avec l’album 5+1 et sa belle pochette un peu Blue Note. Pourquoi ce retour au
dub ?
Parce qu’on en avait sincèrement envie ! Le format 5+1 était parfait pour
l’exercice « Showcase » : une chanson et son dub.
Vous retrouvez Jayree. Comment s’est passé l’enregistrement avec lui ?
Considérez-vous avoir désormais un chanteur attitré avec Jayree ou pensez-vous
toujours faire intervenir Jamika ou Sir Jean (chanteur du groupe Mei Tei Sho)
ou voire même sur certains titres de nouveau Winston McAnuff ?
Jay Ree est l’homme de la situation. Il navigue à travers quantité de
styles liés à la black music, avec aisance et goût. On envisage aussi de retravailler
avec les noms sus-cités auxquels on peut ajouter Paul St Hilaire (aka Tikiman)
qui est une de nos rencontres dont on est le plus fier !
Avez-vous la sensation d’avoir plus d’échos et de retour du public avec ce
grand retour aux fondamentaux du Dub ? Est-ce que ça génère plus de dates dans
les salles de concert et dans les festivales ?
Qualité ou quantité ? Honnêtement, je ne peux parler que de l’accueil du public
et des organisateurs lors de nos concerts cet automne. C’était chaleureux,
convivial et touchant. Je pense qu’un concert de Zenzile est un moment
où il se passe toujours quelque chose en lien avec le lâcher-prise ; chose de
plus en plus rare, de mon point de vue. Côté concerts, nous travaillons avec Mélodyn,
notre nouveau tourneur, qui bien que n’étant pas branché dub et reggae fait du
très bon boulot avec nous.
Pensez-vous que le Dub est encore une forme musicale qui touche les
nouvelles générations ? Car on dit que les jeunes sont aujourd’hui fondus de
hip-hop et de techno. (ref. voir l’affiche de Rock en Seine 2018).
Nous avons tous entre 40 et 50 piges. Je ne vois pas les choses, et surtout la
musique, en terme de génération. Il y a la bonne musique et la mauvaise
musique, point barre. Qu’elle soit jeune, vieille, blanche, noire, jaune,
lente, speed, commercial, indie, on s’en cogne : est ce que ça provoque quelque
chose de l’ordre de la danse, de la tristesse de la réflexion, du bien-être ?
Voilà ce qui nous importe ! A nos concerts, le public qui nous suit encore
est vieillissant, comme nous ! Mais on y croise 3 générations de public, style
: grands-parents, enfants et petits-enfants ! Ça fait super plaisir ! Tant pis
si ça fait pas branchouille !
Après
ce retour au dub, pensez-vous encore tenter d’autres expériences musicales
comme, par exemple, l’album rock avec David Alderman et Carole Gola Living
in Monochrome, l’intervention de musicien comme Vincent Segal sur certains
titres ou voire même à nouveau une rencontre avec des musiciens maliens ?
On ne s’interdit rien, mais pour l’instant, on va creuser le sillon dub
culture, pourquoi pas, métissé par de nouvelles aventures africaines ! Je tiens
quand même à rappeler qu’on a fait notre projet Zenzile/Mali en 1999,
bien avant que cela devienne une mode.
Une des particularités du groupe est que vous avez chacun plusieurs
formations musicales, comment arrivez-vous à concilier les calendriers des
dates programmées pour Zenzile avec celles des formations annexes (Delta pour
Vince, Sweet Back pour Raggy, Last band in Town pour Matthieu Bablée, DJ pour
Jean-Christophe) ?
C’est une putain de tragédie ! (rires) Sérieusement, c’est un peu compliqué
mais pas impossible. Cela nécessite surtout une bonne coordination et une bonne
communication entre nous et nos partenaires (tourneurs, management) Et puis,
c’est un bon moyen de changer d’air quand ça pue trop des pieds dans le camion
de Zenzile.
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