dimanche 24 septembre 2023

ALAIN GORAGUER "La Planète Sauvage" (CAM Sugar/Decca Records France) – 22 septembre 2023


MES DISQUES A EMPORTER SUR UNE ILE DÉSERTE: Chronique n°32

Hasard de l’actualité culturelle, l’année 1973 est à l’honneur (= 50 ans en arrière dans l’espace temporel). Après la chronique du film Charlie et ses deux nénettes de Joël Séria (enfin disponible en Blu-ray), voici un autre long métrage sorti sur les écrans en 1973, La Planète Sauvage de René Laloux. Mais, ici on va s’intéresser à sa B.O. composée par Alain Goraguer qui vient d’être réédité en double vinyle (édition vinyle noir et édition couleur bleu limitée à 2500 exemplaires numérotés) et CD digipack dans une version restaurée,  avec un nouveau mixage, et en bonus 10 morceaux inédits. Le tout approuvé par le fils du compositeur, Patrick Goraguer, lui-même compositeur, musicien, interprète. La sortie de cette réédition (dont l’original est la première musique d’Alain Goraguer à sortir en support physique : en vinyle 33 tours) est dédiée à Alain Goraguer qui nous a quitté cette année, le 13 février 2023.

Alain Goraguer est un compositeur français qui fait partie des maestros, pour les diggers, DJ's, rappeurs de tout bord, au même titre que Jean-Claude Vannier, Michel Colombier (qui ont tous les deux avec Goraguer travaillés pour Serge Gainsbourg), François de Roubaix, Michel Magne et Janko Nilovic. Les musiques de ses compositeurs ont en communs d’avoir mélangé les styles pop de leur époque (rock, psyché, funk, cosmique électronique), mais aussi le jazz, la musique contemporaine et orchestrale.

Affiche du film

Synopsis : "Les Draags vivent sur une planète étrange, à l'extravagante végétation. Ils ont recueilli le minuscule peuple des Oms, qu'une catastrophe a chassé de sa lointaine planète. Les adolescents Draags privilégiés ont le droit d'élever des Oms. C'est ainsi que Tina chérit sa petite mascotte, Terr, et le laisse profiter des leçons que lui dispensent ses écouteurs. Terr devient ainsi fort savant. Les dirigeants des Draags s'aperçoivent de l'intelligence des Oms et constatent leur rigoureuse organisation. Pressentant une menace, ils décident d'en finir une bonne fois pour toutes avec leurs petits hôtes…".

Pochette de l’édition original 33 tours vinyle (Pathé) - 1973

La Planète Sauvage est un film d’animation tiré du roman de science-fiction Oms en série de Stefan Wul sorti en 1957 aux éditions Fleuve noir, collection Anticipation. Après avoir réalisé les deux court-métrages, Les Temps morts (1964) et Les Escargots (1965) avec Roland Topor (pour les dessins), Alain Goraguer (pour la musique), le réalisateur René Laloux désire passer avec eux au long métrage. Une fois le sujet trouvé, Roland Topor commence ses premières esquisses, en créant les personnages et décors. Malheureusement pour Laloux, Topor quitte le projet sur le conseil de sa mère qui trouve que le sujet n’est pas pour lui (sic). Heureusement qu’il a bien avancé les dessins, qui vont pouvoir servir à l’équipe de vingt-cinq animateurs tchèques. Nous sommes en 1967, l’équipe française c’est associé avec la Tchécoslovaquie, alors pays à la pointe pour les films d’animation. Malheureusement en août 1968, les troupes soviétiques envahissent Prague pour mettre fin au « printemps de Prague ». Il faudra attendre 1971, pour que la réalisation de La Planète Sauvage reparte. Pendant tout ce temps, Alain Goraguer n’a pas écrit une seule note de musique. C’est seulement en hiver 1972-73 qu’il reçoit un coup de fil pour lui donner le feu vert, soit 5 ans après le début du projet. Mais pendant toutes ses années, René Laloux est resté en contact avec Alain Goraguer pour lui donner des nouvelles sur l’avancement. Alain Goraguer n’a que trois semaines pour composer la musique. Après avoir vu les images au style et couleurs très originaux (on est très loin des studios Disney et des sorties en salles d’Astérix et Obélix), l’inspiration va allez très vite. Les compositions vont ce faire chez lui au piano, jusqu’à l’enregistrement au Studio Davout à Paris, qui ne va durer que trois jours (du 8 au 10 mars 1973).  La Planète Sauvage est projeté au Festival de Cannes qui a lieu du 10 au 25 mai 1973. Devant l’originalité de l’œuvre, La Planète Sauvage reçois le Prix Spécial C’est la première fois que cette institution donne un prix pour un film d’animation. La Palme d’or est décernée à deux films : L’Epouvantail de Jerry Schatzberg et La Méprise d’Alain Bridges. Le Grand Prix Spécial du Jury est décerné à La Maman et la Putain de Jean Eustache. La présidente du jury 1973 est Ingrid Bergmann. La Planète Sauvage sort en salle le 6 décembre 1973, soit deux semaines avant les festivités de Noël. En seulement trois semaines, 954 112 spectateurs iront voir le film dans les salles françaises (source Box-Office story).

Pochette de la réédition 33 tours vinyle (DC Recordings -label de Londres-) - 2000

Après une réédition non officiel en 2006 -sans sa pochette gatefold-, pochette de la réédition 33 tours vinyle (Superior Viaduct -label de San Francisco-) - 2014

Au fil du temps, La Planète Sauvage va devenir un classique du film d’animation. Ses multiples rediffusions à la télévision vont marquer de nombreuses générations d’enfants « dont ils n’auraient pas à rougir une fois devenue adulte » (propos de René Laloux dans le livret qui accompagne la réédition de la B.O.F. – Livret rédigé par Stéphane Lerouge). La B.O. composée par Alain Goraguer va également devenir culte, au même titre que le générique de Chapi Chapo composé en 1974 par François de Roubaix va marquer la jeunesse des années 70, qui deviendront des musiciens, rappeurs ou DJ’s dans les années 90, Fred Pallem et Bertrand Burgalat en tête. Au même titre que l’album concept Histoire de Melody Nelson de Serge Gainsbourg (1971), il n’est pas étonnant que la B.O. de La Planète Sauvage soit devenue culte en France, à l’étranger, tant les 25 séquences enregistrées pour le film, sont un puit sans fond pour l’amateur de musique électronique (c’est Jean Guérin qui s’est occupé des effets électroniques), de Library Music, de psychédélique (Alain Goraguer a laissé les musiciens de studio improviser sous son regard vigilant et son oreille averti, notamment le guitariste Benoit Kaufman qui a pu user à volonté des effets wah-wah, fuzz avec ses nombreuses pédales), de funk (on trouve ici des élément sonores qui vont faire le charme du groupe Cortex) et jazz (notre compositeur est alors amateur de jazz, et plus particulièrement de Oscar Peterson). Dans ses instrumentaux très organiques, magnifiquement orchestrés (cordes, guitares, sons électroniques font bon ménage), il y a aussi les voix envoutantes des où de la choriste. C’est dommage que dans cette réédition, on ne trouve pas le nom des musiciens (avec les instruments utilisés) et le, ou les voix féminine(s). 50 ans après sa création, la musique d’Alain Goraguer est plus moderne que jamais. Les sons, les harmonies mélangent avec styles, sons pop et recherche futuriste, le tout en gardant une homogénéité telle, que la musique ne tombe pas dans l’expérimental pour illustrer un univers de science-fiction. Le nettoyage des bandes permet à cette édition de 2023 d’entrer encore plus profondément dans l’univers sonore de ce film d’animation unique et intemporel.

Pochettes des rééditions de 2023 avec livret de 28 pages avec un texte écrit par Stéphane Lerouge (français et anglais) et 16 pages d’illustrations.

Nota : Le livret de Stéphane Lerouge m’a beaucoup aidé pour écrire cette chronique.  

https://camsugarmusic.com/products/la-planete-sauvage-2lp-deluxe-edition

https://camsugarmusic.com/products/la-plante-sauvage-cd




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