lundi 15 juin 2020

BLACK DEVIL DISCO CLUB "Lucifer Is A Flower" (Lo Recording) – 12 juin 2020



Toutes (ou presque) les belles histoires ont une fin. Après avoir eu une seconde vie artistique, grâce aux anglais Chemical Brothers (qui le sample en 1999) et Aphex Twin qui réédite en 2004 son album culte de 1978, le français Bernard Fèvre aka Black Devil Disco Club, est de retour, mais pour une dernière fois, avec le nouvel album Lucifer Is A Flower qui sera sa révérence à lui. On a l’arme à l’œil, car on l’aime beaucoup ce joyeux Bernard Fèvre, notamment pour ses concerts qui donnent la banane. Que cela soit à Paris à la Villette Sonique en plein air, tout comme au Glazart  avec son sable fin, la Flèche d’Or ou dans une soirée étudiante, vers je crois Gare de L’Est, c’est à chaque un grand moment de défoulement. Car voir ce grand bonhomme de 70 ans s’amuser avec son ordi portable envoyer du gros son avec une légèreté désarmante, c’est juste le respect total. Aussi cette image qui me vient, après son set au Glazart, je le croise sur la plage artificielle, avec sa petite valise à roulettes qui contient son matos de scène, il est prêts à prendre le métro pour rentrer chez lui ou à prendre un jet privé pour jouer à Ibiza où à Palavas-les-Flots.
Pour un adieu gravé sur vinyle rouge, son Lucifer Is A Flower reste fidèle à son style électro dansant et fun. Pas de véritables surprises, mais un plaisir d’être de nouveau en sa compagnie pour planer et vibrer dans son univers synthétique et cosmique qui n’appartient qu’à lui. Merci Bernard !


https://www.facebook.com/blackdevildiscoclub/

 
Pour la sortie de ce nouvel album, je vous proposer une interview que j’avais réalisé en juin 2010, au moment de la sortie de l’album Dub (Lo recordings-La Baleine). L’interview a été publiée sur le site foutraque.com





Dans le monde de la musique il y a parfois des belles histoires qui font plaisir à entendre. C’est le cas de Black Devil Disco Club (BDDC), alias Bernard Fèvre. En 1978 pendant que Claude François squatte les radios et les magazines, (enfin il ne lui restera plus que quelque mois pour le faire), que Gainsbourg se la joue "tube de l’été" avec Sea Sex and Sun, et que le groupe Téléphone est sur le point de décrocher un succès avec La Bombe Humaine, Bernard Fèvre et son accolyte et producteur Jacky Giordano, sortent un album d’électro cosmique Disco Club qui passe inaperçu dans notre beau pays. Dommage pour eux... Comme un accident de parcours, Bernard Fèvre s’en va donc retourner à son métier de publiciste/illustrateur sonore. Bref, le musicien en prend un coup pour son égo. Ce qui est fort dommage, car ce disque contient 6 petites perles proche des sons de Kraftwerk, de Goblin (les musicos des BO des films de Dario Argento) et de Giorgio Moroder, soit de l'électro space (mais pas opéra) idéale pour danser toute la nuit. Mais il y a une justice pour les cas isolés comme nos Black Devil, mais cela va se produire en 2004 (soit 26 ans après la sortie de l'album), grâce au génie Aphex Twin qui ré-édite ce disque oublié sur son label Rephlex, et les Chemical Brothers qui samplent en 1999 un des titre (extrait de l'album Cosmos 2043) sur leur tube Got Glint ?. Les Chemical au sommet de leur gloire, celà a contribué à la reconnaissance du BDDC. Par contre aucune retombé financière, Bernard Fèvre n'a pas touché un seul centime sur le sample. Donc revoici à l'heure où la musique électro explose à travers la planète, le BDDC de nouveau sur les rails, pour une nouvelle carrière saluée par les musiciens, les DJ's, la presse et le public.
Avec un nouveau disque qui sort en juin, une rencontre avec un Bernard Fèvre au meilleur de sa forme s'imposait. 
 
Tu peux nous expliquer l'origine de ton nom d'artiste Black Devil puis avec Disco Club ?
Black : parce que je suis blanc (logique). Devil : parce que je suis un ange (évident). Disco club : pour la fête.

Tu écoutais quel style de musique en 77/78 ?
J'écoutais de tout, j'ai toujours écouté des milliers de trucs, avec une préférence pour l'inattendu. Ma jeunesse était yéyé, j'écoutais donc les mêmes choses que tout le monde, j'aime bien ce qui bouge et ce qui est frais et aussi ce qui est lourd et étrange. En réalité je crois que je n'ai aucun goût. Je me souviens des Beatles, de Ray Charles, d'Otis Redding, de Donna Summer, Louis Armstrong, Maurice Chevalier, Damia, Yvette Guilbert... Aujourd'hui je ne retiens plus les noms, trop ésotériques pour moi, mais j'écoute toujours.


Dans quelle circonstance est né l’album Disco Club ?
J'espérais faire connaître mes abstractions musicales électroniques en les calant sur un rythme binaire facile. Ainsi j'espérais atteindre un public et peut-être quelques médias, mal vu!

Tu as composé cet album avec Jacky Giordano. Qu'est-il devenu?
Je l'ignore, aucune nouvelle depuis 30 ans.

Quelles ont été les critiques de la presse et l'accueil du public ? L'album était bien distribué ?
Aucune critique. Certainement une distribution exsangue, donc aucune communication avec le public. Disque oublié dès sa parution (très bon pour mon ego).

Tu possèdes chez toi des exemplaires de ce disque vinyle ?
Non, mais j'ai un vieil ami qui l'a. Je lui ai conseillé de le mettre sous cloche et de surveiller les cours de ma bourse.

Pourquoi n'y a t-il pas eu de suite immédiate sur cet album ?
Parce que c'était un test nul, donc j'ai cru cette musique sans intérêt. Et puis sans budget, tu arrêtes.

Tu as donné des concerts au moment de la sortie du disque ?
Pas d'existence du disque veut dire : pas de concert et aucune prestation.

Quelle était ton activité artistique ou alimentaire (métier) avant de composer Disco Club ?
J'ai fait du music-hall 10 ans au sein d'un groupe Les Francs Garçons, genre de néo Compagnons de la chanson. Sympathique aventure (french pop-folk) avec beaucoup de scènes en croisant Guy Beart, Joséphine Baker, Gilbert Bécaud, Serge Réggiani, Yvan Rebroff, Dave, Antoine, Rika Zaraï, enfin toute une époque.

Quelle a ét é ton activité artistique ou alimentaire après Disco Club jusqu'à ta réapparition avec l'album 28 After ? Tu as travaillé je crois pour la pub? Tu as illustré quelles pubs?
Oui, la pub est un bon moyen de survivre quand tu sais toucher à des styles de musiques bien différents. Tu travailles à la commande, donc diplomatie de rigueur, tu imposes tes idées en faisant croire qu'elles viennent du client, qui en général en est dénué. J'ai surtout bidouillé dans la pub avec Europe 1 et quelques régies privées. Cela allait de Renault aux meubles Lévitan (qui n'existent plus), ou alors une journée Orangina où je devais secouer l'antenne d'Europe 1 pendant 24 h. Une pub tv Cigarettes Russes Delacre qui est restée 9 ans à l'antenne et les jouets JouéClub qu'on entend toujours.

Ta musique est proche des sons de Giorgio Moroder. Il t'a influencé ?  
Le groove Rythmique est assez proche, l'écriture supérieure est très différente. Je pense que nous avons été emballés tous deux par la magie des séquenceurs de basse. J’aimerai le rencontrer.
Est ce que le terme d'italo disco pour décrire ta musique te plait ?
Italo Disco, Space Disco, Robot Disco, Electro Disco, pourquoi pas B Fèvre disco ?

Disco Club a été redécouvert 18 ans plus tard par l'intermédiaire des Chemical Brothers qui en ont extrait un sample. Quel est le mental d'un artiste quand il voit quel dégât (positif pour toi !) peut faire juste un sample du côté des retombées médiatiques, artistiques et financières ?
Erreur : BDDC a été redécouvert par Aphex Twin. Les Chemical eux ont samplé pour l'album Surrender: Earth Message (un titre plus ancien issu de l'album Cosmos 2043). Je suis heureux d'avoir été retrouvé, presque simultanément, par les Chemical et Aphex Twin, de plus pour deux travaux anciens et différents. Mais cela m'a bousculé:  il m'a fallu retrouver la substance de BDDC et renouer le fil cassé depuis 30 ans. Croire que je pouvais le faire sans décevoir l'attente des fans, et remonter sur scène avec ma vieille carcasse et mon Anglais merdeux. Quant au côté financier, il y a de l'argent à récupérer sur Got Glint (Surrender), j'espère ne pas mourir avant qu'il me revienne. 



Aphex Twin ré-édite ton disque sur son label. Tu connaissais ce Géo Trouvetou du son ? Tu l'as rencontré ? Ainsi que les Chemical Brothers ?
Non je ne connaissais pas ces gens. Je suis très loin de la scène électro, je ne les ai pas rencontré. Je sais qu'ils ont du talent et je les remercie vraiment de m'avoir découvert.

Donc 28 ans plus tard (en 2006) tu recomposes l'album. Pourquoi reprendre ces morceaux, au dépend de nouveaux titres ? C'est pour les réutiliser avec les nouvelles technologies ?
Je voulais me prouver qu'il y avait toujours du jeune Bernard Fèvre dans l'ancien. J'adore les nouvelles technologies, surtout pour les découpages et montages.
Justement c'est quoi la différence/méthode d'enregistrement entre 1978 et 2006 ?
Je joue toujours autant les claviers, mon ordi est surtout un magnétophone, une cabine studio et une console comme au bon temps, mais c'est un travail solitaire. Heureusement mon fils qui a 16 ans assume la direction artistique. J’avoue que je profite lâchement de sa fraîcheur culturelle.
Aujourd'hui en live tu rejoues avec plaisir et attachement ces titres. Comment gardes-tu encore cette fraîcheur dans l'interprétation après les avoir joué autant de fois ?
C'est une musique stimulante qui date de ma jeunesse, je la joue et j'ai l'impression de ne pas avoir vieilli. Et puis mon public n'est pas vraiment ridé, alors ça roule !
Est ce plus difficile de les jouer dans un festival ou au contraire dans un petit club ?
Mon expérience du music-hall me permet d'être cool dans les 2 cas. J'aime beaucoup les gens, qu'ils soient nombreux ou en petit comité. Ce que je n'aime pas, c'est la salle noire où je ne vois personne, j'ai l'impression de jouer chez moi. C'est nul. Alors respect pour Stevie Wonder.
Tu peux nous en parler de ton nouvel album Dub ?
J'ai fait cet album tout de suite derrière le Eight oh Eight puisque ce sont les pistes de cet album remaniées. Mais je l'ai gardé dans mon tiroir, car je voulais laisser passer du temps pour moi-même, le redécouvrir avec l'espoir d'être surpris. Je l'ai réécouté il y a un mois ou deux et il m'a plu. Je crois que j'ai fait des progrès en remix. Quant il y a 3 ans le label Lo recording m'a proposé de faire des remix, ce qui équivaut certaines fois à des Dubs (bien que le Dub est typiquement un feeling de Reggae), je n'avais jamais fais ça auparavant, je n'osais pas transformer les originaux par respect des créateurs. Jon Tye (boss du label Lo recording ) m'a refusé plusieurs remix en me disant : "ce n'est pas du Black Devil", alors j'ai compris qu'il fallait y mettre ma patte et oublier autant que ce peut l'original. Ce qui m'a permis de remixer : Tiga, Metronomy, Axel and the Farmer entre autres.
Dans le cas présent ces dubs de 8 Oh 8 m'ont donné du souci car j'avais dans les oreilles les centaines d'écoutes que j'avais déjà faites pour réaliser les pistes premières, il fallait oublier que c'est ma musique. Aujourd'hui quand je les écoute, ils me fascinent et m'envoûtent, que demander de mieux ? 





Tu es aussi en préparation d’un album composé de duos.
Je l'ai pensé comme des séquences de comédie musicale, avec différents interprètes vocaux, j'ai demandé à des gens surprenants. J'attends impatiemment de l'avoir terminé, c'est un peu plus long que prévu, car les voix qui me font le plaisir de participer vivent parfois loin.

Est ce que le fait de pouvoir danser sur ta musique, de créer un gimmick entrainant est un dénominateur pour toi pour aborder la compo d'un nouveau morceau?  
Il y a toujours plusieurs systèmes pour démarrer un morceau: Une séquence de basse, une suite harmonique, un chant dans la tête, une ligne de cœur, un battement rythmique, une envie de rire ou de pleurer, un son pourri ou joli etc...

Tu prends plus de plaisir à composer à 60 ans qu'à vingt ans ?
Autant, mais je suis plus attentif, moins fou-fou. Et ça m'énerve et me fatigue.

Où te situes-tu dans le paysage de la musique électronique ?
Je ne sais pas trop, je pense rester un ovni, peut-être parce que je ne ressens pas vraiment les influences d'aujourd'hui, ma musique est un medley des trucs de mon passé. Ce passé reste peut-être le cocon de la recherche musicale en ce nouveau siècle

Côté live, quels ont été tes chocs visuels et émotionnels?
Ray Charles, Beatles, Bob Marley, Les Who, Barbra Streisand, Devo, Brel, Kid Creole and the Coconuts, Stevie Wonder, Fernandel, Piaf, Michael Jackson.

Message ou autre à rajouter à faire passer ?
Souhaitez-moi une bonne santé pour encore un long temps, merci.



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