lundi 19 septembre 2022

"JE, TU, ELLES…" de Peter Foldès (ORTF/Les Films de la Pléiade) – 1969


J’ai découvert le film Je, Tu, Elles… de Peter Foldès, le dimanche 18 septembre 2022 à L’Étrange Festival, 28ème édition (1), qui nous projeté ce film invisible, peut-être passé à l’époque (en 1973 ?) en salle, juste une ou deux fois. En tout cas il n'existe pas d'affiche, n'y de bande annonce du film. Et la date de passage (s'il y en a eu) à la télévision n'est pas mentionnée.

Après 79 minutes, j’en suis ressorti tout retourné, les yeux pétillants, à la vue des images psyché pop, d’un montage qui mélange, images réelles, animations et fantastique. Avec l’O.R.T.F. à la production, on est ici très proche des émissions pop de Jean-Christophe Averty. Ainsi pas étonnant que Peter Foldès ait travaillé sur les émissions Dim Dam Dom de Daisy De Galard où ont participés les grands, les génies, J.C. Averty, Roland Topor, Agnès Varda, Gérard Pirès (dont son film Erotissimo -1968- est un must).

Réalisé en 1969, Je, Tu, Elles… est l’unique film de Peter Foldès (1924-1977). A noter que ce film a reçu la médaille d’argent de la Biennale de Venise en 1969. D’origine hongroise, Peter Foldès a travaillé à la télévision française, époque O.R.T.F. sur de nombreuses émissions, notamment pour les génériques (Stade 2), habillage visuel et surtout il a réalisé de nombreux films d’animations, dont en 1975, Horloge psychédélique pour Antenne 2. C’est dommage qu’il n’a pas fait plus de film pour le cinéma, car Peter Foldès a beaucoup de talent coté mise en scène.

Je, Tu, Elles… cumule de nombreux atouts. Comme je l’ai écrit plus haut, dans un premier temps, le mix images réelles avec l’animation pop psyché et le conte fantastique, qui nous fait accepter l’histoire sans aucune difficulté.

Synopsis :

"Une jeune femme (Jacqueline Coué) devant garder des enfants chez Valéry (Henri Piégay) un artiste peintre, découvre que ce dernier a miniaturisé sa femme (Monique Lejeune) pour la protéger d’un monde hostile."

Époque hippie, fin 60 oblige, voir une femme, puis un homme en miniature dans un frigo, voir une femme qui achète des hommes tout emballés, des hippies tuer des flics qui viennent de les verbaliser, tout cela coule de source, grâce à la poésie surréaliste et pop du réalisateur Peter Foldès. On regarde les yeux grand ouvert ce monde enchanté défiler devant nous.

Deuxième atout, la distribution. Je, Tu, Elles… permet de voir de nombreux acteurs et actrices connus ou qui vont le devenir. Ainsi on voit à l’écran, Francis Blanche dans le rôle du galeriste interviewé par Denise Claser (célèbre présentatrice de l’O.R.T.F., notamment pour l’émission musical Discorama) qui  raconte l’histoire de l’artiste Valéry. On voit la débutante Anémone, Bernadette Lafont qui a tournée l’année précédente le film Les Idoles de Marc’O, et va tourner La Fiancée du pirate de Nelly Kaplan, film qui deviendra culte. Dans le rôle de Valéry, l’acteur Henri Piégay, dont le visage parle aux habitués de la télévision qui ont connu l’O.R.T.F. (Les chevalier de la Maison Rouge, Rocambole, A vous de jouer Milord), l’actrice Juliette Berto (La Chinoise de J.L. Godard, Slogan de Pierre Grimblat, Sex Shop de Claude Berri) et l’actrice Douchka qui a surtout travailler pour la télévision. Tous ses acteurs, avec Francis Blanche en tête, nous amènes dans le monde absurde, fantastique, pop de Peter Foldès avec une légèreté, une liberté qui n’appartient qu’a l’époque des sixties, où tout semblais sortir d’hallucination sous LSD.

 

A propos de LSD, qui de mieux que le groupe Gong et Daevid Allen pour illustrer l’univers coloré de Peter Foldès. Car le troisième point fort du film est sa Bande Originale, qui est juste génial. En 1969, le groupe Gong n’a pas encore publié d’album, mais il est en train d’enregistrer Magick Brother qui sortira en 1970. La musique cosmique/krautrock de ses fous furieux est idéale pour illustrer les animations psychédéliques et les passages de rêves, avec les acteurs dans des décors aussi pop 70 que des seins colorés de la taille d’un fauteuil ou de téléphones géants. Et comme si la musique da Daevid Allen ne suffisait pas, à la composition musicale, il y a également Bernard Parmegiani (trois albums sur le label Transversales Disques) et Robert Cohen-Solal (créateur de la musique des Shadoks de Jacques Rouxel), tous deux membres du Groupe de Recherche Musicales (GRM),  créé en 1958 par Pierre Schaeffer, qui a justement co-produit Je, Tu, Elles… car depuis 1960 il fait partie du Service de la recherche de la Radio-télévision Française (RTF). Ainsi à la bande son, le groupe d’allumé Gong avec les pionniers de la musique électro acoustique, autant dire que cela donne une musique génial. Le seul regret, c’est qu’à ce jour, elle ne soit pas publiée. Appel d’un fan aux labels ! Tout comme le film qui n’a jamais été publié en vidéo. Un combo Blu-ray, B.O. du film en CD avec un livret, ce serait que du bonheur. Allo l'INA ? En attendant, je vais garder dans ma tête cette magnifique découverte made in France échappée à la fin des sixties. Sacré Français !

Peter Foldès

(1): Petite bafouille sur la programmation du festival ici : https://paskallarsen.blogspot.com/2022/09/letrange-festival-28eme-edition-du-6-au.html

https://www.etrangefestival.com/2022/fr/show/aller-a-dieppe-et-voir-la-mer-je-tu-elles


La vidéo ci-dessous n’est pas un extrait de Je, Tu, Elles…, mais le court métrage La Faim (1974). Ce film d’animation permet de voir le style graphique de Peter Foldès.

 

Un internaute a posté le film sur YouTube:

dimanche 18 septembre 2022

CORNERSHOP "England is a Garden Instrumentals" (Ample Play Records) – 18 juin 2021


En 2021, le groupe londonien Cornershop a publié deux albums vinyles. Le premier est la version instrumentale d’England Is A Garden (1) sorti en mai 2020. Le deuxième est la version vinyle de l’album And The Double-O Groove Of sortie en 2011 en CD. Cette édition 2021 permet de fêter les 10 ans de cet album composé avec la chanteuse Bubbley Kaus.

England Is A Garden en version instrumentale sans la voix de Tjinder Singh, s’écoute avec grand plaisir, car la musique indie pop de Cornershop est tellement ludique et solaire, qu’elle peut se suffire a elle-même sans la présence de la voix Tjinder, même si  on l’aime beaucoup. Ces versions permettent de redécouvrir ce bel album qui est revenue aux fondamentaux du SON, du style de Cornershop. Ainsi après avoir touché au dub, au funk, au groove, à l’électro, England is a Garden se veut plus pop, avec un son indé/Rough Trade  85-90 typiquement anglais/Royaume-Unis (= Primal Sceam, Stereolab, Pulp, The Soup Dragons, That Petrol Emotion) auquel le plaisir reste intact. D’autant qu’ici, coté instrumentation, on dépasse la format guitare/basse/batterie avec la présence de nombreux musiciens qui viennent jouer du violon, de la flute, clarinette, trompette, des synthétiseurs, évidemment de la sitar, l’instrument fétiche de Cornershop. Ces versions instrumentales permettent encore plus de savourer les mélodies, les harmonies et la richesse des compos de Tjinder. Évidemment, écouter à la suite la version normal et la version instrumentale donne la mesure de ce bel album chaudement recommandé, car c’est du Cornershop grand cru, ou plutôt grand arôme, vu que Tjinder ne bois pas du vin, mais du thé.

(1): Chronique de l’album England Is A garden et interview de Cornershop ici : https://paskallarsen.blogspot.com/2020/05/cornershop-england-is-garden-ample-play.html

https://cornershop.bandcamp.com/



En 2011, lors de la sortie de de l’album And The Double-O Groove Ofj’ai écrit une chronique publiée dans le fanzine Abus Dangereux. Je profite de la réédition de ce disque pour la mettre ici en ligne.

Sur And The Double-O Groove Of, Tjinder Singh ne chante pas, il a laissé ce rôle à la délicieuse Bubbley Kaur. Elle était déjà présente sur le single Topknot (sortie en 2004), titre également présent sur ce disque. Tjinder a rencontré Bubbley Kaur, grâce à un ami chauffeur de taxi qui lui a dit qu’il connaissait une fille à la voix splendide. A cette époque, Bubbley chantait des chansons traditionnelles Indiennes dans les mariages et dans des cérémonies tout en travaillant dans un Lavomatic. Tjinder l’a encouragée à écrire des chansons, à partir desquelles il a créé la musique. Parfois c’était l’inverse, une petite note de musique basique modelée par les doigts en ébullition de Tjinder sur laquelle Bubbley improvisait. 

Autant dire que le résultat obtenu est une petite réussite. L’album est d’une fraicheur exquise, qui sonne diablement bien à l’oreille. Si le côté exotique emprunté à la musique traditionnelle de l’Inde est votre « face » préférée de Cornershop, par rapport au côté anglais pop/rock indé du groupe, vous allez adorer cette nouvelle livraison. C’est en effet le soleil de l’Inde, mais aussi de l’orient qui rayonne à tout va à travers la voix de Bubbey et la musique groove de Tjinder et Ben Ayres, comme sortie d’un juke-box. Soit une musique riche, où tradition se mélange avec la magie de la pop/électro occidentale.

Portés par la dynamique de Bubbley, Tjinder et Ben ont eu l’esprit très habité, très inspiré pour créer 10 chansons à fredonner en remuant les hanches avec les bras qui tournent autour. Bubbey possède une petite voix (limite intonation japonaise) adorable remplie de soleil et qui pétille à tout va. On a l’impression de se balader dans les rues de Bombay, assis au fond d’un taxi, avec la radio en fond sonore qui diffuse une musique euphorisante, une sorte de mix effectué par un DJ. Oui, une fois de plus, Cornershop chante divinement bien dans nos oreilles avec un heureux mix entre Londres et Bombay.


https://cornershop.bandcamp.com/album/cornershop-the-double-o-groove-of

https://www.youtube.com/channel/UCnyuP3gYAUEDtvQ_WqDF8KQ