Je ne vais pas dans le format chronique me permettre de vous retracer le parcours de Steven Brown. Juste en préambule de son nouvel album titré El Hombre Invisible vous rappeler qu’il a eu en 1977 la bonne idée de créer avec Blaine L. Reininger et Peter Principle (1954-2017) le groupe Tuxedomoon. Cette entité unique a illuminée la fin des années 70 et toute la décennie 80 avec des albums inclassables à l’esthétique arty qui font cohabiter avec bonheur et souplesse, les musiques punk rock (dont le morceau No Tears est un classique absolu, souvent imité, jamais égalé), jazz, musique contemporaine, new wave, avant-garde, BO de film, etc… Pas la peine d’en rajouter les cinq premiers albums sont des classiques à posséder dans toute discothèque qui se respecte. Tuxedomoon aurait dû avoir le même succès que les Talking Heads et Steven Brown la même visibilité que David Byrne, mais qu’importe, Tuxedomoon a tracé son sillon avec style et talent et surtout réalisé des concerts fabuleux qui font cohabiter la musique rock avec le théâtre, la danse et le cinéma, notamment grâce à Bruce Geduldig (1953-2016). Il était le quatrième membre du groupe, non pas au poste de musicien ou de chanteur, mais en tant qu'artiste visuel, scénographe avec ses lumières, effets optiques qu’il promenait avec son corps fluide sur la scène, donnant ainsi aux concerts de Tuxedomoon une ambiance unique, digne du cinéma expressionniste allemand. Créée en 1977 à San Francisco, Tuxedomoon n’étant pas porté par le psyché hippie, déménage à New York. Cette ville de l’avant-garde, du Velvet Underground/John Cale à Philip Glass, Talking Heads, Arto Lindsay, la no-wave est plus dans leurs veines. Ensuite ils partent pour l’Europe où ils trouvent une terre d’accueil à Bruxelles. Sur le label local, Crammed Discs, ils vont publier des albums et faire des collaborations pour la série Made To Measure. Dans la musique de Tuxedomoon on ressent le voyage, la liberté de mouvement… ainsi un nouveau saut pour Steven Brown qui profite du sommeil de Tuxedomoon depuis 1988 -le réveil sera en 1997- pour partir en 1993 vivre au Mexique, d'abord à Mexico puis à Oaxaca où il vit toujours.
Photo @ Philippe Lévy
En parallèle de Tuxedomoon, Steven Brown a publié de nombreux albums, dont des collaborations avec Blaine L. Reininger, Benjamin Lew -l’album Douzième Journée : Le verbe, la parure, l’amour a été réédité en 2021- et plusieurs B.O. de films. Steven Brown a écrit, composé, interprété et produit l’album El Hombre Invisible. Il y est accompagné de nombreux musiciens locaux, car depuis qu’il s’est installé au Mexique, notre artiste y a fait son réseau. Après avoir construit sa maison, il créé le groupe Nine Rain (4 albums plus une BO), dont on retrouve sur El Hombre Invisible Alejandro Herrena venu jouer du jarana (une guitare sèche mexicaine), l’ensemble à vent Ensamble Kafka (un album). Là c’est le tromboniste Facundo Vargas et le guitariste Julio Garcia qui sont venus compléter la dizaine de musiciens qui accompagnent Steven Brown sur cet album composé par un homme bien visible, de chair et de sang. Enfin il créé le groupe Cinema Domingo Orchestra qui interprète des nouvelles bandes sonores pour illustrer des classiques du cinéma, sans oublier son implication pour soutenir les fanfares indigènes. Steven Brown est un actif qui est tombé amoureux du Mexique et plus particulièrement de l’état d’Oaxaca avec ses montagnes, ses vallées, son architecture et ses fanfares. Malgré tout, n’allez pas en déduire que son nouvel album est un orchestre de fanfare, de cumbia ou de mariachi. Non, on reste bien dans le périmètre sonore qu’on connait si l'on est amateur de Tuxedomoon et ses musiciens en solo. Soit une musique contemporaine qui flirte avec le jazz, le romantisme, la BO pour accompagnement d’un spectacle de danse contemporaine, une touche de world, de cabaret rock. Des compositions voisines de Philip Glass, David Sylvian, David Byrne, Tom Waits, Nick Cave, Wim Mertens et une touche David Bowie époque Berlinoise. L’architecture, la texture musicale des nouvelles compositions de Steven Brown, est au petit soin. Cuivres, cordes, percussions mêlés à la voix de conteur d’El hombre Steven est un régal intemporel qui ne connait pas l’usure du temps. De plus le son de la clarinette, du saxophone, qui est la marque de fabrique de Steven Brown, fait de nouveau des étincelles. Qu’il soit à San Francisco, New York, Amsterdam, Bruxelles ou Oaxaca, notre artiste reste fidèle à son style, tout en piochant ici et là quelques ingrédients extérieurs, un peu comme l’écrivain ou le scénographe qui s’installe dans le coin d’un café pour glaner des idées échappées de la bouche ou du comportement des clients. C'est ça le talent d'un artiste, glaner et transformer pour en faire une œuvre personnelle. Pour clore cette chronique, notons que la photo de la pochette a été réalisée par Philippe Lévy, que les écumeurs de concerts parisiens ont certainement croisé avec son appareil photo.
Photo @ Philippe Lévy
Steven Brown sera en tournée européenne à partir du 24 mai 2022, avec notamment un concert au Séchoir à Mulhouse le 24 mai, au Botanique à Bruxelles le 5 juin.
https://stevenbrowntuxedomoon.bandcamp.com/album/el-hombre-invisible
http://crammed.be/index.php?id=34&art_id=119
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