Le label parisien Souffle Continu Records (la boutique est située
non loin du cimetière du Père-Lachaise) vient de rééditer pour la seconde fois Maison Rose (la précédente date de 2017), l’album culte d’Emmanuelle Parrenin sorti initialement en 1977 sur le label Ballon
noir. Pour cette édition en CD et surtout en vinyle, Souffle Continu
a fait un travail digne d’un artisan renommé. L’édition vinyle transparent est
glissé dans une pochette gatefold cartonné bien rigide, avec en bonus un 45 tours
et un insert 4 pages (avec un texte de Maxime Delcourt qui nous apprend qu’elle
a jouée le 8 mai 1981 en 1ère partie des Clash à l’Hippodrome de Pantin -qui sera remplacé en 1983 par le Zénith-),
le tout assemblé dans un fourreau rigide avec un autre visuel qui montre l’intérieur
de la maison rose, nous dévoilant ainsi ce que cache l’image originale, où la
porte de la maison rose est fermée. Le résultat graphique et "objet"
est digne d’un livre d’art ou d'une édition de tête pour une BD.
"Maison Rose" (Souffle Continu) - 2022
Maison Rose est à la fois un album intemporel et un album bien ancré dans les années 70, de par le son, l’acoustique des morceaux et le style musical, qui mélange chanson, folk, psychédélique. On a ici les origines du style acid/dark folk, ce qui explique le culte d’outre- manche porté à cet album. On est dans la découverte d’un album français des années 70, qui fait régulièrement le bonheur des diggers, quand ils tombent sur un disque original. On pense à Obsolete de Dashiell Hedayat, L’Enfant assassin des mouches de Jean-Claude Vannier et l’album éponyme de Laurence Vanay publié en 1974.
La carrière d’Emmanuelle Parrenin est à elle seule une histoire digne d’un scénario de film. Elle est née dans un milieu musical, son père le violoniste Jacques Parrenin a créé en 1944 le Quatuor Parrenin, qui a interprété des œuvres contemporaines tels que Ligeti, Berio et Xenakis. Malgré cet environnement musical, son père trop occupé à composer et à jouer sur scène, va négliger l’éducation de sa fille. Emmanuelle fera son propre monde musical. Nous sommes dans les années 60, la musique est pop, rock, folk et hippie. C’est à travers ses musiques qu’elle va faire des rencontres et commencer à trouver son style. Elle commence par jouer de la guitare folk, mais c’est la découverte de la vielle à roue qui va tout changer. Ce sera son instrument de musique. Nous sommes au début des années 70, elle va découvrir le plaisir de jouer en public grâce à un lieu qui vient d’ouvrir à Paris, Le Café de la Gare qui abrite des acteurs qui savent détendre l’atmosphère: Coluche, Miou-Miou, Patrick Dewaere. Avec une bande d’amis (Phil Fromont, Jean-Loup Baly, Jean-François Dutertre, Dominique Regef…), elle va interpréter à travers la France des musiques folks et chansons régionales traditionnelles. De cette belle époque hippie et rurale "made in France" sous Pompidou puis Giscard, la troupe va publier trois albums de reprises pour danser dans les bals populaires, improvisés sur la place du village ou dans les bois et champs éclairés par des lampions. En 1976 avec Phil Fromont et Claude Lefebvre, Emmanuelle Parrenin publie Château Dans Les Nuages, son premier album avec des compositions originales. Cet album est d’une beauté totale. On y entend de la folk, de la musique contemporaine, celtique, de la chanson française (et non pas de la variété) dans ce qu’il y a de plus beau. Le mix, fusion des musiques est ici une belle réussite. Cet album permet de faire la transition entre les reprises de musique traditionnelle vers les compositions personnelles de Maison Rose, qui sera le premier album solo d’Emmanuelle Parrenin avec pour la première fois, juste son nom et le titre de l’album sur la pochette.
"Château Dans Les Nuages" (Cezame) - 1976
Sur cet album, Emmanuelle Parrenin est accompagnée par Bruno Menny (alors son compagnon), qui va produire l’album et jouer de la batterie, Denis Gasser à la basse et Jean-Claude Vannier (qu’on ne présente plus) aux arrangements, mais aussi à la composition avec le morceau Plume blanche, plume noire. Enfin l’album a pu voir le jour grâce à Hughes De Courson qui a créé le label Ballon noir. Il est musicien dans le groupe Malicorne qui a beaucoup de succès dans la France des années 70’s. L’album est enregistré en Normandie, dans une ferme transformée en studio par Jacques Denjean, c’est le studio Frémontel, qui a vu défiler des artistes aussi divers qu’Albert Marcoeur, Marc Perrone et Malicorne. Maison Rose s’ouvre justement avec l’instrumental à la vieille à roue titré Ce matin à Frémontel… Cette introduction de 2.45 minutes nous installe immédiatement dans une ambiance confortable, auquel on se sent rassuré. Comme un cocoon, un espace de paix, loin du bruit, du stress de la ville, la Maison Rose est accueillante, il suffit d’ouvrir la porte. Malgré que le morceau Maison Rose parle de rupture, de l'homme qu'elle aime (Là-bas vivait mon aimé, Et son ombre pâle me hante. (…) Pluie menaçante, rafale, Tu as mouillé nos cœurs, Et tué le bonheur.), l’atmosphère générale respire la tranquillité, le plaisir à la fois d’être seul et accompagner. La voix d’Emmanuelle Parrenin est posée. Sa musique, avec une touche de mélancolie nous accompagne avec tendresse. Les 12 morceaux qui mélangent chansons et instrumentaux gardent 45 ans plus tard, une fraicheur inoui grâce à l’enregistrement, l’acoustique qui donne une patine intemporelle, même si le son des années 70 est bien marqué. La force de l’album est la richesse sonore des compos qui mélange avec réussite, musique folk, traditionnel, psyché lo-fi, jazz, chanson, comptine et son électro acoustique, le tout dans une union au frontière de la pop. Après une telle réussite musicale, on aurait pu penser que le nom d’Emmanuelle Parrenin allait entrer dans le monde de la chanson française. Et bien non, car juste après la parution de Maison Rose, Emmanuelle Parrenin revient sous la formation de groupe avec La Confrérie des Fous qui publiera un album en 1978.
"Maison Cube" (Les Disques Bien) - 2011
Il faudra attendre 2011, pour qu’Emmanuelle Parrenin publie un nouvel album solo, titré Maison Cube. C’est grâce à la nouvelle génération avec Etienne Jaumet (The Married Monk, Zombie Zombie) et Flóp à la fois compositeur interprète et boss du label Les Disques Bien qui va permettre à Emmanuelle, alors âgée de 62 ans de composer à nouveau des nouvelles chansons et à une grande partie du public indé de la (re)découvrir grâce à des concerts. Depuis le début des années 80, Emmanuelle Parrenin a continué à faire de la musique dans le domaine de la danse contemporaine, avec une troupe qui a travaillé pour Carolyn Carlson et surtout elle a travaillée pendant 10 ans dans les hôpitaux auprès des enfants, notamment des autistes. Elle a ainsi été musicothérapeute. Cet aspect de son travail musical, va lui servir en 1990, suite à un accident, un incendie qui va la rendre sourde. Grâce à son travail sur la musique, le silence, le son qui l’entoure, elle va retrouver l’ouïe en jouant de la harpe. A partir de là, sa vision de la musique va changer et se transformer en art-thérapie, car oui, la musique peut soigner la maladie, peut aider à vivre avec un handicap.
"Pérélandra" (Souffle Continu) - 2017
Depuis 2011 avec la sortie de Maison Cube, Emmanuelle Parrenin n’a pas arrêtée de composer, avec la publication de deux nouveaux albums, Pérélandra (2017) et Targala, la maison qui n’en est pas une, sorti en mars 2022 et trois albums avec des collaborations. Enfin, suite à un showcase le 15 mars 2012 chez le disquaire parisien Souffle Continu, qui est aussi un label depuis 2014, elle a liée une licence avec Souffle Continu. Ainsi en 2017, la 24ème référence du label est la réédition de Maison Rose en vinyle rose. Épuisé depuis bien longtemps, Souffle Continu a réédité en septembre 2022 l’album avec un 45 tours de deux titres inédits. Il n’est pas trop tard pour découvrir dans de bonne condition, ce chef d’œuvre de la chanson psyché folk à la française.
https://soufflecontinurecords.bandcamp.com/album/maison-rose
https://www.emmanuelleparrenin.com/
superbe
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