Installé en Auvergne, Petrol Chips est un label de musique indé qui a été créé en 2011 par Ray Borneo. Il occupe plusieurs postes : producteur, compositeur, interprète, secrétaire, et autres manutentions que demande la gestion pour la survie d’un label de musique indé. Parmis les artistes publiés, il y a en premier lieu, en fil rouge Tara King Th. qui est le groupe de Ray Borneo, suivi de prêt par Lomostatic, 8, Bee Tricks, Jean-Michel Jarret, Olivier Depardon, Gontard !, Poupard pour n’en citer qu’une partie. Dans le style musical des groupes et chanteurs il y a de la pop, de l’easy listening/library music/BO de film, de la new wave, synthpop, after punk, rock, électro, de la chanson et du hip hop. Soit de la musique indé variée tout en restant cohérant pour donner une couleur identifiable au label. Mais laissons Ray Borneo répondre à nos questions pour nous éclairer et nous parler de sa « petite boutique » à musique.
Ray Borneo vous regarde à travers l'écran !
Vous vous rappeler du premier émoi qui vous a fait aimer la musique ? Vous êtes né dans une famille de musiciens, ou sensible à la musique ?
Tout petit, mon père écoutait de la musique sur bandes. Je me souviens de Jean-Michel Jarre un peu, mais surtout du son qui remplissait l’espace dans le salon. Je me souviens aussi de la magie de pouvoir enregistrer sa propre voix sur bande. Mais je ne viens pas d’une famille de musiciens, non.
Vous avez fait une école de musique pour devenir auteur compositeur ? Si oui, vos parents vous ont encouragé ?
J’ai pris quelques cours de piano, puis de guitare à l’adolescence, mais j’ai très vite arrêté et je me suis débrouillé seul ensuite. J’ai exploré toutes les directions qui m’étaient nécessaires pour pouvoir faire mes propres créations. Et je continue aujourd’hui. Chaque fois que j’ai une idée en tête et que je n’ai pas les « compétences » pour le réaliser, je me remets en mode « formation »
Le magicien Ray Borneo !
Qu’est-ce qui vous a motivé à créer votre label Petrol Chips ? Un mot sur la signification du nom.
A force d’attentes et de
déconvenues pour simplement diffuser ma
musique, comme bon me semble, sans « cahier des charges » je me suis
décidé à créer mon propre « outil de diffusion ». Petrol Chips est un anagramme de Phil Spector.
Quels sont les avantages et inconvénients d’avoir son propre label ?
La liberté est un avantage indéniable. Ainsi que le sentiment de ne pas avoir de limites, tout du moins d’un point de vue créatif.
Le principal inconvénient est la multitude de casquettes qu’il faut avoir pour que ça tourne un peu, beaucoup de gestion. En ce sens, ça peut limiter le temps consacré à l’artistique.
Pour quelqu’un qui ne connait pas votre label, quels sont les termes, une phrase pour le présenter ?
Labo musical indépendant créé par Ray Borneo, au son un peu cramé qui navigue à travers les époques pour pondre des pépites inattendues de musique dans l’air des temps.
Vous produisez une grande partie des artistes du label. Cela fait partie du contrat d’entrée pour les artistes ? Les artistes publiés sont à la base des amis proches ?
Pas pour tous, mais oui, en grande partie. Ce n’est absolument pas une condition, mais la production (enfin plutôt la réalisation de bout en bout) est ce que je peux apporter aux artistes, bien plus que les moyens financiers. Et puis j’aime bien l’idée qu’il y ait une « couleur » propre au label, qui se démarque plus par le son en lui-même que par un style musical. Tous les artistes ne sont pas des proches. Certains oui, d’autres sont des rencontres qui tournent bien.
Pochette du single "Arrogant Doll" de Tara King Th.
Vous jouez également dans le groupe Tara King Th. qui est la première référence du label. Vous pouvez nous présenter le groupe, le choix du nom ?
Tara King th. c’est ma bouée musicale depuis presque 20 ans. C’est mon premier vrai « groupe ». Il y a eu beaucoup de musiciens et interprètes différents dans Tara King th. mais ça a toujours été mon premier moyen d’expression. Il y a une sorte de ligne directrice que je ne maitrise pas complètement mais qui s’impose, d’où la schizo pop. Je fais de la musique et c’est Tara King th. parfois, d’autres fois, pas. Le nom vient de Chapeau Melon et Bottes de cuir. J’ai toujours préféré Tara King à Emma Peel.
Tara King Th. existe avant la création du label. Vous pouvez en quelques dates clés nous relater la carrière du groupe, qui a édité son nouvel album le jour de noël 2020.
Question complexe. Disons qu’il y a eu plusieurs époques. Chacune avec des personnalités différentes. Chaque « période » a ses moments clés. Pour moi il y a eu le 1er album Séquence 01 qui est pour moi le véritable point de départ de tout. Quelques années plus tard Extravagant, Grotesque & Nonchalant, un disque mort-né, pour de nombreuses raisons, mais qui m’a appris les rouages merdiques du monde merveilleux de la musique, Hirondelle & Beretta, l’album concept par excellence dont je suis très fier et qui est un peu la 1ère prod Petrol Chips en tant que tel, 8 avec Halasan Bazar qui fut mes vrais débuts en tant que « producteur », Stellar Fantasies, album très personnel et assez introspectif, et enfin Mathématique, plus varié et osé je pense.
Pochette de l’album "Fantaisies Stellaires"
Dans les albums de Tara King.Th. il y a Fantaisies Stellaires avec Dominique Paturel. Vous pouvez nous en dire plus sur cette association plutôt inattendue ?
J’ai rencontré Dominique Paturel (N.D.L.R. comédien et voix française des acteurs Terence Hill, Rober Wagner, Michael Caine…) au début de Tara King th.. Nous avions fait un conte (Harold) avec Cécile Morel Journel, qui était la chanteuse à l’époque et avions demandé à Dominique s’il était intéressé pour le raconter, ce qu’il a accepté de faire avec une bienveillance et une immense gentillesse. Nous sommes restés proches depuis, et quand je me suis lancé dans Stellar Fantasies (qui n’était qu’une histoire musicale au départ), j’ai pensé à lui pour en faire un véritable livre disque, avec sa voix inimitable. C’est comme cela que les Fantaisies Stellaires sont nées. C’est une évolution de Stellar Fantasies écrite pour Paturel avec Erik Stefanini.
Pochette de l’album "Let Me Gone" de Slow Joe & The Ginger Accident
Parmi vos productions externes au label, il y a l’album de Slow Joe qui nous a quittés en 2016. Vous pouvez nous parler de cette rencontre?
Rencontre assez hallucinante. Il était très touchant et insaisissable, bouleversant parfois. La chose qui m’a le plus marqué est sa manière d’être avec les gens qui l’entouraient, ceux qu’il croisait… Il était profondément intéressé par l’autre, mais pas vraiment par les caractères ou personnalités, plus par l’humanité et la place dans le monde de chacun. Difficile à expliquer quand même.
Dans votre dernière newsletter, vous signalez que vous avez arrêté de communiquer avec les réseaux sociaux, pour ne garder que Bandcamp et la newsletter. Quelques mots sur ce choix radical pour un label qui a besoin de lisibilité?
Toutes ces interactions sociales cadrées, cet étalage « nécessaire » de messages modérés, ces minutes de gloires personnelles avec surveillance de compteur ont fini par me déprimer.
Il y a une standardisation des idées rangées par groupes de pensée que je trouve inquiétante. Quel que soit le sujet, tu dois passer par le tuyau prévu, avec le nombre de mots ou l’image au bon format, qui va s’adresser à ceux que l’algorithme a choisi pour toi.
Et puis je n’ai pas d’égo à nourrir par des petites secondes de gloire quotidienne. Et je suis las de devoir lever le pouce ou envoyer un cœur pour montrer mon intérêt.
Enfin, j’ai longuement réfléchi à l’aspect « visibilité » qu’apportent les réseaux sociaux, et j’en suis arrivé à la conclusion que c’est quand même du grand folklore.
Quand je pense aux réseaux sociaux, il y a toujours cette phrase de Coluche qui revient : « Ça me fait penser à un crocodile qui se présente dans une maroquinerie ».
L’année 2020 a été compliqué pour tout le monde, et particulièrement le monde culturel qui n’entre pas dans les « métiers de premières nécessités ». En tant que label et artiste, comment avez-vous passé l’année 2020 ? Votre avis sur la culture sacrifiée en mode pandémie ?
Année étrange. Il se trouve que j’avais prévu de ralentir en 2020 et que le confinement est arrivé pile à ce moment-là. Je ne me suis donc pas senti trop bloqué pour le studio et les prods. Ce qui a été plus dur, c’est l’annulation des concerts. Ce manque d’interaction avec les gens est plombant à la longue.
Pour ce qui est de la culture sacrifiée, c’est certain que cela va faire du mal. Mais il me semble que la culture est sacrifiée depuis longtemps. Ça saute juste aux yeux en ce moment. La prise de contrôle douce et progressive de la politique dans la culture ne date pas d’hier, que ce soit pour les théâtres scène nationales, les smac, etc… tout en supprimant les MJC, les aides aux assos etc… ça ne laisse pas beaucoup de place à la diversité.
Alors maintenant, une partie de la culture (je dirais la culture choisie) est bloquée par le bon vouloir gouvernemental, c’est certain. Mais il reste la culture qui se débrouille, et qui continue de se débrouiller.
Je ne pense pas que la créativité soit en jeu, ce qui m’importe le plus finalement. La culture, elle a du souci à se faire.
Message ou autre à rajouter à faire passer ?
Achetez de la musique, des disques, du merchandising… pour soutenir réellement les artistes et que subsiste un minimum de diversité au sein de ces immenses bibliothèques géantes que sont Spotify, Apple Music.
Chronique du mini album Uncolored Past pt3 de Tara King Th. ici: https://paskallarsen.blogspot.com/2020/12/tara-king-th-uncolored-past-pt3-petrol.html
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