vendredi 9 février 2024

SECONDE CHAMBRE : En plein cœur des années 80

Aujourd’hui, je vous propose un petit papier sur le groupe Seconde Chambre, groupe noise et cold wave d’Angers qui a existé de 1983 à 1989. Dans la première version du groupe, il y a Jean-Pierre (chant, guitare) et Gilles (basse) Théolier (ils sont cousins) et Patrice Cottenceau (batterie). Ensuite Dominique Gardais vient les rejoindre pour le chant, mais son passage sera éphémère. Quand Gilles Théolier se met à la guitare, Laurent Limousin vient en renfort au poste de bassiste. A la fin de l’aventure, le guitariste Vil Coyote vient compléter le groupe, puis laissera sa place à Big Pat, et enfin sur le 3ème album, Javier Maillet est de la partie au poste de bassiste. Il y a eu du passage dans la chambre !


Sur leurs six années d’existence, Seconde Chambre a publié sur le label Divine (grâce à leurs amis rennais Complot Bronswick) le mini LP Lord Brain (1985), l’album éponyme Seconde Chambre (1986) et en CD l’album An Expensive Party (1989) sur le label Black & Noir. Malgré cette courte discographie, Seconde Chambre a laissé une empreinte fondamentale dans la musique cold et new wave mélancolique, avec des échappés noise rock, teintées de no-wave. Le fait que leur son, et surtout la voix de Jean-Pierre soit très marqué année 80, donne au groupe une patine qui fait plaisir à écouter et surtout qui garde son charme sur le fil du temps. Une des forces du groupe est le mélanger cold wave et noise, limite indus, sur des textes en anglais et surtout en français, ce qui était à l’époque pour un groupe de rock, un peu casse gueule. L’album éponyme contient six textes en français (plus un en anglais), portés par le timbre sombre, habité, parfois violent de la voix de Jean-Pierre. La basse bien en avant et les riffs de guitares bien coupantes, donnent aux compos une originalité qui en prime se bonifie au fil des écoutes. Le chant fragile, parfois théâtrale de Jean-Pierre peut agacer certaines personnes, mais perso, je trouve que ses maladresses, parti prit vocaux qui jouent avec les limites de la voix, sont un plus pour l’originalité du groupe.


Car la musique de Seconde Chambre est vraiment originale. Leurs albums ne sont pas dans une zone de confort. Après un morceau cold mélancolique, l’enchainement avec un morceau complètement noise, limite bruitiste (Un banquet de géant), peut venir semer le trouble pour finir avec un petit instrumental (la fin de la face B de Lord Brain). Les morceaux sont mélangés, pour ne pas rester dans une unité de style. Sur Lord Brain, j’ai un petit faible pour Emptiness, qui évoque Joy Division. Le morceau est suivi du très noise Therese Neumann qui aurait fait bonne figure sur le Psychocandy de The Jesus and Mary Chain, sorti la même année. Mais le "tube" du mini LP est le morceau titre Lord Brain, avec la rythmique de la basse qui casse tout sur son passage, aidé par le riff de la guitare, esprit The Banshees/Killing Joke/Warsaw et The Velvet Underground pour l’apothéose final du morceau, où le chant est également dans tous ses états. Enfin, un des charmes de Lord Brain, est le son, parfois proche de la cassette démo, lui donnant une fragilité humaine. On a peur que ça casse, qu’il va y avoir un accident à cause d’une impression de manque d’expérience. C'est ce qui donne justement toute la grandeur au disque. Ici le fil est tendu. Un peu d’inconfort donne tout son piment à cette première mise en bouche, qui fut à l’époque très apprécié par Emmanuelle Debaussart du mensuel Best. C’est d’ailleurs grâce à cette revue musicale que j’ai connu Seconde Chambre bien chroniqué dans le mensuel. Lord Brain a été enregistré et mixé à Rennes par Nicolaïs Ada, qui connait bien la cold wave française pour avoir produit Norma Loy, End Of Data, Complot Bronswick.

L’album éponyme de 1986, est quant à lui mieux produit, ce qui permet d’entrer de plein pied dans leur usine sonique, avec en ouverture l’instrumentale Karma Dance qui porte bien son titre. Victoire Prochaine est le brulot de l’album. Pas étonnant qu’en 2016, le groupe Frustration reprend ce morceau en face B du 45 tours Autour de toi. Fabrice, le chanteur de Frustration est fan depuis toujours de Seconde Chambre. Sur l’album en rapport au mini-LP, il y a plus de tensions, de chemins de traverses coupés par la chute d’un arbre. Entre les larsens, il y a de la douceur. Seconde Chambre ouvre ici sa porte, mais aussi ses fenêtres pour qu’on profite au maximum du travail sur le son, sur la complexité du cerveau pour accoucher des mélodies à la fois assassines et poétiques, comme s’il pleuvait des éclairs sous un épais brouillard. Oui, ce groupe Angevin, ne ressemble à nul autre, et il est clair qu’il y aura toujours un curieux qui découvrira ce groupe pour passer le relais, faire de sorte qu’on n’oublie pas Seconde Chambre, groupe majeur de la scène cold française des années 80.

Pour clore la chronique, en 2008, le label Brouillard Définitif publie le CD Victoires Prochaines 83-89 qui contient les trois albums, plus des inédits avec les reprises Digital de Joy Division et Decadence de Kevin Ayers. Après Seconde Chambre, nos musiciens restent connectés au rock. Patrick Cottenceau va rejoindre le groupe Dirty Hands, Jean-Pierre Théolier intègre le groupe Explosive Coolies, Gilles Théolier et Javier Maillet sont quant à eux dans le groupe Hydrolic Systems. Mais ceci nous éloigne des deux premiers albums de Seconde Chambre, que je trouve nettement plus novateur. Bref, si vous ne connaissez pas ses albums, n’hésitez pas à ouvrir la porte de cette chambre située à Angers dans les années 80.


https://brouillard-definitif.bandcamp.com/album/victoires-prochaines-83-89-2xcd

https://www.discogs.com/artist/358947-Seconde-Chambre






jeudi 8 février 2024

ANANDAMMIDE présente le morceau "Eura", premier extrait de l’album "Eura" qui sortira le 5 avril 2024


Ceux qui suivent mon blog, savent que j’ai une admiration et tendresse toute particulière pour la musique d’Anandammide. C’est le leader, auteur compositeur, multi instrumentiste Michele qui m’envoie le 3 février 2021 un mail pour me faire écouter son album Eartly Paradise (1) sorti confidentiellement en novembre 2020. Son mail commence par cette phrase : "Je te contacte pour te signaler la sortie du premier album de mon nouveau groupe de folk prog psyché avec le label italien Lizard Records." Dans la phrase il y a les mots magiques "folk prog psyché". Des liens pour écouter des disques, j’en reçois une vingtaine par jour. J’essaie dans la mesure du possible de les écouter, sauf si la musique est trop loin de mes gouts. Dans le mail il y a un lien pour télécharger l’album, ce que je m’empresse de faire, car dès qu’il s’agit de psyché, ma curiosité est décuplée. Malgré la sono désuète de mon ordi, dès les premières notes de Singer of an empty day, je suis sous le charme. On est immédiatement dans l’espace temporel 1967-1972 d’une musique acid folk. Le morceau titre enfonce le clou, c’est le coup de cœur ! Je réponds illico à Michele pour lui exprimer ma joie d’écouter sa musique et lui propose une interview pour le fanzine Abus Dangereux (qui sera publiée dans le n°157-Juin 2021). La version intégrale de l’interview est en ligne sur mon blog (2). N’étant pas égoïste, j’en profite pour faire partager cette découverte à mes amis Phil Spear et Christophe, fans d’acid folk. Depuis on est resté en contact, notamment pour le suivi de ses concerts, et de l’évolution du 2ème album qui lui aura pris du temps, car Michele compose sur son temps libre, en parallèle à son métier d’architecte. D’ailleurs pas étonnant que sa musique soit si belle, car une des qualités de l’architecte est de créer des bâtiments aux visuels originaux pour le confort de ses habitants.

On arrive au nouvel album qui pointe son nez avec un premier extrait titré Eura (avec au chant Lisa Isaksson mieux connue sous le nom de Lisa O Piu). Avec Spear et Christophe, j’ai eu le privilège d’écouter à domicile chez Michele l’album en première exclusivité. Après un bon repas, avec en écoute des disques vinyles originaux extraits de la collection de Michele, on s’installe dans le canapé et on écoute religieusement les nouvelles compos. La tension est forte, car le premier album étant un sans-faute, on espère qu’il en sera de même pour le nouveau. Après 40 minutes, le verdict tombe, c’est une nouvelle fois une splendeur, d’autant que ce n’est pas une redite du premier. Les nouvelles compos sont plus dynamiques, il y a une dimension krautrock. Les trois premiers morceaux sont d’ailleurs des tubes psyché en puissance, tant les arrangements sont à tomber. Bref, on redemande à réécouter l’album pour voir si c’est n’est pas un rêve qu’on a vécu. Et non, après la 2ème écoute, il s’agit bien de vérité. Sous l’émotion, on ne trouve pas de mots pour le féliciter, juste des banalités. Ce qui est fou, c’est que cet album aux arrangements à tomber, a été composé, enregistré dans la chambre de Michele. Seul face a son ordinateur et ses instruments analogiques, Michele au fil des mois a tissé sa toile pour en faire un nouveau chef-d'œuvre. Chapeau l’artiste bâtisseur !

(1): Chronique de l’album Earthly Paradise ici : https://paskallarsen.blogspot.com/2021/02/anandammide-earthly-paradise-lizard.html

(2): Interview de Michele ici : https://paskallarsen.blogspot.com/2021/10/anandammide-sous-la-lune-exactement.html

Nota: Eura est en écoute sur le lien Bandcamp ci-dessous: 

https://anandammide.bandcamp.com/album/eura

https://www.facebook.com/Anandammide/