En parallèle au duo Scratch Massive, la DJ Maud Geffray a commencé une carrière solo en 2017 avec la publication de l’album Polaar, suivi en 2019 de l’album tribute to Philip Glass, Still Life composé avec la harpiste Lavinia Meijer. Nous voici en 2022, avec un nouvel album sur le feu.
Après les images glaciales tournées en 2017 en Laponie pour le clip du morceau Polaar, changement de paysage pour le nouveau single Break. Nous voici à la campagne dans une ferme située en province, ambiance Le bonheur et l’amour est dans pré. Le clip a été réalisé par Roxanne Gaucherand.
Voici le synopsis du clip Break :
“Après un accident de moto, Gio est secouru par Emax un jeune fermier. Il travaillera à la ferme pour payer les réparations de sa bécane. Entre fiction et documentaire le clip raconte l’éveil du désir entre les deux garçons pendant l’été. Porté par les deux acteurs le clip propose un nouvel imaginaire de la ruralité et trouble le genre.” (Roxanne Gaucherand)
La voix mélancolique de Maud Geffray fait de nouveau des étincelles. On est immédiatement porté par le timbre de sa voix unique et le beat de sa musique électro qui nous élève vers le haut et nous élève comme les animaux du pré. Ce nouveau titre, présage un bel album qui sortira au mois de mai 2022 sur le label Pan European Recording.
https://maudgeffray.bandcamp.com/track/break
https://www.facebook.com/maudgeffray75
Je profite de la news pour mettre en ligne une interview de Maud Geffray que j’ai réalisé en juin 2017 -lors de la sortie du premier album Polaar-, pour le fanzine Abus Dangereux. Une partie de l’interview a été publié dans le n° 144 paru en octobre 2017.
L'album Polaar fait partie du projet du film « Kaamos », réalisé par Jamie Harley. Avec Jamie, Maud est allé en Laponie où ils ont vécu deux mois avec les habitants de Rovaniemi. Six morceaux ont été écrits pour le film, complétés par six autres morceaux pour l’album « Polaar » (polaire en norvégien). Dans la bio du disque, Maud dit : « Ce que je recherchais, c’est un sentiment d’espace ». Objectif atteint ! Dans Polaar, la sensation d’espace est omniprésente. Un seul mot vient à l’esprit : MAGNIFIQUE. Maud répond à nos questions polaires.
Ton album Polaar est le fruit de
ton voyage en Laponie. Tu peux nous raconter en quelques mots ce que t’a
apporté ce voyage, tant au niveau personnel que pour ton travail d’artiste ?
Ce voyage m’a énormément apporté. Déjà, pour l’inspiration, il m’a permis
d’introduire dans ma musique un paquet d’émotions découvertes sur place, et
tout un tas de sensations liées à ce voyage peu banal dans l’immensité des
paysages lapons. Inspiration sensorielle, visuelle, et humaine bien sûr. Nous
étions là-bas en plein hiver, pendant les mois où le soleil ne se lève
quasiment pas. Il faisait nuit noire 22h sur 24, un froid approchant les -20
degrés, des aurores boréales qui fleurissaient dans la nuit, c’était assez
incroyable. On est partis à 3 personnes : le réalisateur Jamie Harley, son assistant Jeremy Barrois et moi, c’était
donc une aventure entre nous. Et puis une aventure avec tous les gens qu’on a
rencontrés sur place, par le biais des écoles de danse dans la ville de
Rovaniemi, ce qui était notre fil conducteur dans cette aventure singulière.
Le fait qu’en Laponie il fasse nuit en permanence, cela procure quoi comme
sensation mentale ?
Il peut y avoir un côté parfois anxiogène comme on peut l'imaginer, mais j’ai
été surprise par la sensation étrangement rassurante d’être enveloppée dans un
cocon, quelque chose d’assez doux. Ça peut paraître étrange, mais j’ai presque
trouvé cela réconfortant. Il fait nuit noire, les bruits sont absorbés par la
neige et il fait entre -10 et -20 degrés, du coup on vit très près des autres
humains. Il y a beaucoup de proximité et de chaleur humaine, les maisons sont
très décorées, accueillantes, il se profile une vie très cloisonnée et
chaleureuse à la fois. La nuit a aussi quelque chose de chaleureux,
d’enveloppant que j’ai toujours aimé.
Ton album a été fait en deux temps. Les premiers titres pour le film Kaamos,
puis d’autres titres qui forment au final l’album Polaar. Tu pensais au
départ faire un album, ou juste faire une BO pour le film ?
J’envisageais en premier lieu une BO pour notre film musical. Ensuite Arthur
Peschaud du label Pan European m’a proposé de sortir de sortir la BO
sur disque. C’est là que j’ai eu envie de retravailler cette BO dans un format
plus pop, en m’inspirant des thèmes de la BO pour en construire de vraies
chansons ou des morceaux plus structurés, plus pop en un sens.
Dans le titre Polaar, on a l’impression d’entendre quelques petites
notes de The Last Time/Bitter Sweet Symphony de The Andrew Oldham
Orchestra et sur le titre Standing By My Door quelques accords d’A
Forest des Cure. Tu es d’accord ? Si oui, c’est (in)conscient ?
Sur Polaar, j’ai totalement pensé à The Last Time/Bitter Sweet
Symphony, mais après avoir fini le track, j’ai d’abord flippé et réécouté
le track. Dieu merci ses accords et mélodies n’ont absolument aucun rapport
avec Polaar, il y a juste un violon mis en avant, mais vraiment pas de
rapport mélodique, ouf ! Sur Standing by My Door en revanche, c’est
totalement un clin d’œil conscient à The Cure et à A Forest, la
mélodie n’est pas la même, le mood l’est totalement par contre.
Dans la bio au sujet du disque, tu dis que tu « recherchais un sentiment
d’espace ». C’est réussi ! Tu peux nous en dire plus sur cette
recherche/objectif ?
De façon générale, j’aime la musique assez intense, la musique qui marque.
Plutôt sombre que légère en somme. J’aime bien créer des tapis darks et y
insérer des rayons de lumières, être en tension de fond avec au-dessus des
mélodies plus apaisantes. Je crois que je recherche le contraste entre «
deepness » et sentiment d’espoir, quelque chose comme ça.
Photo @ Nathalie Hinstin
Que pense Sébastien Chenut (de Scratch Massive) de tes escapades en solo ?
Tu lui fais écouter tes œuvres solos avant parution ?
Oui, je lui fais tout écouter, il est ravi, nous n’avons pas de rapport de
compétition l’un envers l’autre. Nous sommes très attentifs au travail de l’un
et l’autre, j’écoute ses conseils comme il écoute les miens. C’est une belle
soupape de se permettre de développer des choses personnellement en dehors de Scratch
Massive. Mon travail en mon nom m’apporte beaucoup de sérénité, de
confiance en moi, et me met encore plus d’attaque pour toute sorte de projets,
y compris dans Scratch Massive.
Tu es je pense, plutôt une fille « urbaine » et de la nuit de par ton métier
de DJ. Si ton album Polaar avait été
créé à Paris, quel en aurait été les différences majeures ?
Il aurait peut-être été plus angoissant. En fait Paris manque sans doute
d’espace, j’y vis beaucoup mieux depuis que je me suis excentrée dans le 19ème
arrt. J’ai un appartement au 7ème étage avec une vue sublime. Je trouve que
c’est un luxe d’avoir cette vue de mon studio/ chez moi. J’en avais marre de
travailler dans le centre de Paris dans un studio sans fenêtre, noir, un peu
étouffant. Cela doit jouer sur le mood de ce que j’y produits.
Tu vis à Paris, mais tu as aussi un pied à terre à Los Angeles (le studio).
Que t’apporte cette ville ? La différence de mentalité entre Los Angeles et
Paris ? Tu vas souvent à Los Angeles ?
Oui, je m’y rends souvent, c’est beaucoup plus détendu qu’à Paris. Il y a un
vrai rapport à la nature dans les quartiers où je vis là-bas (vers Silver Lake
et Los Feliz). J’adore y passer quelques mois par an. On a un studio avec une
vue sur la montagne, c’est peut-être ce qui m’a fait prendre conscience que
j’avais besoin de ça aussi à Paris. Je vis beaucoup mieux à Paris depuis que je
me suis excentrée dans le 19ème. Je suis toujours ravie de retrouver la France
et Paris. Au bout d’un moment, les gens à L.A. me rendent dingue, la ville
n’est pas assez peuplée, trop étendue et elle manque de ce côté urbain qui crée
les hasards des rencontres à Paris.
Tu attaches une place importante aux vidéos qui illustrent tes morceaux. Que
représentent l’image et la mise en scène pour toi ?
Oui j’attache une place importante aux images qui accompagnent mes projets,
tout cela marche avec l’imaginaire, c’est cela qui m’intéresse, que les gens
entrent dans un monde un peu global. Je ne travaille pas au hasard avec les gens
sur mes clips, mes pochettes de disques. Ce sont des rencontres humaines, des
rencontres artistiques, on échange beaucoup avant qu’ils puisent dans leurs
visuels, mais après, une fois que les jalons sont posés, je les laisse hyper
libres sur leur création. J’aime aussi être surprise par eux, il y a un vrai
amusement dans tout ça.
Quels sont les artistes qui t’ont donné envie de faire de la musique ? Tes
disques culte et les meilleurs concerts/soirées que tu as vécu ?
Mon premier concert c’était les Pixies quand j’étais ado, c’était
absolument fabuleux. The Cure en concert, c’est aussi incroyable. Et
puis les disques, les lives : Autechre, Aphex Twin, Boards of Canada,
toute la scène de Madchester, mais aussi les minimalistes américains, Philip
Glass, Laurie Anderson, j’ai toujours dévoré beaucoup de musique ! Tout
cela m’a donné envie de faire de la musique très tôt.
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