En France, on connait " la jungle de Calais ". Est-ce que vous connaissez La Jungle de Mons en Belgique ? Cette Jungle est le nom du duo rock composé de Mathieu aka Jim Frisko Binwette (basse, clavier et voix) et Rémi aka Roxie Rookie (batterie). Quelque part entre Lightning Bolt, The Young Gods, PIL, Pneu et Oiseaux-Tempête, la musique de La Jungle grille tout sur son passage. C’est clair, Mathieu (Jim) et Rémi (Roxie) sont en totale symbiose/fusion quand ils jouent ensemble. Au mois d’avril 2021, ils ont publié l’album "Fall Off The Apex" (1), l’occasion de faire connaissance avec cette « jungle à ferraille » qui a la frite !
Vous pouvez en quelques mots présenter votre parcourt avant la création de La Jungle en 2013 ?
Roxie : Pas grand-chose pour ma
part. J'ai littéralement passé des années à intégrer ou former des groupes qui
n'auraient jamais pu tourner. Ou que je finissais par saboter parce que j'allais
aux répètes avec les pieds de plomb. J'ai forcément eu un groupe d'ados qui
reprenait forcément un morceau de Nirvana.
J'ai aussi gagné une « Battle ou the
band » quand j'avais 20 ans dans le pub de notre ville natale. Notre
chanteur était le frère d'un des serveurs, ça facilite les choses.
Jim : Plusieurs groupes dont Uneasy Psy, The Dancing Naked Ladies, Les
Ronds Pichons, Buchkan, Pour Matthias VS Respect the cock, Petula Clarck,… J’ai surtout beaucoup
tourné avec TDNL et Petula. Ce qui a permis de déjà avoir
un petit réseau pour commencer à tourner avec La Jungle.
Par quel biais, quelle circonstance
vous vous êtes rencontré ?
Jim : Via l’organisation de concerts dans la région de Mons. On était plusieurs à faire cela chacun de son côté. Il y avait encore pas mal de lieux pour ça. Mais pas trop de public, donc on a décidé de mutualiste nos forces en une seule asso et Dewane Collective était né. Je cherchais un batteur pour un faire un autre groupe en plus de Petula Clarck. Rémi m’a envoyé une vidéo. Et la semaine d’après on démarrait ce qui allait devenir La Jungle dans le garage de ses parents.
Photo @ Fred Labeye
Qu’est-ce qui vous a motivé, l’élément
déclencheur qui vous a donné envie de créer La Jungle ? D’ailleurs pourquoi ce
nom ?
Roxie : Je crois que le simple
fait d'avoir la possibilité de faire un duo avec quelqu'un d'autre qui
s'intéresse un peu à la scène noise relevait tout simplement du miracle dans
une ville comme Mons. On a peut-être vu ça comme une opportunité à saisir.
Concernant le nom de groupe, j'aurai voulu qu'on s'appelle La Plage, mais un groupe de Liège portait déjà ce nom.
Jim : On avait pensé ‘Faune
Sauvage’ à un moment. Puis vient le moment où tu sors l’album ou alors tu as un
concert, du coup il te faut un nom. On
désirait un truc fun, spontané. La Jungle
est sorti, comme une évidence, on a de suite check si s’était pas pris comme
nom sur le web et Bandcamp, ça ne l’étais pas. Il se trouve que 3 mois après,
il y a eu le groupe de rap La Jungle à Lyon, La jungle (camp de réfugié sur
calais) et aussi Jungle, un collectif
musical anglais. Mais voilà, La Jungle
est resté, notre jungle à nous disons. On était tous les deux d’accord sur le
nom.
Photo @ Romuald Strzelczyk
Dès le départ vous avez senti que ce projet
devait avoir la forme d’un duo ?
Ou c’est parce que vous n’avez pas trouvé d’autres musiciens ?
Roxie : Cette question est
toujours intéressante car Mathieu et
moi n'y répondons jamais de la même manière. À l'époque je voulais clairement
un duo comme Pneu, That Fucking Tank ou Hella. Un truc noise un peu math-rock,
très punk, qui joue vite et technique. Ce qui n'était pas forcément l'envie de
Mathieu.
Jim : Oui pour moi la porte
restait ouverte à un bassiste ou un bidouiller de son par exemple. J’étais plus
dans le mode à faire sonner ma guitare comme un synthé. Je voyais un truc
tribal urbain à la Skull Defekts que
j’aime beaucoup.
Comment se passe en général la composition d’un morceau ? On sent dans votre musique un côté instinctif, quelle est la part d’improvisation dans la création d’un morceau ?
Jim : On jamme, et forcément avec mon passé dans Petula Clarck. On ne composait les chansons qu’en une heure maximum, si c’était bien, on gardait telle quelle la structure, on l’enregistrait pour le disque et on la jouait pareille en live. On voulait être au plus proche de l’instinct. Du coup le process avec La Jungle a gardé un peu de cela. Comme je disais, généralement on se retrouve au Rockerill, on jamme, des riffs surgissent on les travaille, la batterie peu amener des sonorités et inversement. On arrive pratiquement jamais avec des pistes de chansons aux répète. Sauf dans des cas précis comme la reprise de Leonard Cohen Avalanche. Où on était dans le speed pour composer. En deux répète c’était plié. Le troisième jour on enregistrait le clip et le morceau avec les copains de la Blogo.
Pochette de l’album live "Coucou Beuh !!!" (2020)
Pour prendre pleinement conscience de votre
pouvoir musical, il faut vous voir en live. L’année 2020 étant le désert pour
la culture vivante en interaction avec le public, vous avez édité le double
album live Coucou Beuh !!!. La
pochette qui montre la joie du public/spectateur est une belle captation live.
Pour un duo comme vous qui est sur la route toute l’année pour rencontrer son
public, comment se sont passées les années 2020 et début 2021 loin du public ?
Roxie : Disons que les
premières semaines de confinement m'ont plutôt été d'un grand repos. À l'époque
on faisait cent dates par an, et j'avais un boulot temps plein de programmateur
dans une salle à Charleroi en même temps. Le public ne m'a pas forcément tout
de suite manqué dans la mesure où j'avais enfin du temps pour prendre un café
chez moi le matin, seul en télétravail, ou tout simplement dormir. Le grand
luxe. Dans les mois qui ont suivi, on a investi notre énergie et notre temps assez
différemment. On a créé un label, composé une foule de nouveaux morceaux qui
sortiront bien plus tard, répondu à des propositions et des appels à projets.
On a tourné des clips, fait des shooting et même formé un autre groupe. Plein
de choses dont on n’a pas encore vraiment parlé. On n’allait pas rester visés
chez nous en attendant une reprise des concerts qui n'arriverait de toute façon
pas immédiatement. Le public attendra le retour des concerts mais pas nous.
Impossible. Et ce n'est pas par volonté de crâner ou d'en faire plus ou moins
que d'autres. C'est juste notre rythme de travail, notre processus d'écriture
aussi.
Photo live @ David Temprano
Photo live @ Mattias Launois
Jim : Il faut juste savoir que
l’on n’a pas édité le double live à cause de la pandémie. On a eu la chance
d’avoir prévu les 5 sorties de 2020 en 2019. Car, en effet, il faut s’y prendre
à l’avance avec les délais de pressage etc. Et dans le cas de l’album de remix,
on a lancé les perches aux producteurs une semaine après la sortie du troisième
album en avril 2019. Dans ce cas précis c’est un an de boulot à monter, discuter,
produire, se rencontrer.
Lightning Bolt en concert au festival Villette Sonique à Paris le 30 mai 2009
Dans une interview, j’ai lu que vous aimez le groupe Lightning Bolt qui est comme vous une expérience live assez étonnante. Vous pouvez nous dire ce qui vous plait chez eux ?
Roxie : Tout. L'atypique jeu du
batteur. La nonchalance du bassiste. Le rapport très frontal au public. Les
pochettes d'album. Les sérigraphies. Les batteries peintes à la main. Leurs
side-projects. Tout. Absolument tout. Surtout l'album Wonderful Rainbow avec Mr.Noisy
sur le macaron du vinyle. Chaque morceau est une fête.
Jim : Le fait de sortir une
basse, une batterie, d’appeler les copains/copines et de lancer un groupe. Peu
importe le lieu. Rire, échanger, créer.
Vous avez publié au printemps 2021 votre 4ème album titré Fall Off The Apex. Vous l’avez enregistré dans la campagne normande. Quel était votre ligne éditoriale, idées/sujets en tête pour la réalisation de cet album ? Sachant que vous avez derrière vous 3 albums, et surement pas l’envie de vous répéter.
Jim : On n’a pas vraiment de ligne éditoriale. On va en studio lorsque l’on juge que l’on a assez de morceau pour en faire un. Et forcément l’album dépeint un peu les émotions ressenties à l’époque de leur composition. Mais clairement on a toujours en tête l’envie de ne pas se répéter. Simplement avancer.
Photo @ Fred Labeye
Simone Aubert (Hyperculte et Massicot) est présente sur le morceau Feu l’Homme. Vous pouvez nous parler de cette collaboration, cette rencontre, pourquoi ce choix ?
Jim : Lors de la tournée de
past//Middle Age//futur, on a fait plusieurs dates avec Hyperculte. Ça a tout de suite super bien collé. L’idée de faire un
salit ensemble a germé. Un an après il sortait. Naturellement on a trouvé
l’idée de demander à Simone de crier
Feu l’homme sur le morceau. On ne
voyait personne d’autre le faire.
Le clip du morceau Le Jour du Cobra est étonnant. Vous pouvez nous en parler, le tournage. Les idées visuelles, de la mise en scène viennent de vous ou du réalisateur Fred Labeye ?
Jim : Il y a eu quelques
échanges, de notes d’intention au tout début. Notamment les ambiances, les
vieux shows télévisés. Mais sinon la grande partie vient de Fred. Il est même
resté un peu plus taiseux que d’habitude le coco. On lui a fait confiance. Il a
réuni une fidèle équipe et en deux jours c’était plié. Le tournage était
serein, on pouvait apprécier les images déjà sur un petit moniteur en direct.
C’était vraiment cool.
Le clip est étonnant, mais le morceau est encore plus étonnant de par son rythme indu proche de la transe, du chamanisme. Comment est né ce morceau de plus 6 minutes ?
Jim : Comme souvent il était
plus proche des 10 minutes au début.
C’est toujours très spontané, on tape un riff, on le déforme, on l’étire, on
l’accélère puis tout se mets en place naturellement je dirais. A force de le
répéter on taille dedans pour être plus efficace. On aimait bien le coté
stressant du début contrasté avec la partie plus disco transe.
Pochette de l’album "Fall Off The Apex" (2021)
La pochette de l’album Fall Off The Apex est surréaliste et curieuse. Il y a une explication, un sens détourné sur ce montage photo ?
Roxie : C'est curieux que tu
soulèves justement ce point. Le surréalisme. On s'est récemment rendu compte
que, sans vraiment le vouloir, on a peut-être marqué une rupture avec cette
pochette. Elle touche au surnaturel, peut-être même à la science-fiction, alors
que nos précédentes pochettes étaient tout à fait plausibles : deux
palmiers, une guillotine, des pastèques, des chevaliers. Ici, avec ces deux
vaches en lévitation, on change un peu les règles du jeu.
Jim : Oui certains y voient les
vestiges de nos précédents albums. Le glaive des chevaliers, les fruits
éparpillés. Chacun ira de sa propre interprétation et c’est tant mieux.
Le chant est je pense chez vous plus proche de l’utilisation d’un instrument de musique que du chant dans le sens chanter. Est-ce que je me trompe ? Parlez-nous de votre approche du chant et du texte.
Roxie : Autant j'écoute plein
de groupes avec une frontwoman ou un frontman chanteuse.eur, autant l'idée de
jouer dans cette configuration est quelque chose qui ne me parle pas/plus du
tout. Ça reviendra peut-être un jour. On est justement occupés à former un
nouveau groupe avec des amis. On fusionne deux groupes pour n'en former qu'un
seul avec un frontman. Instinctivement, trois des cinq membres ont pris le
chant. Comme si ça tombait sous le sens, comme si le chant devenait
effectivement un instrument, et pas forcément une piste à mixer par-dessus tout
le reste du groupe. C'est aussi pour cette raison qu'on joue cote à cote ou en
face à face, et la plupart du temps à la même hauteur de scène.
Jim : Oui exactement, on
demande à l’ingé son de mixer ma voix comme une piste instrument. Mais on ne
calcule pas. Si une chanson a besoin de plus de texte et de mélodie au chant et
bien la porte n’est pas fermée. On ne va pas le faire non plus pour sonner plus
pop ou pour avoir plus de passage radio. C’est instinctif. On compose ces
temps-ci des morceaux avec beaucoup plus de chant. Ça change pour nous. Comme
précisé plus haut, on aime évoluer vers quelque chose de différent à chaque
fois. Ça permet de se poser, d’écrire des textes plus profonds.
La Belgique est réputée pour ses bières et
surtout son nombre imposant de type de bières locaux. Vous avez notamment
produit, le temps d’un brassage deux types de bière (La Source et La Canopée).
C’est pour vous préparer à la suite, au cas où vous devez vous reconvertir ?
Jim : C’est les copains !
Et on a des copains qui font de la bière ! La première était la « TRANSE
SAUVAGE » de la brasserie de la source. Avec de l’armoise dedans. Comme
aux temps des chevaliers. Ensuite il y a eu « LA CANOPÉE » avec la
brasserie du borinage. Pour célébrer la sortie du double Live. Avec une release
party à la brasserie. Par après
« VEUVE ROUGE » de la Source. Pastèque. Cette fois pour un double
concert à la brasserie. Et la petite dernière « TRANSE HUMANCE» qui est
une collaboration avec Bastard Brewers de Mons et La Source. Pour une tournée
itinérante avec une scène mobile à travers la wallonie. C’est toujours né
autour d’un concert, d’une rencontre. On aime ça.
Lors d’une soirée chez un membre de votre famille, une personne qui n’écoute pas de la musique rock, par contre il ou elle adore la variété de Jean-Jacques Goldman et le hip hop de Booba, vous demande de décrire votre musique. Quelle sera votre description ?
Roxie : En fait, même si tu
précises dans ta question « qui
n'écoute pas de la musique rock », je répondrai de toute façon à cette
personne que notre groupe est un duo guitare/batterie qui fait du rock. On peut
nous coller toutes les étiquettes possibles et imaginables, rien ne sera jamais
plus proche de la vérité que le terme « rock ». Et c'est un truc que
tout le monde connait, le « rock ». Sans vouloir tomber dans un
discours infantilisant, je crois vraiment que s'embarquer dans des termes comme
« kraut-psyché » ou « tribal-techno» à quelqu'un qui s'en tape
de la musique indé et qui voudra vite changer de sujet de conversation
n'alimentera pas ton discours. Tu dis juste que c'est du rock. Et que donc ça
joue assez vite et assez fort. C'est largement suffisant, et universel aussi.
Jim : C’est un groupe qui fait
une musique qui en fait tu n’écoutes rien de ce que je t’explique, et du coup
j’ai pas envie de pousser l’explication plus loin, vu que tu me feras un
sourire en hochant de la tête, lorsque j’aurai terminé mon monologue et que tu
ne sais déjà plus de quoi on parle, en ce moment même je propose de retourner
au buffet. Ah non il n’y a pas de buffet, euh tu as vu dehors il y a une
éclaircie !
Photo @ Lucas Debaille
Par moment votre style musical me fait penser
au groupe The Young Gods. C’est un groupe que vous connaissez ? Si oui vous
aimez leur musique ?
Jim : Oui j’ai aimé
quelques morceaux du groupe. Mais je n’ai jamais acheté un album par exemple.
Je les ai vus au Festival de Dour quand j’étais encore ado. Le concert sur la
grande scène en extérieur était vraiment cool. On sentait le sol vibrer sous
nos pieds.
Qui sont les artistes qui vous ont
donné envie de créer de la musique ?
Roxie :
John Stanier, Zach Hill, John Dwyer, Kurt Cobain, Brian Chippendale. Et Neil Young, évidemment.
Jim : Au tout tout début? Cohen, Cobain, les Doors, les Beatles, The Jesus Lizard.
S’il y un message à faire passer aux
lecteurs du blog, c’est ici !
Roxie : Oui. Je passe ma vie sur Thinkerview en ce moment. Une chaine Youtube d'information et d'utilité publique. Je recommande vivement. Voilà.
Jim : Ne pas attendre.
La Jungle par Tom de Geeter
(1) : Chronique de l’album Fall Off The Apex ici :https://paskallarsen.blogspot.com/2021/05/la-jungle-fall-off-apex-tant-rever-du.html
https://lajungle.bandcamp.com/
https://www.facebook.com/lajungleband
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