dimanche 11 septembre 2022

"GIALLO ET ROSSO" de Louis de Ny (Camion Blanc) – 26 Juin 2022


Louis de Ny  est écrivain historien du rock progressif italien. Il a publié chez Camion Blanc trois ouvrages sur le sujet : Le Petit Monde du Rock Progressif Italien en 2015, Plongée au cœur du Rock Progressif Italien en 2018 et en 2020, la biographie de Patrick Djivas, bassiste dans les groupes Area et Premiata Forneria Marconi.


Pour son nouveau livre, Louis de Ny c’est intéressé au rock progressif italien dans le cinéma, principalement les B.O.F. italiens des années 60 aux années 80, qui illustrent les films de "genre" dans les styles giallo, thriller, horreur et poliziottesco. Ce livre n’est pas consacré aux compositeurs italiens de B.O.F., mais bien à la musique progressive dans ce cinéma italien. Quand on évoque ce style musical lié au cinéma de genre, le nom Goblin vient automatique en premier. Leurs B.O. pour les films Profondo Rosso, Suspiria de Dario Argento et Zombi (Down of the Dead) de George A. Romero, sont des incontournables qui font partis du TOP 10 des B.O. de films d’horreurs et d’angoisses. Évidemment, Goblin et son leader Claudio Simonetti ont ici une belle présentation bien méritée, vu tout le travail qu’ils ont accompli pour la musique de film, avec un son identifiable dès les premières notes, soit une musique avec des nappes synthétiques qui fait froid dans le dos. Avec eux, ouvrir une porte dans le noir, est une épreuve qui peut être fatal ! Autre figure importante présente au sommaire, peu connu en France, mais bien connu en Italie, c’est le groupe New Trolls, dont le compositeur Vittorio De Scalzi vient de décéder, c’était le 24 juillet dernier. En 1971, le compositeur Luis Bacalov (1933-2017) fait appel au groupe prog. New Trolls pour la B.O. du film La Victime désignée. A noter que ce film vient de sortir en Blu-ray/Dvd chez Frenezy (1). L’album Concerto Grosso per i New Troll n’est pas la B.O. du film, mais ce disque a eu du succès avec ses 800 000 ventes. Autre grande figure du genre horrifique rayonnage films Bis, c’est Fabio Frizzi qui a écrit la préface du livre. Tout comme Goblin, Fabio Frizzi a également un beau palmarès du coté B.O. de films d’horreurs, juste quelques titres : L’enfer des zombies (Zombi 2), Frayeurs, L’Au-delà et Manhattan Baby (La Malédiction du Pharaon) de Lucio Fulci, Shark de Lamberto Bava. 

Fabio Frizzi en pleine lecture du livre "Giallo et Rosso"

On poursuit l’état des lieux du sommaire, avec la présence du groupe éphémère Trans Europa Express qui n’a fait la B.O. du film Il Gatto Dagli Occhi Di Giada d’Antonio Bido (2), Pulsar Music LTD qui a composé la B.O. du film Milano Violenta de Mario Caiano. Là pour le coup, cette partition n’est pas vraiment prog., on est plus proche de la Library Music. D’ailleurs, à plusieurs reprises, le lien "fragile" entre, musique pop, easy listening, lounge, Library Music, jazz et la musique progressive ne tient qu’à une petite nappe, une note jouée au synthétiseur. Évidemment de par la présence de Goblin et Fabio Frizzi, le lien le plus fort avec le genre rock progressif est le style hard rock et ses solos de guitare électrique qui illustrent à merveille l’hémoglobine rouge sang qui coule sur l’écran blanc.

Autres noms à retenir de groupes et compositeurs italiens qui ont œuvrés à illustrer les images souvent subversives liées à l’époque des années 70, le temps de un ou deux films: Le Groupe X, Libra, Osanna, Banco Del Mutuo Soccorso, Blue Phantom, Franz Di Cioccio & Franco Mussida et Alluminogeni. La musique prog pour la télévision a également droit à quelques pages. Au menu du livre, il y a également un petit chapitre sur les compositeurs Luis Bacalov, Alessandro Alessandroni, Piero Umiliani, Armando Sciascia pour leur musique non pas prog, mais pour les sons, ambiance "pop culture" avec le beat, la library music, le jazz, l’easy listening. Enfin, quand on écrit un livre sur les compositeurs italiens pour les B.O.F. impossible de ne pas évoquer le maestro Ennio Morricone, même si évidemment quand on parle de rock progressif, son nom ne vient pas automatique à l’esprit. Mais dans sa longue carrière étalé sur 500 B.O de films, il y a forcément à un moment donné quelques musiques liées au prog. D’autant que Ennio Morricone a composé pour le giallo, et pleins de films bis italiens, notamment la trilogie animalière de Dario Argento. Pour ces films, Ennio Morricone a non pas fait de l’illustration sonore pour accompagner les images, mais de la musique concrète et sérielle, sa passion première pour la musique. C’était sa façon de s’encanailler face aux commandes des grosses majors. Comme Louis de Ny n’a qu’une vingtaine de pages pour écrire sur Ennio Morricone, il a choisi le côté musique concrète du maestro et plus particulièrement son travail avec le Gruppo Di Improvvisazione Nuova Consonanza. C’est plus pointu que la musique prog, mais sa permet de mettre Morricone au sommaire.


Pour écrire sur le rock progressif italien au cinéma, il faut aussi ne pas oublier les autres musiques liées à la grande famille du rock et du jazz, d'où leurs présences dans les pages. Ne parler que "musique progressive" serait réducteur. Giallo et Rosso est publié chez Camion Blanc. Comme d’habitude, malgré les années, tout ce qui concernent les reproductions de pochettes de disques, affiches de films est de qualité photocopie pour un fanzine papier en A5 tiré à 30 exemplaires, que d’un livre d’éditeur en qualité offset. Comme Camion Blanc ne veut pas investir dans la qualité des reproductions, il devrait ne sortir ses livres qu’avec du texte, ce serait mieux pour les yeux. Idem pour la couverture. On dirait un jpeg basse définition trouvé à l’arrache sur le net. C’est dommage, sa gâche un peu le plaisir de lire.

Quoi qu’il en coute (désolé du terme repris a qui vous savez, j’en profite de donner le prix du livre qui est de 30euros), Giallo et Rosso est le seul livre écrit en français consacré à ce style de musique dans le cinéma de genre, et donc à Goblin en particulier, ainsi si vous désirer découvrir, avoir des infos sur ces compositeurs et groupes italiens, l’ouvrage de Louis de Ny est chaudement recommandé, même si la couverture est moche.


Nota : Juste un petit mot pour signaler la sortie de la B.O. du  dernier film de Dario Argento, Occhiali Neri composé par le français Arnaud Rebotini. Il a écrit ce commentaire pour présenter ce travail : "Lorsque j’ai appris que j’allais composer la B.O du prochain Dario Argento, j’ai immédiatement pensé à la musique de Goblin et de Claudio Simonetti qui ont composé pas loin d’une dizaine de films sous la direction du maestro italien. J’avais évidemment les cloches de Suspiria en tête, la séquence d’introduction de Profondo Rosso, de son orgue gothique, ou bien évidemment des sons électroniques de Tenebre. J’ai composé une BO entièrement électronique, mêlant thèmes et séquences sombres avec de la musique plus pop. Comme le faisait Goblin avec le funk et le disco, j’ai ajouté une touche plus personnelle avec des sons plus contemporains venant de l’electro et de la techno. Pour cette bande son, j’ai voulu m'inscrire dans la tradition du Giallo classique tout en essayant d’y apporter une vision personnelle et moderne."

(1): Chronique de La Victime désignée ici. A noter que dans les bonus, Louis de Ny resitue la B.O. de Luis Bacalov dans le contexte du rock progressif italien: https://paskallarsen.blogspot.com/2022/04/la-victime-designee-de-maurizio-lucidi.html

(2): Chronique de Il Gatto Dagli Occhi Di Giada ici : https://paskallarsen.blogspot.com/2022/01/il-gatto-dagli-occhi-di-giada-de.html

https://rockprogressifitalien.blogspot.com/

http://www.camionblanc.com/detail-livre-giallo-rosso-le-rock-progressif-italien-fait-son-cinema-1534.php








samedi 10 septembre 2022

TAXI GIRL "Paris" (Virgin France) – 1984


MES DISQUES A EMPORTER SUR UNE ILE DÉSERTE: Chronique n°28

Je suis à mon 28ème disque culte (et oui mon sac devient lourd) et je me rends compte qu'il n'y a que le premier album de Miss Kittin & The Hacker. Ce qui est injuste, vu la qualité de bons disques côté rock indé, électro et chansons stylées. Pour réparer ce manque, je poursuit ma sélection avec, non pas avec un album, mais avec le single et EP Paris du groupe Taxi Girl, devenu duo depuis Quelqu'un comme toi (1983). J’aurais pu prendre le single et EP avec le tube Cherchez le garçon sortie en 1980, un titre indémodable, surtout pour les 35-60 ans qui aiment danser sur ce morceau à chaque occasion festive, mais voilà, j’ai une affection toute particulière pour Paris. Notamment pour le phrasé parlé nonchalant, teinté de rap old school du « beau gosse » Daniel Darc qui signe son nom sous Vivianne Vog et la mélodie pop synthétique, sous un rythme dub concocté par Mirwais. Et surtout ces paroles qui restent accrochés aux lèvres, comme le baisé désiré et langoureux envers son être aimé :

Eh mec! , c'est Paris.
Tu m'entends ?
P-A-R-I-S, Paris.
Respires le bon air,
Mais fais gaffe quand même.
Tous les jours des mômes meurent
D'en avoir respiré un peu trop.
Alors fais attention et
Marches dans les rues, vas au hasard.
A n'importe quel coin de n'importe quelle rue,
Tu rencontreras n'importe quel type qui te proposera n'importe quoi.
Diamant, si tu en mets,
Mais prends-les dans tes mains
Et jettes-les par terre.
Tu verras,

Ils se brisent comme du verre.
C'est Paris.
A Paris, rien n'est pareil.
Tout a tellement changé,
Que ce n'est même plus une ville,
C'est juste une grande poubelle.
Et la poubelle est pleine depuis si longtemps,
Qu'il n'y a plus de place pour nos déchets à nous.
C'est Paris,
Et à Paris y'a rien à faire.
Juste marcher dans les rues.
Marcher dans les rues pendant qu'il fait jour,
Et attendre.
Attendre qu'il fasse un peu plus chaud,
Qu'il fasse un peu d'amour.
P-A-R-I-S, Paris.
On ne sait pas ce qu'on attend.

Mais ça n'a pas d'importance,
Parce que ça ne viendra pas.
C'est Paris 1984.
Hin ! belle année
Nos parents ? nos parents veulent l'Espagne.
Et qu'est-ce qu'il nous reste à nous ? le Liban ?
Oh, fait trop chaud là-bas.
Remarque, ici, il fait un peu froid.
Mais ça, aucun radiateur au monde n'y peut rien.
Il fait froid dans nos têtes,
C'est pas Tokyo, Londres ou New York ou Amsterdam,
Non, non, c'est Paris.
Et à Paris y'a rien à faire
Paris,
Ville de nos rêves.
La poubelle est pleine depuis si longtemps,

Qu'il n'y a plus de place pour nos déchets à nous.
Il reste rien à faire, juste marcher dans les rues.
Marcher dans les rues et attendre,
Qu'il fasse un peu plus chaud,
Qu'il fasse un peu plus jour,
Qu'il fasse un peu d'amour.
Oh, Paris, ville de nos rêves.
Que dira-tu demain quand tu seras seule, pourrie
Et ruines un peu partout ?
Tu sais comment j'écris ton nom ?
P-A-R-I-S.
Hé ! mec !
Mec, comment t'épelles Paris ?
Paris ? P-A-R-I-S.
Non, non, non, non, non,
Paris, ça s'épelle M-E-R-D-E.

Tu sais, tu devrais trouver quelqu'un
Qui remplisse ton cœur d'amour, ou de calmant.
Enfin de quelque chose
Parce qu'on arrive par erreur, par hasard,
Et trop tard.
Et la poubelle est pleine depuis si longtemps,
Qu'il n'y a plus de place pour nos déchets à nous.
C'est Paris.
Paris, ville de nos rêves.
Et à Paris y'a rien à faire,
Juste marcher dans les rues.
P-A-R-I-S.
Alors marche, et attends...
Attends...attends....

 

Quel beau texte ! En 1984, année de la sortie du morceau, je n’habite pas encore à Paris. J’habite un petit village dans les Cotes d’Armor en Bretagne. Mais mon départ pour la capitale approche avec en mars 1985, mon service militaire à Taverny en banlieue parisienne. Le morceau Paris à droit à un clip qui passe à la télé dans les émissions rock, tels que Les Enfants du rock et Platine 45 sur Antenne 2 et peut-être sur Décibels qui apparait en 1985 sur FR3. Certes Paris n’a pas eu le même succès de vente de disques que Cherchez le garçon (1980) et Aussi belle qu’une balle (1986), mais il a bien fonctionné sur les pistes de danse. Car sous un texte sombre, désenchanté qui parle de la drogue, de l’errance dans les rues grises de la capitale (comme la face réaliste du morceau pop ligne claire d'Allo le monde du groupe Ici Paris), la musique est quant à elle bien pop, lumineuse et entrainante. Quand Daniel Darc épèle les lettres de P-A-R-I-S, c’est juste trippant, surtout quand Paris devient M-E-R-D-E. C’est tellement trippant, qu’en 2022, Paris est encore plus crade que dans les années 80, avec aujourd’hui ses masques qui trainent sur les trottoirs, alors que les poubelles sont vides, que les trottinettes sont posées (jetées ?) ici et là au grès des destinations. De toute façon les emplacements pour trottinettes deviennent rapidement des tas à ferrailles, car dès un malheureux coup de vent, ils tombent par terre. Bon, je m’égare…, revenons à Paris, titre d’un excellent morceau de Taxi Girl. La version EP, permet d’avoir en face A, le morceau Paris sur 5.10mn au lieu des 4.30mn du single et en face B, la version dub également plus longue que sur le single et en bonus la version remix. Ce format club donne un plus au morceau, avec ses rajouts instrumentaux très clubbing. C’est un petit plus, pour prolonger le plaisir d’écouter Paris, ici, là ou ailleurs ! A oui, pour clore cette petit chronique, la photo de la pochette est signé Youri Lenquette, qui a fait partie du mensuel rock Best.


L’ami Viviane Morrison (ex Heliogable, ex MESSIN 3) et spécialiste du cinéaste Marcel Carné (1906-1996), a mis en ligne un enregistrement d’un concert de Taxi Girl, place de la Bastille, le 21 juin 1984 sur le podium de Radio 7 dans le cadre de la Fête de la musique et diffusé en direct sur Radio 7. Daniel Darc et Mirwais sont accompagnés d’Olive de Lili Drop et de Philippe Le Mongne (Taxi Girl, Lizzy Mercier Descloux, Bandolero, Juliette et les Indépendants) à la basse. La tracklist contient deux reprises, Knocking’ On Heaven’s Door de Bob Dylan, Be Bop a Lula de Gene Vincent et le morceau Paris dans une version punk étonnante qui déchire grave ! Rien que pour ce moment live, merci à Jack Lang d’avoir créé la Fête de la musique ! Cette version live est digne d’une performance de Suicide, feu Alan Vega et Martin Rev, toujours debout.