Le label américain Dais Records vient de rééditer pour la première fois en vinyle, l’album Musick To Play In The Dark du groupe Coil. L’album est sorti initialement en 1999, dans une édition vinyle limitée à 500 exemplaires hors commerce sur inscription, en privilégiant le format CD. Dans les années 90 et 2000, le CD était le format en vigueur, laissant sur le bord de la route le format vinyle, sauf dans le milieu techno et house, mais là les vinyles avaient presque tous la même pochette blanche ou noire, avec les infos sur la rondelle centrale du disque. Malheureusement, John Balance (1962-2004) et Peter Christopherson (1955-2010) ne verront pas cette réédition double vinyle en plusieurs éditions couleurs avec la face D sans sillons et gravé d’un dessin.
Formé en 1983, le groupe Coil est rapidement devenu une référence dans la musique industrielle, gothique avec les albums Scatologie (1984) et ses invités de choix, Gavin Friday de Virgin Prunes et Clint Ruin de Fœtus et Horse Rotovator (1986) avec en guest Marc Almond. Membre du groupe fondateur Throbbing Gritle, sans oublier ses collaborations avec Psychic TV, Peter Christopherson avait déjà en 1983 son armada de fidèles et John Balance proche de Current 93, Death In June et Nurse With Wound n’était pas non plus un novice sorti de nulle parts, ainsi le public aura dès le début un respect sans faille envers ses deux grandes figures de la musique industrielle et électronique. Car à partir de l’album Love’s Secret Domain (1991), les sons électroniques vont s’imposer dans la musique de Coil. Pour le meilleur sur cet album et parfois pour le pire sur Constant Shallowness Leads To Evil, qui est expérimental répétitif jusqu’à l’excès d’un bourdonnement. Là il faut s’accrocher. Car Coil est à la fois très à l’aise pour composer un morceau mélancolique, chargé d’émotions intimes, mais aussi pour créer un morceau expérimentale à la limite du supportable. La voix de John Balance, y est pour beaucoup. Sur les albums où sa voix est peu présente, on se sent frustré. Sa fait le même effet sur les albums de Tricky, qui préfère laisser ses guest féminins chanter, alors qu’il a un magnifique chant de conteur urbain.
On arrive à 1999 (année on l’on prévoyait le « bug de l’an 2000 ») avec le premier volet de Musick To Play In The Dark, il y aura un deuxième volet en 2000. L’album contient 6 longs morceaux qui ont été enregistrés avec Thighpaulsandra et Drew McDowall dans la maison victorienne de John et Peter à Weston-super-Mare (ville côtière et balnéaire non loin de Bristol) où ils avaient leur propre home studio. Il est clair que tous les membres du groupe étaient très inspiré, étaient au meilleur de leur forme créative, malgré -on l’imagine- les excès de drogues en tout genre, pour sortir de leur génie mental cette florilège de sons et mélodies à la fois hallucinogène, mental, cosmique. En 1999, Coil voulait être un groupe lunaire après avoir été solaire et l’on peut dire que c’est réussi. Les membres de Coil étaient également des fans des groupes allemands de krautrok, cosmic music, ainsi sur le morceau au titre improbable de Red Birds Will Fly Out Of The East And Destroy Paris In A Night, il y a un sample du morceau Rybicon de Tangerine Dream. La force de Musick To Play In The Dark est l’homogénéité, la track-list des morceaux, entre le chant, les instrumentaux, l’expérimental/bruitiste et les mélodies sont en pleine communion. Le summum de la classe est le morceau Red Queen, avec la voix parlée de John Balance qui donne des frissons dans le dos, tant elle nous possède de son timbre mortifère. Derrière la mélodie au piano, tendance cabaret est redoutable et tous les petits sons cold et fantastiques remplissent l’espace comme si l’on était suspendu aux images d’un film de David Lynch. Pas étonnant qu’au fil des années, cet album soit devenu culte dans le « petit monde » de la musique spé, en apesanteur. Cet album est un incontournable, qu’il est recommandé de (re)découvrir avec cette réédition en disque vinyle.
Lors des années 80 et 90, Coil a fait peu de concerts, de tournées, notamment en France. A l’inverse d’un groupe de rock, Coil était comme un rat de laboratoire, soit des artistes plus l’aise dans leur studio pour donner vie à leur musique. Dans les années 2000, ils ont commencés à faire des concerts. Ils ont joué à Nantes au Lieu Unique le 25 mars 2001et à Paris à La Locomotive le 23 mai 2004, soit quelques mois avant la disparition tragique de John Balance (1). Pour avoir vu ces deux concerts, il faut admettre que ce n’était pas magique. C’est difficile de rendre tout l’éclat de leur musique mentale sur une scène. Leur musique est réservée à l’imaginaire de chacun. On se fait notre propre image, notre propre film. Les voir habillés en moines (bien avant Sun O))) ) à Nantes, ce n’était pas top. Idem à Paris, où franchement John Balance avec un pantalon troué au niveau des fesses, faisait un drôle d’effet et Thighpaulsandra jouait sous une sorte de moustiquaire assez ridicule. Malgré tout, voir Coil en live reste une expérience qui ne se refuse pas.
Maintenant on éteint toutes les lumières, les portables, on se met dans le noir, dans le silence pour écouter la richesse musicale de cet album intemporel.
(1) Info du concert ici : http://live-coil-archive.com/2004-2/2004-laloco/
https://coilofficial.bandcamp.com/album/musick-to-play-in-the-dark
https://www.discogs.com/fr/artist/660-Coil
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