samedi 1 août 2020

GALERIE ARTS FACTORY : Exposition "Paris Solo Show" de Joan Cornellà jusqu’au 29 août 2020 à Paris



La galerie Arts Factory nous propose une belle exposition de l’artiste espagnol Joan Cornellà. Avec ses dessins pop acidulés et naïf proche de la BD Arthur et Zoé, l’humour noir, mais coloré de Joan Cornellà pique et coupe sans filtre ni interdit des situations cocasses et absurdes qui font sourire jaune. L’exposition permet de s’immerger dans l’univers de l’artiste à travers de nombreuses œuvres récentes, installées dans les 3 niveaux de la galerie. L’artiste a notamment peint 3 œuvres murales pour la durée de l’exposition. Après votre visite vous pourrez acheter selon votre budget une création qui va d’un original en peinture, une lithographie, une sérigraphie à un poster encadré ou un livre. 

Galerie Arts Factory, 27 rue de Charonne 75011 Paris 



 



Je profite de cette news pour sortir de mes archives une interview que j’ai réalisé en septembre 2010 de Laurent Zorzin, un des boss de l’Arts Factory. A cette époque, la galerie était nomade, d’où certaines questions un peu daté, mais qui servent de témoignage. Depuis quelques années, la galerie c’est posé au 27 rue de Charonne dans le 11ème arrondissement de Paris. L’interview a été publiée sur foutraque.com
 
Depuis 15 ans la galerie Arts Factory nous fait découvrir ce qu’il y a de plus excitant dans l'univers du dessin graphique. Dirigé par le sympathique couple Effi Mild & Laurent Zorzin, tous les deux ont réussi au fil d’expositions et d’éditions à faire aimer le(s) dessin(s) tant aux collectionneurs qu’au simple amateur. Aussi une des particularités de l’Arts Factory est de vendre des œuvres originales d'artistes à des prix abordables.
Mais laissons Laurent Zorzin nous raconter la belle aventure « humaine » de l’Arts (avec un s !) Factory, ainsi que sur l’évolution du dessin et du graphisme qui a pas mal évolué depuis 15 ans.


Pouvez-vous nous raconter l’origine de l’Arts Factory ? Quelle était votre activité avant l’Arts Factory ? Votre formation scolaire est liée à l’image ? Sous ce nom Arts Factory, y a-t’il un clin d’œil à Warhol ?
Arts Factory - première mouture - a ouvert ses portes en 1996 dans le 18ème arrondissement de Paris. Notre formation – étude commerciales – pour ma part et stylisme pour Effi nous avait amené auparavant à occuper divers postes dans le milieu de la mode, où nous nous sommes d’ailleurs rencontrés. J’ai par la suite participé à la création d’une société dont l’objectif était de développer des sites web à destination des acteurs du marché de l’art, avant de me consacrer assez vite à temps plein à la galerie. Le nom Arts Factory est effectivement une double référence au lieu créé par Andy Warhol au milieu des 60’s, mais aussi au label Factory Records qui abritait au détour des années 70 et 80 des groupes comme Joy Division, New Order ou plus tard les Happy Mondays. C’est aussi lié au concept de départ de la galerie, qui était de proposer des œuvres uniques ou des éditions très limitées réalisées par des artistes qui n’avaient pas ou peu eu l’opportunité d’exposer leur travail. Le tout à des prix résolument abordables, pour essayer de toucher un public qui - a priori - ne fréquentait pas les galeries d’art traditionnelles.

Au début l’Arts Factory était une galerie avec sa boutique qui avait pignon sur rue dans le quartier touristique de Montmartre. Aujourd’hui vous êtes une galerie « nomade » itinérante qui change de lieu suivant les expos. Pourquoi ce choix ?
Après 10 ans passés dans le 18ème arrondissement et pas de loin de 150 expositions et événements organisés dans nos 70 m2, nous avons éprouvé le besoin de pousser un peu les murs en nous transformant en galerie d’art nomade. L’objectif était triple, pouvoir choisir des lieux en fonction des projets d’exposition afin de les valoriser au mieux, démultiplier les points de visibilité pour les artistes dont nous défendions le travail et dégager du temps pour pouvoir programmer des expositions en région. D’un point de vue personnel, nous cherchions aussi un mode de fonctionnement plus souple pour pouvoir nous occuper de La Superette - l’agence d’illustrateurs que nous avons lancé en 2003 - ainsi que de notre petite famille qui s’était agrandie au fil des années 


Jean Lecointre “Cécile”

Vous pouvez nous présenter en quelques mots l’orientation de l’Arts Factory. Quelles sont les couleurs « graphiques et mentales » de vos choix ?
Peu de temps après l’ouverture de la galerie, quelques éditeurs de livres du circuit dit - undergraphique - sont venus nous proposer leurs ouvrages. Parmi les tout premiers à pousser notre porte il convient de citer les éditions Les 4 mers, CBO, Monotrash et par la suite Le Dernier Cri, F.L.T.M.S.T.P.C., Bongoût, Chacal Puant / United Dead Artists. Leur production a tout naturellement trouvé sa place dans notre galerie qui comblait visiblement un manque pour eux, celui de pouvoir présenter leurs livres avec un peu d’espace, dans des conditions propices à la consultation.
Daniel Vincent – qui ne s’était pas encore transformé en Tom de Pékin - et Guillaume Dégé les fondateurs des 4 mers nous ont fait découvrir via leurs publications Jochen Gerner, Killoffer, Sophie Dutertre ou encore Jean Lecointre. Grâce aux productions en sérigraphie de CBO, nous avons pu notamment nous familiariser avec les univers de Thierry Guitard, Anne van der Linden ou Blex Bolex .Et très vite l’envie d’organiser des expositions autour de leurs travaux s’est imposée comme une évidence.
Au fil des mois ces artistes ont constitué le noyau dur de l’Arts Factory au côté notamment des représentants de la scène graphique berlinoise (Atak, Evelin, Dag, Jim Avignon ) que nous avions naturellement commencé à explorer, Effi étant de nationalité allemande.
Par la suite nos choix se sont encore affinés et nous nous sommes attelés à développer une programmation balayant un large spectre de la scène graphique française, du groupe Bazooka à Pierre La Police, Placid, Muzo, Willem ou Blanquet , jusqu’au membres fondateurs de la Figuration Libre : Robert Combas et Hervé di Rosa pour des projets spécifiques. Tous ses artistes ayant en commun de se situer au carrefour entre art contemporain, bande dessinée, illustration et graphisme avec le dessin comme forme d’expression principale.

Pierre La Police “Les Praticiens de l’Infernal”

Justement, où vous situez-vous dans l’édition, l’illustration et le graphisme à l'heure actuelle ?
En près de 15 ans, la situation à largement évolué, certaines de nos références culturelles sont à juste titre sorties de l’underground, notamment grâce au travail d’éditeurs passionnés et novateurs comme L’Association, Cornélius ou Les Requins Marteaux qui ont donné à certains des artistes parfois passés par notre galerie une audience plus large. De son côté le marché de l’art contemporain a, pour diverses raisons qu’il serait trop long de développer ici, redécouvert les vertus du dessin, ce qui a amené des artistes comme Pierre la Police, Jochen Gerner, Mirka Lugosi ou Killoffer à exposer dans des galeries évoluant dans un réseau plus institutionnel.
Les institutions s’intéressent aussi de près - et avec plus ou moins de bonheur - à la BD et aux croisements possibles avec d’autres pratiques artistiques, en témoigne le succès des expositions Vraoum à la Maison Rouge, BD & Architecture à Chaillot, Quintet au MAC de Lyon. La prochaine biennale d’art contemporain du Havre sera d’ailleurs une spéciale Art Contemporain & BD avec notamment une exposition consacrée à Frédéric Magazine ou la participation de Christophe Blanc co-créateur du personnage et des vidéos Je suis Super présentées fin 2009 à Paris dans le cadre de notre dernier Winter Show .
A notre niveau, nous essayons de continuer à dynamiser cette scène graphique à travers nos expositions et à ce titre à tisser des liens étroits avec des artistes et éditeurs, établis ou émergents. L’un des objectifs principaux reste celui d’être dans une démarche de défrichage en proposant souvent à de jeunes créateurs la possibilité d’exposer avec des artistes aux parcours déjà bien établis. C’est souvent le cas lors de nos traditionnels Winter Show où près de la moitié des artistes présentés sont à chaque fois des nouveaux venus dans notre équipe.



Vous pouvez nous parlez de la mise en place d’une expo ? Le choix de l’artiste et le choix du thème (quand il y a plusieurs artistes) se fait sur quels critères ?
Pour les expositions personnelles nous essayons de trouver un équilibre en les artistes « historiques » de la galerie à qui nous sommes très fidèles (en général, ils nous le rendent bien) et les nouveaux venus. Nous faisons désormais assez peu d’expositions thématiques, les collectives étant conçues soit sous la forme de « playlists graphiques », soit liées à une maison d’édition ou un projet éditorial : « Les 15 ans du Dernier Cri », « Frédéric Magazine », « Dans la marge », « Impossible » ou encore « La Fondation Méroll pour l’Art Contemporain » avec Les Requins Marteaux en septembre 2010 à l'Espace Beaurepaire à Paris.

      Affiche de l'exposition de Stéphane Blanquet


Est-ce que vous avez le lieu en tête quand vous préparez une expo ?
Effectivement c’est l’un des avantages de la galerie nomade, dès que nous avons une idée d’exposition nous recherchons le lieu qui lui servira d’écrin, en général les grandes expositions collectives ont lieu à l’Espace Beaurepaire (à Paris) à l’exception notable de celle consacrée à Blanquet en 2007 ; mais bon, sa production est tellement dense qu’il pouvait investir sans problème ce grand volume ! Certaines expositions personnelles importantes ou réunissant un maximum de 2/3 artistes, à l’Espace EOF (à paris) (Kiki et Loulou Picasso, Ludovic Debeurme & Nosfell), d’autres plus intimistes dans différents lieux partenaires parisiens tels que le Monte-en-l’Air, L’Imagigraphe ou encore la galerie Ofr où nous venons de programmer l’exposition « Impossible » avec Dupuy-Berbérian et Joseph Ghosn. A cela, il faut ajouter les expositions en région dont nous assurons le commissariat, elles ont lieu dans des festivals, biennales, médiathèques, musées, écoles ou centres d’art !



                                            Sergio Mora“Monster in Paradise”

Vous publiez également des livres, des affiches et des sérigraphies. Vous pouvez nous parlez du concept « Collection dans la marge ». Qui seront les prochains artistes?
En général tous les projets d’éditions que nous lançons sont liés à des expositions : les sérigraphies de Charles Burns par exemple pour « B/W session » en 2008, les livres du collectif Frédéric Magazine autour desquels nous avons produit directement entre 2006 et 2010 pas moins de 6 expositions à Paris et en région, le journal Impossible et effectivement la collection Dans la Marge.
En ce qui concerne cette collection, l’idée était d’instaurer - au-delà d’une simple exposition - une sorte de correspondance graphique entre des artistes représentatifs de notre programmation et un public que nous souhaitions élargir. Nous avons donc cherché un support ludique, familier à tous, pour pouvoir présenter en 32 pages couleur un aperçu représentatif du travail de chaque artiste. Le cahier d’écolier est vite apparu comme une évidence pour servir de base à ces monographies de poche vendues au prix particulièrement attractif de 8,5 euro !
Puis, nous avons confié aux artistes pressentis un de ces petits cahiers avec pour mission de le laisser traîner le temps nécessaire dans leur atelier et, sans aucune contrainte de thème ou de technique, nous le retourner une fois truffé de dessins inédits
Fin 2006 les premiers dessins sont revenus du fin fond du Texas, envoyés par Daniel Johnston qui avait trouvé là le support idéal pour exorciser de vieux démons, puis Isabelle Boinot nous annonce qu'elle "Montre Tout" dans le sien, dans la foulée Julien Langendorff nous a fait parvenir ses dessins littéralement grattés au stylo bille pendant un séjour à Berlin. Au final nous avons à ce jour publié 12 titres avec des artistes aussi différents que Jochen Gerner, Nine Antico, Jim Avignon, Hervé di Rosa, Moolinex ou encore Blex Bolex, mis en route une exposition itinérante avec les dessins originaux, des ateliers pour enfants et des partenariats avec des écoles supérieures d’art autour du concept de la collection, qui rencontrent un franc succès. Les prochains titres de la collection devraient voir le jour en 2011, mais pour l’instant l’ordre de parution n’est pas encore déterminé.
 Daniel Johnston “Smash !”

Dans cette collection, le premier livre à être sorti est celui de Daniel Johnston. Vous pouvez nous parler de cette rencontre, comment s’est passé la création de son cahier dans la collection « Dans la marge » ? Que représente Daniel Johnston pour vous ? Un des derniers artistes totalement underground ?
Nous avions rencontré Daniel en 2003, car nous étions en pleine prospection pour une exposition collective regroupant des artistes américains « outsiders » travaillant autour de la musique, et - compte tenu du thème - Daniel était vraiment le « client » idéal ! Pour ma part je connaissais sa musique, mais pas vraiment l’étendue de sa production graphique que j’ai découvert via son site web – un vrai choc. Ensuite tout est allé très vite, nous avons envoyé un e-mail l’invitant à participer et immédiatement reçu une réponse positive de son frère Dick qui faisait - et fait toujours - office de manager.
L’exposition devait avoir lieu en septembre 2003, nous avons passés un après-midi assez surréaliste ensemble au mois de juillet à la faveur de son concert au festival MOFO, et après avoir longuement conversé sur les pouvoirs plus ou moins performants de tel ou tel super-héros, nous avons choisi une vingtaine de dessins pour l’exposition. Celle-ci a visiblement surpris le microcosme des galeries d’art contemporain - il y avait beaucoup de confrères au vernissage qui venaient chez nous pour la première fois - il faut dire qu’il s’agissait là de sa première participation à une exposition d’envergure sur Paris.
Par la suite, nous sommes croisés à chacun de ses passages en France, tissant une vrai relation de confiance avec Daniel et son entourage, ce qui nous a permis de programmer Excuse me I’m famous , une importante exposition personnelle en 2005 et par la suite de continuer à présenter régulièrement son travail jusqu’à devenir une sorte de « bureau » parisien pour tout types de demandes (projets d’éditions, pochettes de disques) !

Pour en revenir à la collection Dans la marge , il était important de pouvoir l’installer en démarrant avec un artiste si possible connu internationalement et par ailleurs « art contemporain compatible », puisque l’un des objectifs de la collection était d’infiltrer le réseau des librairies de lieux institutionnels (Palais de Tokyo, Beaubourg, Lieu Unique, etc ) au-delà des quelques points de vente s’intéressant aux curiosités graphiques.
Parmi tous nos artistes, Daniel était là encore « le client idéal », donc tout le monde étant OK sur le principe, nous lui avons envoyé les cahiers en espérant qu’il veuille bien nous les retourner - car entre temps, suite à la présentation de son travail à la biennale du Withney Museum de New-York - les prix de ses dessins s’étaient légèrement envolés.
N’y croyant plus trop, nous avons eu un jour la surprise de recevoir dans notre boite aux lettres une enveloppe que nous avons ouvert avec une certaine fébrilité, elle contenait les 32 dessins réalisés par Daniel sur notre cahier, nous avons donc lancé l’impression du fac-similé en espérant que ce n’était pas « une fausse bonne idée » puis, au vu du résultat, nous avons mis en route la collection !
Pour ce qui est de la position de Daniel dans l’underground – si tant est que cette appellation veuille dire encore quelque chose aujourd’hui à l’heure du web communautaire qui permet de diffuser instantanément mp3 ou dessins à un public potentiel de plusieurs millions de personnes – je dirais qu’il a cessé de l’être à partir du moment où Kurt Cobain a déclaré publiquement son admiration pour son travail ! Aujourd’hui, Daniel Johnston est un songwriter et un artiste respecté au-delà de son premier cercle de fans, il a fait l’objet d’un documentaire long format primé au festival de Sundance ( « The Devil and Daniel Johnston » ) et un biopic est même en chantier à Hollywood. Ce qui n’a pas changé par contre c’est la touchante sincérité avec laquelle Daniel compose, écrit, dessine ou se produit en public, très loin de l’agitation qui l’entoure et de laquelle il est plutôt bien protégé par sa famille. Il n’y a pas calcul, il le fait juste parce c’est vital pour lui de pouvoir continuer à s’exprimer et que – au-delà des prescriptions médicales - cela reste certainement le meilleur moyen de faire face à sa pathologie mentale.
 Couverture “Frédéric Magazine n°1”


Vous avez également co-édité les trois premiers opus la revue annuelle « Frédéric Magazine ». Quel est le concept de cette revue graphique ?
Frédéric Magazine est à l'origine un site internet dédié au dessin (lien internet à la fin de l'interview). Depuis 2004, il présente de manière quotidienne des travaux d'artistes aux univers et aux nationalités différentes. En prolongement de ce support, une aventure éditoriale s'est mise en place dès 2006, à laquelle nous avons pris part dès l’origine en compagnie des cinq membres fondateurs du collectif : Isabelle Boinot, Frédéric Fleury, Emmanuelle Pidoux, Frédéric Poincelet et Stéphane Prigent. L’idée était de prolonger le travail du site web en le développant sous la forme d’anthologies graphiques plus ou moins annuelles. Après trois volumes au concept et au format à chaque fois différents, ainsi que plusieurs expositions réalisées ensemble, nous avons - pour différentes raisons - décidés de mettre en suspends notre collaboration avec Frédéric Magazine en tant que collectif, même si nous continuons à travailler à titre individuel avec certains de ses membres. Pour être tout à fait honnête, je crois que nous avons fait ensemble du bon boulot, en croisant nos réseaux et en apportant toutes nos compétences et notre énergie pour donner une importante visibilité à ce projet. Ensuite, un collectif c’est un peu comme un groupe de rock, il y a des personnalités différentes à gérer, des susceptibilités à ménager, des avis et des stratégies qui peuvent être antinomiques. C’est d’ailleurs parfois le cas entre un artiste, un galeriste ou un éditeur, sauf que dans un collectif les divergences éventuelles peuvent être démultipliées au vu du nombre d’interlocuteurs ! Du coup la notion de plaisir - qui est pour nous le moteur de notre activité avant toute autre considération - a peu à peu disparu et nous avons préféré passer la main. Ceci n’enlève en rien l’intérêt que nous portons au projet et à ses futurs développements qui, vous le constaterez dans les mois à venir, devraient être assez nombreux.

Vous apportez une attention particulière pour le travail soigné. Vos expos sont bien agencées, vos éditions (livres, posters, cartes, badges …) ainsi que vos invitations pour les expos (qui sont glissés dans des enveloppes transparentes), sont remarquables. Ce travail soigné c’est essentiel pour faire connaitre le graphisme ? Même le dessin au trait grossier ?
Merci de le souligner ! Il est vrai que nous avons toujours essayé de proposer des cartons d’invitations percutants, qui donnent envie de se bouger pour venir voir les expositions. Nous avons par exemple toujours refusé d’avoir une charte graphique « Arts Factory » trop présente, pour donner dans la mesure du possible carte blanche aux artistes, ce qui nous permet d’avoir un flyer très différent d’une exposition à l’autre et - nous l’espérons - de ne pas lasser. Concernant les accrochages, nous essayons là aussi de nous renouveler en fonction des expositions, de trouver un rythme ou un petit gimmick qui va marquer les esprits. Même si au final, il ne faut pas oublier que nous sommes dans des expositions au format « galerie » - uniquement financées par les ventes d’œuvres ou d’éditions – et qui ne bénéficient pas exactement des mêmes budgets que des expositions proposées dans des lieux institutionnels.  



                                               
Charles Burns“Black Hole Teen”

Parmi les nombreuses rencontres liées à votre métier, parlez-nous de certaines des plus drôles, atypiques ou tristes ?
Une des plus surprenantes et un peu triste aussi, est sans nul doute celle survenue à Berlin en 1999, nous organisions cet été là deux expositions dont l’une dans la galerie du collectif Endart, qui fût au détour des années 70/80 un pendant des « Elles sont de sorties » ou du « Dernier Cri » particulièrement provocateur. Nous débarquons donc en plein quartier turc avec notre Ford Fiesta un peu fatiguée par la route, le coffre plein de dessins et peintures et nous sommes accueillis de façon un peu grandiloquente et méfiante par un personnage hors du temps qui se présente comme le gardien de la galerie. Un peu surpris mais pas plus que çà, nous déchargeons notre voiture tout en se disant que son visage ne nous est pas inconnu, jusqu’à ce que Klaus - le propriétaire de la galerie arrivé entre temps - nous présente Bruno, son gardien. Celui-ci n’était autre que Bruno S. l’acteur fétiche des films de Werner Herzog. Il avait visiblement connu des jours meilleurs au point d’être littéralement ramassé dans la rue par notre hôte qui l’avait officiellement nommé gardien de la galerie et surtout animateur de vernissages. Une compétence que nous avons pu vérifier le soir même, le vernissage s’étant déroulé de façon assez « brechtienne » au son de déchirants morceaux joués à l’accordéon par Bruno S. . Inutile de préciser que cette soirée ne fut pas un grand succès commercial !

Justement, lorsque vous organisez une nouvelle exposition, les vernissages sont toujours très sympathiques. C’est toujours bon esprit et festif. Je garde en tête celui du Dernier Cri, je n’ai jamais vu autant de monde. Et vous quel est celui qui vous a fait perdre pied sur terre ?
Effectivement le vernissage de l’exposition consacrée aux 15 ans du Dernier Cri fût assez mémorable en terme de fréquentation, l’ambiance y était notamment assurée par Pakito Bolino et Daisuke Ichiba qui avaient littéralement ouvert un bar pirate uniquement approvisionné par cette fameuse boisson anisée que le monde entier nous envie ! De nombreux artistes internationaux avaient fait le déplacement et le public avait répondu présent, c’était vraiment un grand moment (y compris pour l’épicier situé juste en face l’Espace Beaurepaire qui n’a jamais autant apprécié l’art que ce soir-là). 


Nine Antico “Cahier Dans La Marge n°8”

Pas mal d’artistes se sont fait connaître chez vous. Une des dernières se nomme Nine Antico qui vient de publier l’excellente BD « Coney island baby ». Je pense que cela doit vous faire plaisir de voir des talents auquel on croit percer ?
Sans aucun doute accompagner des artistes au talent en plein développement est toujours très excitant. En ce qui concerne Nine, elle était venue nous montrer ses dessins quelques mois avant la sortie de « Un goût de paradis », son premier album chez Egocommex et nous avons vraiment été enthousiasmés par la fraicheur de son univers que nous avons exposé fin 2007, avant de lui proposer de participer au projet Dans la marge.

Certains artistes ou thèmes d’expos (les movie-posters du Ghana, les ex-votos du Mexique, les affiches de films revisitées par Guy Brunet) se rapprochent de l’art brut. Vous vous intéressez à l’art brut ? Si oui qui sont vos préférences ?
En fait nous nous intéressons avant tout aux productions graphiques au contenu singulier quelques soit le background des artistes (graphistes, dessinateurs, plasticiens, artistes populaires ou outsiders). Ensuite dans nos choix la dimension humaine et affective est primordiale, nous ne pourrions pas défendre le travail d’un artiste - aussi talentueux soit-il - avec qui il y aurait des incompatibilités disons de caractère. Dans les cas des expositions auxquelles tu fais référence, elles furent programmées dans notre galerie par l’excellent Pascal Saumade, un véritable expert en la matière, passionné par l’art populaire contemporain. Elles ont été l’occasion de rencontres avec des personnages à la production incroyable, qui est souvent le fruit de vies un peu cabossées. Là encore la personnalité de ces créateurs – au-delà de leurs travaux – est un facteur déclenchant dans l’envie de faire découvrir leur univers. A titre personnel si nous devions choisir un artiste « brut » ou « outsider » selon la terminologie anglo-saxonne ce serait sans nul Henry Darger dont les fresques peuplées de vaillantes nymphettes en lutte permanente contre les forces du mal sont fascinantes. 

Jim Avignon “Say Hi To Your Neighborhood ” (CD)

La musique a aussi une place dans votre galerie. Vous vendez quelque CD's et vinyles, et vous faites parfois des concerts/performances. Quelles sont les musiques, les artistes que vous défendez ?
En général les CD's ou vinyles que nous proposons ont un rapport direct avec les expositions : Daniel Johnston, Gangpol et Mit ou Jim Avignon par exemple ont à la fois une production graphique et musicale et leur disques sont aussi de très beaux objets visuels. Ensuite en ce qui concerne les performances qui animent parfois les expositions elles sont là encore le fruit de rencontres ou de contacts apportés par les artistes. C’est souvent assez improvisé, un peu foutraque justement, mais toujours bon esprit ! En vrac et dans le désordre quelques noms qui se sont produits lors de nos événements : Mami Chan, Dragibus, Twin Twin, Mr. Morio, Nova Huta, Daniel Darc, Poster Moderne, Herman Düne, Renardo Crew, Kikifruit, Nosfell, Puyo Puyo et le recordman absolu en nombre de passages : Neoangin qui est le projet électro-pop du guérillero graphique berlinois - désormais installé à New-York - Jim Avignon.

                                     Simon Roussin “Les Galettes de Pont-Aven”

Un dernier message à faire passer ?
Un BIG UP aux habitués de l’Arts Factory – dont tu fais évidemment partie – qui nous font le plaisir de régulièrement nous rendre visite et, pour certains d’entre eux, depuis les premières expositions. Effi et moi profitons de cette conviviale tribune pour les remercier de leur soutien car nous leur devons - ainsi qu’aux artistes et éditeurs qui nous accordent au fil des ans leur confiance - notre miraculeuse longévité. Pourvu que cela dure !

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