D’entré de jeu, soyons clair, la musique du trio
japonais -de Tokyo- Kuunatic est complètement perchée ! Ce qui est
une qualité, car avec toute la musique qui nous entoure (des nouveaux artistes aux
classiques incontournables, réédités en coffret de luxe), pas facile pour un
jeune groupe de sortir du lot. Pour Kuunatic, pas de souci, leur musique
sort du lot et n’entre dans aucune case, qu’elle soit carrée ou ovale.
Formé en 2017, Kuunatic est composé
de Fumie Kikuchi aux claviers, Yuko Arako à la batterie, et de Shoko
Yoshida à la basse. En plus, les trois musiciennes chantent en japonais et
en anglais. Dans la maison de poupées de Kuunatic,
il y a une pléthore de styles, qui, une fois passé sous le hachoir/broyeur des
trois maitresses, donne un O.V.N.I sonore où l’on perçois de la musique
psychédélique, cosmique, trance chamanique, noise, rituel, déviant,
expérimental, doom, surréaliste, festive. Chez elles le moderne copule avec le
traditionnel japonais sans aucune pudeur. Tout le monde à poil ! En
seulement huit morceaux, le trio « da-da-da » Kuunatic nous fait voyager dans un bordel sonore où la
contemplation est exclue. Quand on écoute leur musique, on est automatiquement
acteur, car elle vous percute le cerveau et les sens. Avec ce
premier album, il est clair, qu’ Kuunatic
ne prend pas de gants avec le public, c’est un coup le poing direct, à prendre
(quand on est ouvert) ou à laisser (ce qui serait bien dommage). Le 4ème
morceau de l’album a pour titre Full Moon
Spree (Virée de pleine lune). Ce programme résume bien l’atmosphère de cet
album hors norme. Ne zappez pas cette invitation !
J’ai découverts le jeune groupe parisien Alvilda en août dernier, lors de la
sortie de leur premier EP 4 titres Négatif
(1). Ce disque a été immédiatement un coup de cœur, car leur style de musique
power/noisy pop, avec une touche yéyé garage, le tout avec des textes en
français est d’une efficacité redoutable. En seulement quatre morceaux, le
groupe réussi à emballer et à ficeler l’amateur du "forma" girls group en mode power
pop. Sous le charme de leur musique, j’ai voulu en savoir plus sur elles. Nina (chant et guitare), Mel (guitare), Eva (basse) et Sandra
(batterie) ont répondu à mes questions envoyées par mail. Merci Alvilda !
Comment vous
êtes-vous rencontré et qu’est-ce qui vous a motivé à créer le groupe ?
Nina : On a d’abord eu l’idée de faire
un groupe Eva et moi. On est amies
depuis longtemps et en plus on a exactement les mêmes goûts musicaux ! J’avais
commencé la guitare pas très longtemps avant et on a commencé dès que j’ai
réussi à plaquer mon premier accord (autant dire que les débuts n’étaient pas
fous haha). On a demandé à Sandra
pour la batterie, je la connaissais de soirées et de concerts depuis quelques
temps et je l’ai toujours trouvée très fun, alors quand j’ai entendu qu’elle
faisait de la batterie j’ai voulu que ce soit elle ! Vu mon niveau de guitare
on s’est rapidement rendues compte qu’une deuxième guitare, ce serait vraiment
un plus. On a proposé à Mel que je
connaissais depuis moins longtemps mais qui était déjà devenu une amie très
proche !
Vous avez joué dans d’autres groupes
avant de former Alvilda ? Si oui, les noms et quel style de musique ?
Nina : J’ai chanté dans un groupe de
punk quand j’avais 16, 17ans qui s’appelait RU486. Ensuite j’ai fait un groupe de Power violence à la basse
avec mon frère, on s’appelait Social
Traitre mais on a fini le groupe avant d’avoir pu enregistrer. Je joue de
la basse avec mes meilleurs potes dans Bromure,
un groupe de Oi !, depuis 2016.
Eva : Je fais des groupes depuis que je
suis ado mais rien de très sérieux. Depuis 2017 je joue la basse dans Squelette, un groupe de Oi !, qui
fait partie de la même bande de potes que Bromure
le groupe de Nina.
Sandra : J’ai déjà tenté des trucs
avec des potes, toujours dans la veine punk, rock, pop, et en ce moment je joue
avec d’autres copines, on verra ce que ça donne !
Vous jouez de la musique depuis
toute gamine ? Vous pouvez en quelque mot chacune vous présenter ?
Nina : J’ai commencé le piano quand
j’avais 9 ans, il en reste pas grand-chose aujourd’hui mais ça m’a permis
d’apprendre la musique. Mon père est guitariste et je chantais souvent avec lui
depuis gamine. Je lui ai demandé une basse à 11 ans parce que j’étais amoureuse
de Sid Vicious. Je me suis mise
tardivement à la guitare qui est, au final, mon instrument de prédilection. Je
pense que je ne me sentais pas légitime à en jouer, vu que mon père et mon
frère en faisaient déjà.
Mel : A la base je voulais à tout prix
jouer de la batterie mais ma mère trouvait ça super bruyant elle m’a payé une
guitare à la place. J’avais 16 ans. Maintenant quand je vois mon sens du rythme,
je me dis que j’ai bien fait de me mettre à la guitare finalement. J’ai passé
pas mal d’années à jouer sur des folks, du coup j’ai un jeu assez mélodique et
nuancé, qui se prête bien à Alvilda.
Eva : Je joue la basse depuis que j’ai
12 ans, j’ai grandi en Espagne et fait quelques groupes là-bas. Quand je suis
arrivée à Paris en 2012 mon intention n’était pas de refaire de la musique tout
de suite, mais le fait de rencontrer des gens avec les mêmes goûts musicaux que
moi m’a redonné envie de jouer.
Sandra : Gamine, j’ai fait quelques
années de piano. J’aimais plutôt bien, mais ma prof était très stricte, j’y
allais de plus en plus à reculons et j’ai fini par arrêter ! Bien plus tard, je
me suis très vite essayée à la guitare mais ce n’était pas du tout pour moi,
pas assez de patience avec les cordes (et pourtant, je pourrais collectionner
des guitares et pédales tellement je trouve ça beau) ! Et la batterie m’a
toujours fait de l’œil, mais je n’osais peut-être pas me lancer. Et il y a
quelques petites années, j’ai eu la chance d’avoir la batterie de mon frère à
dispo, j’ai demandé à un pote de me donner quelques cours (merci Pech !) et j’ai commencé à jouer
avec des copines. Et ça a vraiment été une révélation !
Pourquoi le nom Alvilda pour le
groupe ?
Mel :C’était une des toutes
premières idées, qui venait de Nina.
On a essayé de chercher d’autres noms, mais on est toujours revenues à celui-ci
! Alvilda était une princesse
scandinave du Vème siècle. Afin de fuir un mariage forcé, elle est devenue
capitaine d’un bateau de pirates composé d’un équipage entièrement féminin !
Vous venez de publier un 45 tours
sur le label allemand Alien Snatch.
C’est le label qui vous a contacté ? Pas de label français intéressé par votre
musique ?
Nina : On avait fait une petite
liste de labels qui nous plaisaient et c’est le tout premier auquel on a écrit.
Le lendemain matin, il nous a répondu qu’il était intéressé et qu’il souhaitait
sortir notre EP. On était super contentes ! En effet, Alien Snatch a sorti des groupes qu’on adore comme les Number Ones, TV Crime, Protokids, Pale Lips, Hex Dispensers. On s’est posé la question des labels français, mais
Alien Snatch, notre premier choix, a
répondu positivement et on a foncé.
Le 45 tours à pour titre Négatif. Pourtant votre style musical
est très positive car elle est fun, ensoleillée. Faut-il prendre ce mot au
premier degré ou c’est un pied de nez à votre style joyeux ?
Nina : Négatif est un des morceaux de l’EP, et c’est aussi le tout premier
morceau d’Alvilda. En effet, notre
musique est plutôt fraîche, mais justement, elle permet aussi de s’exprimer sur
des sujets, avec humour, qui ne le sont pas forcément !
C’est, je trouve très cool de votre
part d’avoir choisie de chanter en français, ce qui n’est pas courant dans le
style pop rock garage qui privilégie l’anglais. Ce choix était évident ? Qui écrit
les textes ? Quels sont les thèmes qui vous inspirent ?
Nina : Ce choix s’est fait assez
naturellement. Au départ on n’avait pas vraiment de choix arrêté, un de nos
morceaux (Vortex) était d’ailleurs en
anglais, mais comme tous les autres sont venus naturellement en français, on
l’a finalement réécrit. Grâce au français on peut s’exprimer plus honnêtement. J’ai
écrit Négatif par rapport à mon
compte en banque (haha). Après ce morceau, on a écrit tous les textes à deux
avec Eva. En général on se retrouve
chez Eva, j’arrive avec une idée de
quelque chose dont j’aimerais parler et on écrit ensemble. On rigole beaucoup
quand on écrit nos textes. Les thèmes sont vraiment classiques mais on essaye
toujours de les aborder de façon drôle.
Avec ce 45 tours que je trouve
fabuleux pour débuter votre carrière, l’attente d’un long format est une
torture. Un album est prévu prochainement ? Ou vous allez faire avant d’autres
45 tours ? A ce jour, vous avez combien de morceaux finis ?
On est en train de travailler pour un album. Quand on a
signé avec Alien Snatch, le deal
c’était qu’il nous sorte le 45 tours et qu’on prépare un album juste après. En
effet, les 45 tours sont un peu un pari pour les labels et reviennent
relativement cher, et au final, 1 mois et demi après sa sortie, notre 45 tours
est déjà sold out. On espère pouvoir enregistrer au milieu de l’année prochaine
si tout va bien, pour l’instant on a 4 nouveaux morceaux finis, et pas mal de
compos sur lesquelles on est en train de bosser.
Est-ce que vous faites des reprises
? Si oui de qui ? Si oui, allez-vous les enregistrer ou juste les garder pour
les concerts ?
Non, pas de reprise… On voulait en faire mais on n’est pas
tombées d’accord (haha). Pour l’instant, on se concentre sur nos compos, mais
on ne laisse pas tomber l’idée complètement !
Pour les anciens qui ont connu le
label New Rose et son catalogue exigent, quand on écoute vos chansons, on ne
peut s’empêcher de penser au groupe Les Calamités. C’est un groupe que vous
revendiquez, ou c’est un hasard de style ?
Nina : C’est marrant que tout le monde
nous compare aux Calamités parce que
je ne connaissais pas avant et pour être honnête, je ne suis pas très fan (haha)
donc s’est absolument pas une référence pour mes compos. Aujourd’hui j’ai quand
même appris à aimer deux morceaux, contrairement aux filles qui aiment
beaucoup. Tant que cette comparaison est un compliment, ça me va !
Mel : J’ai découvert Les Calamités quand on a commencé à
nous en parler. Je ne trouve pas la ressemblance flagrante, mais j’adore leur
musique. Je trouve ça bien plus pop que nous !
Qu’est-ce que vous écoutez comme
musique ? Vos artistes/albums de chevet, qui vous ont donné envie d’être active
dans la musique, de jouer d’un instrument ?
Nina : Aujourd’hui principalement de la
power pop, du Punk 77. J’aime aussi le punk hardcore, le r’n’b, et ancienne
skin que je suis, la Oi ! aura toujours une place dans mon cœur (haha).
Disque de chevet super dur à choisir, mais ces temps-ci j’écoute beaucoup les amis
Enamorados de Barcelone, je me remets
toujours pas du groupe The Whiffs
énorme claque, Tough Shits de
Philadelphie que j’ai vu jouer à New York avant la pandémie. En toutes
circonstances j’adore leur disque Burning
in Paradise. Bon et allez en gros classique je rajoute l’album Blue for You de Status Quo pour le soleil et le pep’s. Je pense que c’est mon père
qui m’a donné envie de jouer d'un instrument et après lui les Sex pistols !
Mel : J’ai commencé à jouer de la
guitare avec le répertoire de Metallica.
Je suis toujours très fan mais en ce moment je pourrais citer l’album Nightmare Logic de Power Trip que j’écoute presque quotidiennement, Ummon de Slift, groupe de métal français incroyable et puis grosse influence
pour les harmonies et aussi meilleur album de tous les temps : Pet Sounds des Beach Boys.
Eva : Comme Nina je suis à fond dans le punk / power pop (même si je
n’abandonne pas les autres styles que j'aime comme le r&b des années 60 et
la Oi !). En ce moment, sur ma platine il y a l’album de The Jolt, évidemment et pour toujours
les premiers The Jam et aussi
l’album de The Crack incroyablement
tubesque !
Sandra : J’écoute beaucoup de garage,
punk, power pop et j’affectionne de façon générale les années 60 et 70.Mais j’aime aussi beaucoup le métal, le hardcore
ou même la new wave. Si je devais retenir un seul album, ce serait impossible
bien sûr, mais disons que ça pourrait être Forever
Changes de Love. Et un groupe en
général, les Beatles !
Photo @ Isabel Cortés
Votre style musical est à la fois
garage et pop-yéyé. Vos morceaux pourraient passer à la radio style RTL, Europe
1, comme dans les années 80 quand on entendant Taxi Girl (Cherchez le Garçon, PARIS),
Lili Drop (Sur ma mob), Edith Nylon (Edith Nylon), Elli & Jacno (Main dans la main), Niagara (l’Amour à la plage), Les Civil (La Crise). Avez-vous un chemin de route
pour faire connaître votre musique au plus grand nombre ? Si le succès
arrivait, comme pour La Femme, est-ce que vous seriez prêtes ?
Nina : Je pense qu’on a encore du
boulot, notamment du point de vue scénique, mais c’est cool parce qu’on a
beaucoup de concerts de prévus donc on va avoir l’occas’ de pratiquer ! Perso,
je suis au chômage alors je suis dispo à 100% pour le succès (haha).
Mel : Si effectivement le succès
arrive, je suis déjà hyper prête pour la tournée US et Japon.
Sandra : Ouais ?!
Comment voyez-vous la scène rock
française actuelle ? Vous avez des affinités avec d’autres groupes/scènes ?
Nina : Les Lullies.
Mel : Je suis hyper fière de la scène
rock française en ce moment. Il se passe pleins de choses, pleins de filles
montent sur scène et créent des groupes. Notamment grâce à l’initiative de Vic (Mary Bell) et Julie (Bitpart) qui ont créé les ateliers des Zikettes. J’ai hâte de voir ce que ça va
donner dans quelques années !
Eva : Je suis trop fan de l'album qu'ont
sorti les Pogy et le Kéfars, ça
présage des belles années dans la scène française j'espère !
Sandra : Je pense que la scène rock
française est vraiment riche, il y a toujours des nouveaux projets cools qui
naissent, et dans différents styles ! Voici quelques groupes que j’aime
beaucoup : Slift, Fotomatic, Bogan, les Scaners, Litige, Cuir,Cobra, Les Tigres du Futur, Mary Bell, Youth Avoiders, Pogy et les
Kéfars et j’ai découvert Kael il
y a peu, et je suis vraiment fan ! Et il y en a tant d’autres (allez, je
rajoute Taulard avec qui on a joué
il y a peu, c’était mortel) ! Et puis, il y a de plus en plus de filles qui
jouent et ça c’est super. J’en profite pour saluer sincèrement l’audace de Victoria et Julie d’avoir créé l’Atelier
des Zikettes qui permet à beaucoup de meufs de se lancer ! Un très
grand bravo !
J’imagine que le groupe ne vous
permet pas de vivre financièrement. Quel est votre activité ? Votre travail a
un lien avec la musique ?
Nina : A côté du Rock, je fais de la
photographie. (2)
Mel : Je suis tatoueuse, ça n’a pas
vraiment de lien mais ça me permet d’être super disponible pour faire de la
musique avec les filles. (3)
Eva :Je suis vétérinaire.
Sandra : Je travaille dans l’édition
de livres (fabrication et maquette).
Quels sont les projets pour 2022 ?
Nina : Plein de concerts et un album !
Mel : On est en train de travailler sur
l’album, il va être super.
S’il y a autre chose à rajouter, un
message à faire passer à nos lecteurs c’est ici !
Mel : Venez nous voir en concert ! (NDLR: Prochains concerts, les 4 et 26 novembre 2021 à L'International à Paris 11ème)
Sandra : Bisous !
Photo @ Lulu Marck
Tous les visuels qui illustrent l'interview proviennent du Facebook d'Alvilda, que j'ai honteusement téléchargé sans demander l'autorisation.