mardi 2 juin 2020

BERNARD ESTARDY "Le Géant, Itinéraire d’un génie du son" par Julie Estardy



Depuis pas mal de jours, l’album La Formule du Baron tourne régulièrement sur ma platine. Réalisé par Bernard Estardy en 1971, ce disque contient 12 morceaux joyeux, décalés, libres, comme le plaisir de passer du bon temps avec des amis, des potes en buvant du bon vin et surtout en racontant pleins de conneries qui donnent le sourire. Pour exemple, le morceau Ala Mia Thra qui possède cet élan, cet envol qui donne envie de parcourir les rues dans une décapotable. Le label Born Bad a édité la compilation Space Oddities et Gonzai Records, la compilation Fragments d'une empreinte magnétique ainsi qu’un magnifique livre écrit par sa fille Julie. Si dessous la chronique de ce livre vivement recommandé, tant qu’il est encore disponible.





Bernard Estardy fait partie des hommes de l’ombre, peu connu du grand public, mais connu des professionnels de la musique. Après avoir été musicien dans les années 60 du chanteur Nino Ferrer (oui celui qui aime Les Cornichons et connait bien Mirza), Bernard Estardy avec son pote Georges Chatelain, porte un projet fou, construire un studio d’enregistrement et devenir l’ingénieur du son maison. Ainsi en 1966, c’est au 95 rue Championnet, Paris 18ème, que CBE (et son logo phallique) voit le jour et la nuit. Au fil des mois, Bernard Estardy, dit le géant car il mesure plus de 2 mètres, se fait une réputation, car avec trois bouts de ficelles et beaucoup d’ingéniosité, il est un sorcier du son qui peut faire un tube à partir d’une idée. C’est la baguette magique qui donne de la lumière aux causes perdues, en difficulté. Ainsi en 40 ans d’activité, il a enregistré plus de 15000 chansons et vendu 500 millions de disques, dont les tubes Le Sud de Nino Ferrer, Que Je T’aime de Johnny Halliday, Comment te dire adieu de Françoise Hardy, Elle a les yeux révolver de Marc Lavoine. Si les chanteurs de la variété française sont ses gros clients, Bernard Estardy a également bossé avec Serge Gainsbourg, Lee Hazlewood, Les Fleurs de Pavot, The Peddles, Rotomagus, Quincy Jones qui a vu en Bernard un génie, bien avant qu'il crée le studio d'enregistrement. Il a aussi réalisé des compilations de Library Music pour le label Tele Music et des musiques pour le cinéma et la publicité.
Mort en 2006 à l’âge de 66 ans, heureusement, sa fille Julie qui a grandi dans le studio a repris les rênes de l'entreprise familiale, telle une fée. Elle a écrit cette biographie étonnante (dans sa forme) suite à des souvenirs contés par son père et à partir d’entretiens d’artistes qui sont passées dans ce lieu unique, tels que Gérard Manset, Danyel Gérard, Françoise Hardy, Orlando, Sheila, son amie Mimi… Le résultat donne une forme d’écriture originale, car on a l’impression que sa fille Julie est une petite sourie qui voit et écoute tout ce qui se passe. Ainsi on assiste à des dialogues, rencontres, situations cocasses comme si on faisait partie de la fête ou du travail de création. C’est juste magique pour le lecteur, d’être ce témoin privilégié. Comme le livre fait près de 400 pages, on ne va pas vous résumer cette histoire étonnante d’un homme qui était prédestiné à être ingénieur dans les travaux public, et vous faire part des multiples anecdotes, comme le passage de Georges Martin (producteur des Beatles), mais juste vous passer un extrait du livre qui résume bien une folle journée du Géant. « Un jour je suis avec l’acteur Michel Simon qui enregistre un texte pour la radio, le lendemain je bosse pour la Comédie française. Mireille Mathieu arrive avec son producteur Johnny Stark pour l’enregistrement de deux titres et le lendemain, j’enchaine avec une publicité pour Nesquik. Une chanson pour Adamo, une autre pour Éric Charden, puis une bande-son pour le cinéma (-). » (page 132) et ainsi de suite ! Chaque jour lui réserve ses découvertes, surprises et coup dur. Julie Estardy a réussi à transmettre, à faire partager les milles et un secrets, astuces et hasards qui ont servie à la bonne œuvre musicale. Merci à elle de nous faire partager ses instants qui auraient pu rester juste dans sa mémoire, dans sa famille. Bonne lecture, sans oublier un accompagnement musical avec un disque vinyle chiné et qui grésille un peu. 



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