samedi 5 mars 2022

"NEIGE" de Juliet Berto et Jean-Henri Roger (jhr films/CINEfil) – 15 février 2022

L’ami Jacques a dit : "Paskal il faut que tu regardes le film Neige sortie en 1981." Un conseil de Jacques n’est pas à prendre à la légère. Après avoir visionné la bande annonce du film, je me suis empressé d’acquérir le combo Blu-ray/DVD qui vient de paraitre, suite la ressortie en salles du film le 5 janvier dernier, ainsi qu’une diffusion en 2020 au festival de Cannes sélection Cannes Classics. A noter que ce film a reçu au festival de Cannes en 1981 le prix du Cinéma Contemporain. Malgré ce prix, Neige est interdit aux – de 18 ans, ce qui provoqua un tollé dans la profession. Sur décision du ministre de la culture Jack Lang, qui juge que cette interdiction est une atteinte à la "liberté d’expression", l’interdiction est ramené aux – de 13 ans.

Découvrir en 2022, ce film dans une version restaurée 4K, est un plaisir qui ne se refuse pas. D’autant que le grain, les couleurs de la pellicule 35mm sont ici respectés. Le top serait bien sûr de voir ce film dans la salle de cinéma Le Trianon (qu’on voit dans Neige) pour ainsi retrouver l’ambiance de l’époque. Mais cet ancien music-hall, devenu dans les années 80 un cinéma de quartier spécialisé dans le double programme de films d’aventures, de kung-fu, devient un théâtre en 1992, puis une salle de concerts jusqu’à aujourd’hui. Le Brian Jonestown Massacre et les Liminanas ont souvent joués dans cette salle réservé par l’assos Radical prod.

Synopsis du film :

"Anita (Juliet Berto) est une barmaid au grand cœur. Willy (Jean-François Stévenin), ancien professionnel de « full contact » aime Anita. Jocko (Robert Liensol) est pasteur et Antillais. Tous trois vivent sur les huit cents mètres de boulevard entre Barbès et Pigalle. Bobby (Ras Paul I Nephtali), gavroche antillais du quartier, est dealer d'héroïne. Il va se faire tuer. Cela va avoir des conséquences sur les consommateurs du quartier. Parmi eux, Betty (Nini Crepon), un travelo qui travaille dans un cabaret va être cruellement en manque. Affectée par son état alarmant, Anita et ses deux copains vont tenter remonter le réseau jusqu'au fournisseur, tout comme la police (Patrick Chesnais et Jean-François Balmer) qui intensifie sa surveillance. Il s'agit d'acheter au plus vite de l'héroïne. Indépendamment l'un de l'autre, Willy et Jocko, les deux amis d'Anita, vont s'adonner au même objectif afin de la soulager."

Neige est un film dont l’histoire se passe sur 800 mètres de boulevard dans le quartier de Pigalle/Blanche/Barbès à Paris 18ème arrondissement, là où vit l’actrice Juliet Berto (La Chinoise de J.L. Godard, Sex-shop de Claude Berri, Monsieur Klein de Joseph Losey, Murs, Murs d’Agnès Varda) et le réalisateur, scénariste Jean-Henri Roger (il a collaboré avec J.L. Godard sur 5 films). Tous deux ont eu envie de réaliser un film qui montre leur quartier cosmopolite, ou la population, notamment de nombreux immigrés d’Afrique, côtoient les prostitués, les travelos défoncés, la police, la brigade des stups, le tout sous les néons de Pigalle, du Moulin Rouge et d’une fête foraine. Le mot "Neige" du titre est à prendre dans plusieurs sens. Évidemment la blanche pour la drogue (d’où le moreau Pigalle La Blanche de Bernard Lavillers en fond sonore du film, avec en prime le jeu de mot avec le nom de métro Blanche), mais aussi neige pour l’hiver (c’est la saison où se passe l’histoire) et pour le souvenir touristique d’une boule de neige avec Montmartre, Le Moulin Rouge qui se retourne. Cet objet kitsch qu'on peut acheter à foison Rue de Steinkerque plaisait à Juliet Berto

La trame du film  est celui d’un film noir avec des personnages du réel. Dans le doc -en bonus du combo- Aujourd’hui la France réalisé en 1981 par Fernand Moszkowicz, Juliet Berto dit : "Tous les gens qui sont dans l’image, dans le cadre ont bien voulu y être. On a volé et violé personne, ils sont venus." Tout le film se passe dans la rue ou dans un lieu public (bar, cabaret, boutique, salle de cinéma, magasin Tati avec une belle scène de poursuite dans les rayons), ainsi pendant le jeu des acteurs, il y a toujours des passants dans le champ de la caméra, ce qui donne un cinéma vérité et le témoignage du début des années 80 dans le Paris populaire. Ici pas d’enregistrement en plateau, en studio, toutes les images viennent d’un lieu public. Dans l’entretien avec Jean-Henri Roger (dans les bonus), on apprend qu’il voulait faire un film où il n’y a pas des héros mais des personnages secondaires. Ainsi on voit des habitants du quartier, des gueules/seconds couteaux du cinéma Français avec Jean-François Stévenin, Jean-François Balmer, Patrick Chesnais, Paul Le Person (vu dans Le Grand Blond avec Pierre Richard), la chanteuse Anna Prucnal, une apparition de Bernard Lavilliers, deux figures du cinéma français des années 50 (Raymond Bussières, Eddie Constantine) et en maitresse, guide, fée du récit, la gracieuse et lunaire Juliet Berto qui veut aider son prochain.

La force du film est son réalisme, la liberté de filmer, de montrer, de s’imprégner de son époque, donnant ainsi le témoignage "vrais" du début des années 80. Ce cinéma de rue est proche du documentaire dont le sujet est un quartier parisien, mais pas n’importe lequel, le quartier Barbès/Pigalle. Il y a ici du John Cassavetes des grands jours. Chapeau au couple fusionnel Juliet Berto et Jean-Henri Roger d'avoir réussi a mettre sur pellicule ses belle images urbaines.

Pour clore cette chronique, une pensé aux membres de l’équipe du film (acteurs, techniciens), qui ont aujourd’hui disparus : Juliet Berto (1947-1990), Jean-Henri Roger (1949-2012), Jean-François Stévenin (1944-2021), Paul Le Person (1931-2005), Robert Liensol (1922-2011), Eddie Constantine (1917-1993), Raymond Bussières (1907-1982), William Lubtchansky (1937-2010).

Bonus du combo : NEIGE avec le réalisateur Samuel Benchetrit (2021), Aujourd’hui en France par Fernand Moszkowicz (1981), Entretien avec Jean-Henri Roger en 2012 et un livret du film de 24 pages.

https://jhrfilms.com/produit/neige/







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