J’ai découvert la micro structure Densité en lisant "Nico The End…" écrit par Pierre Lemarchand et publié dans la
collection Discogonie (sortie le 5 septembre 2020). Intrigué par le
concept de Discogonie qui consiste à présenter un album vinyle d’un
artiste/groupe passé sous la loupe d’un auteur, le tout imprimé dans un petit
format de poche (10x18cm), j’ai envoyé par mail, mes petites questions à Hugues Massello, l’éditeur qui est
derrière la collection.
Hugues, vous pouvez en quelques mots vous présenter,
le parcours qui vous a amené à l’édition papier et plus particulièrement
musical ?
J’ai commencé par composer et jouer des chansons en groupe ou tout seul sur mon magnéto 4-pistes. Comme j’étais déjà très snob, je ne cherchais pas le succès et il ne m’a pas trouvé. Je me suis résolu à me former aux métiers du livre, puis, tout en gagnant ma vie comme libraire, je voyais bien que seule la fonction d’éditeur pourrait me satisfaire. J’ai mis beaucoup de temps à y parvenir, n’étant aucunement du sérail et n’ayant pas la moindre fortune.
Quel est le point de départ qui vous a donné envie de créer la collection Discogonie ? Que veut dire ce terme, notamment cosmogonie ?
C’est la musique qui a tout orienté pour moi, surtout à partir de 1986 quand j’ai commencé à en écouter non-stop. Après le rock dans nombre de ses acceptions, d’autres horizons (musique contemporaine, musiques du monde) se sont ouverts. C’est l’ethnomusicologie qui m’a lancé sur la piste de la cosmogonie : la richesse des interprétations du monde et la manière dont l’environnement et les croyances induisent les formes musicales traditionnelles. Au même moment, je me tournais vers l’édition, et j’ai eu l’idée de cette collection qui rassemblait en un objet mes deux pôles d’intérêt.
J’ai commencé par composer et jouer des chansons en groupe ou tout seul sur mon magnéto 4-pistes. Comme j’étais déjà très snob, je ne cherchais pas le succès et il ne m’a pas trouvé. Je me suis résolu à me former aux métiers du livre, puis, tout en gagnant ma vie comme libraire, je voyais bien que seule la fonction d’éditeur pourrait me satisfaire. J’ai mis beaucoup de temps à y parvenir, n’étant aucunement du sérail et n’ayant pas la moindre fortune.
Quel est le point de départ qui vous a donné envie de créer la collection Discogonie ? Que veut dire ce terme, notamment cosmogonie ?
C’est la musique qui a tout orienté pour moi, surtout à partir de 1986 quand j’ai commencé à en écouter non-stop. Après le rock dans nombre de ses acceptions, d’autres horizons (musique contemporaine, musiques du monde) se sont ouverts. C’est l’ethnomusicologie qui m’a lancé sur la piste de la cosmogonie : la richesse des interprétations du monde et la manière dont l’environnement et les croyances induisent les formes musicales traditionnelles. Au même moment, je me tournais vers l’édition, et j’ai eu l’idée de cette collection qui rassemblait en un objet mes deux pôles d’intérêt.
Présentez nous la couleur, la ligne
éditoriale de cette collection.
Discogonie, qui plie dans une même valise discographie et cosmogonie, est d’abord teintée de musicologie, ayant pour principe de prendre cette musique abrutie qu’est le rock pour une affaire sérieuse. Chaque livre est consacré à un album et un seul. La collection est résolument en noir et blanc, elle évoque des sons mais aucun n’en sort et l’unique image mentale qu’elle avance est un disque gravé. Seule une petite touche de couleur en couverture évoque la pochette de disque concerné.
Le thème de la collection est un artiste/groupe et un disque important de sa discographie. Le champ discographique étant énorme (il suffit de s’engouffrer à l’intérieur du site Discogs pour s’y noyer), comment se passe la sélection du disque à étudier ? Le choix de plaire à un large lectorat entre-t-il en compte ?
Jusqu’alors, je n’ai pas établi de plan. En général, j’essaie de trouver mon compte dans une petite liste de proposition qu’un auteur a établie. Il vaut mieux que j’ai une certaine intimité avec le disque, et c’est généralement le cas pour l’auteur. C’est important même si je ne cherche pas du tout l’approche du fan-club. Il m’est quand même arrivé d’accepter une proposition pour un disque que je n’aime pas : le succès d’un disque ne signe pas nécessairement sa qualité, mais la collection doit quand même intégrer des goûts plus larges que les miens.
Discogonie, qui plie dans une même valise discographie et cosmogonie, est d’abord teintée de musicologie, ayant pour principe de prendre cette musique abrutie qu’est le rock pour une affaire sérieuse. Chaque livre est consacré à un album et un seul. La collection est résolument en noir et blanc, elle évoque des sons mais aucun n’en sort et l’unique image mentale qu’elle avance est un disque gravé. Seule une petite touche de couleur en couverture évoque la pochette de disque concerné.
Le thème de la collection est un artiste/groupe et un disque important de sa discographie. Le champ discographique étant énorme (il suffit de s’engouffrer à l’intérieur du site Discogs pour s’y noyer), comment se passe la sélection du disque à étudier ? Le choix de plaire à un large lectorat entre-t-il en compte ?
Jusqu’alors, je n’ai pas établi de plan. En général, j’essaie de trouver mon compte dans une petite liste de proposition qu’un auteur a établie. Il vaut mieux que j’ai une certaine intimité avec le disque, et c’est généralement le cas pour l’auteur. C’est important même si je ne cherche pas du tout l’approche du fan-club. Il m’est quand même arrivé d’accepter une proposition pour un disque que je n’aime pas : le succès d’un disque ne signe pas nécessairement sa qualité, mais la collection doit quand même intégrer des goûts plus larges que les miens.
La collection a commencé en 2014
avec l’album Pornography de The Cure.
Pourquoi ce choix ? Robert Smith l’a lu ?
Voilà un choix de l’auteur, Philippe Gonin, qui correspondait à une orientation nouvelle qu’il souhaitait donner à ses recherches, et qui a rejoint chez moi un jalon fondamental de mon adolescence. Nous nous sommes bien rendu compte que ce disque cadrait magnifiquement avec la profession de foi de la collection : scruter la genèse sonore d’un univers propre au groupe qui le conçoit. Je sais que Philippe a croisé Tolhurst lorsque ce dernier a publié son autobiographie et qu’il lui a donné son livre, pas traduit, naturellement. Robert Smith connaît donc peut-être son existence…
Voilà un choix de l’auteur, Philippe Gonin, qui correspondait à une orientation nouvelle qu’il souhaitait donner à ses recherches, et qui a rejoint chez moi un jalon fondamental de mon adolescence. Nous nous sommes bien rendu compte que ce disque cadrait magnifiquement avec la profession de foi de la collection : scruter la genèse sonore d’un univers propre au groupe qui le conçoit. Je sais que Philippe a croisé Tolhurst lorsque ce dernier a publié son autobiographie et qu’il lui a donné son livre, pas traduit, naturellement. Robert Smith connaît donc peut-être son existence…
Le premier artiste français dans la collection est Alain Bashung pour son album Fantaisie Militaire. Que représente cet artiste pour vous ? Et plus particulièrement cet album ?
Je me suis demandé : qui pour contourner le trop attendu Gainsbourg ? Pour ma génération, c’est Bashung qui regroupait toutes les qualités nécessaires. Créativité musicale à son meilleur, textes en français d’une finesse et d’une rigueur imparables, voix magistrale. Fantaisie militaire est bon de bout en bout, son prédécesseur et son successeur sont également de très bons albums, mais c’est probablement celui qui a touché au cœur le plus de francophones.
Chaque livre est écrit par un auteur
différent. C’est l’auteur qui vient vers vous avec son texte déjà écrit ou
c’est vous qui passez commande en choisissant l’auteur et l’artiste/disque sur
lequel il va écrire ?
J’ai commencé par solliciter des musicologues, des enseignants. Puis au fil des publications les propositions spontanées sont venues. Avec l’auteur, nous essayons de trouver des intérêts communs. Parfois, je fais une contre-proposition, et ça marche ! Les textes ne sont pas écrits d’avance, ils nécessiteraient un trop gros travail pour se plier à la forme contrainte de la collection.
Votre collection n’entre pas dans la catégorie biographie, chronique, article. Chaque auteur possède une belle plume et la met à la disposition du sujet pour raconter l’histoire de l’artiste/groupe avec sa sensibilité. Hugues, il est clair que votre rapport aux mots, aux phrases et à la musique est très important. Quel type de lecteur êtes- vous ?
J’ai été un lecteur compulsif en littérature mais j’ai toujours lu avec lenteur (du reste, je fais tout avec lenteur). Au moins, les disques tournent à la même vitesse pour tout le monde... Bref, je lis un roman comme je lirais de la poésie. Cependant, Discogonie n’a pas de haute exigence littéraire. Si tous les auteurs vous semblent bons, tant mieux !
En tant qu’éditeur, quels sont les critères importants pour que le texte mérite d’être imprimé sur le papier ?
J’ai commencé par solliciter des musicologues, des enseignants. Puis au fil des publications les propositions spontanées sont venues. Avec l’auteur, nous essayons de trouver des intérêts communs. Parfois, je fais une contre-proposition, et ça marche ! Les textes ne sont pas écrits d’avance, ils nécessiteraient un trop gros travail pour se plier à la forme contrainte de la collection.
Votre collection n’entre pas dans la catégorie biographie, chronique, article. Chaque auteur possède une belle plume et la met à la disposition du sujet pour raconter l’histoire de l’artiste/groupe avec sa sensibilité. Hugues, il est clair que votre rapport aux mots, aux phrases et à la musique est très important. Quel type de lecteur êtes- vous ?
J’ai été un lecteur compulsif en littérature mais j’ai toujours lu avec lenteur (du reste, je fais tout avec lenteur). Au moins, les disques tournent à la même vitesse pour tout le monde... Bref, je lis un roman comme je lirais de la poésie. Cependant, Discogonie n’a pas de haute exigence littéraire. Si tous les auteurs vous semblent bons, tant mieux !
En tant qu’éditeur, quels sont les critères importants pour que le texte mérite d’être imprimé sur le papier ?
Je vais répondre uniquement pour cette
collection : un texte bien documenté (certains auteurs préfèrent les
sources écrites, d’autres cherchent les témoignages directs sur la conception
de l’enregistrement), une intimité avec le sujet, le respect des particularités
de la collection (chaque livre traite d’un seul album, à chaque chanson
correspond un chapitre, la pochette du disque a aussi le sien). Même avec ces
contraintes, chaque auteur trouve une approche qui lui est propre, je trouve.
Une des particularités, est le
format poche sans aucune illustrations (photos, pochette), une couverture à
rabat avec au centre le dessin d’un vinyle dont les sillons correspondent au
code barre et une belle qualité d’impression papier. Déjà pourquoi ce
format ? (car de par sa taille modeste votre livre peut être caché par des
livres plus imposant) et parlez-nous de votre attrait au papier, au livre ?
Les
Inrockuptibles des années noir et blanc avaient pour devise la
réflexion de Jacques Tati :
« Trop de couleur distrait le spectateur ». Je pense que cette phrase
continuera à me guider dans pas mal de choix graphiques. Pour le format, il
s’agissait de proposer une collection à un prix abordable. Quant au recours aux
beaux papiers, à la typographie, je pense que c’est ce qui peut nous
distinguer, nous autres petits éditeurs, dans un marché dominé par des
mastodontes qui surproduisent et fabriquent sans âme.
Quel est le livre qui s’est le mieux
vendu ? Et le moins vendu ? Votre avis sur vos succès et moins bon
succès de vente ?
Le Bashung
est la meilleure vente, talonnée par Radiohead
et Patti Smith, The Cure et Neil Young. Bashung a l’avantage de rassembler les
publics "rock" et "chanson" qui élargissent notablement le lectorat. Mais,
globalement, la collection est bien suivie par les libraires et si certains
titres se vendent moins vite (plus risqués, comme My Bloody Valentine, Rage
Against The Machine), ils se vendent quand même autour de 400 exemplaires
la première année.
Un mot sur la micro structure Densité,
quel est la couleur éditoriale de Densité ?
Faute de moyens suffisants, et parce qu’il faut
alimenter Discogonie en nouvelles
parutions régulières, je ne sors pas trop de ce créneau. En septembre paraît
mon deuxième livre pour la jeunesse, le deuxième en 9 ans ! Je renonce à
prétendre à un catalogue cohérent alors que je ne parviens pas à boucler le
budget pour d’autres projets.
Au sein de la structure Densité,
d’autres projets de collections ? Si oui, quel en sera le sujet ?
Pour la
raison que je viens d’évoquer, j’aime autant ne pas en parler.
Quels sont vos projets, pour 2020-21
?
Pouvoir continuer Discogonie, dans la crise
monumentale qui s’annonce, ce sera déjà pas mal ! Je me résous à
redemander des subventions et à lancer des campagnes de précommandes pour
poursuivre le programme : Histoire
de Melody Nelson de Gainsbourg, The Queen Is Dead des Smiths, La Fossette de Dominique A
pour commencer 2021.
S’il y un message à faire passer à
nos lecteurs c’est ici !
Puis-je vous faire
entendre « There Is a Light That Never Goes Out » de The Smith?
And
if a double-decker bus/Crashes in to us/To die by your side/Is such a heavenly
way to die/And if a ten ton truck/Kills the both of us/To die by your
side/well, the pleasure and privilege is mine.
Prochaines
sorties, le 5 septembre 2020:
The Stranglers
"Black and White" de Anthony Boile
Nico "The End…" de
Pierre Lemarchand
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