dimanche 2 août 2020

LES OLIVENSTEINS : Docteur punk et mister love.




La carrière du groupe Les Olivensteins est très bizarre. Formé en 1978, ce groupe de Rouen n’avait sorti à l’époque qu’un 45t devenue culte et rare avec le temps, notamment le morceau Fier de ne rien faire. Après 18 mois le groupe splitte. En 2011, le label Born Bad édite une compilation testament qui réunit toute la musique disponible du groupe. Suite à cette sortie, Les Oliversteins se reforme pour faire la promo du disque avec notamment une séance de dédicace au Gibert Joseph de Paris et remonte sur scène pour une série de concerts. Vu le succès, le groupe poursuit depuis cette date des concerts ici et là, jusqu’à réaliser en 2017 son premier album studio nommé Inavalable (sur Smap Records) avec à l’intérieur 10 nouvelles compos chantées en français. Notons parmi la sélection, les titres Né pour Dormir et Je hais les fils de riches. Pas mal comme titres pour des jeunes sexagénaires. A noter qu’il existe une version 33t de l’album Invalable avec en bonus la réédition du fameux 45t Euthanasie, (45t aussi réédité par le label Mélodies Massacre) car la version de 1978 est devenue hors de prix (250 euros sur Discogs). 
En mars 2011, au moment de la sortie de la compilation sur le label Born Bad, j’ai fait une interview d’Eric Tandy (le parolier) pour le fanzine Abus Dangereux. Elle est parue dans la Face 118 de mai 2011. Si dessous la version intégrale.




Quand on est amateur de punk rock, impossible de ne pas connaitre Les Olivensteins, groupe culte de Rouen formé en 1978 qui n'a vécu que 18 mois (soit 2 maternités!) et sorti qu'un 45t avec 3 titres démoniaques: "Fier de ne rien faire", "Euthanasie" et "Je suis négatif ". Faut dire que leur style musical dénotait des autres groupes punk de l'époque, notamment à cause des textes à l'humour décapant et la musique à la fois direct, instinctif, mais aussi recherché. A l'occasion de la sortie de l'ultime compilation sur le label Born Bad, la tentation de discuter avec Eric Tandy qui a écrit les textes du groupe chanté par son frère Gilles, était trop grande pour passer à coter. Alors causons vite et bien!

Quelque part si votre groupe c’est éteint rapidement, c’est a cause de votre nom, qui vous a valu un procès par le fameux docteur. Et si vous aviez eu un autre nom, votre groupe aurait-il existé au-delà d’un 45t ?
Eric Tandy : Le groupe s’est arrêté parce qu’aucune maison de disques (à l’époque les labels indépendants capables de produire un album d’un groupe comme le nôtre n’existaient pas !) ne voulait prendre le risque de signer Les Olivensteins sans avoir l’accord du docteur  pour le faire.  Si nous avions eu un autre nom, je pense que nous aurions en effet pu trouver quelqu’un pour financer et sortir l’album que nous désirions faire. D’ailleurs, Philippe Constantin, alors éditeur et Barclay semblaient intéressés. Quand à l’autoproduction, à l’époque, en France, ça n’existait tout bonnement pas ! De toute façon, nous n’avions pas un rond pour nous autoproduire.  




Le fait de n’avoir eu qu’un 45t du temps de votre « vivant », cela vous rend t-il le « groupe punk ultime » ?
Non, ne serait-ce que parce qu’à l’époque il n’était pas rare qu’un groupe fasse seulement un 45t, cela faisait partie de l’ambiance du moment : tu formes un groupe, tu écris deux chansons, et tu enregistres avec les moyens du bord.  Après, tu continues ou tu passes à autre chose !! ! Ce qui était rafraîchissant dans les années 1976/1979, c’est que l’on n’avait aucun plan de carrière et que l’on ne pensait qu’à faire vivre l’instant. En Angleterre, il y a eu des tas de groupes géniaux qui ont seulement enregistré un ou deux 45t.  

A votre avis pourquoi ce 45t et sa chanson « Fier de ne rien faire » est-il devenu aussi culte, aussi rechercher?
Le 45t, a très vite été rare, car malgré un certain succès radiophonique (il passait tous les soirs sur France Inter, à l’époque où les radios dites libres n’existaient pas), et une excellente presse, il n’avait été tiré qu’à un peu moins de 2000 exemplaires, donc, il a été vite vendu, et donc vite recherché par ceux qui ne l’avaient pas. Quand à « Fier de ne rien faire », beaucoup de groupes l’ont repris, à différents moments, ce qui explique un peu  sa pérennité.

Combien vous à couté la réalisation du 45t ? Quel est le prix le plus affolant  que vous l’avez vu côté et  dans quel endroit vous avez vu ce prix ?
Le coût de réalisation, on ne s’en souvient plus. Mais ses trois chansons ont été enregistrées en même pas huit heure (mixage compris), dans un petit studio de la banlieue parisienne.  Je crois l’avoir vu à 250€ sur Ebay ! Ce qui bien sûr est débile. 

La pochette  du 45t possède un visuel proche de la maquette, de l’étude typo inachevé. C’était une volonté absolue, ou un manque de temps de moyen ?
C’est un peu les deux. Mais nous avions quand même la volonté de rompre avec les images classiques du rock’n’roll, qui étaient de montrer un groupe devant un mur de briques. On aimait casser certaines habitudes, cette pochette était un moyen de le faire. Et puis, quelque part, elle avait un petit côté arty autoproduit qui correspondait bien à ce que l’on faisait.  


Les titres de ce 45t ont du figurer sur de nombreuses compilations punk. Quels sont les compils les plus improbables où figure un titre d’Olivensteins ?
En  réalité, il  n’apparaît pas tant que ça sur des compilations, car nous avons quasiment toujours refusé qu’on utilise la chanson au côté d’autres que nous détestions à l’époque. Le 45t a par contre été souvent piraté, et pour ça on ne nous a pas vraiment demandé notre avis!  Mais dans le genre improbable, un peu avant que l’album Born Bad ne sorte, j’ai appris que Jarvis Cocker (Pulp) avait diffusé « Euthanasie » dans son émission à la BBC.

On en arrive à l’album édité sur Born Bad. Cela fait quel effet de voir cet album « posthume » sortir 32 ans après le 45t ?
Un vrai bonheur, parce que la plupart des gens qui l’écoutent, plus jeunes que nous, semblent comprendre ce que nous avions tenté de faire à l’époque. Entre rock, second degré et une certaine barjoterie musicale hors cliché. Le côté lo-fi d’une partie de ce que nous faisions (même si le mot n’existait pas en 1979) semble toujours d’actualité.

Quel a été votre rôle dans la réalisation, conception de cet album?
J’ai été présent lors de la phase du remastering et du choix des morceaux. Mais la plupart des membres du groupe ont participé à l’élaboration, en fouillant et en trouvant des trucs inédits dans leurs archives sonores et photographiques.

JB de Born Bad vous a-t-il fait la guerre et du chantage pour vous motiver à sortir se disque ?
JB n’est pas le genre à faire la guerre aux groupes qu’il aime ! Non, ce qui m’a convaincu de faire le disque avec lui, c’est qu’il ne considérait pas Les Olivensteins comme un groupe punk normal (ou ultime), il avait parfaitement compris qu’il y avait une volonté de différence musicale dans ce que nous faisions, et que nous n’étions pas enfermés dans les critères et les limites d’un genre. Il y avait chez Les Olivensteins un vrai décalage par rapport  à la (maigre) scène punk française de l’époque, enfermée dans ses clichés et ses critères de mode.


 Les Olivensteins en séance de dédicace à Gibert Joseph à Paris en 2011

Cet album comporte 13 titres (dont des lives et des demos). C’est apparemment  tout le matériel audible d’Olivensteins. Des regrets de n’avoir pas composé plus de titres?
En réalité, le groupe avait pas mal composé pendant ses seulement un an et demi d’existence, puisque lors du dernier concert en janvier 1980, il avait quand même 17 morceaux à son répertoire. Mais, hélas, tous n’ont pas – à l’époque - été enregistrés de façon correcte.  Ce qui explique  que sur l’album Born Bad, il y ait plusieurs versions de certaines chansons. Mais attention ! pas des trucs pour compenser, car certaines démos ou extraits live nous paraissent aujourd’hui réellement dignes d’intérêt, et pas seulement d’un point de vue « historique ».  Car  cela reflète pas mal ce qu’étaient Les Olivensteins, un groupe qui aimait autant un certain aspect du rock, forcément violent, et provoquant et avait  une vraie passion pour les bricolages sonores. On aimait Clash, les Heartbreakers, Buzzcocks, mais aussi les centaines de groupes qui enregistraient alors leurs singles dans leur cuisine après avoir emprunté un magnéto d’un pote sans se donner la peine d’en lire le mode d’emploi.   

Vous pouvez nous raconter ce qu’était l’ambiance d’un concert d’Olivensteins ?
C’était plus ludique que tendu. Surtout quand Gilles balançait de la viande sur les premiers rangs. Des vrais concerts de rock en fait, mais avec toujours quelque chose à voir et un public de fidèles qui grossissait à chaque fois.

S’il n’y avait pas eu le magasin de disque Mélodies Massacre à Rouen, le rock made in Rouen aurait-il eu un autre visage ?
Bien sûr. C’est à Mélodies Massacre que tous ceux qui avaient envie de faire quelque chose se retrouvaient et écoutaient des disques que l’on n’entendait pas ailleurs, ce qui donnait des idées. C’est sur le label de Mélodies Massacre qu’est sorti le 1er 45t des Dogs, sorte de détonateur de ce qui allait suivre ensuite à Rouen. 


Vivez-vous encore à Rouen ? Si oui, le rock trouve t-il encore de la place dans les rues anciennes et chics de la ville ?
J’ai quitté Rouen il y a plus de vingt ans, donc je ne sais pas trop ce qui s’y passe. La nouvelle salle de concerts, le 106, va sûrement  redonner du sang  neuf.

Des projets? Des concerts pour célébrer la sortie de l’album ?
Surtout pas de concerts !  Car rechanter « Euthanasie Papy » quand on a passé un certain âge, ce serait pathétique, non ?  Les Olivensteins, et leurs chansons étaient tellement liés à une époque précise que toute tentative de reformation sonnerait totalement fausse.

Un « fucking » message pour les lecteurs d’Abus Dangereux ?
Pour les 15 ans d’Abus, Catimini (rédactrice en chef et journaliste d’Abus) m’avait demandé de d’écrire un petit texte. Dedans je parlais d’un groupe, sans donner son nom. Pendant longtemps Catimini a voulu savoir de qui il s’agissait. Par jeu je n’ai jamais voulu révéler quel était ce groupe mystérieux (dans mon petit papier, je citais juste deux morceaux qu’il interprétait). En fait, il s’agissait du Grateful Dead !!! Car dans le genre « Abus Dangereux », il me semblait que les mecs du Dead étaient des champions hors catégories, des maîtres en la matière ! Ca y’est  Cathy, tu as ta réponse.






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