Andrew Fletcher co-fondateur
avec Vince Clarke du groupe new wave et synth pop Depeche Mode, vient
de nous quitter le 26 mai 2022, à seulement 60 ans. Si Vince Clarke quitte le groupe dès
la sortie en 1981 du premier album Speak
& Spell, pour créer le duo Yahoo, Andrew Flecher est
resté fidèle à Depeche Mode et ses compères Martin L. Gore et Dave
Gahan. Moins médiatique que Dave et Martin, Andrew
Fletcher était malgré tout une figure importante de Depeche Mode et
créateur d’un son synthétique tant détesté par les amateurs de guitares qui
envoient des riffs saignants. Avec la disparition de Andrew Fletcher, c’est
une partie des années 80 qui s’éteint pour toujours.
Le compositeur américain
Philip Glass fait partie des grandes figures de la musique minimaliste
(terme que Glass désapprouve), répétitive (terme qu’il approuve), contemporaine,
au côté de, Steve Reich, La Monte Young, Terry Riley, John
Adams, Michael Nyman et Rhys Chatham. Il s’est fait connaitre du
« grand » public avec sa partition pour le spectacle d’opéra/danse Einstein On The Beach mis en scène et
dirigé en 1976 (notamment au festival d’Avignon) par Robert Wilson, avec
au premier plan sur la scène, la danseuse et chorégraphe Lucinda Child.
Pour percer une partie du talent musical de Philip Glass, il est
conseillé d’avoir vu, vécu une fois dans sa vie, cet opéra qui dure 5 heures,
avec un dispositif qui permet aux spectateurs de bouger quand ils le désirent.
Ce spectacle est un « trip » sensoriel et visuel unique et génial à
tous les niveaux (mise en scène/narration, danse, musique, lumière). Dans un
style musical similaire, en 1978 Philip Glass compose la pièce Dance pour prolonger la collaboration
avec Lucinda Child, puis en 1982 les thèmes DancePieces pour les spectacles In
The Upper Room du chorégraphe Twyla Tharp et Glasspieces pour le chorégraphe Jerome Robbins.
Autre partition importante
dans la carrière de Glass, c’est The
Photographer qui englobe une pièce de théâtre musical, un concert et un
ballet. Ce spectacle crée en 1982 a été mis en scène par Rob Malash et Philip
Glass. A noter que David Byrne (ex Talking Heads) est
remercié dans les crédits. Autre pierre angulaire dans la montagne d’œuvres
réalisées par Glass, ce sont ses albums solos au piano, dont Solo Piano publié en 1989 est une pure
merveille. Enfin à noter que Philip Glass c’est frotté au monde du rock,
en produisant les deux premiers albums du groupe new-yorkais Polyrock.
Dommage que ce groupe n’ai pas eu de succès, car leur musique art rock et new
wave est de bonne qualité. Ce sera la seule incursion du compositeur avec le
rock. Du moins dans le sens musical avec un groupe. Car Philip Glass, avec l’accord de David Bowie et Brian Eno a réinterprété les
instrumentaux des albums Low, Heroes et Lodger dont il n’a conservé que les textes des chansons. David
Byrne, Laurie Anderson, Susanne Vega et Paul Simon ont
également écrit les textes des chansons de l’album Songs From Liquid Days (1986), mais curieusement ce ne sont pas eux
qui les interprètent. Glass a également écrit le morceau Streets Of Berlin pour Mick Jagger
et vingt-deux pièces de musique pour Leonard Cohen récitant les poèmes
extrait du Book Of Longing. Toutes
ses données "pop rock" sont extraites du chapitre Pop du livre de Sylvain Fanet.
La musique de Philip
Glass est minimaliste et répétitive, ce qui fera ricaner ses détracteurs
amateurs de musiques classique et contemporaine (du moins au début des années
70), jugeant que Philip Glass est limité du point de vue technique.
C’est le même syndrome que dans l’art contemporain, où là aussi les détracteurs
ont tendance à dire « c’est nul, moi aussi je peux le faire ». Quant
aux musiciens qui se sont frottés à interpréter une des œuvres de Glass,
ils se sont vite rendu compte que c’est loin d’être simple, car il faut y mette
beaucoup de sensibilité, de passion et d’âme pour entrer dans ses notes entêtantes,
proche de la musique indienne, nommé le raga, style de musique que Philip Glass a découvert avec Ravi Shankar (1920-2012), devenu son ami.
On arrive à notre sujet, le
livre Philip Glass, Accords &
désaccords écrit par Sylvain Fanet, qui a entre autre écrit le livre
Standing On A Beach consacré à la
musique new wave, avec la sélection de 100 disques essentiels. Écrire un livre
de 266 pages sur un artiste qui a une carrière aussi longue (des années 60 à
aujourd’hui) et divers (de l'expérimental, du contemporain, du classique -musique de chambre, concertos, symphonies, opéras- au cinéma avec des B.O. qui couvrent des
films d’auteurs, de genres -Candyman-
des blockbusters -Les 4 fantastiques-)
est surement un casse-tête, ainsi il est préférable d’avoir un angle de vision,
une structure narrative pour arriver au bout du long chemin et avoir des
raccourcis pour mener à bien le travail éditorial.Dans l’introduction, l’auteur nous indique :
"Plutôt qu’une narration biographique, cet
ouvrage privilégie une approche plus segmentée, avec douze chapitres
thématiques, qui se veulent autant d’entrées dans le monde de Glass, sans souci
d’ordre chronologique." (Page 12). Les titres des chapitres sont : Apprentissage,
Piano, Avant-garde, la trilogie Qatsy (films réalisés par Godfrey Reggio),
Music For Films, New York, Einstein On TheBeach, Pop, Harmonie, Minimalisme,
Ensemble, Glass et 33 œuvres sont passés à la loupe sous la forme de chroniques.
Comme écrit plus haut, il est impossible de tout raconter sur Philip Glass
en 266 pages, mais un petit chapitre sur le Kronos Quartet aurait été
intéressant à lire, car parmi tous les compositeurs et groupes qui ont
interprétés du Glass, le Kronos Quartet a une place à part. Ainsi
pas étonnant qu’ils aient collaborés avec Glass pour la musique du ciné
concert de Dracula, le film de Tod
Browning avec Bela Lugosi.
Comme il n’y a pas d’ordre
chronologique, sauf pour le premier chapitre titré Apprentissage, le lecteur
peut lire le livre selon ses sujets de préférences. Pour ma part, j’ai commencé
par Pop, suivit de Music For Films, l’excellent chapitre
sur l’opéra Einstein On The Beach et
ainsi de suite… L’ensemble est rédigé d’une façon fluide et érudite, voir
ludique. De par les témoignages piochés ici et là (livres, articles, notes de
disques, le documentaire Glass: A Portrait Of Philip In Twelve Parts…) de Glass et des proches, on apprend de nombreuses choses sur
la carrière, et l’homme. Il a notamment été pendant 10 ans
chauffeur de taxi à New-York, même après le succès d’Einstein On The Beach en 1976, qui n’est pas rentré dans les frais,
malgré que toutes les représentations fussent complètes. Toujours à New York, dans le livre on apprend que Moondog (1916-1999) a vécu pendant un ans chez Philip Glass. On ne va pas dévoiler
ici tout ce que contient ce livre, pour ne pas enlever les surprises qui attendent le lecteur au fil des chapitres, lus dans le désordre ou pas. Ce qui est clair, la lecture
de ce livre donne envie d’écouter ou réécouter la musique de Philip Glass.