lundi 1 juin 2020

FRANK MARGERIN : La banane blanche


Frank Margerin vient de publier un nouveau tome, le 6ème  de la série Je veux une Harley, sur un scénario de Marc Cuadrado. Certes, j’ai une préférence pour son personnage Lucien (vivement son re-retour !), mais c’est toujours un plaisir de retrouver la patte graphique, si unique de Frank Margerin. A l’occasion de la sortie de cette nouvelle BD, éditée chez Dargaud, j’en profite de sortir de mes archives une interview que j’avais réalisé en décembre 2007 chez Frank Margerin à Paris, juste au moment du retour de Lucien dans l’univers de la BD avec l'album "Toujours La Banane".
L'interview a été publiée dans le fanzine Abus Dangereux face 105 spécial Rock & BD (mai/juin 2008) et sur foutraque.com.

En France, que l’on aime la BD ou pas, tout le monde connaît Lucien, celui qui arbore une magnifique banane métallique. Frank Margerin, le père de ce personnage, est un incontournable de la BD, et encore plus quand on aime aussi le rock. 

Avec un papa artiste (Jacques Margerin fait des tableaux à base de coquillages dans un style naïf/art brut, et ne chôme toujours pas à 87 ans!), et une maman qui aime dessiner, pas étonnant que le fiston ait fait une école d'Arts Appliqués. Il en est reparti avec un diplôme qu'il mît au service de l'illustration et de la BD dans les années 70 jusqu'à décrocher en 1992 le Grand prix du festival de la BD d’Angoulême.
Passionné de moto, de rock, d'art et d'objets (il s'est rendu de nombreuses fois à Sète au Musée d'art modeste d' Hervé Di Rosa), mais aussi collectionneur de pompes à insecticides (Fly-Tox) et de pistolets à eau, Frank Margerin est resté un grand enfant chaussé d'une paire de santiags et vêtu d'un blouson en cuir.

Frank Margerin, c'est 35 ans d'activité dans la BD (Lucien, Momo, Manu, Shirley et Dino) et dans l'illustration. De l'étiquette pour une bouteille de vin (elles sont toutes exposées chez lui), la pochette d'un disque, le sac de la boutique parisienne Parallèles (qu'on voit régulièrement dans le métro dans les mains des clients depuis 28 ans), les petites vignettes que l'on trouvait dans les années 80 dans les chewing-gums Malabar, jusqu'à l'affiche d'une manifestation (concerts, spectacles, salon de BD, rassemblement de motards…). Sans oublier les produits dérivés comme les petites figurines, des sérigraphies, et des autocollants à tirage limité. Oui, le coup de crayon de Frank Margerin est partout et c'est tant mieux! 
 

Ton père, Jacques, est artiste peintre et ta mère aime dessiner. Penses-tu que ton chemin était tout tracé pour faire de la BD?
Oui, mais, même si je passais tout mon temps à dessiner, je n'en avais pas encore conscience. Dans la mentalité de mes parents, il n'y avait pas de rejet du dessin, ils envisageaient que je puisse en vivre un jour. Ils voyaient bien que mes résultats scolaires n'étaient pas terribles, et se doutaient que je puisse faire de cette passion du dessin mon métier. Mais mes parents ne pensaient pas à la BD! Ça s'est fait assez logiquement car j'en lisais des tonnes de BD (Pilote, Spirou, Tintin). Gamin, je dessinais beaucoup, notamment des scènes de guerre. Soit l'époque du Moyen-âge, car à la télé il y avait des feuilletons comme Ivanhoé et Thierry La Fronde, soit des cow-boys et des indiens ou des armées de soldats. Dans tous les cas ça s'entretuait de partout (rires). J'avais un stylo bleu pour dessiner les personnages, les scènes et les décors et un stylo rouge pour faire le sang. Après, ado, j'ai commencé à dessiner des "gonzesses à poil" pour faire marrer les copains. C'étaient déjà des personnages avec des gros nez, car j'étais incapable de dessiner des personnages réalistes.

La BD c'était donc déjà ton dada!
Oui. On peut en faire n'importe où, avec peu de matériel. Alors qu'avec la laque, par exemple, il faut un atelier pour travailler. Pour la BD, comme je suis assez perfectionniste, je fais tout de A à Z. Si je ne suis pas Dieu le père, ça ne m'intéresse pas (rires). Donc je dessine sur une feuille A3 que je réduis en A4 pour mettre directement les couleurs sur la photocopie, et au final je re-photocopie sur du papier Canson assez fin. Je travail avec du matériel très ordinaire. La recette du succès ne vient pas du matériel (rires).Il y a des gens qui me demandent : "Qu'est ce que tu utilises comme papier et comme pinceau?". Eh bien moi je prends des pinceaux en poils plastique et du Canson bas de gamme et ça marche très bien. Le pinceau ne fait pas obligatoirement le bon nez ! (rires)
Tu as passé 5 ans à l'école des Arts Appliqués?
Oui, mais on n'y apprenait pas la BD. Ce n'était pas considéré comme artistique, et c'était même un peu méprisé. On dessinait surtout des modèles vivants. Une fille posait nue, mais dès que le prof avait le dos tourné, je dessinais sur ma copie un gros nez. Ça faisait marrer les potes! Et dès que le prof revenait je gommais tout de suite et je dessinais un petit nez. J'aimais bien faire marrer les copains par le biais de la BD. Je crois que tous avaient compris que je ferais de la BD en sortant de l'école.
Aux Arts Appliqués, je m'étais spécialisé dans deux ateliers. L'un, c'était du dessin imprimé sur textile, et l'autre, de la peinture sur laque. Sur le moment, c'est un truc qui m'avait séduit, mais c'était très ingrat et très fatigant parce qu'il fallait passer son temps à poncer avec des produits toxiques qui sentaient mauvais. D'ailleurs le prof est mort d'un cancer quelques années plus tard.

Après 5 années aux Arts Appliqués, avec le diplôme en poche, Frank Margerin cherche du travail. Passionné par la BD américaine underground ( Crumb en tête) il frappe à la porte du magazine le plus décalé, pour l'époque, en France : Métal Hurlant. Un mensuel de BD underground, porté sur la SF, créé par J.P. Dionnet, Philippe Druillet et Bernard Farkas. C'est là que Margerin publie ses premières planches dans un style très éloigné du futur Lucien. " Lucien sera dessiné au pinceau, alors que mes premiers dessins étaient dessinés à la plume. Le trait était tellement fin qu'il y avait plein de petits traits pour remplir la case et aussi pour noyer le poisson, car mon trait était un peu raide. Pour cacher la raideur de mes personnages, je rajoutais plein de petites hachures, un peu comme le style de Crumb". Ces dessins sont réunis dans la série "Frank Margerin présente" sous le nom de "Tranches de Brie" et "Alerte aux Envahisseurs".

On te connaît avant tout pour être le dessinateur de Lucien. Comment est né ce personnage ?
En 1975, je dessinais dans le journal Métal Hurlant, qui était une revue de BD orientée science fiction (SF). Je me forçais un peu pour m’intégrer dans ce journal, je ne m'y sentais pas très à l'aise. Du coup, je racontais des histoires loufoques avec des papys qui vivaient dans des pavillons et je rajoutais des martiens pour faire SF. En 79, Philippe Manoeuvre qui était à l'époque rédacteur en chef adjoint de J.P. Dionnet, me dit :"On va faire un numéro Spécial Rock". Pour ce numéro, j’ai raconté l’histoire d'une répète avec Gillou mon frère, Ricky un grand copain de l’époque, Riton le bassiste d’un groupe. Le nom de cette histoire était "Ricky banlieue" en hommage à Rocky Beaulieu, un autre copain qui jouait aussi du rock. C’était la première fois que je racontais des trucs que j’avais vécus, j'y avais mis mes potes avec leurs dialogues. Lucien était le seul personnage à être totalement inventé. Quand le numéro (n°39 bis) est sorti (en mars 79), plein de potes m’ont appelé car ils s’étaient bien marrés. Ca a été un déclic pour moi et je me suis dit que j’allais continuer avec Lucien. Comme Manœuvre et Dionnet trouvaient la BD sympa, ils se foutaient que ce ne soit pas SF. Et voilà!

Il n'y a pas de politique dans les histoires de Lucien.
C'est délibéré, je ne veux pas tout mélanger. En mai 68, je me suis investi dans la politique et j'ai été déçu. Quand tu t'aperçois qu'on t'a menti et utilisé comme un pion, et que Mao n'est qu'un gros facho, tu n'as plus envie de te faire le porte-parole de toute une jeunesse, ni de porter l'étendard d'un truc dont tu n'es pas sûr. Je garde mes idées pour moi, sans les imposer aux autres. Mais, si de temps en temps l'histoire le justifie, je m'autorise de petits clins d'œil.

Justement avec ta BD "Momo le coursier", tu traites un peu des problèmes de la banlieue.
Oui. Momo est un petit reubeu qui m'a permis de faire plus d'allusions à des faits politiques. Il n'est pas trop typé, je ne voulais pas en faire une caricature. Je l'ai rendu plus sympathique que l'image qu'on a parfois du petit reubeu, la racaille qui parle avec un langage caricatural. J'en ai fait un personnage à la portée de tous, pas forcément avec un langage codé. Momo n'est pas Lucien, il est un peu "vénère", il a des problèmes avec les "keufs", des problèmes que Lucien n'aurait pas pu connaître. Je suis comme tout le monde, je vis à mon époque, je sais comment parlent les jeunes. J'ai un fils de 13 ans et une fille de 18 ans et je vois bien leurs réactions. Comme je n'habite pas dans une cité, il y a plein de trucs que je ne connais pas, que je maîtrise mal, et dont je ne préfère pas parler. Donc Momo passe son temps sur son scooter, à circuler à droite et à gauche dans Paris.

Pour rester dans le sujet, "Tintin au Congo", qui date de 1933, a été classé comme un album raciste. Qu'en penses-tu ?
Pourquoi pas ? Les jeunes ne sont peut-être pas toujours conscients de la mentalité de l'époque et pourraient prendre ça au premier degré.
Revenons à Lucien. Son univers est rock. Quel style de musique écoutes-tu chez toi ?
J’écoute de la musique tout le temps. Je prends toujours plaisir à écouter les Beatles, Stones, Who, Stooges , les pionniers du rock, le vieux blues, la soul music. J’ai aussi des potes qui font de la musique et qui m’envoient leur CD. Certains jours je n’écoute que la radio, d'autres mes CD, ou Internet. De temps en temps, je sors des vinyles. Mais comme je travaille sur une loggia et que ma chaîne est en bas; descendre tous les quarts d’heure, ce n’est pas terrible pour la cadence de travail !

Tu fréquentes aussi beaucoup les lieux rock.
Je sors beaucoup plus aujourd’hui. J’ai envie d’être plus disponible, donc j’ai levé un peu le pied côté boulot. J’ai beaucoup de copains musiciens qui m’invitent à venir les voir jouer. Fin 70/début 80, ça commençait à décoller pour moi, donc je ne sortais pas beaucoup. J’allais au Gibus et au Rose Bonbon, mais contrairement à ma femme, je n’étais pas un pilier du Gibus.

C’est là que tu as connu ta femme ?
Non! (rires). A l’époque, je ne sais pas si je l’aurais remarquée, car elle était très punk. Et je n’ai jamais été attiré par les punks. J’en dessine, j’aime bien leur look et leur musique. Mais ils avaient une violence qui ne m’attirait pas. Je me suis fait secouer à plusieurs reprises dans des pogos, et j'étais à deux doigts de leur foutre mon poing sur la gueule.

Tu as joué dans le groupe de rock Dennis' Twist qui a fait un carton à la fin des années 80.
Au départ Dennis' Twist était un groupe composé de dessinateurs de BD, qui avaient tous eu plus ou moins une expérience musicale, et qui avaient envie de donner un concert au Festival de BD d'Angoulême. Comme on s’était bien éclatés à faire ce concert, on a cherché des petites salles dans d’autres festivals de BD. La femme d’un copain était choriste d’un groupe produit par Paul Scémama. Il nous dit: "Si vous écrivez et que vous avez assez de compos, je produis un disque." Histoire de laisser une trace et de continuer à rigoler, on a accepté sa proposition. Il a trouvé des gens chez Vogue qui étaient intéressés par le projet et on a signé pour un album. On s'est retrouvés au Top 50, sur des plateaux télé dans des émissions de variété. On a fait des tournées sensiblement aussi ringardes que "la tournée des plages" avec le chant en direct et la musique sur bande. De temps en temps on s'amusait à intervertir nos instruments. On était un groupe particulier car on était neuf à avoir chacun un petit répertoire. Moi je chantais façon Dutronc de vieilles reprises marrantes. Denis Sire était la caution rock'n'roll et faisait des trucs un peu speed. Vuillemin, c'était trash, Jean-Claude Denis c'était des chansons à textes et Dodo c'était pour les midinettes. Le spectateur avait l'impression de voir plusieurs groupes, car on changeait de chanteur selon les titres. On a voulu imposer notre style à la maison de disque, mais eux voulaient juste la formule Dodo qui chante avec le bassiste. On n’était pas d'accord, et après un titre qui a moins marché, ils nous ont rendu notre liberté. On n'en avait rien à foutre car on avait tous un métier. On n'avait pas envie de faire des concessions et de devenir un groupe de variété. Ca s'est terminé en 90 et c'est très bien comme ça.

Le dessinateur Serge Clerc n’a pas joué dans Dennis’Twist, mais il avait aussi pas mal de succès dans les années 80. Là, il revient avec un livre qui retrace l'épopée de Métal Hurlant.
En effet, il vient de publier ce livre. Pendant des années il a coupé les ponts avec la BD, car il estimait que la BD c'était beaucoup de travail pour pas grand chose. La pub, l'illustration, et la presse lui rapportaient suffisamment d'argent. Comme il était branché pognon, il a laissé tomber les plans BD qu'on lui proposait. Quelques années plus tard, ça marchait moins bien dans la pub, car il n'y avait plus de budget. Il s'est retrouvé le has been du coin, les gens ne le connaissaient plus. Là, ça fait des années qu'il essaie de revenir, mais c'est plus difficile, il est grillé. Aujourd’hui, il y a énormément de dessinateurs sur le marché. Mais c'est un mec qui a beaucoup de talent. En 80 il était dans son époque, il était même un précurseur, son style était très branché. Serge est plus graphiste que scénariste.
Tu es dessinateur de BD, donc le festival de la BD d’Angoulême est un rendez-vous incontournable. En 1992 tu as reçu le Grand prix qui t'a été remis par Gotlib. Parle-nous des changements que tu as observés tout au long de ces différentes éditions du festival.
Ce qui a changé pour moi, c’est qu’au début je dormais dans un hôtel pourri, qui se trouvait dans la banlieue d’Angoulême. Il fallait marcher des heures pour arriver au festival. Après, on était derrière le stand à bosser toute la journée et le soir on s’explosait dans des boîtes de nuits. C’était très rock’n’roll, on se marrait bien. Maintenant c’est plus tranquille. Avec la notoriété, et mon grand âge (56 ans), il y a quelques privilèges qui me sont dû, comme celui de dormir dans le bon hôtel du centre ville (rires). Ça m'a apporté une certaine satisfaction d'avoir le Grand prix, parce qu'il est décerné par des dessinateurs qui l'ont déjà eu (l’Académie : Franquin, Druillet, Moebius, Mandrica, Gillou, Billal …). C’est eux qui choisissent l'auteur qui mérite d'être lauréat. Moi, j’ai aidé Gérard Lauzier à l'emporter. J’appréciais beaucoup son album "Portrait de l’artiste" et son ouverture sur le cinéma. Ce n'était pas courant à cette époque. Sans être fan de son travail, je trouve qu’il a apporté à la BD. C'était aussi un choix qui permet de récompenser plusieurs styles de dessinateurs. Mais à chaque fois, c'est toujours la même prise de tête, il y en a plein qui méritent ce prix, et les jeunes poussent derrière. Trondheim, il l'a eu parce qu'il a énormément produit en très peu de temps. En 10 ans il a produit autant que certains en 30 ans. Il a fait beaucoup pour la BD, ce Grand prix c'est comme une reconnaissance pour l'ensemble de son travail. 

En 1993 tu as fait l'affiche du festival d'Angoulême.
Oui, il y avait aussi une grande expo. Je n'ai que des bons souvenirs de cette année-là. Des copains étaient venus me voir dans une vieille Ami 6 jaune, la même que dans l'album "Votez Rocky". Ils avaient reconstitué la voiture du président. Sur la route, les potes n'avaient eu que des galères (rires).

Angoulême, c'est le festival de la BD, et Malakoff, c'est la ville où vit Lucien. Quels sont tes rapports avec la mairie de Malakoff?
Ils ne m'ont pas remis la médaille du citoyen de la ville, mais ils m'ont appelé pour que je participe à un anniversaire de la ville. Mais, je n'ai pas pu y aller. Je me dis parfois que si un jour je dois chercher un appartement à louer, peut- être qu'à Malakoff je trouverais (rires). Par contre, je n'ai jamais vécu à Malakoff, mais à Châtillon et à Bagneux qui se trouvent à côté. J'ai choisi cette ville comme résidence pour Lucien et ses copains, parce que Malakoff, ça sonne bien. Après j'ai appris qu'il y avait des bandes de bikers qui ont formé les Hells Angels en France. Il y avait aussi les petits chanteurs de Malakoff quand j'étais môme.

Parlons un peu de tes albums. Chacune des rééditions est différente: la couverture, l'ordre et le choix des histoires. C'est une volonté de l'éditeur ou un choix personnel?
Quand j'ai fait mes premiers albums, on mettait à l'intérieur tout ce que j'avais dessiné dans l'année. Ainsi on trouvait Lucien mélangé avec des histoires de SF (voir "Ricky Banlieue"). Mes dessins avaient des styles différents, ça ressemblait à des compilations. Un jour, on s'est dit que ça serait mieux de mettre tous les Lucien ensemble, et c'est ce que l'on a fait. Après, Les Humanos ont voulu changer la maquette pour la rafraîchir un peu. C'est sûr que les lecteurs doivent un peu s'y perdre. Là, comme ça fait 10 ans, on envisage à nouveau de relooker la maquette.

Aimerais tu, comme pour Star Wars, ou certains disques passés du vinyle au CD, ou la VHS au format DVD, pouvoir re-mastériser en quelque sorte tes anciennes histoires?
Effectivement si ce n'était pas trop long, j'aurais aimé tout redessiner, car il y a plein d'erreurs de perspectives, de proportions, des personnages qui ont de trop gros doigts, des petites pattes trop maigres et toutes tordues. Comme j'ai fait des progrès en dessin, je vois aujourd'hui des trucs que je ne voyais pas à l'époque. Bon après ce n'est pas forcément parce que ce sera mieux dessiné que cela va plus intéresser les lecteurs. Ils ont pris l'habitude des défauts, ça fait aussi partie du charme de la BD. Ce qui est fait est fait, et je ne vais pas revenir en arrière. Par contre, pour la prochaine édition, je vais redessiner les textes presqu'illisibles, trop serrés ou de travers. Pour les prochains albums, je serai plus vigilant sur le dessin. Cela dit, je suis persuadé que les lecteurs ne s'attardent pas sur des détails qui me prennent le chou. Je deviens de plus en plus perfectionniste, et en voulant être trop rigoureux, on perd parfois en fraîcheur, ce qui n'est pas forcément mieux.

Mais les lecteurs aiment regarder tes petits détails, tes clins d'œil.
C'est vrai que c'est un peu ma marque de fabrique. J'ai fait des tas de clins d'œil à des potes. De temps en temps on me demande: "Tu ne voudrais pas mettre un petit graffiti?". J'avais par exemple fait une affiche avec "Raoul Petite à l'Olympia" car ce sont de bons copains, et 10 ans après ils passent réellement à l'Olympia. Alors on m'a dit: "Tu avais deviné, tu es un précurseur!". Après j'ai eu des demandes pour mettre des noms de groupes à Bercy (rires).

Après huit années d'absence, Lucien revient… mais dans quel état!
Eh bien il vit toujours à Malakoff. Il a 50 ans et a pris 30 kilos. Il a la banane blanche (ça permet de montrer qu'à 50 ans il est toujours rock'n'roll). Il a une femme et deux enfants (un garçon et une fille). Il vend des instruments de musique et donne des cours de guitare. C'est ainsi qu'il a rencontré sa femme, et qu'il l’a mise enceinte (rires). Pourquoi ce changement? J'avais envie de redessiner Lucien, mais je me rendais compte que je risquais de me répéter. D'autre part l'écart entre moi et lui se creusait: quand j'ai créé Lucien j'avais 25 ans et lui 20. Aujourd'hui j'en ai 56… Le faire vieillir m'amuse. Ce n'est pas courant de voir des personnages de BD vieillir, Lucien est un cas rare. Et puis Lucien n'était plus dans son temps. Lui donner des enfants qui jouent à la Playstation et qui possèdent un téléphone portable, c'est le faire revenir à notre époque. Les premières planches sont parues dans le magasine Cargo Zone et les réactions des lecteurs ont été bonnes. Lucien est resté dans le cœur, il n’a pas été oublié.


Interview et photos, décembre 2007, archive de Paskal Larsen.


dimanche 31 mai 2020

BARAKI KUNG FU "S/T" (Chupacadabra Records) - 03 février 2020



Baraki Kung Fu est un trio de « power pop rock en short ». Coté arts martiaux, ils utilisent plutôt une guitare, une basse et une batterie (avec Gasoline Bud des freaks Tequila Savate) pour défendre leur musique rêche, sec et sans bavure n’y artifice gratuit. Soit du rock garage qui sent la sueur et du rock HC qui n’aime pas les gestes barrières et encore moins les masques certifiés AFNOR. Ce premier album sans titre, contient 10 morceaux explosifs, funs et sans complexes. Et ce n’est pas parce qu’il y a un morceau qui a pour titre Heroin, que le spectre du Velvet Underground et de Lou Reed va venir nous apporter sa piquouse. Non, l’Heroin chez Baraki Kung Fu ne dure que 2 minutes et fait des étincelles non toxiques et 100% fun pour le moral et les jambes qui ont besoin de bouger. Bref, cet album est un 1er essais réussi, du moins si on est amateur de rock en short et en basquette. Enfin mention spéciale pour la pochette réalisée par La Brodeuse Masquée, ça ne s’invente pas !


FRANCOIS CLUB " Cobra " (Requiem Pour Un Twister Records/Modulor ) - 29 mai 2020



Après un EP nommé Paramilitaire sorti en 2015, voici Cobra, le premier album de François Club. Ex membre du groupe Aquaserge (de 2008 à 2011), le projet avorté Franz O Clock, des études au Conservatoire de musique en Electro-acoustique, des débuts à l’âge de 16 avec son pote Julien Gasc au sein du groupe punk Muddle, voilà en quelques mot le parcourt musical de François Club. Pour réaliser Cobra, notre chanteur compositeur et producteur a fait appel à de nombreux amis, dont Pascale Borel, ex chanteuse de Mikado, duo électro pop 80 dont le tube La Fille du Soleil trotte encore dans la tête. Bon choix, car la musique de François Club baigne justement dans les sons synthpop et new wave situé quelque part entre Mikado, Yellow Magic Orchestra, Kraftwerk, Christophe, Etienne Daho et Alain Chamfort. Légères et funs, les pastilles électro pop de François Club ont une atmosphère chill-out/lounge, fin de soirée, quand il ne reste plus rien à boire et que l’on a plus l’énergie pour venir gesticuler ses jambes et ses bras sur la piste de danse vidé de ses âmes nocturnes. L’album Cobra est comme un temps suspendu, bercé par la voix posée, mélancolique (et venimeuse ?) de François Club. En compagnie de ce Cobra, restons zen …

 


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