La carrière du groupe Les Olivensteins est très bizarre.
Formé en 1978, ce groupe de Rouen n’avait sorti à l’époque qu’un 45t devenue
culte et rare avec le temps, notamment le morceau Fier de ne rien faire. Après 18 mois le groupe splitte. En 2011, le
label Born Bad édite une compilation
testament qui réunit toute la musique disponible du groupe. Suite à cette
sortie, Les Oliversteins se reforme
pour faire la promo du disque avec notamment une séance de dédicace au Gibert Joseph de Paris et remonte sur
scène pour une série de concerts. Vu le succès, le groupe poursuit depuis cette
date des concerts ici et là, jusqu’à réaliser en 2017 son premier album studio
nommé Inavalable (sur Smap Records) avec à l’intérieur 10
nouvelles compos chantées en français. Notons parmi la sélection, les titres Né pour Dormir et Je hais les fils de riches. Pas mal comme titres pour des jeunes
sexagénaires. A noter qu’il existe une version 33t de l’album Invalable avec en bonus la réédition du
fameux 45t Euthanasie, (45t aussi
réédité par le label Mélodies Massacre)
car la version de 1978 est devenue hors de prix (250 euros sur Discogs).
En mars 2011, au moment de la
sortie de la compilation sur le label Born
Bad, j’ai fait une interview d’Eric
Tandy (le parolier) pour le
fanzine Abus Dangereux. Elle est parue dans la Face 118 de mai 2011. Si
dessous la version intégrale.
Quand on est
amateur de punk rock, impossible de ne pas connaitre Les Olivensteins, groupe culte de Rouen formé en 1978 qui n'a vécu
que 18 mois (soit 2 maternités!) et sorti qu'un 45t avec 3 titres démoniaques:
"Fier de ne rien faire", "Euthanasie" et "Je
suis négatif ". Faut dire que leur style musical dénotait des
autres groupes punk de l'époque, notamment à cause des textes à l'humour
décapant et la musique à la fois direct, instinctif, mais aussi recherché. A
l'occasion de la sortie de l'ultime compilation sur le label Born Bad, la
tentation de discuter avec Eric Tandy qui a écrit les textes du groupe chanté
par son frère Gilles, était trop grande pour passer à coter. Alors causons vite
et bien!
Quelque part si
votre groupe c’est éteint rapidement, c’est a cause de votre nom, qui vous a
valu un procès par le fameux docteur. Et si vous aviez eu un autre nom, votre
groupe aurait-il existé au-delà d’un 45t ?
Eric
Tandy : Le groupe s’est arrêté parce qu’aucune maison de disques (à
l’époque les labels indépendants capables de produire un album d’un groupe
comme le nôtre n’existaient pas !) ne voulait prendre le risque de signer Les Olivensteins sans avoir l’accord du
docteur pour le faire. Si nous avions eu un autre nom, je pense que
nous aurions en effet pu trouver quelqu’un pour financer et sortir l’album que
nous désirions faire. D’ailleurs, Philippe
Constantin, alors éditeur et Barclay
semblaient intéressés. Quand à l’autoproduction, à l’époque, en France, ça
n’existait tout bonnement pas ! De toute façon, nous n’avions pas un rond
pour nous autoproduire.
Le fait de n’avoir
eu qu’un 45t du temps de votre « vivant », cela vous rend t-il le « groupe
punk ultime » ?
Non,
ne serait-ce que parce qu’à l’époque il n’était pas rare qu’un groupe fasse
seulement un 45t, cela faisait partie de l’ambiance du moment : tu formes
un groupe, tu écris deux chansons, et tu enregistres avec les moyens du bord. Après, tu continues ou tu passes à autre
chose !! ! Ce qui était rafraîchissant dans les années 1976/1979,
c’est que l’on n’avait aucun plan de carrière et que l’on ne pensait qu’à faire
vivre l’instant. En Angleterre, il y a eu des tas de groupes géniaux qui ont
seulement enregistré un ou deux 45t.
A votre avis
pourquoi ce 45t et sa chanson « Fier de ne rien faire » est-il devenu aussi
culte, aussi rechercher?
Le
45t, a très vite été rare, car malgré un certain succès radiophonique (il
passait tous les soirs sur France Inter, à l’époque où les radios dites libres
n’existaient pas), et une excellente presse, il n’avait été tiré qu’à un peu
moins de 2000 exemplaires, donc, il a été vite vendu, et donc vite recherché
par ceux qui ne l’avaient pas. Quand à « Fier de ne rien faire »,
beaucoup de groupes l’ont repris, à différents moments, ce qui explique un
peu sa pérennité.
Combien vous à
couté la réalisation du 45t ? Quel est le prix le plus affolant que vous l’avez vu côté et dans quel endroit vous avez vu ce prix ?
Le
coût de réalisation, on ne s’en souvient plus. Mais ses trois chansons ont été
enregistrées en même pas huit heure (mixage compris), dans un petit studio de
la banlieue parisienne. Je crois l’avoir
vu à 250€ sur Ebay ! Ce qui bien sûr est débile.
La pochette du 45t possède un visuel proche de la
maquette, de l’étude typo inachevé. C’était une volonté absolue, ou un manque
de temps de moyen ?
C’est
un peu les deux. Mais nous avions quand même la volonté de rompre avec les
images classiques du rock’n’roll, qui étaient de montrer un groupe devant un
mur de briques. On aimait casser certaines habitudes, cette pochette était un
moyen de le faire. Et puis, quelque part, elle avait un petit côté arty autoproduit
qui correspondait bien à ce que l’on faisait.
Les titres de ce
45t ont du figurer sur de nombreuses compilations punk. Quels sont les compils
les plus improbables où figure un titre d’Olivensteins ?
En réalité,
il n’apparaît pas tant que ça sur des
compilations, car nous avons quasiment toujours refusé qu’on utilise la chanson
au côté d’autres que nous détestions à l’époque. Le 45t a par contre été
souvent piraté, et pour ça on ne nous a pas vraiment demandé notre avis! Mais dans le genre improbable, un peu avant
que l’album Born Bad ne sorte, j’ai
appris que Jarvis Cocker (Pulp) avait diffusé
« Euthanasie » dans son émission à la BBC.
On en arrive à
l’album édité sur Born Bad. Cela fait quel effet de voir cet album
« posthume » sortir 32 ans après le 45t ?
Un
vrai bonheur, parce que la plupart des gens qui l’écoutent, plus jeunes que
nous, semblent comprendre ce que nous avions tenté de faire à l’époque. Entre
rock, second degré et une certaine barjoterie musicale hors cliché. Le côté
lo-fi d’une partie de ce que nous faisions (même si le mot n’existait pas en
1979) semble toujours d’actualité.
Quel a été votre
rôle dans la réalisation, conception de cet album?
J’ai
été présent lors de la phase du remastering et du choix des morceaux. Mais la
plupart des membres du groupe ont participé à l’élaboration, en fouillant et en
trouvant des trucs inédits dans leurs archives sonores et photographiques.
JB de Born Bad
vous a-t-il fait la guerre et du chantage pour vous motiver à sortir se
disque ?
JB
n’est pas le genre à faire la guerre aux groupes qu’il aime ! Non, ce qui
m’a convaincu de faire le disque avec lui, c’est qu’il ne considérait pas Les Olivensteins comme un groupe punk
normal (ou ultime), il avait parfaitement compris qu’il y avait une volonté de
différence musicale dans ce que nous faisions, et que nous n’étions pas
enfermés dans les critères et les limites d’un genre. Il y avait chez Les Olivensteins un vrai décalage par
rapport à la (maigre) scène punk
française de l’époque, enfermée dans ses clichés et ses critères de mode.
Les Olivensteins en séance de dédicace à Gibert Joseph à Paris en 2011
Cet album comporte
13 titres (dont des lives et des demos). C’est apparemment tout le
matériel audible d’Olivensteins. Des regrets de n’avoir pas composé plus de
titres?
En
réalité, le groupe avait pas mal composé pendant ses seulement un an et demi
d’existence, puisque lors du dernier concert en janvier 1980, il avait quand même
17 morceaux à son répertoire. Mais, hélas, tous n’ont pas – à l’époque - été
enregistrés de façon correcte. Ce qui
explique que sur l’album Born Bad, il y ait plusieurs versions de
certaines chansons. Mais attention ! pas des trucs pour compenser, car certaines
démos ou extraits live nous paraissent aujourd’hui réellement dignes d’intérêt,
et pas seulement d’un point de vue « historique ». Car
cela reflète pas mal ce qu’étaient Les
Olivensteins, un groupe qui aimait autant un certain aspect du rock,
forcément violent, et provoquant et avait
une vraie passion pour les bricolages sonores. On aimait Clash, les Heartbreakers, Buzzcocks,
mais aussi les centaines de groupes qui enregistraient alors leurs singles dans
leur cuisine après avoir emprunté un magnéto d’un pote sans se donner la peine
d’en lire le mode d’emploi.
Vous pouvez nous
raconter ce qu’était l’ambiance d’un concert d’Olivensteins ?
C’était
plus ludique que tendu. Surtout quand Gilles
balançait de la viande sur les premiers rangs. Des vrais concerts de rock en
fait, mais avec toujours quelque chose à voir et un public de fidèles qui
grossissait à chaque fois.
S’il n’y avait pas
eu le magasin de disque Mélodies Massacre à Rouen, le rock made in Rouen
aurait-il eu un autre visage ?
Bien
sûr. C’est à Mélodies Massacre que
tous ceux qui avaient envie de faire quelque chose se retrouvaient et
écoutaient des disques que l’on n’entendait pas ailleurs, ce qui donnait des
idées. C’est sur le label de Mélodies
Massacre qu’est sorti le 1er 45t des Dogs, sorte de détonateur de ce qui allait suivre ensuite à
Rouen.
Vivez-vous encore
à Rouen ? Si oui, le rock trouve t-il encore de la place dans les rues
anciennes et chics de la ville ?
J’ai
quitté Rouen il y a plus de vingt ans, donc je ne sais pas trop ce qui s’y
passe. La nouvelle salle de concerts, le 106, va sûrement redonner du sang neuf.
Des projets? Des
concerts pour célébrer la sortie de l’album ?
Surtout
pas de concerts ! Car rechanter
« Euthanasie Papy » quand on a passé un certain âge, ce serait
pathétique, non ? Les Olivensteins, et leurs chansons
étaient tellement liés à une époque précise que toute tentative de reformation
sonnerait totalement fausse.
Un
« fucking » message pour les lecteurs d’Abus Dangereux ?
Pour
les 15 ans d’Abus, Catimini (rédactrice en chef et
journaliste d’Abus) m’avait demandé
de d’écrire un petit texte. Dedans je parlais d’un groupe, sans donner son nom.
Pendant longtemps Catimini a voulu
savoir de qui il s’agissait. Par jeu je n’ai jamais voulu révéler quel était ce
groupe mystérieux (dans mon petit papier, je citais juste deux morceaux qu’il
interprétait). En fait, il s’agissait du Grateful
Dead !!! Car dans le genre « Abus Dangereux », il me
semblait que les mecs du Dead étaient des champions hors catégories, des
maîtres en la matière ! Ca y’est Cathy, tu as ta réponse.
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