dimanche 24 mai 2020

JEAN-EMMANUEL DELUXE : Good vibration


Le gonzo man Jean-Emmanuel Deluxe est un artiste atypique dans le paysage pop rock et chansons. Avec son style vestimentaire de dandy hors du temps, Jean-Emmanuel Deluxe ne passe pas inaperçu. A l’aise à la plume, il écrit épisodiquement pour Rock & Folk, Gonzai, Schnock, pour des notes de pochettes de disques (le label espagnol Wah-Wah Records, "Les Tontons Flingueurs" chez Le Pop Club Records) et dvd (le film Paris n’existe pas avec Serge Gainsbourg) et surtout il a rédigé de beaux ouvrages sur le label Tricatel, les filles yé-yé OVNIS de la pop et les Beach Boys. Côté musique en 2008, il crée le label Martyr Of Pop, avec à ce jour 15 publications (April March, Lethermam, Rotomagus…). Coté compositions, en 2001 avec Alexander Faem il réalise l’album tribute pour l’association Alain Delon/Jean-Pierre Melville. Sur ce disque aux couleurs pop et easy listening, il y a comme invités, April March, Helena Noguerra et Ariel Wizman. Depuis, plus de nouvelles coté publications discographiques sous son nom, jusqu’à Rouen Dreams sortie en 2019. Son parcours atypique nous a donné envie d’en savoir plus sur lui. Sa tombe bien, il a justement pas mal de choses à nous raconter.


Avant de parler de ton parcours qui est très lié à la musique (journaliste rock, label, compositeur interprète), j’aimerais que tu nous dises dans quel milieu tu as grandi, et si c’était un milieu où la musique et l’art était présent ?
Je suis né à Rouen dans les 70’s. Je viens d’un milieu à l’origine populaire mais quand je suis né, mon père avait accédé au poste de contremaitre dans une société d’HLM. Ma mère lisait beaucoup et de tout, du polar aux romans sentimentaux en passant par des classiques. De mon côté j’ai été très vite passionné par la bande dessinée de Tintin à Pif en passant par Spirou, les comics et les petits formats en noir et blanc acheté en lot sur les marchés qui présentaient surtout des fumetti italiens et des BD anglaises. Il y avait très peu de disques à la maison et les radios périphériques étaient mon unique source musicale. Comme je ne viens pas d’une famille « d’intellectuels » j’ai eu la chance de ne pas avoir conscience de la « hiérarchie » entre ce qui était considéré comme valorisant ou pas. Merci dieu j’ai pu échapper au culturellement correct. Ce qui a eu pour conséquence la genèse d’une curiosité envers la culture populaire. J’adorai le dessin via la BD et j’ai commencé par ce biais à m’intéresser à la peinture. J’ai eu la chance de grandir à l’époque de Pilote, L’écho des savanes et surtout de Métal Hurlant. Je dois donc beaucoup à Métal et à Jean-Pierre Dionnet de m’avoir permis de faire le lien entre art graphique et musique.


A quel âge, et quels ont été tes premiers coups de cœurs musicaux ? Tu as commencé à chanter à quel âge et ton premier instrument ?
La musique à vraiment commencé à devenir une chose sérieuse pour moi en 5ème alors que j’étais tombé par hasard sur le 45 tour de Love Like Blood de Killing Joke. De là je me suis pris de passion pour le groupe et j’ai acheté deux de leurs premiers albums dans un HMV d’Oxford Street lors du traditionnel voyage scolaire en Angleterre. La découverte de l’Albion (ancien nom de la Grande-Bretagne) a été pour moi un choc dont je ne me suis jamais remis. Je me suis mis au chant sur le tard vers l’âge de 17, 18 ans en total autodidacte. En ce qui concerne les instruments j’étais en plein trip « indus », le label de Jean-Pierre Turmel, Sordide Sentimental m’ayant énormément influencé. Je pensais alors comme Throbbing Gristle que trois accords comme pour le punk, c’était déjà trop. D’un côté ça m’a été positif car mon absence de technique musicale m’a permis d’imaginer des mélodies et des formules auxquelles un musicien de formation « classique » n’aurait pas osé concevoir. Mais au fil du temps je me rends compte des limitations de ce paradigme car j’en suis venu à penser que comme en art, « pour déconstruire » il faut savoir construire. Je prends donc des cours de chant et mon grand projet est de savoir au moins un peu jouer du clavier. Je sais, d’autres à 20 ans sont déjà des bêtes avec leurs instruments. Mais ça m’importe assez peu, « nous ne sommes pas en compétition ». 



 



En 2001 avec Alexander Faem tu composes l’album A Tribute To Alain Delon and Jean-Pierre Melville, avec de nombreux invités prestigieux (Helena, Jacno, Luis Régo, April March, Ariel Wizman, Bertrand Burgalat). Tu peux nous raconter les coulisses de ce projet ? Pourquoi cet acteur et ce metteur en scène ?
À l’époque mon grand ami Alexander Faem vivait à Rouen. C’est un musicien de talent dont la technique n’empêchait pas d’avoir compris en quoi ma démarche pouvait être complémentaire de la sienne-Ensuite tout a été question de rencontres. Depuis 93/94 j’avais rencontré madame Eva Roger, veuve de Roger Roger un maître de la library music et pionnier de l’électronique (sous le pseudo de Cecil Leuter). Cette dernière avait entendu parler de mon intérêt pour la musique d’illustration sonore de son mari qui avait fourbi ses premières armes à l’opéra de Rouen. De fil en aiguille elle a proposé à Alexander et moi de venir enregistrer dans le studio de Roger Roger notre projet d’album. En ce qui concerne les invités, c’est très simple. Tout n’est qu’une question de rencontre et d’affinités. Je n’aime pas du tout l’esprit cartésien français qui constitue pour moi un « tue l’amour » en matière de création artistique. Au contraire je pense qu’il est préférable de laisser les rêves et l’inconscient déclencher le processus créatif. Enfin j’aime l’idée de monter dans un sous-marin jaune avec des ami(e)s pour un voyage psychonautique. J’ai toujours été fasciné par le cinéma de Jean-Pierre Melville. J’aime la manière dont il se situe à part dans le cinéma français. Loin d’un certain naturalisme qui m’ennuie et proche d’un certaine culture américaine complètement fantasmée et réinterprétée. C’est en réalité un cinéma d’archétypes qui derrière une certaine froideur minérale cache un grand romantisme dont Delon dans Le Samouraï serait le messager. Comme j’ai un mauvais esprit punk en moi et un certain sens de l’humour, je me suis également dit que le nom de Delon allait également froisser certains. Double effet kiss kool pourrais t’on dire !


En 2008, tu crées le label Martyr Of Pop. Qu’est a été le déclic qui t’a donné envie de créer un label ? Le choix du nom ? Tu peux nous raconter le critère de choix des artistes ?
J’avais déjà auparavant crée le label Come Together Productions, puis le label Euro-visions. Comme ça arrive parfois pour ce dernier, j’étais tombé sur un pervers narcissique doublé d’un escroc qui m’avait piqué mon label pour finalement le couler. Ne me laissant pas abattre le nom « Martyrs of pop » me semblait tout trouvé. On nous bassine souvent avec les destins tragiques du rock mais je trouve que les vies des pop stars ont un aspect chrétien et doloriste bien plus fort. Les vies de Michael Jackson ou de Britney Spears sans parler de celles de One Hit Wonders comme Milli Vanilli ressemblent au martyre de Saint Sébastien. Les artistes signés sur le label comme celui de notre prochaine sortie, «This is your life », un mini LP de Ian Chippett un anglais à la retraite dont ce sera le premier album feraient rire les pros du marketing de certain labels. Pourtant c’est un des plus géniaux songwriter que je connaisse. La situation actuelle avec le Covid-19 devrait enseigner à tous les « spécialistes » qu’il n’y a pas de formules. Au contraire je préfère me laisser guider par des coups de cœur.


Depuis 2013, ton label sort peu de disques. Problème économique ? Tu vois comment l’avenir de Martyr Of Pop ?
Je pense que la raison pour laquelle tu penses que nous avons sorti peu de disque réside dans l’idée que nous n’avons que sorti, April March, Purple Submarine Orchestra Pelelope et Leatherman/Jacques Duvall. Mais il y’a eu ensuite pas mal de co-réalisations avec le label Lion Productions aux USA avec Jay Alanski, La confiserie magique (une compil de french bubblegum, sunshine pop et popsike), Guy Skornirk, Rotomagus (les proto Stooges selon Julian Cope). Sans oublier mon « Rouen Drreams » lui aussi réalisé en collaboration avec Lion productions(www.lionproductions.org). Il y’a pas mal de rééditions prévues en collaboration avec Lion dont Dominique Blanc Francard et le « Wandatta » de Lio jamais sorti en vinyle. Ainsi que pas mal de projets. En ce qui concerne Martyrs of Pop, en solo on va repartir de plus belle après une période de stand by avec Ian Chippett, mes projets et pas mal de surprises. 







En 2019, tu publies Rouen Dreams, ton premier album solo. Là aussi il y a de nombreux invités de luxe (Helena Noguerra, Kevin Coral, Olivier Collet, Misawa Masanori, Sean O’Hagan, April March, Alexander Farm, Don Fleming) . Tu peux nous présenter ce concept album, ce « un voyage intérieur. Une sorte de plongée initiatique qui nous parle de Hollywood vu des yeux d’un français », ce qui a traversé ta tête pour l’imaginer et le choix des invités ? L’album a pris forme sur une durée de combien de temps ?
L’album a mis pas mal de temps à sortir (au moins 7 ans) entre les premiers enregistrements et le pressage des disques. À l’instar de Martyrs Of Pop j’étais dans une période où j’avais décidé de me concentrer sur l’écriture d’ouvrages (sur Tricatel, Les Ovnis de la pop ou encore les Beach Boys) sans oublier les collaborations pour diverses publications. Comme je te l’ai indiqué précédemment, j’aime être traversé par des idées, des sentiments, des rêves et des sensations afin de vouloir mettre à produire un concept. En pensant que l’histoire personnelle est reliée à un inconscient collectif cher à Jung. Hollywood qu’on le veuille ou non a façonné une partie de notre imaginaire collectif. Comme si nos esprits avaient été programmé depuis l’enfance. Aujourd’hui on pourrait dire qu’Hollywood s’incarne dans les plateformes de streaming vidéos et les réseaux sociaux. Le choix des invités s’est fait selon une logique affective et non euclidienne comme il se doit (lire le "Mondes des Non-A" de Van Vogt pour en savoir d’avantage).


Cela va faire un an que l’album est sorti. Quel a été l’accueil tant public que professionnel ? Tu as fait des concerts pour jouer les morceaux sur scène ? Une suite de prévu à cet album ?
L’album a reçu une très bonne presse dépassant mes espérances de Magic au Figaro Magazine en passant par Fluide Glacial. Avec pas mal de presse en Angleterre avec Mojo, Shindig, Record Collector, Electronic sounds. Sans oublier le soutient de Robert Wyatt, Van Dyke Parks, Philippe Katerine, David Thomas (Pere Ubu), Jonathan Coe et pas mal d’autres. Je ne comprends par contre pas pourquoi j’ai été complétement occulté par les Inrocks. Mais il y aura d’autres albums dans des délais bien plus courts car ma période paralysante de doute est derrière moi. Oui, on prépare des live en compagnie de Gildas Lemonier et Moojigen et on compte reprendre les répétitions une fois la menace virale derrière nous. Il y’a déjà eu un concert de lancement au Comedy Club grâce à la série des This is Monday de la teamzik. Une organisation vraiment épatante à qui je dois beaucoup.


Tu écris dans de nombreuses revues. C’est toi qui apporte les sujets, où bien c’est des commandes ?
En général j’apporte les sujets. Mais je ne suis pas contre de bonnes propositions. Mon axiome est simple, j’essaie en fonction de l’actualité culturelle de proposer des sujets et des artistes que j’ai envie de défendre. J’aurai beaucoup de mal à soutenir des trucs que je n’aime pas (ou alors contre un très gros chèque).


Parmi les diverses rencontres en interviews que tu as faites, tu peux nous raconter deux trois exemples (avec anecdotes) qui t’on marqués à jamais ? Et dans tes rêves les plus fout, qui aimerais-tu interviewer ?
Humm, je ne suis pas le génie des anecdotes mais je me souviens d’Andy Partridge d’XTC m’expliquant que vers 50 ans comme lui on perdait ses cheveux et sa bite ! J’ai senti tout l’humour noir du personnage. Dans un autre genre Kevin Ayers qui sortait un très bon dernier album avant de quitter cette terre et qui m’a répondu à la question, « pourquoi avoir attendu si longtemps pour enregistrer un nouvel album, « parce que j’avais des factures à payer ». Enfin j’ai vraiment un souvenir ému de ma rencontre avec Guy Peellaert qui avait vraiment été très généreux avec moi. Quand je pense que les branchouilles stupides de Crash au final n’ont pas passé l’interview, heureusement le sujet est sorti dans un magazine Italien et par la suite j’ai pu rendre hommage à Guy Peellaert dans la revues Schnock. Plutôt qu’une anecdote, c’est la philosophie artistique du père de Pravda la survireuse et de Jodelle qui m’a marqué. Des artistes dont je suis venu faire l’interview sont devenus des amis comme Lio, Annie Philippe, Helena Noguerra, Boris Bergman, Djemila Khelfa, Jérome Braque, Luis Régo, Jay Alasnki, Jacques Duvall, Jean-Pierre Dionnet, Jean-Pierre Turmel et Jacno. Ce dernier avec son humour inimitable m’avait d’ailleurs lancé, « ah, tu lui a fait le coup de l’interview ? », en parlant d’une amie . Pas mal de gens que j’aimerai interviewer sont morts ! Non, je plaisante il en reste beaucoup, j’aimerai bien rencontrer Brian Eno, Raquel Welch, Vangelis, Caroline Fourest (pour son livre sur les micro agressions), Michel Onfray, Neal Adams, Melvin Van Peebles, Steve Martin, Eric Idle, Elijah Wood, Chantal Montellier, Carole King et j’en oublie.


Tu es très érudit, tu as écrit de nombreuses notes sur des pochettes de disques, DVD, livres. Tu es un curieux qui aime découvrir des artistes obscurs, qu’ils soient français ou étranger, passé entre les filets du temps, comme découvrir un trésor caché au grenier. Tu peux nous parler de ton appétit de découvertes, comme celui qui part tôt le matin dans un vide grenier. Quelles sont tes plus belles découvertes ?
Aujourd’hui avec internet et la spéculation en ligne, il est de plus en plus difficile de trouver des pépites dans les vides greniers. Le « retour du vinyle » sur lequel il y aurait beaucoup à dire a généré des situations absurdes ou tout le monde se transforme en Golum à la recherche de son « précieux ». Je ne pourrai pas te résumer des décennies de chine en quelques lignes alors je me contenterai de citer un orgue Matador Farfisa, une platine à cartouche 8 pistes Weltron 2005 en forme de soucoupe volante, l’intégrale du magazine Pilote entre 67 et 70, un album de spoken word de Timoty Leary sur ESP, des vinyles d’Exotica. Surtout il convient quand on fouine de ne jamais s’intéresser à ce que recherche les « autres », surtout ceux qui vont spéculer…mais au contraire de garder un esprit ouvert et curieux.


Parmi tes centres d’intérêts en musiques, il y a les chanteuses françaises des années 60 aux années 80. Tu as notamment un lien très amical avec Lio, sa sœur Helena, April March (qui est francophile), et Annie Philippe. Tu as écris un beau livre sur ces chanteuses. Tu peux nous parler de ta passion pour ces chanteuses, quel a le déclic et la première à ouvrir le bal ?
Je pense qu’a l’origine il y’a tout simplement France Gall période yéyé entendue sur le transistor familial vers l’âge de 5 ans. Puis il y’a eu une épiphanie avec le « Banana Split » de Lio en 79. Ensuite je suis passé par plusieurs « phases musicales », Indus, pop, loungecore, expérimental, Kraut etc… Mais toujours j’avais gardé une affection pour ces chanteuses. En 88 avec LNA, Tess et Mikado tous clippé par Pierre & Gilles avec le stylisme conçu par Fifi Chachnil j’ai même cru qu’un mouvement post-néo yéyé prenait forme. C’est en habitant à Sheffield en Angleterre en 1993 que j’ai acheté un 45 tours d’April March que je ne connaissais pas. De retour en France je lui ai écrit puis quand nous nous sommes rencontrés. Puis elle m’a donné une cassette audio ou il y avait du Stella, Christine Pilzer, Dani et pas mal d’autres encore plus obscures. De là je me suis mis à me passionner par ce phénomène totalement français bien qu’influencé par les anglo-saxons. Ça a pris un peu de temps puis je me suis retrouvé en phase avec l’ère du temps. J’en profite ici pour remercier la mémoire d’Adam Parfrey de Feral House ainsi qu’Amélie Retorré et Rodolphe Lachat de Cocorico qui ont été les premiers à me soutenir. 







Dans la collection Cocorico, tu as écrits un livre sur le label Tricatel. Ce label français représente quoi pour toi ? Un goût raffiné et d’élégance avec un parcours exemplaire ?
Pour commencer Bertrand Burgalat a été le premier à me soutenir. Dès 93-94 il a été également le premier à réévaluer et redécouvrir des pans entiers de la culture musicale mondiale. Alors qu’ensuite des suiveurs moins doués ont récupéré ses découvertes en leur retirant leur sens, lui était déjà ailleurs. Tricatel est un label remarquable parce comme son initiateur, il n’est jamais là, ou on l’attend. Tricatel fait partie des rares en France qui veulent briser le code de la matrice ou comme le craignait Mike Love, « fuck the formula ». Alors que des labels s’endorment on peut encore compter sur Tricatel pour nous surprendre avec élégance comme tu le souligne. Enfin comme je te l’écrivais Bertrand Burgalat m’a toujours encouragé, rien que pour ça il mérite le panthéon, mais le plus tard possible.


Il est impossible de faire une interview de toi, sans parler du groupe The Beach Boys et plus particulièrement de Brian Wilson. Tu les as découverts à quel âge ? Ce groupe t’a suivi tout au long de ton apprentissage musical ? Et pourquoi les Beach Boys ? Qu’ont-ils de plus qu’un autre groupe ?
Tu vas rire mais je crois que la première fois ou j’ai entendu les Beach Boys fut via la reprise de Barbara Ann sous forme de Marylène par les Martin Circus en 75. Ce groupe qui fut épatant dans sa période prog du début des années soixante-dix n’était pas à son meilleur mais petit ça m’avait plus. Encore pire j’adorai le ba-ba-bababybel de la pub à la même période. Cela pourrait paraitre anecdotique mais ça prouve qu’en France à l’époque les Beach Boys bien que populaire n’avaient jamais été considéré par les critiques et le public comme un groupe « sérieux » et « valorisant ». La majorité des français restant collé à leur image de gentils garçons de la plage bien propret du début des années soixante. Il y eu tout de même des articles de qualités dans les années soixante-dix et quatre-vingt par Philippe Garnier et François Gorin mais ça n’avait pas suffi pour changer la perception des Beach Boys dans l’hexagone. De mon côté je me suis vraiment rendu compte que les Beach Boys étaient un groupe dont la musique n’avait cessé de se raffiner en écoutant vraiment « Good Vibration » vers 1986. À partir de là, des journalistes comme Michka Assayas ou Christophe Conte on fait avancer le schmilblick et en ce qui me concerne j’avais été enthousiasmé par l’album solo de Brian Wilson en 88 avec « Love and Mercy ». L’album que Jacno appelait, « le disque qu’il a fait avec son psy ». Plus j’ai creusé l’histoire et la musique des Beach Boys, plus je me suis rendu compte qu’en France on ne les avait pas vraiment compris. La découverte de « Smile » grâce au Livre de Domenic Priore acheté vers 94 a constitué un deuxième choc. Avec les Beach Boys via leur communauté de fans français (www.beachboys.fr) je me suis fait des amis jusqu’en Bulgarie. C’est l’avantage quand on est dans un « combat » difficile dans son pays, cela crée des proximités. Je pense que les Beach Boys ont été grâce à Brian Wilson mais aussi Dennis son frère, le seul beau gosse de la bande, encore plus créatifs que les Beatles. Brian Wilson est simplement le plus grand songwriter de pop que la terre ait jamais porté. Croire que les Beach Boys est un groupe « propre » est bien sur une erreur totale. À côté d’eux les Rolling Stones étaient des enfants de cœurs. En matière de martyrologie de la pop, Brian Wilson se pose en N° 1 des crucifiés.


Dans un mail, tu m’as dit que tu n’étais pas intermittent du spectacle, mais en « profession libérale ». Tu peux nous parler de ton statu, de ton quotidien pour faire face aux problèmes du quotidien (loyer, se nourrir, sorties culturelles…) ?
Je me débrouille, je multiplie les projets et les activités. En sachant que sur 10 projets peut être qu’un seul va pouvoir se faire. Le voyage est parfois difficile mais je ne me plain pas. J’ai une chance incroyable de jouir d’une grande liberté que je n’aurai pas si j’étais salarié chez Hanouna outre l’obligation de devoir accepter l’introduction de nouilles dans le slip. 



 



On te présente souvent comme un dandy. C’est un terme qui te convient ? Aujourd’hui ce mot est-il démodé ? Qui représente le mieux le style dandy ? C’est quoi être un dandy en 2020 ? Te sens-tu bien dans notre époque soit disant connecté et qui se déplace en trottinettes pour faire ses achats dans des magasins fruits et légumes bio à prix d’or ?
Il est vrai le mot dandy a été complètement vidé de son sens puisqu’aujourd’hui on peut lire que Beigbedder ou je ne sais qui est qualifié de dandy. Je préfère l’idée d’une certaine liberté d’esprit ou comme j’en ai entendu parler via le livre de Pierre Robin de « contre cool » (même si je n’ai pas obligatoirement les même goûts que lui). Je pense que le « dandy » est celui qui préfère l’élégance de l’acte à son aspect fonctionnel voire marchand. Par exemple le « dandy » est celui qui en 66 à Haigh Ashbury tel Emmett Grogan décide d’organiser les funérailles du mouvement hippy déjà en phase de récupération. Idem pour John Lydon qui dès 1978 monte Public Image Limited alors que des crétins comme Exploited ou Crass vont transformer le mouvement en caricature. Le dandy qui peut être aussi une femme comme Djemila Khelfa préfère la découverte que la création d’une nouvelle norme. Le conformisme du non conformisme qui nous offre des tatoo shops de pire en pire à chaque coin de rues. Je résumerai que le Dandy n’est jamais là où on l’attend et échappe aux nomenclatures. Il peut se situer dans la marge mais ne s’amusera pas à rester underground pour se préserver de je ne sais qu’elle « authenticité’ ». En ce sens Lio est mille fois plus punk que Loran ex-Béru et ses Ramoneurs de conneries. L’époque à ses tares mais je ne crois pas que c’était mieux avant. Chaque génération a tendance à idéaliser la période précédant sa naissance. Bien sur l’ère d’internet et du digital toute comme le chemin de fer, l’automobile ou la télévision a apporté son lot de calamités mais aussi de progrès. La technologie est neutre à nous de s’en servir pour le bien. Aujourd’hui je peux m’acheter le magazine des dandy anglais de The Chap dans le confort de mon salon alors que jadis le simple fait de s’en procurer un exemplaire aurait été une aventure. Plus généralement l’audio-visuel ou la musique ne nécessitent plus des budgets faramineux. Voilà quelques un des progrès du temps malgré le narcissisme des réseaux sociaux.


Quels sont tes projets pour 2020-21 ?
Je travaille sur pas mal de nouveaux projets. Un nouvel album en compagnie de Jérome Braque. Un radioshow avec Lio. Pour un film et une série je recherche une production. Je suis en train d’écrire un roman. Mais tout dépendra du monde d’après le virus. Je reste optimiste en passant que malgré toute la tragédie des morts innocents le monde de la création va devoir se recentrer sur d’avantage d’âme et moins de d’égo. En ce sens les gens comme Obispo et ses potes avec leur chanson contre le corona sont vraiment à côté de leur époque. S’en est fini je pense de l’ère de l’ersatz. Il va falloir moins de fake et plus de réel. En Juin va sortir la fabuleuse revue pop culturelle (maison cocorico) Fantask, en octobre mon ouvrage sur la new wave française (chez le même éditeur) avec j’espère un 45 tours en édition limités avec les premiers exemplaires. Enfin j’espère reprendre la conception des lives de mon album. Reprendre le dessin et tant d’autres choses mais il est trop tôt pour en parler. Malgré le confinement je ne m’ennuie pas ! Au contraire, « only fools get bored ».


S’il y un message, un appel au sujet d’un artiste à faire passer à nos lecteurs c’est ici !
Je vous conseille de découvrir The Future Children de Kevin Coral (le responsable d’une grande partie des musiques de mon album, « Rouen Dreams »), la dernière marée de Jérome Braque le travail d’Hugo Chastanet, de Benjamin Schoos et de Juniore. Une liste à laquelle j’ajouterai le travail remarquable de Rodolphe Coster à Bruxelles. Sans oublier le cinéma de Noel Lawrence et les documentaires pour Arte de Thomas Cazals. Alors boys and girls n’oubliez pas de soutenir vos local heroes (vous connaissez ceux que j’aime) ! Au risque de me répéter je recherche une production pour mes projets films et séries. Enfin j’aimerai profiter de l’opportunité qui m’est faite évoquer ma maman partie en 2013 vers d’autres cieux pour tout le soutient qu’elle n’a jamais cessé de me prodiguer. Ainsi que des amis proches, Adélaïde, Véronique, Annie, Eric, Olivier, Céline et d’autres encore car seul on ne peut rien.

 
Photos @Clément Boulland

www.jeanemmanueldeluxeandfriends.com

www.facebook.com/jeanemmanueldeluxe 
jeanemmanueldeluxeandfriends.bandcamp.com
 

Nota du 21 novembre 2020: Dans la nuit du 13 au 14 novembre 2020, il y a un eu incendie qui a détruit la maison de Jean-Emmanuel de Luxe. La peur et ensuite la tristesse de constater les dégâts (il a perdu 80% de ses archives, soit 80% de sa vie de passionné de musique, de contre-culture). Certes le principal est de rester en vie sans bobos, mais les disques, livres, dvd nous aide aussi a garder pied et faire des connaissances avec d'autres passionnées, lors de notre passage terrestre. 

Si vous désirez lui venir en aide pour qu’il remonte la pente, il y a une cagnotte de soutient : https://www.leetchi.com/c/cagnotte-pour-jean-emmanuel-suite-a-lincendie-de-son-domicile?fbclid=IwAR28HDFDpP7wlL_8T2Ez591mzg_w2BpI0K_pPbgpZ_w3ptDsjNzS2jwtFCI


 

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