MES DISQUES A EMPORTER SUR UNE ILE DÉSERTE: Chronique n°12
En seulement deux albums, le groupe Slint a imposé un son, un style qui va nourrir par la suite l’inspiration de nombreux artistes (Mogwai, Explosion In The Sky, Electric Electric entre-autre), qui seront rangés dans le genre post-rock et math-rock. Le style du groupe sera à son apogée sur le deuxième opus nommé Spiderland. En 6 morceaux, tout le savoir-faire de Slint est posé sur la table. Au début, l’album devait être instrumental. Les paroles ont été écrite à la dernière minute en studio. Ainsi le chant de Brian McMahan est l’élément le plus troublant (du moins à la première écoute), car hésitante, susurré jusqu’à pousser des cris. Il ne chante pas, il cause ! A côté, la musique est plus raffinée, arty, enivrante et entêtante. Alternant douceur, calme avec la guitare cristalline et violente avec des riffs stridents, la musique de Slint surprend constamment. Avec eux, malgré les apparences, on n’est pas dans une zone de confort. Le jeu des trois guitares avec la rythmique parfois rachitique et emportée de la batterie (façon Moe Tucker du Velvet Underground), donne un assemblage à la fois complexe et fluide à l’oreille. Si on doit chercher une référence, ce sera dans l’album Dicipline (1981) de King Crimson, avec le son des guitares d’Adrian Belew et Robert Fripp. Les 6 morceaux forment un tout indissociable. Ainsi comme dans un film, on va écouter les morceaux dans l’ordre de l’album, sans vouloir en extraire un qui le sort du contexte.
Petit aparté, à la même époque un autre groupe, Codeine allait avec l’album Frigit Stars LP donner une version proche de Slint, pour l’art de conjuguer calme et tempête avec tallent, le tout sans prévisions météorologique. Fin de l’aparté.
La pochette avec une photo prise par Will Oldham alias Bonnie Prince Billy sans oublier le projet Palace Brothers, reflète bien l’ambiance de Spiderland, entre pause, détente, mais pas à l’abris d’une éventuelle catastrophe naturelle. Comme ici avec l’eau qui peut s’emporter d’un moment à l’autre en entrainant avec elle les quatre membres du groupe. Cette photo sera par la suite reprise par The Shins pour leur clip New Slang.
Le premier album nommé Tweez a été produit par le big Steve Albini. Le groupe a été déçu du résultat, ainsi pour le deuxième album c’est le producteur Brian Paulson qui est derrière les manettes. Pourtant en 1991, ce producteur n’a pas un CV aussi étonnant que Steve Albini. Mais qu’importe, le son de Spiderland est une réussite qui marquera son empreinte au fil du temps.
L’album est publié sur le label indé Touch and Go. Depuis le début des années 80, ce label de Chicago est un poids lourd dans le domaine de la musique noise et HC. On y trouve les groupes les plus intéressants dans ce style bruit blanc qui décape, ainsi sans même connaitre le groupe, une publication Touch and Go demande une écoute. Juste quelques noms: Butthole Surfers, Killdozer, Big Black, Rapeman, The Jesus Lizard, Rollins Band, Silverfish, Die Kreuzen.
J’ai acheté l’album en CD
dès sa sortie chez le disquaire Dancetaria. Le vendeur Stéphane, m’avais fait découvrir le groupe avec l’album Tweez, que j’ai
acheté en vinyle. Ce disque a beaucoup tourné sur ma platine. A cause du style
musical, qui n’aime pas les craquements, j’ai acheté le deuxième album en CD.
Lui aussi a beaucoup tourné dans le lecteur CD. Quand un ami passait à l’appart,
il avait droit à une écoute forcée de l’album. A l’unanimité, Spiderland
plaisait. On l'a chroniqué dans le fanzine Hyacinth (5ème floraison), dont ici une petite phrase : "Loin de se limiter à la guitare 3 notes avec saturation, les musiciens hors-normes de Slint ouvrent sans doute de grands portes avec de réelles perspectives d'évolution." Coté perspectives, vu que Slint va splitter après l'album, ce sera pour les musiciens vers d'autres projets musicaux. Bizarrement dans la playlist Hyacinth, l'album n'est que 15ème sur 20. Le premier étant Goat de Jesus Lizard.
Pour écrire cette petite chronique, j’écoute l’album en bande son. Cela doit faire plus de 10 ans que je ne l’ai pas écouté. Il est clair qu’en 2021, ce disque reste toujours un OVNI dans l’espace-temps du rock indé, que d’autres générations de guitaristes vont à leur tour pouvoir se l’approprier. Après la publication de Spiderland, qui n’a pas eu a sa sortie de succès, en dehors du cercle des amateurs de noise et de HC, le groupe se sépare. Chaque membre va poursuivre sa carrière. David Pajo en solo sous son nom, ou sous les pseudos de Areal M et Papa M, mais aussi dans la grosse pointure Tortoise, les groupes Zwan et Early Man. Brian MacMahan a formé The For Carnation et joué dans le premier album de Palace Brothers. Britt Walford a joué dans Evergreen, King Kong et sur l’album Pod des Breeders. Todd Brashear a été moins productif, mais il a aussi joué sur le premier album de Palace Brothers.
Touch and Go vient de publier un EP deux titres avec les morceaux Breadcrumb Trail et Good Morning, Captain. Cet EP est pour les fans collectionneurs, car la différence entre les versions définitives sur l’album ne sont pas renversantes.
https://www.facebook.com/Slint
https://www.discogs.com/fr/artist/56206-Slint
En 2005, Slint se reforme le temps d’une tournée (qui va se prolonger en 2007 avec un concert à Paris au Bataclan). N’ayant jamais vu le groupe en concert, avec des amis on va le 3 mars à Reims à La Cartonnerie pour l’unique date française. Pour le fanzine Abus Dangereux face 92 avril/mai 2005, j’avais écrit une chronique, la voici ci-dessous :
"Slint s’est reformé le temps d’une tournée mondiale, avec une date unique en France dans une nouvelle salle au son irréprochable à Reims. Petit rappel : Groupe culte de la fin des années 80’s avec deux albums essentiels, dont Spiderland qui a servi de modèle à la scène post-rock. En pleine rage noise/hardcore, Slint créait le HC sous prozac. Retour an 05 : les morceaux sont joués note pour note comme sur les albums. Il n’y a que l’ordre des titres qui change. En live on se rend mieux compte de ce style plombé (limite Black Sabbath) mélangé à une noise cristalline, parfois jazzy pour le côté technique, toute en mélodies et en atmosphères lumineuses, limite religieuses. De plus le chanteur est installé sur le côté de la scène et de profil, ça fait son effet. Bref, le groupe séduit. Le seul bug est les 3-4 minutes d’attente entre les morceaux pour les changements d’instruments. Certains critiqueront ce côté appliqué, comme si le groupe jouait avec des partitions, mais au final ces 80 minutes avec Slint se dégustent comme du caviar. Monade, le groupe de Laeticia Sadier de Stereolab a assuré la première partie avec un set joliment pop.
Malheureusement mauvaise note pour l’organisation : interdiction de fumer (on est en 2005), de boire, d’enregistrer et de prendre des photos. Deux videurs passaient leur temps à tourner en rond parmi le public, comme si c’était la police. Le pompon, le concert à peine fini, il faut quitter immédiatement la salle. Pas très rock tout ça ! Normal c’est du POST rock."
Vous pouvez écouter un enregistrement du concert ici : http://slintisback.free.fr/
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