mardi 4 janvier 2022

LA JUNGLE : En folie


En France, on connait " la jungle de Calais ". Est-ce que vous connaissez La Jungle de Mons en Belgique ? Cette Jungle est le nom du duo rock composé de Mathieu aka Jim Frisko Binwette (basse, clavier et voix) et Rémi aka Roxie Rookie (batterie). Quelque part entre Lightning Bolt, The Young Gods, PIL, Pneu et Oiseaux-Tempête, la musique de La Jungle grille tout sur son passage. C’est clair, Mathieu (Jim) et Rémi (Roxie) sont en totale symbiose/fusion quand ils jouent ensemble. Au mois d’avril 2021, ils ont publié l’album "Fall Off The Apex" (1), l’occasion de faire connaissance avec cette « jungle à ferraille » qui a la frite !

Vous pouvez en quelques mots présenter votre parcourt avant la création de La Jungle en 2013 ?

Roxie : Pas grand-chose pour ma part. J'ai littéralement passé des années à intégrer ou former des groupes qui n'auraient jamais pu tourner. Ou que je finissais par saboter parce que j'allais aux répètes avec les pieds de plomb. J'ai forcément eu un groupe d'ados qui reprenait forcément un morceau de Nirvana. J'ai aussi gagné une « Battle ou the band » quand j'avais 20 ans dans le pub de notre ville natale. Notre chanteur était le frère d'un des serveurs, ça facilite les choses.

Jim : Plusieurs groupes dont Uneasy Psy, The Dancing Naked Ladies, Les Ronds Pichons, Buchkan, Pour Matthias VS Respect the cock, Petula Clarck,… J’ai surtout beaucoup tourné avec TDNL et Petula. Ce qui a permis de déjà avoir un petit réseau pour commencer à tourner avec La Jungle.


Par quel biais, quelle circonstance vous vous êtes rencontré ?

Jim : Via l’organisation de concerts dans la région de Mons. On était plusieurs à faire cela chacun de son côté. Il y avait encore pas mal de lieux pour ça. Mais pas trop de public, donc on a décidé de mutualiste nos forces en une seule asso et Dewane Collective était né. Je cherchais un batteur pour un faire un autre groupe en plus de Petula Clarck. Rémi m’a envoyé une vidéo. Et la semaine d’après on démarrait ce qui allait devenir La Jungle dans le garage de ses parents.


Photo @ Fred Labeye

Qu’est-ce qui vous a motivé, l’élément déclencheur qui vous a donné envie de créer La Jungle ? D’ailleurs pourquoi ce nom ?

Roxie : Je crois que le simple fait d'avoir la possibilité de faire un duo avec quelqu'un d'autre qui s'intéresse un peu à la scène noise relevait tout simplement du miracle dans une ville comme Mons. On a peut-être vu ça comme une opportunité à saisir. Concernant le nom de groupe, j'aurai voulu qu'on s'appelle La Plage, mais un groupe de Liège portait déjà ce nom.

Jim : On avait pensé ‘Faune Sauvage’ à un moment. Puis vient le moment où tu sors l’album ou alors tu as un concert, du coup il te faut un nom.  On désirait un truc fun, spontané. La Jungle est sorti, comme une évidence, on a de suite check si s’était pas pris comme nom sur le web et Bandcamp, ça ne l’étais pas. Il se trouve que 3 mois après, il y a eu le groupe de rap La Jungle à Lyon, La jungle (camp de réfugié sur calais) et aussi Jungle, un collectif musical anglais. Mais voilà, La Jungle est resté, notre jungle à nous disons. On était tous les deux d’accord sur le nom.

Photo @ Romuald Strzelczyk

Dès le départ vous avez senti que ce projet devait avoir la forme d’un duo ?
Ou c’est parce que vous n’avez pas trouvé d’autres musiciens ?


Roxie : Cette question est toujours intéressante car Mathieu et moi n'y répondons jamais de la même manière. À l'époque je voulais clairement un duo comme Pneu, That Fucking Tank ou Hella. Un truc noise un peu math-rock, très punk, qui joue vite et technique. Ce qui n'était pas forcément l'envie de Mathieu.

Jim : Oui pour moi la porte restait ouverte à un bassiste ou un bidouiller de son par exemple. J’étais plus dans le mode à faire sonner ma guitare comme un synthé. Je voyais un truc tribal urbain à la Skull Defekts que j’aime beaucoup.

Comment se passe en général la composition d’un morceau ? On sent dans votre musique un côté instinctif, quelle est la part d’improvisation dans la création d’un morceau ?

Jim : On jamme, et forcément avec mon passé dans Petula Clarck. On ne composait les chansons qu’en une heure maximum, si c’était bien, on gardait telle quelle la structure, on l’enregistrait pour le disque et on la jouait pareille en live. On voulait être au plus proche de l’instinct. Du coup le process avec La Jungle a gardé un peu de cela. Comme je disais, généralement on se retrouve au Rockerill, on jamme, des riffs surgissent on les travaille, la batterie peu amener des sonorités et inversement. On arrive pratiquement jamais avec des pistes de chansons aux répète. Sauf dans des cas précis comme la reprise de Leonard Cohen Avalanche. Où on était dans le speed pour composer. En deux répète c’était plié. Le troisième jour on enregistrait le clip et le morceau avec les copains de la Blogo.


Pochette de l’album live "Coucou Beuh !!!" (2020)

Pour prendre pleinement conscience de votre pouvoir musical, il faut vous voir en live. L’année 2020 étant le désert pour la culture vivante en interaction avec le public, vous avez édité le double album live Coucou Beuh !!!. La pochette qui montre la joie du public/spectateur est une belle captation live. Pour un duo comme vous qui est sur la route toute l’année pour rencontrer son public, comment se sont passées les années 2020 et début 2021 loin du public ?

Roxie : Disons que les premières semaines de confinement m'ont plutôt été d'un grand repos. À l'époque on faisait cent dates par an, et j'avais un boulot temps plein de programmateur dans une salle à Charleroi en même temps. Le public ne m'a pas forcément tout de suite manqué dans la mesure où j'avais enfin du temps pour prendre un café chez moi le matin, seul en télétravail, ou tout simplement dormir. Le grand luxe. Dans les mois qui ont suivi, on a investi notre énergie et notre temps assez différemment. On a créé un label, composé une foule de nouveaux morceaux qui sortiront bien plus tard, répondu à des propositions et des appels à projets. On a tourné des clips, fait des shooting et même formé un autre groupe. Plein de choses dont on n’a pas encore vraiment parlé. On n’allait pas rester visés chez nous en attendant une reprise des concerts qui n'arriverait de toute façon pas immédiatement. Le public attendra le retour des concerts mais pas nous. Impossible. Et ce n'est pas par volonté de crâner ou d'en faire plus ou moins que d'autres. C'est juste notre rythme de travail, notre processus d'écriture aussi.
 

Photo live @ David Temprano

Photo live @ Mattias Launois

Jim : Il faut juste savoir que l’on n’a pas édité le double live à cause de la pandémie. On a eu la chance d’avoir prévu les 5 sorties de 2020 en 2019. Car, en effet, il faut s’y prendre à l’avance avec les délais de pressage etc. Et dans le cas de l’album de remix, on a lancé les perches aux producteurs une semaine après la sortie du troisième album en avril 2019. Dans ce cas précis c’est un an de boulot à monter, discuter, produire, se rencontrer.

Lightning Bolt en concert au festival Villette Sonique à Paris le 30 mai 2009

Dans une interview, j’ai lu que vous aimez le groupe Lightning Bolt qui est comme vous une expérience live assez étonnante. Vous pouvez nous dire ce qui vous plait chez eux ?

Roxie : Tout. L'atypique jeu du batteur. La nonchalance du bassiste. Le rapport très frontal au public. Les pochettes d'album. Les sérigraphies. Les batteries peintes à la main. Leurs side-projects. Tout. Absolument tout. Surtout l'album Wonderful Rainbow avec Mr.Noisy sur le macaron du vinyle. Chaque morceau est une fête.

Jim : Le fait de sortir une basse, une batterie, d’appeler les copains/copines et de lancer un groupe. Peu importe le lieu. Rire, échanger, créer.

Vous avez publié au printemps 2021 votre 4ème album titré Fall Off The Apex. Vous l’avez enregistré dans la campagne normande. Quel était votre ligne éditoriale, idées/sujets en tête pour la réalisation de cet album ? Sachant que vous avez derrière vous 3 albums, et surement pas l’envie de vous répéter.

Jim : On n’a pas vraiment de ligne éditoriale. On va en studio lorsque l’on juge que l’on a assez de morceau pour en faire un. Et forcément l’album dépeint un peu les émotions ressenties à l’époque de leur composition. Mais clairement on a toujours en tête l’envie de ne pas se répéter. Simplement avancer.

Photo @ Fred Labeye

Simone Aubert (Hyperculte et Massicot) est présente sur le morceau Feu l’Homme. Vous pouvez nous parler de cette collaboration, cette rencontre, pourquoi ce choix ?

Jim : Lors de la tournée de past//Middle Age//futur, on a fait plusieurs dates avec Hyperculte. Ça a tout de suite super bien collé. L’idée de faire un salit ensemble a germé. Un an après il sortait. Naturellement on a trouvé l’idée de demander à Simone de crier Feu l’homme sur le morceau. On ne voyait personne d’autre le faire.

Le clip du morceau Le Jour du Cobra est étonnant. Vous pouvez nous en parler, le tournage. Les idées visuelles, de la mise en scène viennent de vous ou du réalisateur Fred Labeye ?

Jim : Il y a eu quelques échanges, de notes d’intention au tout début. Notamment les ambiances, les vieux shows télévisés. Mais sinon la grande partie vient de Fred. Il est même resté un peu plus taiseux que d’habitude le coco. On lui a fait confiance. Il a réuni une fidèle équipe et en deux jours c’était plié. Le tournage était serein, on pouvait apprécier les images déjà sur un petit moniteur en direct. C’était vraiment cool.

Le clip est étonnant, mais le morceau est encore plus étonnant de par son rythme indu proche de la transe, du chamanisme. Comment est né ce morceau de plus 6 minutes ?

Jim : Comme souvent il était plus proche des 10  minutes au début. C’est toujours très spontané, on tape un riff, on le déforme, on l’étire, on l’accélère puis tout se mets en place naturellement je dirais. A force de le répéter on taille dedans pour être plus efficace. On aimait bien le coté stressant du début contrasté avec la partie plus disco transe.

Pochette de l’album "Fall Off The Apex" (2021)

La pochette de l’album Fall Off The Apex est surréaliste et curieuse. Il y a une explication, un sens détourné sur ce montage photo ?

Roxie : C'est curieux que tu soulèves justement ce point. Le surréalisme. On s'est récemment rendu compte que, sans vraiment le vouloir, on a peut-être marqué une rupture avec cette pochette. Elle touche au surnaturel, peut-être même à la science-fiction, alors que nos précédentes pochettes étaient tout à fait plausibles : deux palmiers, une guillotine, des pastèques, des chevaliers. Ici, avec ces deux vaches en lévitation, on change un peu les règles du jeu.

Jim : Oui certains y voient les vestiges de nos précédents albums. Le glaive des chevaliers, les fruits éparpillés. Chacun ira de sa propre interprétation et c’est tant mieux.

Le chant est je pense chez vous plus proche de l’utilisation d’un instrument de musique que du chant dans le sens chanter. Est-ce que je me trompe ? Parlez-nous de votre approche du chant et du texte.

Roxie : Autant j'écoute plein de groupes avec une frontwoman ou un frontman chanteuse.eur, autant l'idée de jouer dans cette configuration est quelque chose qui ne me parle pas/plus du tout. Ça reviendra peut-être un jour. On est justement occupés à former un nouveau groupe avec des amis. On fusionne deux groupes pour n'en former qu'un seul avec un frontman. Instinctivement, trois des cinq membres ont pris le chant. Comme si ça tombait sous le sens, comme si le chant devenait effectivement un instrument, et pas forcément une piste à mixer par-dessus tout le reste du groupe. C'est aussi pour cette raison qu'on joue cote à cote ou en face à face, et la plupart du temps à la même hauteur de scène.

Jim : Oui exactement, on demande à l’ingé son de mixer ma voix comme une piste instrument. Mais on ne calcule pas. Si une chanson a besoin de plus de texte et de mélodie au chant et bien la porte n’est pas fermée. On ne va pas le faire non plus pour sonner plus pop ou pour avoir plus de passage radio. C’est instinctif. On compose ces temps-ci des morceaux avec beaucoup plus de chant. Ça change pour nous. Comme précisé plus haut, on aime évoluer vers quelque chose de différent à chaque fois. Ça permet de se poser, d’écrire des textes plus profonds.


La Belgique est réputée pour ses bières et surtout son nombre imposant de type de bières locaux. Vous avez notamment produit, le temps d’un brassage deux types de bière (La Source et La Canopée). C’est pour vous préparer à la suite, au cas où vous devez vous reconvertir ?

Jim
 : C’est les copains ! Et on a des copains qui font de la bière ! La première était la « TRANSE SAUVAGE » de la brasserie de la source. Avec de l’armoise dedans. Comme aux temps des chevaliers. Ensuite il y a eu « LA CANOPÉE » avec la brasserie du borinage. Pour célébrer la sortie du double Live. Avec une release party à la brasserie.  Par après « VEUVE ROUGE » de la Source. Pastèque. Cette fois pour un double concert à la brasserie. Et la petite dernière « TRANSE HUMANCE» qui est une collaboration avec Bastard Brewers de Mons et La Source. Pour une tournée itinérante avec une scène mobile à travers la wallonie. C’est toujours né autour d’un concert, d’une rencontre. On aime ça.

Lors d’une soirée chez un membre de votre famille, une personne qui n’écoute pas de la musique rock, par contre il ou elle adore la variété de Jean-Jacques Goldman et le hip hop de Booba, vous demande de décrire votre musique. Quelle sera votre description ?

Roxie : En fait, même si tu précises dans ta question « qui n'écoute pas de la musique rock », je répondrai de toute façon à cette personne que notre groupe est un duo guitare/batterie qui fait du rock. On peut nous coller toutes les étiquettes possibles et imaginables, rien ne sera jamais plus proche de la vérité que le terme « rock ». Et c'est un truc que tout le monde connait, le « rock ». Sans vouloir tomber dans un discours infantilisant, je crois vraiment que s'embarquer dans des termes comme « kraut-psyché » ou « tribal-techno» à quelqu'un qui s'en tape de la musique indé et qui voudra vite changer de sujet de conversation n'alimentera pas ton discours. Tu dis juste que c'est du rock. Et que donc ça joue assez vite et assez fort. C'est largement suffisant, et universel aussi.

Jim : C’est un groupe qui fait une musique qui en fait tu n’écoutes rien de ce que je t’explique, et du coup j’ai pas envie de pousser l’explication plus loin, vu que tu me feras un sourire en hochant de la tête, lorsque j’aurai terminé mon monologue et que tu ne sais déjà plus de quoi on parle, en ce moment même je propose de retourner au buffet. Ah non il n’y a pas de buffet, euh tu as vu dehors il y a une éclaircie !


Photo @ Lucas Debaille

Par moment votre style musical me fait penser au groupe The Young Gods. C’est un groupe que vous connaissez ? Si oui vous aimez leur musique ?

Jim
 : Oui j’ai aimé quelques morceaux du groupe. Mais je n’ai jamais acheté un album par exemple. Je les ai vus au Festival de Dour quand j’étais encore ado. Le concert sur la grande scène en extérieur était vraiment cool. On sentait le sol vibrer sous nos pieds.

Qui sont les artistes qui vous ont donné envie de créer de la musique ?

Roxie : John Stanier, Zach Hill, John Dwyer, Kurt Cobain, Brian Chippendale. Et Neil Young, évidemment.

Jim : Au tout tout début? Cohen, Cobain, les Doors, les Beatles, The Jesus Lizard.

S’il y un message à faire passer aux lecteurs du blog, c’est ici !

Roxie : Oui. Je passe ma vie sur Thinkerview en ce moment. Une chaine Youtube d'information et d'utilité publique. Je recommande vivement. Voilà.

Jim : Ne pas attendre.

La Jungle par Tom de Geeter

(1) : Chronique de l’album Fall Off The Apex ici :https://paskallarsen.blogspot.com/2021/05/la-jungle-fall-off-apex-tant-rever-du.html

https://lajungle.bandcamp.com/

https://lajungleband.com/

https://www.facebook.com/lajungleband




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