"Tribute n’est ni un « best of » réunissant les titres les plus connus de KaS Product, ni un « tribute » les faisant reprendre par d’autres artistes. C’est au sens premier du terme un hommage, celui que Mona Soyoc a voulu rendre à son complice Spatsz, « l’homme important de sa vie », subitement décédé en février 2019 alors qu’ils travaillaient sur de nouveaux titres." (Texte extrait de la page Bandcamp de KaS Product)
Ce Tribute hommage à Spatsz contient 18 morceaux. 11 morceaux extraits des trois albums studio: Try Out (1982), By Pass (1983), Ego Eye (1986) dont les iconiques Pussy X, T.M.T. et Never Come Back. Deux morceaux extraits des EP’s, Mind (1980), Shoo Shoo (1985), une réadaptation du morceau Above (1986) pour le jouer sur scène en 2012, puis arrangé et remasterisé en 2022 sous la direction artistique de Mona Soyok. Enfin, le gros du panier pour les fans du duo, c’est la présence de quatre morceaux inédits enregistrés après la publication de Ego Eye : Foreign Land et Taste Eternity extraits d’une cassette de 1988, Miracles enregistré en 2005, lors de la réédition en CD des albums Try Out et By Pass, et enfin Doors enregistré à Rennes en 2018 en prévision d’un nouvel album, mais la disparition de Spatsz le 1er février 2019 va tout stopper.
Avant Tribute, côté compilation il y a eu Black & Noir publié en 1990 sur Fan Club-New Rose. Cette compilation regroupais les deux premier EP’s et des morceaux rares enregistrés avant la sortie de Try Out. Ainsi Tribute est à ce jour la seule "compilation" en rapport aux trois albums. Alors qu’en est-il des quatre morceaux inédits qu’on trouve sur Tribute et sur le nouvel EP Indoor Life ? Miracles est un morceau mélancolique au tempo plutôt posé. Idem pour Taste Eternity, où Mona Soyok chante d’une façon assez conventionnelle et pop. La tigresse du blues urbain est en retrait. Sur ses deux morceaux Mona et Spatsz sont adultes et moins porté sur la recherche électronique. Foreign Lust et son approche asiatique a par contre pas mal de charme, notamment pour son tempo cabaret qui met la voix de Mona en valeur. Doors renoue avec le son électro esprit Suicide période A Way of Life (1988) avec un tempo synthétique dansant qui permet à Mona de chanter comme une déesse de la nuit. Ce morceau présageait un bel album. Le CD en digipack contient un livret de 44 pages avec des textes de Francis Dordor, Michka Assayas, Gérard Bar-David, Jean-Éric Perrin, Frédéric Lemaitre… et de nombreuses photos. Juste pour chipoter un peu, dommage que le CD soit glissé dans une pochette type CD promo, et non pas dans un incert incrusté dans la pochette. Par contre la photo de la pochette réalisée par Denis Chapoullié est magnifique.
Dans la continuité du Tribute, Mona Soyok en hommage à Spatsz poursuit la belle histoire de KaS Product sous l’entité KaS Product Reload. Il y aura un concert gratuit le 3 février 2023 à Vandoeuvre-Les-Nancy et un concert payant (23 euros) le 25 mars 2023 au Makeda à Marseille. Espérons que d’autres dates s’ajouteront par la suite.
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Je profite de la publication de Tribute pour sortir de mes archives une interview que j’ai faite de Mona Soyok en 2005 pour le fanzine Abus Dangereux. C’était à l’occasion de la réédition en CD des albums Try Out et By Pass (avec des titres bonus) sur le label culte Les Disques du Soleil et de l’Acier. De mémoire, j’avais envoyé à Mona mes questions par mail et elle m’avait répondu par courrier sur une lettre manuscrite. L’interview a été publiée dans Abus Dangereux face 92 avril-mai 2005.
Dix-huit ans après leur séparation, l’image des Nancéens KaS Product est restée intacte. Elle, Mona Soyoc, américaine d’origine argentine, ex-chanteuse de jazz, habillée de cuir noir, a gardé cette image divinement féminine et royalement rock’n’roll. Lui, Spatsz, ex-infirmier en psychiatrie, tout aussi noir (après les blouses blanches !) et aussi rock, laisse le souvenir intact de son visage à moitié caché par une longue mèche de cheveux. Pas une seule tache ni une auréole mal placée n’est venue troubler et rendre has been ce duo à l’image ténébreuse. Vingt- cinq ans après la formation du duo, leur style musical n’a pas bougé d’un son. Au contraire, il a trouvé une seconde jeunesse. Leur premier album "Try Out", sorti en 1982, était dans les disques du mois dans le magazine Best. Aujourd’hui réédité en CD digipak, tout comme le 2ème album "By Pass", il pourrait encore être disque du mois dans Rock’n’Folk (Best n’ayant pas survécu au 90’s) aux côtés de LCD Soundsystem (master groupe dance et big hommage aux années 80).
KaS Product a inventé son propre SON, malgré certaines accointances avec les styles de Suicide, Siouxsie, Joy Division, Grauzone ou DAF. Et La musique électronique des années 90, l’electroclash et le revival 80 leur doivent beaucoup. Entre 80 et 87, c'était un groupe unique qui ne ressemblait à nul autre, de purs défricheurs dans leur genre. Leur musique, leur look et leur prestation scénique étaient hors norme. C’est encore valable aujourd’hui. Ce mélange de cold wave avec la voix soul de Mona était un régal qui prenait toute sa mesure sur scène, autant pour le duo que pour le public. Sur scène, Spatsz, raide et concentré derrière ses synthétiseurs et boites à rythmes, (il n’y avait pas encore ce fameux support informatique si chéri aujourd’hui), laissait libre cours à Mona pour s’extasier, jouer la tigresse sur le comptoir d’un bar (cf : Club Le Coatelan en 85 à Morlaix), ou caresser virilement sa guitare pour laisser échapper des accords bruts et fantomatiques. Noir c’est noir: pas de place pour le rouge, ou juste un tout petit trait sur les lèvres, mais une grande lueur blanche dans les yeux. "Black et Noir" est aussi le titre d’un morceau extrait de leur premier 45t autoproduit (et le titre d’une compile CD des premiers 45t sorti sur le Fan Club de New Rose). Par contre à l'occasion d'une petite rencontre avec la mystérieuse Mona Soyoc, elle nous avoue ne pas connaître le label noise/core d’Angers qui a repris ce nom.
Quel a été votre rôle dans la conception des rééditions en CD de vos deux premiers albums ?
Je suis restée injoignable et gravement malade pour ne rien avoir à faire. En fait tout le travail de remastering a été fait par Spatsz chez lui, grâce aux ordinateurs. Les nouvelles technologies permettent des petites merveilles impensables il y a encore vingt ans. Pouvoir tout faire à la maison, sans le besoin de partir en studio.
Les 33t vinyles ont été édités sur la major RCA, donc retour à la maison entres amis, 25 ans après sur Les Disques du Soleil et de l’Acier, le célèbre label de Nancy.
DSA appartient à Gérard N’Guyen qui a coproduit avec nous, ces deux albums. Il est un résistant contre l’abrutissement musical !
A l’époque en 1982, j’étais très intrigué par la pochette de "Try Out".
Une fleur qui n’en est pas vraiment une. Avec, on dirait un pénis et une vulve, symboles auxquels s’apparente l’humain, mais qui n’est pas sa vraie identité. Mais bon sang ! bien sûr, je ne suis pas mon sexe ! Et enfin le cadre à la Escher qui représente l’infini…
Dans cet album, figure le morceau "Pussy X", un titre qu’en entend encore très régulièrement dans les soirées gothiques. Faut dire que les miaulements et cris aigus de la tigresse Mona a de quoi satisfaire tous les fantasmes du danseur en trance, sous les spots sombres, les nuits de débauche et sensuellement chaude. Répétitif à souhait "Pussy X" trotte le long et en travers du cerveau. « La musique crée de nouvelles connections au niveau des neurones du cerveau ! » Ce morceau est né pendant que Spatsz cherchait ses notes. Mona allongée dans un fauteuil, griffonnait et improvisait au micro. Et voilà ce "Pussy X" sortie de sa plume. Avec ses cris de chatte, on peut penser qu’ils résonnent souvent dans les soirées fétichistes. Pourquoi pas ? Mais sans Mona qui n’est pas du tout attirée par ces soirées noir et latex. Non, aujourd’hui Mona vit à la campagne, et préfère se lever tôt le matin avant le réveil des oiseaux, quand il fait encore nuit.
La différence de son entre "Try Out" et votre 3ème album "Ego Eye" est troublante. Quelle en est la raison ?
On n'est jamais vraiment pareil du jour au lendemain, non ! ? L’évolution technologique aussi ! Les séquenceurs sont arrivés. Korg, Roland et d’autres proposaient des jouets qui séduisaient les passionnés du début électronique. Maîtres ! Des nouveaux univers à créer ! ! !
Ainsi le son de "Ego Eye"(sorti en 86) est plus pop et la voix de Mona est plus orientée vers la soul et le jazz cabaret. Ce n’est pas encore Nina Simone, mais bye-bye mister cold wave. Dommage que KaS Product se soit séparé après "Ego Eye", il aurait été intéressant de voir la direction prise par le duo. Peut-être que Mona se serait mise à chanter en français et en espagnol (elle le fait aujourd’hui, mais chut, c'est encore un secret), car les textes étaient exclusivement chantés en anglais. De plus, le tout électronique des années 90, aurait été un laboratoire merveilleux pour Spatsz.
Comment percevez-vous le grand chamboulement électronique commencé au début des années 90 ?
Comme une évolution naturelle. Grâce à la technologie, pleins de gens ont pu faire de la musique chez eux. Nous aussi, on pouvait répéter et créer sur des baffles de la chaîne hi-fi, ce que les autres groupes ne faisaient pas à l’époque !
Mona n’a aucune nostalgie des années 80. « 80 en 2005 ? Quel intérêt? ! Non je rigole, je ne connais pas bien les nouveaux groupes comme Miss Kittin et The Hacker, Dopplereffekt, Cobra Killer…». Mona préfère Mozart. « J’aime la musique des sphères, des étoiles, des oiseaux, des villes, des moteurs de voitures ou d’avions, mon estomac… ».
Mona a de bons souvenirs des années 80 : « Joyeux et lugubres. Je cherchais toujours et encore à dépasser la conscience sociale et commune. ». Et des mauvais : « Notre dernière tournée en 1987 a été trash. Un mec qu’on croyait plus que moins notre ami, nous a bassinés pour l’organiser. Pour finir, il est parti avec la caisse, tout en ayant été très désagréable et pour le moins très discourtois pendant la tournée. Non mais franchement, quelle idée ! ». Mais aussi quelques lacunes : « A quelle occasion j’ai rencontré Spatsz ? Dans un lavomatique ou était ce au cocktail célèbre et notable d’amis mondains ? Je ne sais plus, peut être à l’agence d’emplois aérospatiale. »
On ne sait pas grand-chose sur les divers travaux réalisés depuis la fin de KaS Product en 1987, à part que Mona a chanté sur l’album "Organique" de Zend Avesta. Mais elle reste vague et très discrète sur le sujet. « J’ai eu la joie de faire l’expérience de chanter live avec un quatuor à cordes, mélangé à de la guitare et de la clarinette. » KaS Product a aussi eu une proposition pour un spectacle de danse contemporaine, mais qui n’a malheureusement pas abouti. Et c’est bien dommage car son univers musical collerait très bien à un spectacle de danse. Je pense notamment aux Ballets C de la B, la troupe d’Alain Platel avec son côté défricheur de chemins de traverse. Par contre des extraits issus des trois albums ont été utilisés dans des films et reportages, dont un sur l’actrice/DJ Asia Argento. Leur titre "So Young but So Cold" a donné le nom à la compile réalisée par Marc Colin de Nouvelle Vague, qui reprend le meilleur de la scène underground française de fin 70/début 80, sans Marquis de Sade dont KaS Product avait assuré la première partie de la tournée 81.
Comme KaS Product à pas mal roulé sa bosse, avez-vous un petit conseil pour les jeunes qui débutent pour écrire une bonne chanson rock ?
Pour moi un bon tempo avec un gros son de synthé, vibrant sur quelques notes, pour que je puisse partir en improvisation vocale.
Quelle est votre réflexion sur l’être humain ?
Il sait qu’il ne sait pas qu’il ne sait pas, mais il ne sait pas qu’il sait qu’il sait.
Et une citation pour finir ?
J’ai toujours été !
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