Joseph Vignes, dit Pépé Vignes (1920-2007) fait partis des figures importantes de l’art brut. Il est aussi touchant qu’André Robillard, de par sa façon d’être un vivant qui rend instantanément vivant l’espace où il se trouve. Leur bonne humeur est contagieuse. Tout comme Robillard, Pépé Vignes est à la fois musicien et peintre. Tout comme Robillard, il joue de l’accordéon, de l'harmonica et dessine avec des feutres. Tout comme Robillard, Pépé Vignes a eu des rapports pas faciles avec son père. Les comparaisons s’arrêtent là, car ces deux personnalités sont uniques. Le papa de Pépé Vignes était tonnelier à Elne, petit village situé dans les Pyrénées-Orientales (66). Le nom de la petite entreprise familiale était Tonnellerie Vignes. Leur habitation était une maison en bois bricolé. La chambre de Pépé avait la forme d’un gros tonneau. Quand le papa de Pépé (cela ferait un joli titre de film) est saoul, il devient violent. De plus il est costaud, bonjour les dégâts !
Pur autodidacte qui ne sait ni lire, ni écrire, sauf son nom, Pépé Vignes commence à dessiner au début des années 60. Il dessine en couleurs, des avions, des poissons, des fleurs, beaucoup de fleurs !, beaucoup de pots avec des fleurs, des autobus, des gros bateaux, des trains à charbons, des voitures de luxe, des poils à frire au gaz, des cithares, des punks qu’il appelle "Phénomènes". Tous ses thèmes seront dessinés des centaines et des centaines de fois. Son style graphique est enfantin et naïf. Difficile de résister à son style qui est touchant et poétique. Une des particularités de Pépé Vignes, c’est qu’il est très bigleux. Il porte des lunettes triples foyer. Quand il dessine avec ses feutres, ses crayons, il a la tête sur le dessin. Il n’a aucun recul, il dessine frontalement sur le papier en suivant les traits qui vont donner la forme de son sujet. Autre particularité, c’est qu’il prépare un cadre -un joli dessin doit être encadré-, qui consiste à du papier kraft qu’il colle autour du carton. Ensuite, il colle une feuille blanche au milieu du carton, qui va lui servir d’espace pour son dessin. Mais là où le style Pépé Vignes prend toute sa dimension, c’est qu’une fois qu’il réalise son œuvre, rapidement les traits débordent de la feuille blanche, pour couvrir en partie le cadre. Sacré Pépé !
En 1974, l’architecte Alain Bourbonnais (1925-1988) rencontre Pépé Vignes. Alain Bourbonnais est un passionné d’art brut, jusqu’à créer en 1972 la galerie de l’Atelier Jabob à Paris, puis en 1983 La Fabuloserie à Dicy dans l’Yonne, sans oublier son rôle de commissaire à l’exposition Les Singuliers de l’art au Musée d’Art Moderne de Paris du 19 janvier au 5 mars 1978, -où Pépé Vignes sera exposé-. Jusqu’en 1987, Alain Bourbonnais se rendra régulièrement à Elne, et à chaque visite, il va filmer des instants/tranches de vie avec son ami, pas avare quand il s’agit de blaguer, de chanter et de danser. Pépé est d'un naturel redoutable. Il pourrait remplacer Bourvil au cinéma et chanter Salade de Fruits. Ces images devenues des témoignages, sont dans le documentaire Pépé Vignes : « C’est du beau travail ! » réalisé par Philippe Lespinasse. Grand reporter à la télévision, Philippe Lespinasse est également un passionné d’art brut. On lui doit notamment le merveilleux documentaire André et les martiens (CP Productions) avec André Robillard, Paul Amar, Richard Greaves, André Pailloux et Judith Scott.
Philippe Lespinasse a réalisé les interviews de Jacques Fajula, Patrick Balogh (tous les deux sont des neveux de Pépé Vignes), de Jean Louis Vila (un artiste voisin de Pépé), Catherine Cressole (collectionneuse), Michel Thévoz (ex directeur du Musée de l’Art Brut de Lausanne) qui complètent ainsi les images d’archives réalisées par Alain Bourbonnais. On y apprend beaucoup de choses, de pars les proches qui ont bien connu Pépé Vignes. Juste une anecdote, parmi les nombreuses qu’on entend dans le documentaire. Pépé Vignes à réaliser au début des années 80, des bons points qu’il distribuait à la sortie de l’école aux enfants qui n’avaient pas eu de bon point avec leur professeur. Sur les bons points destinés aux filles, le dessin était des fleurs, sur les bons points destinés aux garçons, le dessin était un poisson. Avec ses dessins destinés aux enfants, Pépé Vignes se sentait « utile ». Tout au long des 39 minutes du documentaire, on est porté par la personnalité, à la fois forte et tendre de Pépé Vignes. De plus, le doc permet de voir Alain Bourbonnais qui est lui aussi un sacré bonhomme. Le montage de Philippe Lespinasse, avec la musique de Pascal Comelade est fluide et efficace pour (re)découvrir cet artiste hors norme et tellement humain. C’est du beau travail !
Nota : Vous pouvez voir des œuvres de Pépé Vignes dans l’exposition HEY ! Le dessin à La Halle Saint Pierre à Paris jusqu’au 31 décembre 2022.
http://www.fabuloserie.com/?p=880
Merci Paskal Larsen! PL
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