Baby Fire est un groupe belge de Bruxelles qui s’est formé en 2009. Menée par l’auteure compositrice interprète, Dominique Van Cappellen-Waldock, Baby Fire compose une musique noise rock urgente, habitée, toutes riffs dehors, mais sans oublier la grâce, titre du nouvel album sorti au mois de mai (1) et la poésie. En rouge et noir, en blanc grisonnant, l’atmosphère est à la fois tendue et posée. Dans l’interview qui suit, Dominique Van Cappellen-Waldock nous dit qu’elle a "le feu à l’intérieur". Il n’y a pas de meilleure définition pour décrire la musique de Baby Fire. Dominique à la parole.
Photo @ Yves Collard
Tu peux nous raconter l’origine du
groupe, comment vous vous êtes rencontrés, et ce qui t’a motivé à créer un
groupe ?
Fin 2008, alors je venais de sortir un album avec mon trio de post-metal Doctor & Nurse, il nous a fallu
arrêter le groupe pour cause de soucis de santé d’une des membres. J’ai
ressenti beaucoup de tristesse. Suite à cela je me suis remise à jouer de la
guitare de façon intensive et des compositions ont émergé comme si elles
étaient prêtes à sortir depuis des années.
Baby Fire est officiellement né en janvier 2009. J’ai d’abord joué en solo
pendant un an. Ensuite une batteuse a rejoint le projet. En 2015 nous sommes
devenues un trio.
Une petite présentation des trois
membres de Baby Fire (l’avant Baby Fire, le rôle de chacune dans le
trio…) ?
Cécile Gonay et moi avons joué
ensemble dans Naifu, un groupe
d’indie rock. Cécile a joué du
violon sur les albums de Baby Fire, The Red Robe (2014) et Gold (2016). Ce fut une chance de
rencontrer une multi-instrumentiste pareille. En 2017 elle a assuré un
remplacement à la basse et lorsque nous nous sommes retrouvées sans personne à
la batterie, Cécile s’y est remise.
J’ai beaucoup cherché après une bassiste, mais n’en trouvant pas j’ai proposé à
Lucile Beauvais de nous rejoindre à
la deuxième guitare, aux claviers et aux chœurs. Lucile a un projet d’indie pop en français qui s’appelle Lux Montes.
En novembre dernier, Cécile a quitté le groupe pour se focaliser sur son projet Seesayle. En ce moment Fabian Hidalgo assure le remplacement afin que nous puissions présenter l’album Grace. C’est un batteur extraordinaire qui joue dans un groupe bruxellois appelé A Boy with a Beard.
Tu composes la musique et les textes de Baby Fire. A quel moment Lucile et Cécile -avant son départ- interviennent dans le processus de création ?
J’apporte en effet la guitare, le chant et la structure et je suggère certaines couleurs, comme un son d’orgue ou encore un violon. Avant la pandémie, j’amenais mes compos aux répétitions et nous les développions ensemble. Ces deux dernières années, à cause du confinement, Cécile et Lucile ont davantage contribué à Searching for Grace et à Grace à distance, en m’envoyant leurs pistes via internet.
Le 5ème album titré Grace vient de paraitre. Avec quelle
approche as-tu abordé cet album ? Ne pas tomber dans la répétition, le
syndrome de la feuille blanche étaient-ils présent ?
Après avoir enregistré l’album Gold en 2016, j’avais imaginé que sur le
disque suivant, je développerais un travail plus poussé sur les voix. Grâce aux
voix extraordinaires de Lucile et de
Cécile - très différentes et complémentaires
- ajoutées à la mienne, j’ai le sentiment d’avoir réalisé ma vision.
De 2020 à la fin de 2021, c’était le gros blocage par rapport aux compositions pour Baby Fire. L’EP Searching for Grace, qui marquait pour moi le grand retour de Baby Fire après plusieurs changements de formation et une fracture d’épaule (illustrée sur la pochette de Grace), était sorti début mars 2020, soit juste avant le premier confinement. Quant à l’album Grace, il était à ce moment-là déjà quasiment enregistré hormis quelques guitares, les voix et les arrangements. En l’absence de perspectives, il s’est avéré impossible pour moi de composer la suite.
Je me suis
alors mise à créer des boucles de guitares car j’en avais marre des riffs
(rires). De là est né un projet parallèle appelé Fleur de Feu, dont l’album vient de paraitre chez Caliban Records, la filiale
expérimentale de One Little Independent,
le beau label anglais qui héberge notamment Björk, Katie Jane Garside
et Poppy Ackroyd.
Quels sont les thèmes abordés dans
Grace ? Pourquoi ce titre ?
La thématique principale de Grace, c’est l’amour inconditionnel. C’est
une thématique qui me préoccupe déjà depuis quelques années depuis que j’avais
vécu une rupture amoureuse douloureuse en 2017.
Photo @ Charlotte Verdin
J’aime beaucoup le lien que tu fais
avec les mots, notamment ce titre Fleur
de feu, soit deux mots qui s’entrechoquent de par leur extrême différence.
La fleur qui apaise et le feu qui peut faire peur quand on ne le contrôle plus.
Le nom du groupe Baby Fire est aussi dans le même registre (douceur du bébé et
brulure du feu). L’effet yin et yang des mots fait partie de ton moteur
créatif ?
En fait,
l’origine du nom Baby Fire est assez
sinistre. C’était l’expression utilisée par Otis Toole, une tueur en série pyromane, pour évoquer un petit feu
comme un incendie de matelas. Cela fait de nombreuses années que je ne fais
plus référence à cette figure tragique dans la bio du groupe. Au début de Baby Fire j’avoue que j’avais une
certaine complaisance avec la noirceur, ce dont je me suis détournée. La
noirceur, c’est tellement facile (rires). Mais il doit y avoir quelque chose du
yin et du yang chez moi. Une de mes amies trouve très étonnant que je sois une
personne calme, réservée, qui ne fume pas, qui boit peu et qui à la fois
compose des morceaux bouillonnants. Visiblement j’ai du feu à l’intérieur.
Ce qui frappe en premier lieu à
l’écoute de l’album, c’est la tension, l’ambiance électrique en veille prête à
exploser. Tu étais dans quel état (en transe hypnotique ?) de
concentration lors de l’enregistrement des nouveaux morceaux ?
Lorsque j’enregistre, je suis toujours un peu nerveuse et très concentrée. C’est
quand j’improvise à la maison des morceaux au chant et à la guitare que j’entre
dans des moments de grande intensité. Parfois, la transe n’est pas loin.
Ton style musical mélange avec subtilité et poésie, la
no wave, le rock gothic, le cabaret rock, l’indus, le blues urbain, le post
rock. Il y a un côté écorché qui ressort dans le son, l’ambiance des morceaux.
Quel est ton regard sur le son, le style de musique que tu composes ?
J’ai beaucoup de mal à décrire la musique de Baby Fire. Lorsque nous avions enregistré en 2014 l’album The Red Robe
en Angleterre avec Tony Barber (The
Buzzcocks…) à la production, il nous avait fait un son plus froid, plus
eighties et à cette période l’étiquette post-punk nous allait bien. Maintenant
que notre son est plus chaud grâce aux chœurs, aux claviers et au violon, il
m‘est à nouveau difficile de nous catégoriser. J’aime bien dire que nous jouons
du « haunted rock » (du rock habité, hanté), mais cela ne nous
rattache à aucun mouvement musical.
Au verso de la pochette de Grace, il y a cette phrase de la romancière Violette Leduc : "Aimer est difficile, mais l’amour est une grâce." Que représente ses mots pour toi, pourquoi avoir choisi ces vers ? C’est extrait de quel livre, poésie ?
Cette citation provient de L’Affamée, que Violette Leduc publia en 1948. Elle y évoque sa passion amoureuse pour Simone de Beauvoir, sans jamais la nommer. Son écriture est follement poétique. L’histoire est parfois désespérée mais aussi très drôle par moments. Cette citation exprime à la fois la difficulté et la beauté d’aimer.
Coté artiste évoqué dans l’album, il
y a ce titre Like William Blake. Que
représente ce peintre romantique pour toi ?
William Blake est non seulement un
artiste visionnaire mais aussi un symbole de résilience en tant qu’artiste. En
1809, se sentant en marge de la Royal Academy, il décida de mettre sur pied une
exposition à l’étage d’un immeuble appartenant à son frère. Ce genre
d’exposition personnelle était extrêmement rare à l’époque. Ce fut un échec
total. Un seul critique relata l’évènement et descendit cruellement l’artiste.
Ce qui ne l’a pas empêché de poursuivre son œuvre. On dit aussi qu’au
moment de sa mort William Blake
chantait.
Qui sont les artistes, groupes qui t’on donné envie de composer de la musique ? Tes trois albums cultes ?
Ronnie James Dio -Rainbow, Black Sabbath, Dio- (2), The Godmachine, Angelo Badalamenti featuring Little Jimmy Scott.
Black Sabbath: Heaven and Hell (Warner Bros. Records - 1980)
Siouxsie & the Banshees: Juju (Polydor - 1981)
Neurosis & Jarboe: Neurosis & Jarboe (Neurot Recordings - 2003)
S’il y un message à faire passer à nos lecteurs, c’est
ici !
Chers lecteurs, chères lectrices, achetez les albums des groupes que vous
aimez, ne vous contentez pas de les écouter en streaming. Cela tue la création
à petit feu. Il n’est plus possible de financer des sessions d’enregistrement
avec la poignée d’euros que Spotify et consorts versent aux groupes de la scène
alternative. La qualité sonore est inférieure aussi. Et puis, l’artwork d’un CD
ou d’un LP, cela forme un ensemble avec la musique. L’objet physique vous
permettra de vous immerger dans l’aspect conceptuel, émotionnel et spirituel de
la musique.
(1): Chronique de l’album Grace ici :https://paskallarsen.blogspot.com/2022/05/baby-fire-grace-off-records-06-mai-2022.html
(2): Pour la petite histoire qui fera la grande, c’est le chanteur guitariste de hard rock Ronnie James Dio qui a encouragé Dominique Van Cappellen-Waldock à chanter. Lors de cette première rencontre avec la star du rock, Dominique était âgée de 17 ans.
https://babyfire.bandcamp.com/
https://fr-fr.facebook.com/babyfirebrussels/
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