Le label Soul Jazz Records vient de publier une
compilation qui a pour titre Two Synths,
a Guitar (and) a Drum Machine. Cette compilation est la première d’une
série consacrée aux groupes actuelles qui puise leurs influences dans le post
punk minimal, l’indus et le hip-hop old school de la période faste
1978-1983, soit les dignes héritiers de ESG, Suicide, Cabaret
Voltaire, Bush Tetras, A Certain Ratio. Pour ce premier
rendez-vous, - et venant de la part d’un label aussi respectable que Soul Jazz, avec son boulot de défricheur
pour réaliser depuis plus de 30 ans des compilations à thème à chaque fois
réussi-, c’est le trio Automatic qui est choisi pour ouvrir les festivités avec le morceau
Too Mush Money qui veut dire en VF "Trop
d’argent". En réécoutant ce morceau, j’ai eu envie de me replonger dans leur
unique album (à ce jour) nommé Signal.
Lors de la sortie de l’album en septembre 2019, Automatic avait fait une
tournée en passant par Paris. Le concert prévu initialement à Mains d’œuvres,
mais pour cause de souci de fermeture demandé par la mairie de Saint-Ouen, le
concert a eu lieu le 17 octobre au Supersonic
à Paris. Je ne garde pas un grand souvenir du concert, car les trois jeunes
filles d’Automatic étaient un peu timide, un peu "vert" pour
rendre justice à leur musique plutôt convaincante à écouter sur disque. Malgré
tout le concert était plaisant.
Formé en 2017, Automatic
(nom en référence au morceau Automatic des
Go-Go’s) est un groupe féminin de Los Angeles, avec au chant et au
synthé Izzy Glaudini, à la basse Halle Gaines et à la batterie Lola
Dompé. A noter que Lola Dompé est la fille du batteur Kevin Haskins
des groupes Bauhaus, Tones and Tail, Love and Rockets et
parmi tous ses autres faits d’arme, il a joué sur Coming Down (1988), premier album solo de Daniel Ash, disque
fortement conseillé, où l’on trouve aussi une petite nouvelle nommée Natacha
Atlas. Ainsi tout comme son père, Lola c’est mise à la batterie,
espérons pour elle que sa carrière sera aussi étonnante. Avec Automatic,
il est clair quelle continue le chemin tracé parson patriarche, car le
style du trio est dans le son synth-wave et cold des années 80. De plus en
signant sur le label Stones Throw Records,
qui a distribué en 2018 la réédition The
Bela Session EP de Bauhaus, les raccourcis sont rapides. L’album
contient 11 morceaux au son sec, groove (style ESG, Liquid Liquid)
et froid (style Closer de Joy
Division). Les mélodies lo-fi sont efficaces et surtout la rythmique dub de
la basse mise bien en avant, donne un tempo imparable. A l’intérieur de l’album
il y a une photo tramée en noir et blanc où l’on voit les trois filles. Sur le
bras de la bassiste Halle Graines, il y a un tatouage avec l’inscription
"Cheree", titre d’un morceau du premier album culte de Suicide. L’héritage
consommé de Suicide est bien présente sur l’album, sans devenir pesante.
Sur la face B du 45t Calling It, il y
a la reprise de Delta 5, Mind Your
OwnBusiness. Malgré ses
références bien affichées, Automatic a bien son univers musical, et son
aura communicatif, auquel il est impossible de résister. Bref, ce premier Signal fait vraiment plaisir à écouter.
Il est clair que pour
presque tous les groupes de rock, ne plus pouvoir partir en tourner jouer
devant un public est une déchirure certes financière, mais surtout sentimental
envers leur public, qui sont constitué d’hommes et de femmes fait de chair, de
sang et d’émotion. De parts les styles musicaux très divers, tous les groupes
n’ont pas le même contact avec leur public. Certains sont posé, d’autres sont
porté vers le contact charnel qui appelle à la danse, à l’union des corps. La
musique d’Altin Gün est dans la deuxième catégorie. A remember, comment oublier ce concert torride du 28 mars 2018 au festival Banlieues Bleues à Bagnolet. Ainsi à cause de la pandémie qui a changé
depuis bientôt un an notre vie culturelle, les concerts live ne se passent plus
dans les salles, mais dans notre salon à travers l’écran du Net. Pour un groupe
comme Altin Gün c’est une déchirure de ne plus pouvoir transpirer de joie en direct à
leurs coté. Le moment de convivialité live a changé pour les groupes, mais la
façon d’enregistrer a aussi changé. Au lieu d’être tous ensemble avec leurs
instruments de musique dans un studio, ils sont chacun c’est eux à s’échanger
des fichiers via l’internet. Avec ses nouvelles donnes, Altin Gün va utiliser pour ce nouvel et 3ème album l’échange de
fichier, donnant ainsi un élément électro, mais aussi new wave/80 pour les
synthés (sur Ordunun Dereleri on
pense un peu au tube Don’t You Want Me d’Human
League) qui n’était pas présent dans les albums précédents, chargés d’instruments
vintages et traditionnels pour être au plus près du son psychédélique des
années 70. Le mix entre le son synthétique des années 80 et le psyché rock turc
60-70 passe très bien sous la baguette magique d’Altin Gün. Sur certain morceaux,
comme Hey Nari, le son oriental pop qui
les a fait connaitre est bien présent et fera mouche instantanément dans le cœur
et dans les jambes du public.
La voix aux sonorités
orientales de Merve Dasdemir fait une fois de plus des merveilles, tant
son chant ensoleillé apporte la joie et l’envie de danser. Sa voix joue au ping-pong
avec celle du leader Erdinc Ecevit, donnant ainsi à l’album beaucoup de
couleurs festives. Bref un album moins marqué par le son vintage oriental des
années 60-70, mais tout aussi efficace, car Altin Gün a le groove dans la peau et l’étincelle du bonheur dans
la tête. Bref, Yol (qui veut dire
chemin) est l’album anti déprime du moment!
MES DISQUES A EMPORTER SUR UNE ILE DÉSERTE: Chronique
n°12
En seulement deux albums, le
groupe Slint a imposé un son, un style
qui va nourrir par la suite l’inspiration de nombreux artistes (Mogwai, Explosion In The Sky, Electric Electric entre-autre), qui seront rangés dans le genre post-rock et math-rock. Le
style du groupe sera à son apogée sur le deuxième opus nommé Spiderland.
En 6 morceaux, tout le savoir-faire de Slint est posé
sur la table. Au début, l’album devait être instrumental. Les paroles ont été
écrite à la dernière minute en studio. Ainsi le chant de Brian McMahan est l’élément le plus troublant (du moins à la première écoute), car
hésitante, susurré jusqu’à pousser des cris. Il ne chante pas, il cause !
A côté, la musique est plus raffinée, arty, enivrante et entêtante. Alternant
douceur, calme avec la guitare cristalline et violente avec des riffs stridents,
la musique de Slint surprend
constamment. Avec eux, malgré les apparences, on n’est pas dans une zone de
confort. Le jeu des trois guitares avec la rythmique parfois rachitique et emportée de la batterie (façon Moe Tucker du Velvet Underground), donne un assemblage à la fois complexe et
fluide à l’oreille. Si on doit chercher une référence, ce sera dans l’album Dicipline
(1981) de King Crimson, avec le son des guitares d’Adrian Belew et Robert Fripp. Les 6 morceaux forment un
tout indissociable. Ainsi comme dans un film, on va écouter les morceaux dans l’ordre
de l’album, sans vouloir en extraire un qui le sort du contexte.
Petit aparté, à la même
époque un autre groupe, Codeine allait
avec l’album Frigit Stars LP donner une version proche de Slint, pour l’art de conjuguer calme et tempête avec tallent, le tout sans
prévisions météorologique. Fin de l’aparté.
La pochette avec une photo prise
par Will Oldham alias Bonnie Prince Billy sans oublier le projet Palace Brothers, reflète bien l’ambiance de Spiderland, entre pause, détente, mais
pas à l’abris d’une éventuelle catastrophe naturelle. Comme ici avec l’eau qui
peut s’emporter d’un moment à l’autre en entrainant avec elle les quatre
membres du groupe. Cette photo sera par la suite reprise par The Shins pour leur clip New Slang.
Le premier album nommé Tweez
a été produit par le big Steve Albini. Le groupe
a été déçu du résultat, ainsi pour le deuxième album c’est le producteur Brian Paulson qui est derrière les manettes. Pourtant en 1991, ce producteur n’a pas un
CV aussi étonnant que Steve Albini. Mais qu’importe, le son de Spiderland est
une réussite qui marquera son empreinte au fil du temps.
L’album est publié sur le
label indé Touch and Go. Depuis le début des années 80, ce label de
Chicago est un poids lourd dans le domaine de la musique noise et HC. On y
trouve les groupes les plus intéressants dans ce style bruit blanc qui décape,
ainsi sans même connaitre le groupe, une publication Touch and Go
demande une écoute. Juste quelques noms: Butthole Surfers, Killdozer, Big Black, Rapeman, The Jesus Lizard, Rollins Band, Silverfish, Die Kreuzen.
J’ai acheté l’album en CD
dès sa sortie chez le disquaire Dancetaria. Le vendeur Stéphane, m’avais fait découvrir le groupe avec l’album Tweez, que j’ai
acheté en vinyle. Ce disque a beaucoup tourné sur ma platine. A cause du style
musical, qui n’aime pas les craquements, j’ai acheté le deuxième album en CD.
Lui aussi a beaucoup tourné dans le lecteur CD. Quand un ami passait à l’appart,
il avait droit à une écoute forcée de l’album. A l’unanimité, Spiderland
plaisait. On l'a chroniqué dans le fanzine Hyacinth (5ème floraison), dont ici une petite phrase : "Loin de se limiter à la guitare 3 notes avec saturation, les musiciens hors-normes de Slint ouvrent sans doute de grands portes avec de réelles perspectives d'évolution." Coté perspectives, vu que Slint va splitter après l'album, ce sera pour les musiciens vers d'autres projets musicaux. Bizarrement dans la playlist Hyacinth, l'album n'est que 15ème sur 20. Le premier étant Goat de Jesus Lizard.
Pour écrire cette petite chronique, j’écoute l’album en bande son. Cela
doit faire plus de 10 ans que je ne l’ai pas écouté. Il est clair qu’en 2021, ce
disque reste toujours un OVNI dans l’espace-temps du rock indé, que d’autres
générations de guitaristes vont à leur tour pouvoir se l’approprier. Après la
publication de Spiderland, qui n’a pas eu a sa sortie de
succès, en dehors du cercle des amateurs de noise et de HC, le groupe se
sépare. Chaque membre va poursuivre sa carrière. David Pajo en solo sous son nom, ou sous les pseudos de Areal M et Papa M, mais aussi dans la grosse pointure Tortoise, les
groupes Zwan et Early Man. Brian MacMahan a formé The For Carnation et joué dans le premier album de Palace
Brothers. Britt Walford a joué dans Evergreen, King Kong et sur l’album Pod des Breeders. Todd Brashear a été moins
productif, mais il a aussi joué sur le premier album de Palace Brothers.
Touch and Go vient de publier un EP deux titres avec les morceaux Breadcrumb
Trail et Good Morning, Captain. Cet EP est pour les fans
collectionneurs, car la différence entre les versions définitives sur l’album
ne sont pas renversantes.
En 2005, Slint se reforme le temps d’une tournée
(qui va se prolonger en 2007 avec un concert à Paris au Bataclan). N’ayant
jamais vu le groupe en concert, avec des amis on va le 3 mars à Reims à La Cartonnerie pour l’unique date
française. Pour le fanzine Abus Dangereux face 92 avril/mai 2005, j’avais écrit une chronique, la voici ci-dessous :
"Slint s’est reformé le temps d’une
tournée mondiale, avec une date unique en France dans une nouvelle salle au son
irréprochable à Reims. Petit rappel : Groupe culte de la fin des années 80’s
avec deux albums essentiels, dont Spiderland
qui a servi de modèle à la scène post-rock. En pleine rage noise/hardcore, Slint créait le HC sous prozac. Retour
an 05 : les morceaux sont joués note pour note comme sur les albums. Il n’y
a que l’ordre des titres qui change. En live on se rend mieux compte de ce
style plombé (limite Black Sabbath)
mélangé à une noise cristalline, parfois jazzy pour le côté technique, toute en
mélodies et en atmosphères lumineuses, limite religieuses. De plus le chanteur
est installé sur le côté de la scène et de profil, ça fait son effet. Bref, le
groupe séduit. Le seul bug est les 3-4 minutes d’attente entre les morceaux pour
les changements d’instruments. Certains critiqueront ce côté appliqué, comme si
le groupe jouait avec des partitions, mais au final ces 80 minutes avec Slint se dégustent comme du caviar. Monade, le groupe de Laeticia Sadier de Stereolab a assuré la première partie avec un set joliment pop.
Malheureusement mauvaise note pour l’organisation :
interdiction de fumer (on est en 2005), de boire, d’enregistrer et de prendre
des photos. Deux videurs passaient leur temps à tourner en rond parmi le public,
comme si c’était la police. Le pompon, le concert à peine fini, il faut
quitter immédiatement la salle. Pas très rock tout ça ! Normal c’est du
POST rock."