vendredi 25 mars 2022

LOOP "Sonancy" (Reactor) – 25 mars 2022

Formé en 1985, le groupe Loop a publié entre 1987 et 1989 trois albums essentiels, du moins pour les amateurs de psyché noise parfumé de fuzz, de wah-wah, de vocoder, de LSD, de troboscope et de fumigène à faire pleurer les yeux. Parmi leurs nombreux EP, notons le 3 titres Black Sun avec en face B la magnifique reprise de Can, Mother Sky, qui a permis à l’époque (1988) pour de nombreux jeunes de découvrir ce groupe culte du krautrock. Dans l'indie rock psyché, Loop est un groupe aussi important que Spacemen 3 et The Telescopes avec lequel ils ont fait en 1988 un split 7’ en flexi-disc pour le fanzine Sowing Seeds. En 1991 Loop jette l’éponge, laissant sur le bas-côté quelques fans, dont votre serviteur et l’ami Phil Spear. On gardera dans nos mémoires leur première partie du groupe glam Jane’s Addition le 9 octobre 1990 à l’Elysée Montmartre à Paris. On était une petite cinquantaine de personnes venues exclusivement pour eux (rien à battre des bâtards de Jane’s Addition !). Pendant 30 minutes, on a été noyé dans des fumigènes. Sisters Of Mercy en live à côté, ce sont des enfants de cœurs. En 2013, Loop se reforme pour quelques concerts. Ils feront une halte le 7 juin 2014 (avec Slowdive) au festival Villette Sonique. Autant dire qu’ils étaient revenus aux affaires pour un concert mémorable, avec là un peu moins de fumigène. On a pu voir les cheveux court et grisonnant de Robert Hampson. A noter que suite au split du groupe, Robert Hampson n’a pas chômé, il a publié de nombreux albums solo dans le registre, musique ambient, concrète, minimaliste, parsemé de drones avec peu ou pas de guitares fuzz et psychédéliques. Pour cette série de concerts avec dans la formation, deux membres originaux, Loop enregistre en 2015 un nouvel album titré Array 1 soit 24 ans après A Gilded Eternity.

Magnifique pochette de l’EP "Black Sun" (1988)

On pensait l’affaire Loop classé une fois pour toute et voilà qu’un nouvel album arrive par surprise. De plus, par rapport à Array 1, cet album titré Sonancy a 10 morceaux et non pas quatre, avec un qui dure plus de 17 minutes. On est ici dans un format plus pop, avec des titres de 4 minutes en moyenne et non pas des morceaux à rallonge remplis de larsen. Dans Loop 2022, il ne reste que le leader Robert Hampson de la formation original. Il est entouré du bassiste H.O. Morgan (de The Heads), du guitariste Dan Boyd présent depuis la tournée 2017, du batteur Wayne Maskell (également de The Heads) présent depuis la tournée 2013. Il est clair que ses tournées ont permis à cette nouvelle formation de bien s’apprivoiser et devenir un bloc compact rodé à point. Cela se ressent sur les nouveaux morceaux, notamment sur Halo et Fermion qui ont toutes les qualités sonores des premiers albums. Les amateurs de psyché noise, avec ses effets de fuzz, de wah-wah, de larsens brumeux, de voix sous vocoder, tout en gardant une trame pop sans tomber dans l’expérimental avec une note coincé sur la pédale d’effet, en auront ici pour leur argent. On est dans l’esprit des premiers albums de Black Angels, qui ont repris en 2005 le relais du style psyché, jusqu’à enclencher en 2008 le festival Austin Psych Fest, devenue Levitation. Comme il se doit, rendons à césar ce qui lui appartient,  Loop a joué en 2014 à ce festival d’Austin, ainsi qu’à la déclinaison française de l’édition Levitation France à Angers en septembre 2014. Bref, ce Sonancy est une belle surprise qui s’écoute avec beaucoup de plaisir. Les fans de la première heure ne seront pas déçu. Pour clore la chronique, notons que l’album est publié sur Reactor, label que Loop a créé en 2008 pour rééditer ses albums et publier ses nouvelles compos.

https://loopbandofficial.bandcamp.com/

https://soundheads.org/

https://www.facebook.com/loopbandofficial/






jeudi 24 mars 2022

ROKUROKUBI : Le Rigoletto le 23 mars 2022 à Paris

Quand l’ami Skalpel m’a annoncé que le groupe Rokurokubi passait en concert à Paris, mon palpite s’est accéléré. Je les ai ratés lors de leur précédent passage à Paris, le 15 février 2020 à L’International, car le même soir j’étais au concert de The Raincoats à Beaubourg. Autant dire que je m’en suis mordu les doigts, car depuis, les deux albums, Saturn In Pisces (2019) et Iris, Flower of Violence (2021) ont tourné généreusement sur ma platine disque. Iris, Flower of Violence est n°3 de mon TOP 25 de 2021. Pour en savoir plus sur ce groupe anglais d’acid folk, je vous dirige vers mes deux chroniques d’albums (1) (2).


Qu’importe que Rokurokubi joue dans la petite cave d’un rade de quartier, avec en première partie un groupe français (Electric Spanish), un chanteur français (Pasta Grows On Trees), ce qui veut dire que le concert finira tard, - égale pas top en milieu de semaine quand le lendemain on a un RDV à 8h30 à l’autre bout de Paris-, rien ne peut entraver mon enthousiasme. Évidemment, pour mettre un peu de piment, la soirée commence avec une heure de retard. En attendant, on boit des verres entre potes, non loin de la table où sont installés les quatre membres de Rokurokubi, plus la fille du merchandising. Ils sont repérables avec leurs tenues de Pierrot lunaire prêt à nous faire trois tours de magie, pour sortir un lapin rose du chapeau bleu. Comme Paris est la première date de leur tournée européenne, ils n’ont pas encore les heures de routes passées dans leur mini bus à récupérer, on sent qu'ils ont la forme.

Electric Spanish ouvre la soirée avec une musique classic rock (et non pas art rock comme écrit sur le flyer) avec quelques effets de psyché et de surf music. Mais au bout de 15 minutes, les solos de guitare à la Jeff Beck, finissent par fatiguer les oreilles. A 22h15 c’est au tour de Pasta Grows On Trees de nous casser les oreilles avec son style Les Bodin’s chantent du Philippe Katherine de troisième zone, à peine digne d’être écouté après une soirée trop arrosée. Bref on est bien loin du style psyché promis sur le flyer. Mais pourquoi avoir programmer ce type avant Rokurokubi ?


Si on aurait préféré voir Rokurokubi dans un lieu plus cosy pour mieux coller à leur musique acid folk parfois intimiste (le FGO Barbara aurait été top, avec en première partie le groupe Parisien d'acid folk, Anandammide), force est de reconnaitre que le son de la cave et le jeu de lumière sont corrects. Bref, après avoir installé leurs instruments, les quatre membres de Rokurokubi sont en place pour commencer le concert. Il est 23h15, on est près depuis 20h30 pour les applaudir comme il se doit. Et bien notre attente va être récompensée avec une belle prestation de 60 minutes, remplies d’intensité et d’émotion. Ils vont interpréter 11 morceaux puisés dans les deux albums et des nouveaux titres qui présagent un magnifique 3ème album. Au centre de la scène, la frêle enfant Rose Dutton en impose avec sa voix d’ange bénie des Dieux. Entre comptine et envolée celtique, Rose chante avec une grâce sans limite. A côté d’elle, son compagnon Edmond Lloyd-Winder est sous l’emprise du feu de ses guitares qu’il enflamme avec des riffs acid et psyché à faire monter le mercure. Là une clarinette ou une flûte, vient se poser avec délicatesse. 


De temps à autre, Edmond nous fait quelques petites grimaces, comme s’il était possédé par un diablotin venu voir ce qui se passe dans cette petite cave non voutée. A côté du couple, il y a une batteuse et un bassiste qui renforce l’hypnose live, comme si on était dans un club de Londres ou de San Francisco en plein "Summer of love" de l’année 1969. Sur scène, leur musique est à la fois électrique et folk. On passe par de nombreux états sonores qui installent une atmosphère à l'orée des seventies, mais sans copier les ainés, car Rokurokubi à suffisamment de talent et de charisme pour créer son propre paradis sur terre, alors que des bombes tombent sur nos voisins ukrainiens. Le groupe est à l’aise sur scène. Tout s’enchaine avec style en alternant électricité et méditation. Comme me l’a dit David Sphaeros du groupe Aqua Nebula Oscillator a la sortie du concert : "Ce groupe a tout compris. Son mode vie, sa musique, son look, sa prestation scénique, tout est parfait." David, qui vit dans une cave du 15ème siècle, sait de quoi il parle. Faire de sa musique, son mode de vie, cela demande une passion sans limite. Rokurokubi fait partie de cette fratrie d'artistes. C’est clair, ce groupe à les épaules d’un grand groupe qu’on va garder pour soi, qu’on va écouter avec ses amis. Ce petit trésor doit rester notre jardin secret !

Photos @ Paskal Larsen

Setlist du concert au Rigoletto le 23 mars 2022 à Paris

Rokurokubi est actuellement en tournée avec plusieurs dates françaises. C’est vivement conseillé de ne pas les rater !


(1): Chronique de l’album Saturn In Pisces ici : https://paskallarsen.blogspot.com/2020/08/rokorokubi-saturn-in-pisces-time-spun.html

(2): Chronique de l’album Iris, Flower of Violence ici : https://paskallarsen.blogspot.com/2021/07/rokurokubi-iris-flower-of-violence-time.html

https://timespunrecords.bandcamp.com/album/iris-flower-of-violence

https://www.facebook.com/rokurokubimusic/