mercredi 1 novembre 2023

CHÉRIBIBI n°13 "Sexe ! Crime ! Blasphème ! Eclectisme !" – Octobre 2023

"Comment peut-on être ouvrier et fabriquer des armes ?" (Christian Corouge ouvrier syndicaliste – page 31)

C’est noël avant l’heure avec la publication du nouveau numéro de ChériBibi, un des meilleurs fanzines au monde -en restant modeste-. Pour seulement 10 euros, ChériBibi nous invite à lire (tout en prenant plein les yeux) 132 pages d’interviews fleuves (ça peut aller jusqu’à 20 pages !) où, musiques (rock, reggae, rockab, R&B…), cinéma social, cinéma d’exploitation, cinéma pornographique, monde ouvrier syndicaliste, dessinateur underground, cascadeuse chez 007, femmes Kurdes, marionnettes hip-hop, font bon ménage.

Tenu d’une main de fer (l’enclume n’est pas loin) par Daniel (DPC), pas une seule page de publicité vient perturber notre lecture. Le gros des interviews est réalisée par le tôlier DPC (fer + enclume = tôlier). C’est clair, il connait ses sujets, car ses nombreuses questions sont pertinentes, entrainant des réponses passionnantes. Côté musique ChériBibi a donné la parole à : Glen Matlock (premier bassiste des Sex Pistols et depuis 2022 dans le groupe Blondie), Ray Gange (acteur dans le film documentaire Rude Boy consacré au groupe The Clash), tous deux rencontrés le 9 décembre 2022 au Strummer Fest à Montreuil, l’un donnant un concert et l’autre au poste de DJ. Miriam Linna qui fut la première batteuse des Cramps, puis de The Zantees, nous parle de son fanzine Kicks, de son label Norton Records, de Esquerita, Screamin’s Jay Hawkins, de Rudy Ray Moore (Dolemite), d’Andre Williams, bref 8 pages d’entretien super passionnantes. Un peu de reggae avec The Twinkle Brothers, une interview de Puppetmastaz en roman photo couleur, mené par une marionnette lapin. Période Halloween dans l’air, Chéribibi a consacré un joli papier aux disques reggae inspirées de l’horreur (monstres, zombies, vampires, fantômes…).

Christina Lindberg en séance de dédicaces dans le local du Chat qui fume –Paris le 16/12/22  @ Paskal Larsen

Christina Lindberg en séance de dédicaces dans la boutique Hors Circuit –Paris le 17/12/22  @ Paskal Larsen

Côté cinéma c’est également le plein. A commencer par l’icône Christina Lindberg, actrice dans le film culte Thriller (Crime à froid en VF). Elle était de passage à Paris pour des séances de dédicaces, lors de la sortie du Blu-ray Crime à froid édité par Le Chat qui fume. Une séance dans les locaux du Chat qui fume (le 16 décembre 2022) et le lendemain (le 17 décembre 2022) une séance à la boutique Hors-Circuit. C’est là que DPC a rencontré cette actrice qui est d’une gentillesse exemplaire. Les fans de la miss sont gâtés avec 12 pages d’interview qui débordent d’illustrations (photos, affiches, encarts publicitaire d’époque…). Autre gros pavé, 8 pages avec le réalisateur social Ken Loach. L’article reprend la rencontre avec les journalistes, le public et l’historien Tangui Perron, lors du passage de Ken Loach au festival Regards satellites à Saint-Denis au cinéma L’Écran, le 7 février 2023, date du 3ème jour de grève contre la réforme des retraites. A 87 ans, Ken Loach est toujours plus vif que jamais sur le sujet des luttes sociales, de la classe ouvrière, mais aussi sur le monde du cinéma. Extrait : "Ce que les grands studios américains nous montrent aujourd’hui, ce sont des produits soigneusement calibrés qui sont au 7e art ce que les hamburgers de Mc Donald’s sont à la cuisine."

Toujours au cinéma, mais du côté technique avec la cascadeuse, actrice Monia Moula. L’interview permet de retracer le parcours d’une môme d’Ivry passionnée de sport, particulièrement de la boxe thaïlandaise - pour devenir une Ninja ! - qui va se retrouver cascadeuse dans le cinéma français (OSS 117 : Rio ne répond plus de Michel Hazanavicius) et international (Wonder Woman de Patty Jenkins), jusqu’à doubler l’actrice cubaine Ana de Armas dans le James Bond, Mourir peut attendre de Cary Joji Fukunaga (2021).

Pour finir la rubrique cinéma en beauté, petite excursion en photos dans le dernier cinéma pornographique de Bruxelles, l’ABC qui a fermé ces portes en 2013. Ce cinéma est à l’honneur dans le monde du fanzine. Medusa en parle aussi dans son dernier numéro (1).

Couverture dépliée (recto-verso) réalisée par Valium pour le fanzine Hyacinth 8ème floraison, mars 1992.

Coté BD, graphisme, ChériBibi a sorti de ses archives une interview d’Henriette Valium qui nous a quitté le 1er septembre 2021 à l’âge de 62 ans. Cette interview hommage a été réalisée en 2000 et publié dans ChériBibi ancienne formule, et donc épuisé depuis très longtemps. Valium était un homme entier qui s’est fait connaitre en France grâce à Pakito Bolino du Dernier Cri. Pakito a publié de nombreux livres et aussi exposé les œuvres de Valium au style underground, freaks, punk, comix, toujours vif. Valium étant Québécois, son langage fleuri est étonnant, il y a plein de nouveaux mots à découvrir. L’autre sujet graphique est consacré à Toma Sickart avec 5 pleines pages des planches tout en couleur. On en a plein (vomir ? comme dirait Pakito) les yeux !

Le pavé de ce n°13 est consacré à Christian corouge, ouvrier syndicaliste chez Peugeot-Sochaux de 1969 à 2011. Il est entré à l’usine à l’âge de 18 ans où il a travaillé jusqu’à sa retraite à 60 ans. Le travail ouvrier il connait, et surtout il sait en parler avec force et conviction. La lutte des classes, il l’a vécu toute sa vie. A travers une longue interview sur 20 pages, c’est 40 ans de travail à la chaîne, de lutte, de grève qu’on traverse avec lui. Passionnant.

L’autre sujet social est consacré aux femmes kurdes avec la photographe Maryam Ashrafi (S’élever au milieu des ruines, danser entre les balles aux éditions Hemeria) et la réalisatrice de documentaires Mylène Sauloy qui a publié la BD Les filles du Kurdistan (éditions Steinkis) qui parle du mouvement des femmes kurdes luttant contre Daesh. Résistance, un mot qui résonne fort chez ChériBibi.

Pour compléter toutes ses belles rencontres, dans les pages il y a aussi une BD de quatre pages de Daniel Selig, une nouvelle de Slim Buen, deux pages polar-roman 40-50 de Gypsy Rose Lee et des chroniques (livres, fanzines, DVD). Comme vous pouvez le constater, les 132 pages de ChériBibi sont bien garnis. On est ici à l’opposé du mensuel Les Inrockuptibles, où le premier article apparait à la 50ème page, car avant, il y a des pages et des pages de publicité de produits de luxe, de news inutiles, sauf pour faire plaisir aux annonceurs.  

Vive le fanzinat (le DVD Fanzinat -chroniqué dans ce n°- de Bessi, Gwardeath, Putaud-Michalski est chaudement recommandé), qui a le double mérite de rester en vie, malgré la hausse du papier et les frais de port de la Poste qui font très mal au porte-monnaie. La passion étant le moteur des rédacteurs bénévoles (non rémunérés comme les stagiaires chez Le Parisien), ils luttent donc pour la survie de ce média indépendant en mode DIY, tout en faisant face au tout numérique.


Pochette d’un album des Scientist pour illustrer l’article sur l’horror reggae (page 114)

(1): Chronique du fanzine Médusa n°31 ici : https://paskallarsen.blogspot.com/2023/10/medusa-fanzine-n31-octobre-2023.html

https://www.cheribibi.net/



vendredi 27 octobre 2023

HERTBEEPS "Cum Together" (Les Disques du Paradis/Slovenly/Modulor) – 27 octobre 2023

Heartbeeps est un groupe de Bordeaux qui s’est formé en 2008. Avant de former Heartbeeps, les quatre membres du groupe ont joués dans diverses formations de garage rock, dont TV. Killers. C’est en trio que Heartbeeps publie son deuxième album titré Cum Together (sympa le clin d'oeil au morceau des Beatles). Sortie en mars dernier au format vinyle sur le label américain Slovenly Recordings (label où l’on trouve aussi Magnetix et J.C Satan, comme quoi il y a une connexion Reno-Nevada et Bordeaux-Gironde), le jeune label bordelais Les Disques du Paradis vient de publier l’album en CD. La pochette de Cum Together illustre bien le contenu du disque. Ici on n’est pas dans la sunshine pop, mais bien dans le garage punk rock basique qui transpire des pieds (pauvre chaussures Converse) et de la tête (pauvre casquette STP). Le rock qui s’écoute dans une cave surchauffé où l’interaction groupe-public est proche de la partouse. Dans la musique sauvage (wild !) de Heartbeeps on trouve du Mc5, Stooges, Dogs, Radio Birdman. En trio (guitare/voix, basse, batterie), Heartbeeps envoie de l’adrénaline sans temps mort. Le pied dans le starter, les 10 compos sont dans le rouge, dans l’urgence. Du garage rock sans chichi, qui va droit au but, tel est le programme de Heartbeeps !

https://slovenly.bandcamp.com/album/heartbeeps-cum-together-lp

https://www.facebook.com/profile.php?id=100090411223129

https://www.lesdisquesduparadis.fr/heartbeeps/


mercredi 25 octobre 2023

RICHARD ROUNDTREE: 1942 - 2023

Triste nouvelle, l’acteur Richard Roundtree vient de nous quitter (le 24/10/23) à l’âge de 81 ans, suite à un cancer du pancréas. Dans sa longue carrière d’acteur commencé au cinéma en 1970, Richard Roundtree est associé pour l’éternité au personnage du détective privé John Shaft. Titré en France Les nuits rouges de Harlem, le film Shaft réalisé en 1971 par Gordon Parks est un tournant dans le cinéma afro. C’est un des films fondateurs du genre Blaxploitation, style cinématographique qui a la particularité d’être joué principalement par des acteurs noirs pour le public noir américain. Dans ces films d’exploitation, on trouve de l’action, de la violence, du sexe et une bande son bien funky à nous retourner les sens. Pour Shaft, côté B.O. c’est du lourd avec la musique devenue culte composée et interprétée par Isaac Hayes (1942-2008). Le succès de Shaft est tellement énorme, qu’il y aura deux suites, Les nouveaux exploits de Shaft - Shaft’s Big Score ! en 1972, Shaft contre les trafiquants d’hommesShaft in Africa en 1973, une série TV de 7 épisodes diffusée en 1975 et 1980 sur TF1, une BD. Richard Roundtree tiendra jusqu’au bout le rôle du détective privé, ce qui lui permettra d’aller en Afrique, soit la jungle urbaine de New York transposée à la jungle africaine. En 2000 il y a un remake avec dans le rôle de John Shaft, l’acteur Samuel L. Jackson. Richard Roundtree y fait une petite apparition dans le rôle de l’oncle de John Shaft. En 2019, nouveau remake avec un Shaft produit par Netflix et de nouveau interprété par Samuel L. Jackson. Richard Roundtree fait également partie de la distribution. Comme quoi ce rôle l’aura suivi pendant 50 ans. 

Dans sa filmographie, notons aussi le western Charley le borgne de Don Chaffrey (1973), film dans lequel il forme un duo avec Roy Thinners qu’on connait en France pour son rôle dans la série TV, Les Envahisseurs, le film catastrophe (très en vogue dans les années 70) Tremblement de Terre de Mark Robson (1974) avec le sauveur du monde Charlton Heston, le film de casse Diamonds de Menahem Golan (1975) avec une magnifique B.O. de Roy Budd, le film de guerre Bon baiser d’Athènes de George Cosmatos, avec à l’affiche une flopée d’acteurs, Telly Savalas, Roger Moore, David Niven, Claudia Cardinale. Enfin notons aussi sa présence dans le film culte Maniac Cop de Larry Cohen (1988). Au final, à l’inverse de Jim Brown, Fred Williamson, Pam Grier, Antonio Fargas -le Huggy de Starsky et Hutch également à l’affiche de Shaft- Richard Roundtree,  n’aura pas joué dans plusieurs films de Blaxploitation. John Shaft lui a suffisamment rempli son agenda afro. Au contraire, il a joué dans tous les styles de films d’action. On peut maintenant s’imaginer Richard Roundtree avec Isaac Hayes taper la causette avec du groove en fond sonore.