samedi 30 juillet 2022

"LE SOLDATESSE (DES FILLES POUR L’ARMÉE)" de Valerio Zurlini (Les Films du Camelia) – 22 juillet 2022


Cette semaine, sur les écrans de cinéma, il y a la reprise de Le Soldatesse (Des filles pour l’armée) un film obscur, malgré la distribution étonnante côté acteurs et surtout actrices : Anna Karina, Marie Laforêt, Lea Massari, Tomás Milián et Mario Adorf. Malgré cette belle affiche, ce film est resté totalement inconnu de la cinéphilie, du moins en France. Cette reprise va donc permettre de voir ce qui était invisible depuis 1965.

Le Soldatesse (Des filles pour l’armée) a été réalisé en 1965 par Valerio Zurlini (1926-1982). Ce film est sa cinquième réalisation, sur huit films (plus sa participation pour achever le film Quand, comment et avec qui ? commencé par Antonio Pietrangeli) sortis entre 1955 et 1976, soit une petite filmographie, ce qui est rare pour un réalisateur italien, surtout à l’époque des années 60 et 70.  A noter qu’en 1961, il réalise l’excellent film La fille à la valise avec Claudia Cardinale, qu’on trouve facilement en Blu-ray et en DVD.

Synopsis : "1942, dans la Grèce occupée par les troupes italiennes. Pressé de quitter Athènes en proie à la famine et à la désolation, le lieutenant d’infanterie Gaetano Martino (Tomas Milian) accepte la mission d’escorter des prostituées destinées à rejoindre des bordels militaires de diverses garnisons à travers le pays, jusqu’en Albanie. Pour l’accompagner, le jeune officier désigne le sergent Castagnoli (Mario Adorf), un sympathique Toscan qui va conduire le camion où ont pris place douze recrues contraintes à la prostitution pour survivre. Durant un voyage semé d’embuches, Martino éprouve de la solidarité et de l’affection pour les filles, qu’il tente de protéger des humiliations et des dangers mortels de la guerre. Tandis que des liaisons et des conflits naissent au cours du périple, Martino tombe amoureux d’Eftichia (Marie Laforêt), la plus révoltée du groupe."

Cette partie de la seconde guerre mondiale est peu connu, avec Mussolini "qui voulait prouver sa force à son allié allemand et rêvait d’un nouvel Empire Romain qui aurait inclus la Grèce," ainsi sous l’orgueil de son chef, l’Italie envois ses soldats envahir son voisin la Grèce, en tuant de nombreux civils, sans oublier les viols, en brulant les villages, situation qui résonne encore aujourd’hui avec la Russie qui a envahie l’Ukraine, comme un éternel recommencement auquel les leçons du passé n’ont servie à rien. Voir ce film en été 2022 dans une salle obscur, avec le traitement de l’image en noir et blanc, la camera à hauteur d’homme est une expérience à la fois étrange et émouvante. 

Étrange, car pour certaines images (tueries des civils, maisons brûlés, l’envahisseur arrogant) on ne peut pas s’empêcher de penser à ce qui se passe aujourd’hui à la porte de l’Europe. D'autant qu'à la fin du film, la scène entre Marie Laforêt et Tomas Milian, tout les deux allongés ensembles, est forte et magnifique, de par le texte qui nous dit qu'il va être difficile pour les grecs de pardonner aux italiens, toute cette brutalité gratuite, qui aura fait beaucoup de morts, de blessés, pour rien du tout. 

Émouvant, de voir à l’écran les jeunes actrices, Marie Laforêt qui ne chante pas son tube Vient sur la montagne (1964), Anna Karina entre deux films réalisés par Jean-Luc Godard (alors son mari), dont la même année la sortie du film Pierrot le Fou (1965), Lea Massari, l’égérie de L’avventura de Michelangelo Antonioni (1960), soit trois visages de femmes aux personnalités bien distinctes, qu’on retrouvent sur l’affiche du film pour la sortie 2022 et le jeune Tomás Milián, bien rasé, le visage lisse d’un jeune premier, bien loin de ses rôles de flic hippie dans les polars italiens 70 sous l’étiquette poliziottesco.

Le film se passe en 1942 pendant la guerre, mais l’intérêt majeur de Le Soldatesse est dans son titre, son sujet, celui des femmes qui se prostitue pour s’en sortir face au monde qui s’écroule autour d’elles et prêtes à aller satisfaire les jeunes soldats sur le front, loin de leurs familles, mais aussi les officiers, dont ce passage dans le film ou un colonel entre dans un bordel militaire et dit : "Repos. Ici il n’y a ni supérieur ni subalterne. Rien que des porcs, messieurs les officiers." Le Soldatesse, sans être un road movie, va suivre le parcourt en camion, qui ressemble à une bétaillère à bestiaux, avec à son bord des femmes qui partent à leur façon au combat. La grandeur, le talent du réalisateur Valerio Zurlini est de nous montrer des femmes fortes, à la fois féminines et mères, auquel le spectateur sa s’attacher, tout comme  le lieutenant Gaetano Martino (Tomas Milian) et le sergent Castagnoli (Mario Adorf, belle gueule cassé du cinéma bis italien) sous ses airs de nounours jamais content, et finalement au bon cœur. Ici les femmes sont des héroïnes, pas de regard moralisateur, n’y voyeur de la part du réalisateur. Non, elles sont belles, fortes, ont du caractère et de la douceur. On entre dans l’intimité de ses femmes, dans l’espace clôt du camion, tout en restant convenable et prude. Elles sont d’autant mise en valeur de pars la  mise en scène qui est est soignée. La photographie se rapproche du néo-réalisme italien, avec en tête le film Allemagne année zéro de Roberto Rossellini (1948). N’oublions pas la B.O. composée par Mario Nascimbene, -un fidèle de Valerio Zurlini-, qui nous accompagne tout au long du film avec sa petite mélodie joué au Bouzouki (instrument grec dans la famille de la guitare sèche) stylé Zorba le Grec de Mikis Theodorakis. Cette musique reste dans notre tête à la sortie de la séance. On est prêt à danser le sirtaki dans la rue, que l’on soit en période de guerre ou de paix. Bref, ce film est chaudement recommandé. Espérons qu’il y aura prochainement une édition Blu-ray, vu que le film est restauré en 4K.

https://lesfilmsducamelia.com/films/lesoldatesse/




1 commentaire: